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mardi 1 mai 2012

Nicolas S.: une certaine idée de la décadence française


L'hebdomadaire Marianne, en son numéro 784 du 28 avril 2012, offrait à ses lecteurs cette Une :


La honte de la  Vème République ? Je ne suis pas d'accord ! Présenter cet homme comme étant la honte de la Vème République relève, selon moi, d'une vision à courte focale. On peut ne pas aimer l'encore président de la République française, on ne peut pas considérer qu'il soit la quintessence de l'immoralité en politique. Ce serait là une approche purement conjoncturocratique, pour oser un barbarisme.

Je m'explique : depuis 2007, combien y a-t-il eu d'opposants politiques étrangers réfugiés en France et ayant disparu mystérieusement sans laisser de traces ? Combien d'attentats fomentés dans un pays ami, contre une organisation pacifiste, avec mort d'homme à la clé ? Combien d'écoutes téléphoniques extra-judiciaires organisées par et pilotées depuis l'Elysée ? Combien de dignitaires du régime retrouvés morts dans les circonstances les plus scabreuses ? Combien de familles morganatiques (extra-conjugales) vivant aux frais de la République avec la bénédiction de l'Elysée ? Etc. La liste n'est pas exhaustive.

Mehdi Ben Barka était un syndicaliste marocain réfractaire au régime d'Hassan II, et qui disparut mystérieusement en plein Paris, sans qu'on le revoie depuis. L'association pacifiste et écologiste Greenpeace a été l'objet d'un attentat meurtrier visant son navire amiral, le Rainbow Warrior, dans le port d'Auckland, en Nouvelle-Zélande. Les barbouzes responsables de l'attentat, qui a coûté la vie à un photographe, étaient françaises. Des écoutes téléphoniques ordonnées par et pilotées depuis l'Elysée ont bel et bien eu lieu, dans le but de protéger un secret sévèrement gardé, concernant l'existence d'une famille morganatique et d'une fille adultérine dont le père n'était autre qu'un président en exercice. Des dignitaires du régime morts de façon bien mystérieuse ? On pourrait citer  les ministres ou ex-ministres Joseph Fontanet et Robert Boulin, sans oublier François de Grossouvre, mort en plein palais de l'Elysée, ni le premier ministre en exercice, Pierre Bérégovoy, mort par suicide (?) un premier mai.

Tout ça s'est produit avant le mois de mai 2007. Et le moins qu'on puisse dire est que la France en a collectionnées, des barbouzadirses, depuis l'instauration de cette république, dite Cinquième, qui la fait tellement ressembler à ces républiques bananières, sucrières, cuivrières et militaires  sudaméricaines qui lui ont servi de modèle.

Un demi-siècle de barbouzardises en tous genres, couvertes voire initiées par le pouvoir. Et je n'ai même pas évoqué la Françafrique, avec tous ces dictateurs installés et protégés par la France, et ce, bien avant les indépendances, quand on pense, par exemple, à l'éradication de quasiment toute la génération des démocrates camerounais, vers la fin des années cinquante, de manière à assurer au futur dictateur Ahidjo et à son successeur un véritable boulevard (deux dirigeants en une soixantaine d'années !), le tout moyennant la destruction d'une partie de la forêt camerounaise à coups de bombes au napalm - expérimentées au Cameroun bien avant leur usage massif par les Américains au Vietnam !

Alors, quelle que soit mon aversion pour l'encore président de la République française, et n'en déplaise à l'hebdomadaire Marianne, moi j'aurais opté pour le titre : "La Vème République de la honte", en clair, pour une approche plutôt structurelle, ou structuraliste voire structuralisante (structure plutôt que conjoncture) du problème. En d'autres termes, j'aimerais que l'on cesse de toujours prendre les cas particuliers pour de la généralité au lieu de faire l'inverse : aller du général pour comprendre le particulier.

Il se trouve simplement que la France est le pays européen totalisant probablement le plus de condamnations émanant des juridictions communautaires, et vraissemblablement autant de condamnations que tous les autres pays de l'Union Européenne réunis. 

Et cela s'explique aisément, et c'est en cela que des analyses comme celle évoquée plus haut s'avèrent assez ineptes : la France étant le seul régime bonapartiste de toute l'Europe communautaire, un pseudo-alliage entre présidentialisme et parlementarisme, alors qu'il n'est ni l'un, ni l'autre ! De fait, dans un régime bâti sur le pouvoir d'un seul, qui n'a autour de lui que des comparses et des larbins, qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'un pouvoir qui sent qu'il n'a pas de limites aille toujours plus loin dans l'outrance ? Ce qui fait qu'un jour, on annonce, sans que personne dans votre entourage ne vous invite à la prudence, que l'on va supprimer le juge d'instruction. Cela ne s'est pas fait mais c'était bien dans les plans. Et puis, une autre fois, on annonce, sans que personne dans votre entourage ne vous mette en garde contre ce retour en arrière plutôt mal venu, que le président de la République allait de nouveau nommer qui il voudrait à la tête de l'audiovisuel public. Une autre fois, parce qu'on l'a décidé, on va entreprendre de démantibuler la carte judiciaire sans la moindre concertation, et puis l'on va fermer des casernes militaires, au grand dam des municipalités brusquement privées de précieux revenus, et puis l'on va décider de pratiquer des coupes sombres dans les effectifs de l'Education nationale, de la gendarmerie, de la police, etc., le tout avec l'assentiment béat de toute une clique de larbins qu'on appelle des députés. Je passe sur la quasi-nomination du fils du "roi de France" à la tête d'un important organisme public, alors même qu'il y avait plus qualifié que lui pour le poste. Et seul le tohu-bohu médiatique contribuera à mettre fin à la pantalonnade. 

Et puis, un jour, on décide d'embarquer la France dans une campagne d'agression militaire, une de plus, en Afrique.

Et là, on se dit qu'il va se trouver quelqu'un pour dire : "Halte là ; on est encore impliqué dans le bourbier afghan ; ce n'est pas le moment d'en rajouter !". Même pas ! "Et la Gauche !", va-t-on me demander. La Gauche ? Quelle Gauche ?


Parce que, le problème de cette république barbouzarde, sortie du cerveau embrumé d'un général de brigade né au XIXème siècle, grand admirateur de Franco et de Juán Perón, c'est que la Gauche a fait mine de s'y opposer, juste pour la forme (cf. François Mitterrand, Le Coup d'État permanent), mais qu'au fond, elle l'a toujours cautionnée, et ça fait plus d'un demi-siècle qu'elle la cautionne. 

Et l'on a vu Mitterrand, le socialiste, auteur du Coup d'État permanent, se vautrer à son tour dans l'autocratie et  s'embourber dans la Françafrique, allant jusqu'à s'acoquiner avec les futurs génocidaires rwandais. Et c'est lui qui était aux commandes lors de l'affaire Greenpeace. C'est encore lui qui fit vivre clandestinement sa seconde famille aux frais du contribuable, allant jusqu'à faire installer un système d'écoutes sauvages en plein palais de l'Elysée, ce palais qui sera le théâtre du suicide de l'ami de toujours, François de Grossouvre...

Alors, quand on entend un apparatchik socialiste promis aux plus hautes fonctions claironner : "Le changement, c'est maintenant !", on a envie de lui demander : "Ah bon ? Seulement maintenant ? D'accord, et puis après ?".