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mardi 3 août 2010

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Lu dans Le Monde daté du 4 août 2010, p. 7 :



Et c'est là qu'on se dit que, décidément, il y a, de la part de bon nombre de journalistes, et non des moindres - Le Monde passant pour être le nec plus ultra de la presse quotidienne française, en tout cas auprès d'une certaine intelligentsia, mais bon ! -, de bonnes habitudes qui se perdent, à moins qu'il ne s'agisse de mauvaises habitudes qui tendent à s'incruster.

Résumons :

1. L'article de Benjamin Barthe est rangé dans la rubrique International & Europe, sous-rubrique Israël.

2. La mairie de Jérusalem autorise la construction de nouveaux logements dans une colonie juive... en plein coeur de la partie arabe de la ville.

3. Cette décision intervient alors que la communauté internationale presse l'Autorité palestinienne de reprendre les négociations directes avec Israël...

4. Contrairement au premier ministre israélien, qui s'attend à une reprise rapide des négociations directes, Mahmoud Abbas "persiste à exiger que "l'Etat juif" suspende au préalable la colonisation en Cisjordanie..., mais aussi à Jérusalem.

Et c'est là que l'on se perd en conjectures.

Nous sommes donc (1) en Israël, où la municipalité (israélienne, donc) de Jérusalem (2), autorise la construction de nouveaux logements. Où ? Dans une colonie...

Comment ça dans une colonie ? Une colonie en Israël ? C'est absurde ! Ah, pardon, j'avais mal lu : dans la partie arabe de la ville. Donc, en dehors du territoire israélien, s'il s'agit de la partie arabe annexée en 1967 par le corps expéditionnaire israélien. Nous ne sommes donc pas en Israël, contrairement à ce que la sous-rubrique "Israël" nous le suggérait.

Cette poursuite de l'annexion des territoires palestiniens intervient alors même (3) que la communauté internationale presse Mahmoud Abbas d'aller à Canossa. Enfin, c'est tout comme. Oui mais, la communauté internationale !, quelle communauté internationale ? En quelle circonstance a-t-on vu la communauté internationale adresser aux Palestiniens l'injonction de reprendre des négociations directes avec l'occupant de leur territoire ? Suffit-il que (guère plus de) deux ou trois politiciens américains ou occidentaux invitent Mahmoud Abbas à "collaborer" avec l'occupant israélien pour qu'il s'agisse de la voix de la communauté internationale ?

Quant à ce "alors que" (cette décision intervient alors que la communauté internationale...), le journaliste du Monde, dans sa précipitation, n'oublie-t-il pas quelques éléments en route, je veux parler de la flopée de résolutions onusiennes toujours en cours de validité, enjoignant Israël de libérer les territoires palestiniens qu'il occupe, et ce, sans condition ?

N'est-il pas étrange que le journaliste du Monde privilégie des injonctions informelles adressées officieusement par tel ou tel politicien occidental à Mahmoud Abbas - lequel, soit dit en passant, ne détient aucun mandat pour liquider la terre de Palestine au profit de l'occupant israélien ! - à des résolutions, elles, tout à fait officielles, émises dans le cadre tout à fait solennel du Conseil de Sécurité de l'ONU ?

Comment expliquer une telle amnésie du journaliste du Monde ?

Quant à l'affirmation (4) selon laquelle "Mahmoud Abbas persiste à exiger que l'Etat juif...", nous savons bien qu'il n'y a pas que Mahmoud Abbas qui formule cette exigence du droit international. Mais, par ailleurs, on aimerait connaître la formulation exacte du propos des responsables palestiniens ; en clair, il faudrait s'assurer que notre journaliste rend parfaitement compte de ce qui se dit : car il est peu probable que Abbas voie dans Israël un Etat juif, et il n'y a pas que lui, d'ailleurs, dès lors qu'Israël est loin de n'être peuplé que de Juifs. Que des extrémistes veuillent faire d'Israël une théocratie, nous ne le savons que trop, mais qu'un observateur extérieur, de surcroît, un journaliste, donc quelqu'un d'instruit, supposons-nous, s'évertue à reprendre à son compte la loggorhée des extrémistes juifs israéliens est plus que navrant !

Bref, M. Benjamin Barthe nous livre là un papier mal foutu, mal écrit, qu'un bon élève de la Troisième des collèges n'aurait pas pondu ! Et des papiers comme celui-là, on en lit à peu près tous les jours. Hélas !

Quant au quotidien de référence de l'intelligentsia française, souhaitons-lui de se reprendre rapidement, lui et ses confrères. Je crois savoir que la presse française serait en train de perdre des lecteurs. Et je ne suis pas certain qu'Internet soit responsable de tout ! Lassé de se laisser raconter n'importe quoi, le lecteur exigeant finit par aller chercher fortune ailleurs, ce qui est de plus en plus souvent mon cas, et je ne dois pas être le seul...