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mardi 18 février 2014

Quand la France renoue avec des moeurs pétainisantes, voici Le Canard Enchaîné jouant les auxiliaires de police


La Une du Canard Enchaîné du 12 février 2014


Il faut croire que le pouvoir socialiste est dans une merde noire pour que le Canard Enchaîné se croie ainsi obligé de voler à son secours dans la persécution d'un modeste saltimbanque, et ce, de numéro en numéro ! Par parenthèse, cet hebdomadaire semble avoir mis du temps pour découvrir l'existence de Dieudonné, jamais évoqué auparavant dans la rubrique "Spectacles" du canard. Mais bon, on me fera remarquer que je ne suis probablement pas un lecteur assidu de ce journal.

Toujours est-il que, dans un précédent numéro du Canard, on nous avait expliqué qu'il "blanchissait" de l'argent via des virements vers le Cameroun, le pays de son père, comme s'il était interdit à un Français vivant, par exemple, aux Etats-Unis, d'investir de l'argent en... France !

Tout et n'importe quoi !, ont dû penser les lecteurs du Canard. Lequel a dû en remettre une couche, face au fiasco de l'épisode précédent.

Toujours est-il que tout le monde voit, gros comme une maison, les énormes ficelles de la manip, le fameux journal ne fournissant à ses lecteurs que des documents - s'ils sont authentiques - dont l'expéditeur est on ne peut plus facile à identifier : l'appareil d'Etat français. Fichtre ! Pour agir ainsi, quasiment à visage découvert, il faut vraiment que le pouvoir socialiste soit dans une merde noire !

Quant au Canard Enchaîné, décidément, il n'a pas de chance, puisque l'Internet nous permet désormais de recouper les informations - ce qui aurait été plus difficile en des temps anciens - et de découvrir, par exemple, ce scoop :

Titre : Quand Hollande alimentait le Canard Enchaîné.

Rachid Kasri, chauffeur et garde du corps de François Hollande, époque PS et rue de Solférino, raconte sa relation avec le président de la République dans le numéro 8 de la revue Charles. "C'était un bon patron. Chaque jour j'étais content d'aller bosser", explique-t-il avant de raconter que le chef de l'Etat dévorait la presse chaque matin. Une presse - notamment le Canard enchaîné - que le premier secrétaire du PS alimentait lui-même. "À une époque, j’allais directement le chercher au Canard enchaîné le mardi, il n’attendait pas la sortie en kiosque. Bien sûr, il alimentait Le Canard. On était proches de Didier Hassoux (Journaliste au Canard enchaîné depuis 2006 et en charge du suivi du Parti socialiste – NDLR)", raconte Rachid Kasri à Charles. 

Source 01 - Source 02      


Et voilà le travail !

Un journal qui renvoie l'ascenseur à un de ses "collaborateurs", c'est ce qui s'appelle un échange de bons procédés, n'est-il pas ?

Vous voulez mon avis ?

Il faut vraiment que le pouvoir socialiste et ses courroies de transmission dans la presse soient dans une merde noire pour ignorer, par exemple, que le Canard Enchaîné est un journal surtout lu par des retraités et des seniors, certainement pas par les fans de Dieudonné, lesquels ne risquent pas d'être déstabilisés par cette assez misérable tentative de diabolisation.

Par parenthèse, l'ex-premier secrétaire du parti socialiste semble avoir eu une brillante carrière d'"informateur", ainsi qu'il ressort d'un papier lu récemment sur Boulevard Voltaire sous le titre : "Quand François Hollande se faisait passer pour un dirigeant de droite"... 

À mourir de rire !






lundi 10 février 2014

Quand la France renoue avec des moeurs pétainisantes, heureusement qu'il y a encore des Plantu pour défendre la liberté d'expression


Plantu est un grand dessinateur de presse français, bien connu des lecteurs du Monde, et qu'il m'est déjà arrivé d'égratigner ici pour une planche de dessins - voire plusieurs - que j'avais trouvés particulièrement tendancieux à l'égard de l'Islam, moi qui ne suis pas musulman. 

Mais il arrive aussi à Plantu de pointer son nez à la télévision pour défendre des principes, notamment celui - constitutionnel voire supra-constitutionnel car relevant de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme - de la liberté de chacun d'exprimer publiquement ses opinions. C'est ce qui lui a valu de croiser le fer, il y a peu, avec un défenseur particulièrement agité, voire hystérique, de la censure d'un saltimbanque par le sinistre français de l'Intérieur.

Vous avez compris qu'il était question de la liberté de créateur du saltimbanque qu'est Dieudonné. Et à l'inverse de tant de "bonnes âmes", de celles qui vous disent : "je suis pour la liberté d'expression, mais là...", se ralliant au parti de la censure, à l'inverse de ce que d'autres ont fait quand un certain Pétain dirigeait la France, Plantu, lui, a campé sur ses positions, lui qui représente une des professions les plus censurées des temps anciens et actuels, celle de dessinateur et de caricaturiste de presse. Et, en cela, notre dessinateur n'a fait qu'observer une règle fondamentale : on ne transige pas avec les (grands) principes. Là où tant de pseudo démocrates ont choisi de se coucher, Plantu a décidé de rester debout, et pour ça, il a droit à tout notre respect.

Cela nous a valu un mano a mano haut en couleurs, entre le dessinateur, calme, placide, voire phlegmatique, qui écoutait tranquillement son contradicteur, et ce phraséologue agité, au visage secoué de tics, et abonné à tous les médias audiovisuels qu'est Alain Finkielkraut, un débat dont les captures d'écran qui suivent rendent moyennement compte.

Pour être honnête, j'estime que Finkielkraut aurait pu exceller dans le mimodrame cher à feu Marcel Marceau, ou encore dans le rôle de doublure de Luís de Funès, avec ses rictus, ses mimiques, son agitation permanente des bras, cette main qui se plaque sur la bouche et la triture dans tous les sens, tandis que l'autre main pianote rageusement sur la table, ces jambes qui s'agitent nerveusement. Bref, un moment d'une intense hilarité.

















Vidéo

dimanche 19 janvier 2014

La censure au théâtre : il n'y a pas que la France ! France rediscovering the "Ancien Régime"


Pauvre France... toute honte bue !


Des flics obstruant l'entrée d'un théâtre, à Paris... La dernière fois que la chose s'est produite, en France, c'était quand déjà ? 1940 ? 1941 ? 1942 ? 1943 ? 1944 ?


Quand la France renoue avec l'Ancien Régime (1)...
Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu. .. Être gouverné, c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! (Pierre-Joseph ProudhonIdée générale de la Révolution au 19e siècle, , éd. Garnier frères, 1851, Épilogue, p. 341
On devrait bannir absolument de la scène tout ce qui peut nous rappeler nos anciennes erreurs. Que des pièces républicaines forment seules le répertoire de nos théâtres, que les marquis cèdent la place aux patriotes. Brûlons, s'il le faut, les chefs-d'oeuvre des Molière, des Regnard, etc. ; les arts y perdront quelque chose, mais à coup sûr les moeurs y gagneront. D'ailleurs, cette disette ne saurait être trop longue ; le génie de la Liberté inspirera les muses françaises, et les poètes républicains nous feront bientôt oublier les poètes courtisans. (Rapport de police, 18 septembre 1793, in Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, Éd. Alphonse Picard, 1910)
On donnait hier à ce spectacle (Théâtre de la République) la pièce tant connue de Robert, chef de brigands. On peut dire qu'il n'en existe point dont l'esprit soit plus conforme à notre situation politique actuelle ; elle respire la vertu, mais une vertu vraiment révolutionnaire et digne des fondateurs de Rome. (...) Je n'étais environné que d'impudents ennemis, non seulement des dernières révolutions, mais de toute révolution : même empressement qu'au Français, et même mauvaise foi à saisir toute allusion favorable à la bassesse et à l'iniquité de leurs sentiments ; le ton léger et railleur des acteurs, toutes les fois qu'ils rasaient quelque idée révolutionnaire, ne donnait pas meilleure opinion d'eux que des spectateurs ; le titre glorieux et sacré de citoyen ne leur servait qu'à renforcer le comique d'une position ; et cet abus d'un nom si respectable est d'autant moins pardonnable qu'ils le commettaient dans une pièce dont le sujet et les détails sont de beaucoup antérieurs à l'époque où la Nation française s'en est revêtue ; c'était donc un pur jeu de ces Messieurs, qui, au lieu d'employer cette dénomination à élever l'âme des spectateurs, ne cherchaient qu'à le rendre vile à leurs yeux, pour les dégrader eux-mêmes ; mais ils savaient bien devant qui ils représentaient. 
Il suit donc de mon rapport, Citoyen Ministre, qu'il y a des théâtres utiles et d'autres nuisibles. Il faut traiter les uns à l'égal de l'aristocratie, et encourager les autres comme on encourage le patriotisme. Au reste. il est un reproche commun à tous les spectacles : c'est qu'il n'en est presque point où il ne se joue des pièces qui ne sont que la dégoûtante peinture de la corruption et de la légèreté enfantées par le despotisme ; et celles mêmes à qui l'on ne peut faire cette objection contiennent toujours quelque trait, quelque expression qui peut sortir innocente de la bouche d'un acteur, mais qui, dans les circonstances où nous sommes, n'entre jamais dans l'oreille du spectateur. Je propose donc, Citoyen Ministre, que toute pièce qui doit être présentée au peuple, les anciennes encore plus que les nouvelles, soit soumise à la censure d'un certain nombre de patriotes purs, éclairés aussi, mais fermes surtout. (Rapport de police, 8 septembre 1793)

Much ado for nothing, aurait dit quelqu'un. Beaucoup de bruit, pour rien, vraiment ?

Pour la première fois, depuis longtemps, dans un pays présumé démocratique, en tout cas, pour la première fois en France, depuis Pétain et l'Occupation hitlérienne, un homme de théâtre se trouve en butte avec les sbires de la censure officielle. Et les rats, hyènes, charognards et autres corbeaux de monter au créneau : il faut interdire ! hurlaient les uns ;  il a dépassé les bornes !, vociféraient les autres.

Lui, c'est Dieudonné, de son nom de scène, son nom de citoyen étant Dieudonné M'bala M'bala, comme il y avait Voltaire et François-Marie Arouet, Molière et Jean-Baptiste Poquelin, Bourvil et André Raimbourg, Jean Gabin et  Jean-Alexis Gabin Moncorgé, Fernandel et Fernand-Joseph Désiré Contandin, Charlot et Charles Chaplin, le mime Marceau et Marcel Marceau, etc., le tout pour bien marquer la distance existant entre le clown ou le saltimbanque sur scène, d'une part, et son alter ego à la ville, d'autre part. 

Il faut croire que nombreux sont ceux qui n'ont toujours pas perçu la nuance entre Raimu et Jules-Auguste Muraire !

J'avoue qu'à entendre les hyènes et les corbeaux hurler : "Dieudonné a dérapé !", "Dieudonné dépasse les bornes !", "Dieudonné est antisémite !", etc., je ne peux m'empêcher de me poser la question : "Mais de qui est-ce qu'ils parlent ?".


SL.- Ce coquin de Juif a éveillé par ses cris le duc, qui est venu avec lui faire la recherche du vaisseau de B.

SR.- Il est venu trop tard. L'ancre était levée ; mais on a donné à entendre au duc, qu'on avait vu dans une gondole Lorenzo et sa tendre J. D'ailleurs A. a certifié au duc qu'ils n'étaient pas dans le même vaisseau que B.

SL.- Jamais je n'ai entendu d'exclamations de colère si confuses, si bizarres, si violentes et changeant si continuellement d'objet, que celles que ce chien de Juif proférait dans les rues : «Ma fille ! ô mes ducats ! ô ma fille ! Un chrétien les emporte. O mes chrétiens de ducats ! Justice ! la loi ! Mes ducats et ma fille ! Un sac cacheté, deux sacs cachetés de ducats, de doubles ducats, que ma fille m'a volés ! Et des bijoux ! deux pierres, deux pierres rares et précieuses, que ma fille m'a volées ! Justice ! Qu'on trouve ma fille ; elle a sur elle les pierres et les ducats.»


La censure au théâtre ? Ce qui suit est un petit aperçu tiré d'une rapide recherche documentaire sur l'Internet :  il m'a suffi de taper "théâtre, censure".

  • Descriptif d'un cours de culture littéraire à Science Po :
Si le théâtre est une monstration du monde, une de ses démonstrations, pourquoi, parfois, a-t-on cherché à en cacher certains espaces ? Y-aurait-il finalement quelque chose d'important, d'essentiel au factice ? Jouer le crime ou la débauche serait-il en fait les justifier ? C'est en partant d'une anthologie des origines à aujourd'hui de pièces de théâtre qui furent ou qui sont censurées que nous essayeront de comprendre les liens qui unissent ou désunissent le théâtre au pouvoir politique, religieux et social. Au fur et à mesure du travail, nous serons obligés de réfléchir aux enjeux du théâtre, nous référant alors à l'ouvrage de Nietzsche, La Naissance de la tragédie. Toutes ces notions nous mèneront à ce travail qui est de savoir comment peut-on, comment doit-on jouer le choquant. Faut-il se choquer soi pour choquer l'autre ? C'est sur un espace scénique que nous tenterons de répondre à tout cela.
Lectures principales demandées 
La Naissance de la tragédie de Nietzsche
Les Bacchantes d'Euripide
Tartuffe de Molière
Le roi s'amuse de Victor Hugo
La ronde D'Arthur Schniltzer


L'objet de la censure se nomme Entre tes mains. Il s'agit d'une pièce de théâtre qui reprend les faits survenus lors de la prise d'otage du théâtre de la Doubrovka, à Moscou le 23 octobre 2002. On représentait la comédie musicale Nord-Est, lorsqu'un commando de terroristes tchétchènes fait irruption et prend les quelque 900 spectateurs en otage. 57 heures plus tard, les autorités russes décident d'envoyer les forces spéciales. Les terroristes sont tous tués mais le gaz utilisé lors de l'intervention tue aussi 130 civils.

La première de la pièce Entre tes mains s'est jouée le 5 avril, au Théâtre russe d'art dramatique de Makhatchkala, la capitale du Daghestan. Au premier rang les officiels dont Moukhou Aliev, le président du Daghestan mais aussi Magomed Souleïmanov, le Président du parlement, et quelques ministres. Toujours au premier rang, Natalia Pelevine, l'auteure de la pièce. « J'avais été obligée d'assister à la première assise au même rang que les personnalités invitées et j'avais vu monter leur mécontentement. Ces gens m'ont déçue. Si quelqu'un a cru voir dans ma pièce de la sympathie pour les extrémistes, c'est qu'il n'a vraiment rien compris. ».

Un prétexte pas très convaincant
Et la réponse des autorités ne s'est pas fait attendre. La pièce ne connaîtra pas d'autres représentations. La raison officielle est que Liouba Danilova, qui campe le rôle principal est « malade ». Pourtant l'auteure de la pièce déclare : « J'étais en train de bavarder avec Liouba quand j'ai soudain appris qu'elle était tombée gravement malade. C'était une absurdité totale, mais je m'y attendais ».

Susceptibilité froissée ?

Un étudiant qui a pu assister à la pièce, Mirza Moussaïev, a son propre avis sur cette réaction : « À mon avis, les autorités n'ont pas aimé que les preneurs d'otages ne soient pas montrés comme des monstres et des fanatiques abrutis. Les entendre crier Allah akhbar ! n'a pas dû leur plaire non plus. Et pourtant, qu'est-ce que vous voulez qu'ils crient ? Spartak champion ? Gloire à la Russie ? ». Il faut savoir qu'au Daghestan comme en Tchétchénie on est principalement musulman.

Des espions dans la salle...?
Pour d'autres, comme les membres de l'association Nord-Est (association créée pour les victimes et ceux ayant perdu un proche dans la prise d'otage relatée dans la pièce), il s'agirait d'une « injonction de Moscou ». « Le problème, je crois, c'est que la salle était pleine d'agents du FSB [le remplaçant du KGB, pour ceux qui ne suivraient pas]. Ils ont suivi la représentation le visage figé et, en sortant, ils sont sûrement allés faire leur rapport à leur hiérarchie. Alors, le pouvoir a tranché. Cinq ans et demi après la tragédie, il ne veut pas que la vérité sur Nord-Est résonne, où que ce soit ».

La pièce jouait à guichets fermés, et les spectateurs déçus qui n'auront pas assisté à la première devront se rabattre sur la farce de George Dandin ou le Mari confondu.



La censure théâtrale, qui est rétablie en France en 1850, après une courte période de liberté, se renforce très nettement sous le Second Empire, à Paris comme en province, selon un principe centralisateur très apparent. (...)

La censure est d’abord édictée par et pour Paris. À l’échelle de la province, ce sont les préfets qui se chargent d’appliquer dans leurs départements les directives émanant du comité de censure. En Seine-Inférieure, c’est le même homme, Ernest Leroy, qui siège à la préfecture de 1850 à 1870. Par ses fonctions, il se porte garant de la bonne marche des théâtres rouennais, et par conviction, il prend son rôle de censeur très à cœur.

Le caractère rigide et incontestable de la censure entraîne nécessairement l’appauvrissement du répertoire, en province comme dans la capitale. Et c’est sur ce parallèle entre les vies théâtrales rouennaise et parisienne qu’ont finalement porté principalement mes recherches. Au XIXe siècle, Rouen se présente en effet comme une ville dynamique, tant sur le plan économique que sur le plan artistique. Par ailleurs, sa tradition bourgeoise et conservatrice la conduit à accueillir très favorablement la politique impériale, y compris dans le domaine des arts. Cette ville offre par conséquent, à l’échelle de la province, un reflet assez fidèle de la politique culturelle parisienne.

Une censure édictée par Paris

À Paris, cinq censeurs, recrutés pour leurs bonnes mœurs plus que pour leurs compétences littéraires [1], exercent leur fonction sous la houlette du ministre de l’Intérieur. Ce dernier transmet les différentes instructions à suivre au préfet de chaque département.

La principale préoccupation des censeurs est de protéger l’image du pouvoir, de veiller au respect des bonnes mœurs et au maintien de l’ordre. Les critères d’appréciation sont donc nécessairement dépendants du contexte politique. Pour fonder leurs jugements, les censeurs s’appuient principalement sur la jurisprudence. Ils recherchent en effet une pièce similaire de près ou de loin à celle qu’ils examinent avant d’exprimer leur opinion [2]. Les décisions sont par conséquent délivrées de façon arbitraire, sans explication aucune. Et les pièces à succès des grands auteurs, comme Dumas ou Victor Hugo, sont bannies du répertoire [3].

Ernest Leroy, responsable de l’application de la censure sur les scènes rouennaises, se montre fort soucieux de respecter les ordres de ses supérieurs. Mais sa capacité d’initiative n’est pas négligeable, puisqu’il est parfaitement en droit de retrancher des pièces du répertoire des théâtres rouennais, si bon lui semble. Et il se montre particulièrement zélé dans cette entreprise. Pour ne prendre qu’un exemple : La Dame aux camélias, de Dumas fils, n’est pas interdite de façon rédhibitoire sous le Second Empire. Elle fait partie des « pièces recommandées à l’attention des préfets ». Cela signifie que le ministre se refuse à proscrire ces pièces, et qu’il appartient au préfet d’accorder ou non leurs représentations dans leur département. Cependant, Ernest Leroy rejette catégoriquement toutes les demandes des directeurs de théâtre relatives à cette pièce, qui ne sera jamais jouée à Rouen sous son mandat.

En 1865, E. Leroy interdit à deux reprises la venue d’Alexandre Dumas père en Seine-Inférieure. Ce dernier se proposait en effet de donner une causerie littéraire sur Pierre Corneille sur la scène du Cirque, ainsi qu’une conférence sur le théâtre dans la ville d’Elbeuf. Alexandre Dumas semble faire partie des bêtes noires du préfet, puisqu’il proscrit invariablement toute intervention de sa part, alors que certaines de ses pièces sont jouées à Paris. Le respect de Dumas à l’égard du pouvoir en place apparaît probablement insuffisant aux yeux de la préfecture pour tolérer sa venue.


L. - Eh ! vraiment, vous pourriez espérer un peu que ce n'est pas votre père qui vous a engendrée, que vous n'êtes pas la fille du Juif.

J. - C'est là, en effet, une sorte d'espérance bâtarde ; mais alors ce seraient les péchés de ma mère qui retomberaient sur moi.


L. - Alors, ma foi, j'ai grand'peur que vous ne soyez damnée de père et de mère ; ainsi en voulant éviter Scylla votre père, je tombe en Charybde votre mère. Allons, vous êtes perdue des deux côtés.

J. - Je serai sauvée par mon mari, qui m'a faite chrétienne.

L. - Vraiment, il n'en est que plus blâmable ; nous étions déjà bien assez de chrétiens ; tout autant qu'il en fallait pour pouvoir bien vivre les uns avec les autres. Cette fureur de faire des chrétiens haussera le prix des porcs ; si nous nous mettons tous à manger du porc, nous ne pourrons bientôt plus avoir une grillade sur les charbons pour notre argent.

(Entre Lz.)

J. -L., je vais conter à mon mari ce que vous me dites ; le voilà qui vient.


L.-Savez-vous, L., que je deviendrai bientôt jaloux de vous si vous attirez ainsi ma femme dans des coins ?

J. - Oh ! vous n'avez pas lieu de vous alarmer, Lz., L. et moi nous ne sommes pas bien ensemble. Il me dit tout net qu'il n'y a point de merci pour moi dans le ciel, parce que je suis la fille d'un Juif ; et il dit aussi que vous n'êtes pas un bon membre de la communauté, car, en convertissant les Juifs en chrétiens, vous faites augmenter le prix du porc.

La pièce de théâtre « 47 » censurée ?
Ce spectacle évoque la mémoire douloureuse de l’insurrection malgache contre la colonisation française, en 1947, et la répression qui l’a suivie.
La pièce de théâtre « 47 », créée le 19 septembre 2008 au Centre culturel français Albert Camus de Tananarive, à Madagascar, et présentée, peu après, au Festival des Francophonies de Limoges, puis en tournée en France, vient d’être retirée des propositions de programmation des centres culturels français de la zone de l’Océan indien. Ainsi en a décidé la Direction générale de la coopération internationale et du développement, du ministère français des Affaires étrangères et européennes.

Ce spectacle, oeuvre du metteur en scène Thierry Bedard et de l’écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana, évoque la mémoire douloureuse de l’insurrection malgache contre la colonisation française, en 1947, et la répression qui l’a suivie. Sans manichéisme, il aborde le silence qui pèse sur cette tragédie trop oubliée de l’histoire de la France et de Madagascar.

Soutenu dès l’origine par Culturesfrance, il avait reçu un avis favorable pour une tournée dans l’Océan indien.

L’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’Homme demande au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, de faire annuler cette décision politique et de rétablir la proposition aux centres culturels français d’accueillir ce spectacle.

La censure préalable des pièces de théâtre qui avait été abolie en 1791, fut rétablie par Napoléon Bonaparte. Elle restera globalement en vigueur jusqu’en 1904, sauf pendant les brèves périodes de conjoncture révolutionnaire : 1830, 1848, 1870. George Sand a toujours été surveillée par la censure, mais deux pièces ont particulièrement fait l’objet de ses attentions : Claudie en 1851, dont certaines phrases ont du être supprimées et d’autres modifiées, puis Mademoiselle La Quintinie en 1872, interdite pour anticléricalisme.

Dans le rapport de la censure Claudie était accusée de comporter "des passages où percent les tendances socialistes. Ces passages sont peu nombreux et portent principalement sur quelques généralités qui tendraient à opposer les pauvres, tels que Rémy et sa fille, à de mauvais riches tels que Ronciat."

George Sand écrivit alors à Bocage, metteur en scène de la pièce : "Si nous les brutalisons, ils en demanderont davantage ; que faire contre la stupidité qui a la force pour elle ? J’essaierai de filer doux sans platitude. […] Je crois que si j’étais là pour m’expliquer, ils n’oseraient pas être si bêtes, mais je n’ai guère envie de passer par leurs semonces personnellement. Il ne faut surtout pas faire de menaces […] Et d’ailleurs, ne savez-vous pas que c’est tout ce qu’ils désirent au monde, de me voir lancée dans la polémique ? Ma quiétude, mon indépendance, ma prudence, la possibilité que j’ai conservée au milieu de ces agitations politiques, de faire de l’art consciencieux et qui peut encore mettre le public de mon côté, voilà ce qui les blesse, […] ils enragent de ne pas pouvoir me mettre en cause, me condamner, me réduire au silence et m’envoyer en prison. Ils savent bien qu’avec la persécution et la colère on use le talent." George Sand à Bocage, 30 décembre 1850, Correspondance, t. IX, p. 895


LE DUC. -A. est-il ici ?

A.  - Prêt à paraître, dès qu'il plaira à Votre Altesse.

LE DUC. - J'en suis fâché pour toi. Tu as affaire à un adversaire dur comme la pierre, à un misérable tout à fait inhumain et incapable de pitié, et dont le coeur n'a pas un grain de sensibilité.

A. - Je sais que Votre Grâce a pris beaucoup de peine pour tâcher de modérer la rigueur de ses poursuites. Mais puisqu'il reste inexorable, et qu'il n'est aucun moyen légal de me soustraire à sa haine, j'oppose ma patience à sa fureur. Je suis armé de courage pour souffrir avec une âme tranquille la cruauté et la rage de la sienne.

LE DUC. - Allez et faites entrer le Juif dans la chambre.

Dans Le Dernier métro, Marion Steiner, poussée à bout, sollicite l'aide d'un certain colonel Dietrich, qui semble correspondre au profil de ces Allemands francophiles... Ceci dit, ce soutien n'est pas complètement désintéressé. Par ce pseudo-libéralisme, l'Occupant obtient ce qu'il cherche : le retour à une vie culturelle "normale" et donc un retour à l'ordre qui leur garantit une occupation "tranquille". Heller explique ainsi à ses supérieurs : "Vous ne comprenez pas qu'en interdisant, en internant, vous fabriquez des martyrs. Cela nuit à votre cause bien plus que l'activité des gens que vous frappez ainsi. Jamais vous n'obtiendrez de cette façon votre Europe nouvelle".
(...)
A ce mouvement de création, le public répond au-delà de toutes les espérances. Dans Le Dernier métro, il est précisé à juste titre que la fréquentation n'a pas faibli, même aux pires heures de l'Occupation. Les contemporains ont été frappés du phénomène. René Rocher, président du Comité du spectacle, affirme en 1944: "La prospérité actuelle du théâtre est miraculeuse : on peut jouer n'importe quoi, de n'importe qui, n'importe où et n'importe quand : le public se précipite en foule, tous les records sont battus". Même par rapport à l'avant-guerre, la progression est évidente : 220 millions de spectateurs dans les théâtres parisiens en 1938, 304 millions en 1943. Cette assiduité est d'autant plus remarquable que les conditions matérielles ne cessent de se dégrader : représentations interrompues par les coupures de courant ou les alertes aériennes, salles peu ou pas chauffées (lors de la représentation du "Soulier de satin", en 1943, les spectateurs, enfouis sous des couvertures, applaudissent avec les pieds...).
Cet engouement du public a été largement commenté : les spectateurs sont souvent jeunes et étouffent dans l'atmosphère morale pesante de Vichy. Ils sont notamment privés de toute la culture anglo-saxonne, très appréciée avant-guerre. Pour échapper à cette emprise, la jeunesse n'a d'autre choix que de profiter de toutes les occasions qu'on lui donne de "s'ouvrir l'esprit".
Beaucoup soulignent aussi que le théâtre est un moyen d'évasion : on peut y "quitter l'horreur du monde réel pour les rivages de l'imaginaire. D'évidence, on ne retrouve sur scène ni la Milice ni la Résistance"
(...)
On peut encore y voir un signe plus positif sur l'état de l'opinion sous l'Occupation. Globalement attentiste, elle ne se prive pas, dans l'espace protégé de la salle de spectacle, de manifester ses sentiments contre l'occupant ou les collaborateurs : le public siffle quand le prénom d'Adolphe est prononcé dans une pièce de Labiche, il reprend en choeur la "Marseillaise" à la fin du "Pasteur" de Guitry, il boude la pièce raciste de Laubreaux, il réagit aux répliques des "Mouches" ou d'"Antigone".

L. - Sûrement, ma conscience me permettra de fuir la maison de ce Juif, mon maître. Le diable est à mes trousses, et me tente en me disant : G., L., G., bon L., ou bon G., ou bon L. G., servez-vous de vos jambes ; prenez votre élan, et décampez. Ma conscience me dit : Non ; prends garde, honnête L. ; prends garde, honnête G. ; ou, comme je l'ai dit, honnête L. G., ne t'enfuis pas ; rejette la pensée de te fier à tes talons. Et là-dessus l'intrépide démon me presse de faire mon paquet : Allons, dit le diable ; hors d'ici, dit le diable ; par le ciel, arme-toi de courage, dit le diable, et sauve-toi. Alors ma conscience, se jetant dans les bras de mon coeur, me dit fort prudemment : Mon honnête ami L., toi, le fils d'un honnête homme, ou plutôt d'une honnête femme ; car, au fait, mon père eut sur son compte quelque chose ; il s'éleva à quelque chose ; il avait un certain arrière-goût... Bien, ma conscience me dit : L., ne bouge pas ; va-t'en, dit le diable ; ne bouge pas, dit ma conscience.-Et moi je dis : Ma conscience, votre conseil est bon ; je dis : Démon, votre conseil est bon. En me laissant gouverner par ma conscience, je resterais avec le Juif mon maître, qui, Dieu me pardonne, est une espèce de diable ; et en fuyant de chez le Juif, je me laisserais gouverner par le démon qui, sauf votre respect, est le diable en personne : sûrement le Juif est le diable même incarné ; et, en conscience, ma conscience n'est qu'une manière de conscience brutale, de venir me conseiller de rester avec le Juif. Allons, c'est le diable qui me donne un conseil d'ami ; je me sauverai, démon : mes talons sont à tes ordres ; je me sauverai.

Le théâtre et la parole sont redoutés par les pouvoirs publics. La scène s'adresse en partie à une population illettrée ; elle est aussi pour de nombreux spectateurs l'unique moyen d'information, voire de formation. Surveiller le contenu des ouvrages que les directeurs se proposent de jouer apparaît comme une précaution de maintien de l'ordre social et politique, tout en favorisant une éventuelle mission éducative. Pour ces raisons, les autorités ont installé un double contrôle, d'abord préventif sur les manuscrits, ensuite répressif sur les représentations qui n'a que rarement été remis en cause tout au long du XIXe siècle. (...)
Les dispositions réglementaires prises pendant le Consulat, l'ordonnance de 1824, l'instruction de 1842, les lois de 1850 et 1851 ont permis aux préfets d'examiner les pièces devant être représentées sur les scènes de leurs départements. Ils peuvent ainsi renforcer la censure parisienne en interdisant des ouvrages autorisés par le ministère de l'Intérieur. Le contrôle s'exerce donc de manière complémentaire entre la province et la capitale.


G. - O dur Juif, ce n'est pas sur le cuir de ton soulier ; c'est bien plutôt sur ton coeur que tu en affiles le tranchant ; il n'est point de métal, pas même la hache du bourreau, qui ait à moitié l'âpreté de ta jalouse haine. N'est-il pas une prière capable de te toucher ?

S. - Non, pas une seule que tu puisses avoir assez d'esprit pour imaginer.


G. - Puisses-tu être damné dans les enfers ; chien inexorable ! Puisse-t-on faire un crime à la justice de te laisser la vie ! Tu m'as presque fait chanceler dans ma foi : j'ai été tenté d'embrasser l'opinion de Pythagore et de croire avec lui que les âmes des animaux passent dans des corps humains. Ton âme canine animait un loup pendu pour meurtre d'homme ; et son odieux esprit échappé du gibet, lorsque tu étais dans le ventre de ta profane mère, entra dans ton corps. Tes désirs sont ceux d'un loup sanguinaire, affamé et furieux.


S. - Tant que tu n'effaceras pas la signature de ce billet, tu n'offenseras que tes poumons à parler si haut. Remets ton esprit dans son assiette, jeune homme, ou tu vas le perdre sans ressources. J'attends ici justice.



By the way : les passages colorés en violet sont extraits d'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature, que les forts en thème ont forcément reconnu. Quant aux autres : les hyènes, charognards et autres corbeaux, sans oublier certain Sinistre de l'Intérieur, je leur recommande de consulter une encyclopédie...

Pourquoi il est urgentissime de (re)lire Voltaire !


(1) Acception extensive du concept d'"ancien régime", l'expression correspondant, stricto sensu, à la période monarchique ayant précédé la Révolution française. Mais, comme chacun sait, la France a connu moult avatars entre l'instauration de la 1ère République, et le coup d'Etat bonapartiste ayant conduit à l'avènement de la dernière, dite Cinquième. On pourrait considérer, en voyant large, que l'Ancien Régime ne s'interrompt qu'avec la défaite d'Hitler en mai 1945, et encore !



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mercredi 1 janvier 2014

Quenelle dieudonnesque : ah les cons ! Quand le front populaire offrait les clés du pouvoir à Pétain...


La formule est fameuse et c'est Michel Audiard qui l'a mise dans la bouche d'un des personnages du film Les Tontons Flingueurs, mais elle reste d'actualité : 

"Les cons ça ose tout, et c'est même à ça qu'on les reconnaît."

La France serait-elle devenue un pays de cons ?

En tout cas, devant ce qui ressemble fort à une pétainisation des esprits (rappelons que c'est une assemblée majoritairement de Front populaire [les socialistes de l'époque] qui, en 1940, remit les clés du pouvoir au maréchal Pétain), j'ai eu comme une furieuse envie de me replonger dans quelques archives.

1920, création du N.S.D.A.P. (National Sozialistische Deutsche Arbeiter Partei : Parti Ouvrier National Socialiste Allemand). Pour mémoire, le NSDAP était bel et bien un parti SOCIALISTE !


Les 25 points du programme du NSDAP, 24 février 1920


« [...] Le programme du parti ouvrier allemand est un programme à terme. Lorsque les objectifs fixés seront atteints, les dirigeants n’en détermineront pas d’autres dans le seul but de permettre, par un maintien artificiel de l’insatisfaction des masses, la permanence du parti.

1. Nous demandons la constitution d’une Grande Allemagne, réunissant tous les Allemands sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

2. Nous demandons l’égalité des droits du peuple allemand au regard des autres nations, l’abrogation des traités de Versailles et de Saint-Germain.

3. Nous demandons de la terre et des colonies pour nourrir notre peuple et résorber notre surpopulation.

4. Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen.

5. Les non-citoyens ne peuvent vivre en Allemagne que comme hôtes, et doivent se soumettre à la juridiction sur les étrangers.

6. Le droit de fixer la direction et les lois de l’Etat est réservé aux seuls citoyens. Nous demandons donc que toute fonction publique, quelle qu’en soit la nature, ne puisse être tenue par des non citoyens. Nous combattons la pratique parlementaire, génératrice de corruption, d’attribution des postes par relations de Parti sans se soucier du caractère et des capacités.

7. Nous demandons que l’Etat s’engage à procurer à tous les citoyens des moyens d’existence. Si ce pays ne peut nourrir toute la population, les non citoyens devront être expulsés du Reich.

8. Il faut empêcher toute nouvelle immigration de non Allemands. Nous demandons que tous les non Allemands établis en Allemagne depuis le 2 août 1914 soient immédiatement contraints de quitter le Reich.

9. Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.

10. Le premier devoir de tout citoyen est de travailler, physiquement ou intellectuellement. L’activité de l’individu ne doit pas nuire aux intérêts de la collectivité, mais s’inscrire dans le cadre de celle-ci et pour le bien de tous. C’est pourquoi nous demandons :

11. La suppression du revenu des oisifs et de ceux qui ont la vie facile, la suppression de l’esclavage de l’intérêt.

12. Considérant les énormes sacrifices de sang et d’argent que toute guerre exige du peuple, l’enrichissement personnel par la guerre doit être stigmatisé comme un crime contre le peuple. Nous demandons donc la confiscation de tous les bénéfices de guerre, sans exception.

13. Nous demandons la nationalisation de toutes les entreprises appartenants aujourd’hui à des trusts.

14. Nous demandons la participation aux bénéfices des grandes entreprises.

15. Nous demandons une augmentation substantielle des pensions des retraités.

16. Nous exigeons la création et le maintien d'une classe moyenne saine, l'expropriation par les communes des grands magasins qui devront être loués à bas prix aux petits commerçants; que l'on tienne le plus grand compte des petits fournisseurs pour les commandes de l'Etat, des Etats et des Communes.

17. Nous demandons une réforme agraire adaptée à nos besoins nationaux, la promulgation d’une loi permettant l’expropriation, sans indemnité, de terrains à des fins d’utilité publique – la suppression de l’imposition sur les terrains et l’arrêt de toute spéculation foncière.

18. Nous demandons une lutte sans merci contre ceux qui, par leurs activités, nuisent à l’intérêt public. Criminels de droit commun, trafiquants, usuriers, etc... doivent être punis de mort, sans considération de confession ou de race.

19. Nous demandons qu’un droit public allemand soit substitué au Droit romain, serviteur d’une conception matérialiste du monde.

20. L’extension de notre infrastructure scolaire doit permettre à tous les Allemands bien doués et travailleurs l’accès à une éducation supérieure, et par là, à des postes de direction. [...] L’esprit national doit être inculqué à l’école dès l’âge de raison. [...] Nous demandons que l’Etat couvre les frais de l’instruction supérieure des enfants particulièrement doués de parents pauvres, quelle que soit la classe sociale ou la profession de ceux-ci.

21. L’Etat doit se préoccuper d’améliorer la santé publique par la protection de la mère et de l’enfant, l’interdiction du travail de l’enfant, l’introduction de moyens propres à développer les aptitudes physiques par l’obligation légale de pratiquer le sport et la gymnastique, et par un puissant soutien à toutes les associations s’occupant de l’éducation physique de la jeunesse.

22. Nous demandons la suppression de l’armée de mercenaires et la création d’une armée nationale.

23. [...] Pour permettre la création d’une presse allemande, nous demandons que : a) Tous les directeurs et collaborateurs de journaux paraissant en langue allemande soient des citoyens allemands. b) la diffusion des journaux non-allemands soit soumise à une autorisation expresse. Ces journaux ne peuvent être imprimés en langue allemande. [...] Les journaux qui vont à l’encontre de l’intérêt public doivent être interdits. Nous demandons que la loi combatte un enseignement littéraire et artistique générateur d’une désagrégation de notre vie nationale, et la fermeture des organisations contrevenant aux mesures ci-dessus. [...]

24. Nous demandons la liberté au sein de l'État de toutes les confessions religieuses, dans la mesure où elles ne mettent pas en danger son existence ou n'offensent pas le sentiment moral de la race germanique. Le Parti [...] combat l'esprit judéo-matérialiste à l'intérieur et à l'extérieur [...].
25. Pour mener tout cela à bien, nous demandons la création d'un pouvoir central puissant, l'autorité absolue du Comité politique sur l'ensemble du Reich et de ses organisations [...].
Les dirigeants du Parti promettent de tout mettre en œuvre pour la réalisation des points ci-dessus énumérés, en sacrifiant leur propre vie si besoin est. »

Münich, le 24 février 1920.

Quel rapport entre ce qui précède et Dieudonné ? 

C'est ce que nous verrons bientôt...

En attendant, offrons-nous une petite réflexion :

Le premier lien ci-dessous vous permettra de consulter des extraits d'un ouvrage fameux de l'essayiste allemand Sebastian Haffner, biographe de Hitler.

À propos d'une campagne de boycott entamée par l'Etat allemand à partir du 1er avril 1933 contre les intérêts juifs, Haffner écrit notamment ceci :


Mais ce qui était étrange et décourageant, c'est que, passé la frayeur initiale, cette première proclamation solennelle d'une détermination meurtrière nouvelle déchaîna dans toute l'Allemagne une vague de discussions et de débats non pas sur la question de l'antisémitisme, mais sur la « question juive ». Un truc que les nazis ont employé depuis avec succès dans nombre d'autres « questions », et à l'échelle internationale : en menaçant de mort un pays, un peuple, un groupe humain, ils ont fait en sorte que son droit à l'existence, et non le leur, fût soudain discuté par tous - autrement dit, mis en question.
(...) Or, plus personne ou presque ne doute aujourd'hui que l'antisémitisme nazi n'a pratiquement rien à voir avec les juifs, leurs mérites et leurs défauts. Les nazis ne font désormais plus mystère de leur propos de dresser les Allemands à pourchasser et exterminer les juifs dans le monde entier. Ce qui est intéressant n'est pas la raison qu'ils en donnent, et qui est une absurdité si manifeste qu'on se dégraderait en en discutant, fût-ce pour la combattre. L'intéressant, c'est ce propos lui-même, qui est une nouveauté dans l'histoire universelle : la tentative de neutraliser, à l'intérieur de l'espèce humaine, la solidarité fondamentale des espèces animales qui leur permet seule de survivre dans le combat pour l'existence ; la tentative de diriger les instincts prédateurs de l'homme, qui ne s'adressent normalement qu'aux animaux, vers des objets internes à sa propre espèce, et de dresser tout un peuple, telle une meute de chiens, à traquer l'homme comme un gibier. Une fois que ces penchants meurtriers fondamentaux et permanents à l'égard des congénères ont été éveillés et même transformés en devoir, changer leur objet n'est plus qu'une formalité. On voit bien déjà qu'il est facile de remplacer « les juifs » par « les Tchèques », « les Polonais » ou n'importe quoi d'autre. Il s'agit d'inoculer systématiquement à un peuple entier - le peuple allemand - un bacille qui fait agir ceux qu'il infecte comme des loups à l'égard de leurs semblables ou qui, autrement dit, déchaîne et cultive ces instincts sadiques que plusieurs millénaires de civilisation se sont employés à réfréner et à éradiquer. »
Sébastian Haffner. Histoire d'un Allemand. Souvenirs (1914 - 1933). Arles, Actes Sud/Babel, 2002-2003, pp. 211 - 215. 

Ce grand historien qu'était Sebastian Haffner oublie simplement un détail (!), et d'importance : le premier boycott jamais rendu public à l'époque n'émane pas du IIIème Reich contre les Juifs, mais bien des Juifs contre l'Allemagne (le pays, pas le régime), ainsi que l'on peut s'en convaincre en consultant la Une du Daily Express du 24 mars 1933.


jew_hitler_boycott_allemagne_germany_1933_daily_express_quenelle_dieudonné_lobby

Donc, une semaine avant que le régime allemand ne lance une campagne de rétorsion, un groupement international se désignant du vocable de "JUDEA" déclarait la guerre (declares war) non pas aux nazis mais à l'Allemagne en tant que pays, moyennant notamment une campagne de boycott de biens (marchandises) allemands (Boycott of German Goods) : "Juifs du monde entier, unissez-vous."

Je posais la question plus haut : quel rapport... avec Dieudonné ? Pour l'heure, contentons-nous de ceci : Dieudonné a fait l'objet, parmi d'autres, d'une nième opération de "black-listing" dans les médias, comme au "bon vieux temps des inventeurs du Goulag dans la Russie livrée aux hordes soviéto-bolcheviques", de la part d'un petit commissaire politique déguisé en journaliste.

Il a répondu.

À suivre...

Lire 01  -   Lire 02  - Lire03 (à propos d'un secret de Polichinelle)  

lundi 10 septembre 2012

Redressement intellectuel et moral : Luc Chatel vs. Vincent Peillon : un à zéro, la faute à Pétain ?



Vincent Peillon, le ci-devant ministre français de l'Éducation Nationale, est quoi déjà ?, agrégé ou docteur en philo... logie ? En grec, "philos", "logos", ça veut dire "amour du discours", ou de la parlotte ? Je ne sais pas ce qu'ils ont, mais les ministres de ce gouvernement adorent s'écouter parler. C'est simple : il ne se passe pas une journée sans qu'une bonne escouade d'entre eux se retrouvent dans les divers studios de radio et de télévision, à croire qu'ils n'ont que ça à faire : causer dans le poste, ou dans les médias ? Et sur ce plan, le changement, ce n'est vraiment pas maintenant !

Par parenthèse, j'étais en Allemagne lors de l'arrivée à la chancellerie d'Helmut Kohl, et je crois pouvoir affirmer que les apparitions de Kohl dans les studios de radio ou de télévision pouvaient se compter sur un ou deux doigt(s) d'une main par an (ex. le 31 décembre au soir). Et la règle est toujours d'actualité aujourd'hui, sous Angela Merkel. 

Et pendant ce temps, en France... Il faut dire qu'en Allemagne, il n'y a pas tous ces sondages de popularité...

Voyez le fraîchement élu Roi de France : les sondages sont mauvais ? Vite, vite, il faut réagir : samedi, il cause dans Le Monde, et comme, apparemment, il n'y a pas dit grand chose, voilà qu'il remet ça le lendemain (dimanche) sur TF1, et dans deux jours, voire moins, vous le verrez en déplacement ici ou là, et à raison de deux ou trois déplacements par semaine, avec les reportages qui vont avec, le successeur de l'autre agité nous rejoue le coup de l'omniprésence médiatique.

Comme quoi !

Mais j'étais parti pour parler de Vincent Peillon et de sa fameuse phrase sur le "redressement intellectuel et moral", formule piquée à Philippe Pétain (25 juin 1940), ainsi que Luc Chatel l'a judicieusement relevé. Et là, on dit à Chatel : "Bien joué !", et tant pis pour Peillon le bizuth, le bleu, le néophyte. Quand je pense que les ministres sont bardés de dizaines de conseillers, tous plus bardés de diplômes les uns que les autres ! Quelle bévue !

Alors, évidemment, tout le Landerneau allait se focaliser sur la petite phrase, en oubliant le reste.

Et c'est précisément là-dessus, sur le reste, que j'ai envie de me focaliser : l'intention de Peillon d'introduire dans les programmes scolaires un enseignement de la morale laïque.

Et moi de penser : "mais où diable va-t-il chercher tout ça ?". 

Parce qu'en plus, notre philologue pèche par manque de vocabulaire, ce qui est quand même grave.

Je suis, donc, allé jeter un oeil dans les archives, et j'ai déniché ceci :
Que signifie "éduquer à la citoyenneté" dans un système scolaire ? Deux réponses sont possibles. 
  • L’une consiste à faire de la citoyenneté un objet d’étude disciplinaire, au même titre que les mathématiques, la physique, la littérature etc. ; la citoyenneté s’apprendrait à l’école avant de s’exercer dans la vie du citoyen. Ce choix correspond pour l’essentiel à la conception traditionnelle d’une instruction civique, en tant qu’inculcation de principes à mettre en actes dans un temps différé plus ou moins lointain. Elle a eu sa place dans le système éducatif : les missions du lycée, fréquenté par une petite minorité, n’étaient pas celles qui lui sont assignées aujourd’hui. 
  • L’autre réponse part de l’idée que l’on ne naît pas citoyen mais qu’on le devient, qu’il ne s’agit pas d’un état, mais d’une conquête permanente ; le citoyen est celui qui est capable d’intervenir dans la cité : cela suppose formation d’une opinion raisonnée, aptitude à l’exprimer, acceptation du débat public. La citoyenneté est alors la capacité construite à intervenir, ou même simplement à oser intervenir dans la cité. Cette dernière réponse peut être mise en œuvre au lycée aujourd’hui. Deux conditions essentielles sont réunies : l’une correspond aux attentes des élèves telles qu’elles se sont exprimées au travers des consultations sur les savoirs ; l’autre s’inscrit dans la continuité de ce qui a été enseigné en éducation civique au collège, et permet de montrer les dimensions sociale, éthique et politique de certains savoirs enseignés au lycée. De nombreux professeurs ont exprimé leur intérêt pour cette démarche et leur désir d’y contribuer. 
Extrait du BO hors série n°6 du 29 août 2002

Nous étions, donc, en 2002 (août), soit quelques semaines ou mois après la déroute de la Gauche dite plurielle aux élections... Le président de la République s'appelle toujours Jacques Chirac, son premier ministre s'appelle Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l'Éducation Nationale s'appelle Luc Ferry, et l'éducation à la citoyenneté, évoquée ici, va prendre corps sous la forme d'une matière enseignée dans tous les lycées de France et de Navarre - comme c'est déjà le cas dans les collèges - et baptisée E.C.J.S. (Éducation Civique Juridique et Sociale).

C'est dire si la proposition d'un enseignement de morale laïque faite par Peillon tombe bien à plat et relève d'un amateurisme assez navrant de la part de quelqu'un qui donnait pourtant l'impression d'avoir potassé ses dossiers. 

Si j'insiste tout particulièrement sur l'amateurisme de Vincent Peillon, c'est que j'ai des souvenirs tout frais de cours d'E.C.J.S. dispensés dans des établissements scolaires où j'ai officié. Et j'ai précisément le souvenir d'exposés effectués par les élèves sur toutes sortes de sujets : le harcèlement sexuel, les signes religieux en milieu scolaire, la drogue..., et qui dit exposé dit souvent débat, et ceux auxquels j'ai assisté ne manquaient pas d'intérêt. Voilà qui me permet d'affirmer, ici, que la proposition de Vincent Peillon sur un enseignement de la morale laïque revient à enfoncer des portes ouvertes ou à inventer le robinet d'eau tiède, ou encore à parler pour ne rien dire. Parce que, entre nous, à moins de vouloir inventer une discipline particulière et tout à fait inédite, habillée sous le label "morale laïque", je ne vois pas très bien en quoi cet enseignement se distinguerait de l'E.C.J.S.

Et, pour enfoncer le clou, j'ai retrouvé dans mes archives personnelles un vieux manuel d'éducation civique pour la classe de 4ème, année 1997, que je reproduis ci-dessous.











Les extraits qui précèdent en disent long sur ce qui est déjà enseigné au collège et au lycée ; comme quoi, qu'on l'appelle "morale laïque", "civisme" ou "droit", la discipline est déjà présente dans l'institution scolaire. Vincent Peillon aurait mieux fait de se tenir au courant avant de se laisser aller à blablater n'importe quoi dans les micros !