Translate

Affichage des articles dont le libellé est vintage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est vintage. Afficher tous les articles

lundi 19 mars 2012

Elle et le 'Black Fashion Power'. Retour sur une bien étrange polémique


Épisode 1. Mazette, quel tohu-bohu !



Avertissement n° 1. Si j'ai pris la liberté d'afficher ici, et dans leur intégralité, la plupart des textes auxquels j'entends me référer, c'est à la suite de la disparition du site elle.fr de la version numérique de l'article dont est partie la polémique, laquelle polémique a vu plus d'un(e) intervenant(e) prendre part à un débat sans même avoir pris la peine de s'informer sur l'origine même de tout ce débat. En présentant les textes ici même, j'entends éviter à mes lecteurs et lectrices de se retrouver grosjean comme devant, parce que tel lien ou telle adresse électronique aurait été désactivée.... Mais, par acquît de conscience, j'ai entendu maintenir visibles les adresses (URL) renvoyant aux documents cités.)

Avertissement n° 2. Il m'arrive, deux ou trois fois par semaine, de consulter le compteur de visites du blog, non pas pour savoir combien de gens consultent le site, ce dont je me contrefiche absolument ; entre nous, qu'est-ce qui est le plus important, dix mille "surfeurs" ne faisant que passer, en consacrant moins de trente secondes à votre prose, ou mille internautes sérieux, qui vont vous lire attentivement en y mettant le temps requis ? Le fait est que moi, je déteste "surfer", ce qui peut me faire passer des heures sur un seul site intéressant. Il y en a. Précisément, le compteur de visites me renseigne sur la manière dont les gens visitent mon blog, et là, je suis parfois un peu surpris... Il est vrai que les "surfeurs" restent surtout sur la page d'accueil des sites qu'ils visitent ! Ceux et celles-là oublient que, dans un mémoire universitaire, par exemple, voire une thèse doctorale ou un essai philosophique ou sociologique, le plus intéressant c'est souvent ce qui est écrit en tout petit, tout en bas : les notes de bas de page, car ce sont elles qui vous renseignent instantanément sur la profondeur du travail (de recherche) réalisé par l'auteur. Par ailleurs, le génie tout particulier de l'Internet réside dans la faculté de naviguer d'une page vers une autre via les liens hypertexte... Et pour ma part, atavisme universitaire oblige, je ne cite jamais rien sans mentionner la référence idoine, de même que je prends toujours un malin plaisir à garnir mes pages de "liens de bas de page"... Avis, donc, aux "surfeurs" et "surfeuses" adeptes de la lecture en diagonale ! (Je sais, l'avertissement est un peu long... Mais c'est voulu : les surfeurs et surfeuses n'auront qu'à passer leur chemin !) (1)
 
Tout a commencé, en ce qui me concerne, par un bien tonitruant papier d'Audrey Pulvar, un matin sur France Inter.

Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît"*

Quel dommage ! L’article a disparu. Pfuit ! Envolé ! Une multitude de liens y menaient pourtant, mais quand on clique dessus, on tombe sur un pinceau de maquillage et un poudrier rose. Ah bon ? Bah… on est sur le site du magazine Elle donc n’en demandons pas trop non plus ! Contentons-nous de réclamer de ce magazine un minimum de respect dû à ses lecteurs et de rigueur de la part de ses « journalistes »… Par exemple quand il prétend décrire le « phénomène »  Black Fashion Power dans un article dont la bêtise et l’inanité ne tarderont pas à servir de modèle du genre « papier de merde», dans les écoles de journalisme. Sur les captures d’écran réalisées par quelques bloggeurs, on peut tout de même lire cet article fantôme. On y apprend que, ouvrez les guillemets :« Dans cette Amérique dirigée pour la première fois par un Noir, le chic est devenu une option plausible pour une communauté [noire] jusque-là arrimée à ses codes streetwear ». Ainsi, avant les Obama, les Noirs, au moins aux Etats-Unis, ignoraient-ils « le chic ». Pas une option pour eux. Voilà qui fera plaisir à Condoleeza Rice. Comme à des cohortes de Noirs, femmes et hommes, maires, députés, conseillers politiques de premiers plans, architectes, médecins, secrétaires, banquiers, policiers, juges, avocats, enseignants, cinéastes, comédiens on en passe et des meilleurs, se mouvant tous les jours dans leurs villes, leurs rues, leurs bureaux, leurs métros en affichant les mêmes codes vestimentaires que les milieux dans lesquels ils évoluent. Ont-ils attendu le couple Obama pour mettre au placard la ceinture de bananes et les soutiens gorges en noix de coco ? Ah non, on a mal lu : ils étaient « arrimés au streetwear »… ?! Mais combien d’entre eux, imagine la journaliste du magazine Elle, se présentent au bureau habillés façon « streetwear» ? A moins que dans son esprit, un Noir ne soit destiné qu’à tourner des clips de rap ou à vendre de la drogue aux coins de rues, dans la tenue préférée des petits dealers: jean baggy et tee-shirt XXL ?

La stupidité de l’article ne s’arrête pas là, puisqu’il nous est expliqué que dans le sillage de Michelle Obama, qui décline « en mode jazzy », forcément, le vestiaire de Jackie Kennedy, « l’audace et la créativité se sont réveillées »… Mazette ! Sainte Michelle, un temps adepte de robes à fleurs importables, nous montrerait donc la voie ! Mais attention, pour les noires fashionistas, les « black-geoises » comme les surnomme Elle, bien qu’ayant « intégré tous les codes blancs » (sic), pas question d’oublier leurs « racines » ! Ainsi, ces nouvelles égéries du style n’oublieraient jamais de casser le classicisme blanc avec « un boubou, un collier en coquillage ou… une créole de rappeur » ! Ben voyons ! Mais au fait, madame la journaliste de Elle, de quelles racines parle-t-on exactement pour des Noirs présents depuis 4 siècles sur le continent nord-américain et qui, comme d’autres communautés, ont bâti, au prix que l’on sait, leur pays d’aujourd’hui ? Et en quoi  la «communauté noire » est-elle une entité homogène et moutonnière ?

Pour appuyer sa navrante démonstration, Elle.fr déforme les propos de John Caramanica, journaliste mode au New York Times, ça fait toujours sérieux. Caramanica estimerait, nous dit Elle, que ce retour au style constitue pour les Noirs « une source de dignité »… Un détour par le site du journal américain montre pourtant que Caramanica consacrant un article à deux jeunes Noirs de Brooklyn, créateurs de mode très en vogue, écrit qu’ils perpétuent une tradition datant de l’émergence de Harlem et ayant accompagné les luttes menées par les Noirs, pour le respect de leurs droits fondamentaux,tradition du vêtement comme vecteur de leur dignité. L’article imbécile et raciste de Elle, provoque à juste titre l’indignation et les moqueries de milliers d’internautes, en France comme aux États-Unis où il est relayé par plusieurs sites. Des excuses sont-elles une « option plausible » pour ce journal ?

Affaire à suivre. 
[© Audrey Pulvar]
*Lino Ventura dans le film "Les tontons flingeurs" (1963). Un film réalisé par Georges Lautner et dialogué par Michel Audiard


Et puis, très vite, la polémique s'est mise à enfler, comme l'illustre une pétition publiée sur le site lemonde.fr




C'est le magazine Elle qui nous l'apprend : en matière de mode, en 2012, "la ‘black-geoisie' a intégré tous les codes blancs..". D'ailleurs, "le chic est devenu une option plausible pour une communauté jusque là arrimée à ses codes streetwear." Eh oui, tandis que durant des décennies les Noirs se sont habillés comme des "cailleras" à capuche, ils ont enfin compris, grâce à l'enseignement des Blancs, qu'il convenait de faire plus attention à leur apparence. Voilà la teneur d'un article paru le 13 janvier dans l'hebdomadaire préféré des ménagères de la "white-geoisie" (puisqu'apparemment il faut désormais distinguer les bourgeois eux aussi racialement), intitulé "Black fashion power", tentant d'analyser les raisons du succès sur les red carpets de personnalités afro-américaines.

Et c'est simple : si les Noirs sont enfin chics, c'est parce qu'ils ont désormais une icône digne de ce nom, Michelle Obama, qui donne le ton en "revisitant en mode jazzy le vestiaire de Jacky O." Oui, car toute première dame qu'elle soit, Michelle Obama elle-même n'a pu s'inspirer que d'un modèle blanc ; et comme elle a le rythme dans la peau, elle y ajoute une touche jazz, normal.

Mais attention, les Noires n'ont pas intégré ces codes  "de manière littérale. C'est toujours classique avec un twist, bourgeois avec une référence ethnique (un boubou en wax, un collier coquillage, une créole de rappeur…) qui rappelle les racines." N'avez-vous pas remarqué l'os que Halle Berry arbore fièrement dans son nez ? Ne voyez-vous pas à quel point Rama Yade aime rappeler ses exotiques "origines" en se drapant dans un pagne léopard avant de prononcer ses discours ?

Il serait temps que les rédactrices de Elle s'aventurent hors de leurs bureaux vitrés du quartier d'affaires de Levallois-Perret afin de se mêler à la population, ce qui leur permettrait de voir à quoi ressemblent les Noirs et comment ils s'habillent en vrai. Il serait également temps de se rendre compte que des femmes noires, il y en a aussi en France, qu'elles ne vivent pas toutes aux États-Unis et ne sont pas toutes stars de la chanson, du cinéma ou du sport. Pourquoi ramener toute femme noire élégante à Michelle Obama, et pourquoi toujours comparer à Barack Obama Omar Sy dans le film Intouchables - et avec lui beaucoup de Noirs - élégants en France -, dès lors qu'il passe du jean-basket au costume noir-chemise blanche ? A défaut de fréquenter des Noirs, la consultation de la presse de ces dernières années suffit pourtant à constater qu'il y a même eu des femmes noires au gouvernement, à l'Assemblée Nationale, à la présentation de journaux télévisés et au cinéma !

Enfin, un peu de recherche et de bon sens nous aurait épargné l'affirmation selon laquelle "pour la communauté afro, le vêtement est devenu une arme politique", dépréciant par là la véritable et douloureuse histoire des combats des minorités noires en faisant de la moindre starlette bien habillée la porte-parole de cette lutte. Quant aux Noirs qui ne font pas de politique, on se demande s'ils se promènent nus…

Tout cela aurait pu n'être qu'une banale affaire d'inculture et d'ignorance vite oubliée, si le magazine avait daigné répondre aux nombreuses protestations de lectrices et lecteurs choqués par l'article. Car c'est sa publication sur le site web du magazine qui déclenche une vague d'indignation sur les réseaux sociaux, les blogs mode (AfroSomething, BlackBeautyBag, ThaCrunch et TiModElle) - grâce auxquels l'affaire traverse l'Atlantique - et même sur Elle.fr, où en quelques jours plus de mille commentaires réclamant des explications ou des excuses sont postés. Réponse de la rédaction : aucune. Jusqu'à ce que le 24 janvier, Valérie Toranian, directrice de la rédaction, se fende d'un petit commentaire dont il ressort en substance que les "indignés" n'ont rien compris à l'article. Nouvelle vague de protestations, aboutissant  finalement à la suppression pure et simple de l'article. Mais le mal est fait. Jeudi matin, sur France Inter, Audrey Pulvar dénonce le papier dans un édito intitulé "Y a bon Obamania", avant d'être invitée vendredi soir dans le Grand Journal de Canal+ pour débattre face à Valérie Toranian. Si la directrice de la rédaction y exprime des regrets, elle maintient sa position et persiste en affirmant avoir voulu être "bienveillante" avec les Noirs. En d'autres mots, si les propos sont offensants, les intentions étaient bonnes, alors pourquoi se plaindre ? Les Noirs, hommes ou femmes, n'ont pas besoin de bienveillance, mais d'égalité. Or cette affaire est un révélateur : l'article est le symptôme médiatique d'une exclusion à la fois culturelle et sociale.

Puisque le débat a été lancé, poursuivons-le. Nous aimerions ici suggérer aux salariés de Elle d'essayer d'ouvrir leurs horizons. Puisque la tendance est à la "black fashion", pourquoi ne pas y adhérer en recrutant par exemple plus de rédactrices noires ? Et pourquoi pas, soyons fous, choisir une femme noire pour poser sur la couverture du magazine ? Juste une fois, pour voir ? Deux millions de femmes noires en France, qui dépensent sept fois plus d'argent dans les cosmétiques que leurs congénères blanches, et dont le pouvoir d'achat grandissant constitue un marché en expansion pour les produits de beauté et de mode, est-ce si négligeable? Car ce "racisme structurel" de notre société, dont parle si bien Valérie Toranian sur les plateaux de télévision, est aussi alimenté par l'absence des femmes noires à la Une des titres de presse féminine : en près de 70 ans d'existence, Elle n'a daigné accorder sa couverture qu'à une poignée de femmes noires. Pourquoi la bienveillance du magazine envers les "black-geoises" se limiterait-elle à un dossier spécial chaque année bissextile ? Quand celles-ci auront-elles droit de cité dans les pages du magazine sans se voir affublées de qualificatifs grotesques ? C'est sur ce sujet que nous aurions aimé l'entendre l'autre soir et que nous l'attendons désormais.

Premiers signataires : Sonia Rolland (comédienne), Rokhaya Diallo (éditorialiste et militante), Fred Royer (créateur de la cérémonie des Gérard), Audrey Pulvar (journaliste), Léonora Miano (écrivaine), China Moses (chanteuse et présentatrice TV), Mokobé (rappeur), Jalil Lespert (comédien et réalisateur), Aïssa Maïga (comédienne), Kareen Guiock (journaliste), Eric Fassin (sociologue, ENS), Disiz (chanteur), Marc Cheb Sun (fondateur de Respect Mag), Anastasie Tudieshe (journaliste), Noémie Lenoir (mannequin), Clémentine Autain (directrice de la revue Regards), Olivier Laouchez (président de Trace TV), Jean-Benoît Gillig (producteur), DJ Pone (compositeur), Pap Ndiaye (historien, EHESS).

Ainsi que : Serge Toubiana, Charles Tesson (délégué général de la semaine de la critique du Festival de Cannes), Doryla Calmec (comédienne), Julius E. Coles (directeur du Morehouse College à Atlanta), Hélène Geran (comédienne), Josiane Cueff (CMAC Martinique), Vincent Malausa (les Cahiers du cinéma), Mylène Marie-Rose (chroniqueuse cinéma), Thomas Le moine (réalisateur), Osange Silou Kieffer, b(FEMI Guadeloupe), Marie-Christine Duval (agence Comecla), Harry Roselmack (journaliste) ; Lucien Jean-Baptiste (acteur et réalisateur) ; Dominique Sopo (président de SOS Racisme) ; Cathy Thiam (journaliste).


Vous avouerai-je que j'ai trouvé toutes ces prises de position, à commencer par le pamphlet d'Audrey Pulvar, quelque peu  étranges, pour ne pas dire en décalage total avec une certaine réalité des choses, telle que je la ressens moi-même, que j'ai décidé de m'intéresser d'un peu plus près à cette polémique ?

Mais, dans un premier temps, il a bien fallu chercher à mettre la main sur ce fameux article, ce qui ne fut pas simple, même pour un habitué des moteurs de recherche.





(1) Ne dit-on pas que la musique adoucit les moeurs ? Spéciale dédicace à Audrey Pulvar, Sonia Rolland, Rokhaya Diallo et à toute la "blackgeoisie" française. Ça tombe bien : à l'instar de ces grandes librairies (Fnac, Gibert) où je me rends toujours en prévoyant large, soit toute une matinée ou tout un après-midi, j'avais passé déjà pas mal d'heures à farfouiller dans les bacs de cette médiathèque de la Ville de Paris, lorsque je suis tombé sur ce disque, que je n'ai pu apprécier qu'une fois rentré chez moi. Une pure merveille ! Et là, on coupe le téléphone, on s'assied par terre et on décolle ! Et si vous n'êtes pas subjugué(e)s par ce sublime timbre de contralto, c'est que vous n'avez pas d'oreilles ! Mais qui cela peut-il bien être ? Je vous dis tout de suite que ce n'est pas la regrettée Kathleen Ferrier (dont je vous recommande la version de la Rhapsodie pour contralto, choeur et orchestre de Brahms, entre autres merveilles !). La réponse se trouve quelque part sur ce blog ou ailleurs, à l'instar de l'identité de l'auteur de cette magnifique Joconde noire ci-dessus. À vous de faire comme moi et de farfouiller dans les coins et recoins... Bonne chance !


music.01   -    music.02  -   music.03   -   music.04


Elle et le 'Black Fashion Power'. Retour sur une bien extravagante polémique


Épisode 2 : je me suis lancé à la recherche du fameux article de Elle, à l'origine de cette étonnante levée de boucliers parmi une certaine intelligentsia noire. Et c'est là que je tombe sur deux mises au point que l'on doit tant à la directrice de la rédaction du magazine qu'à la journaliste par qui le "scandale" est arrivé. Suivent deux interviewes, sur le même site, avec diverses personnalités "noires" de France, dont un collectif antinégrophobie et l'ex-miss Sonia Rolland.

Beverly Johnson, 1974



Suite aux vives réactions et aux  nombreux commentaires suscités par l'article  Black Fashion Power, nous avons décidé de le retirer du site. Si cet article a  pu choquer ou blesser certaines personnes nous en sommes profondément désolés  car ce n'était nullement notre intention, au contraire. Nous regrettons vivement  ce malentendu.  Le débat a néanmoins été lancé et il va nous permettre  d'enrichir notre travail journalistique. A bientôt donc sur ELLE.fr et dans ELLE pour  poursuivre cette discussion.

Valérie Toranian, Directrice de la rédaction de ELLE


La réponse de Nathalie Dolivo

Depuis la parution en ligne sur le Elle.fr de mon papier titré « Black fashion power », les commentaires sont nombreux. Souvent virulents, voire violents et insultants. J’en suis extrêmement peinée car ils relèvent pour moi du contre-sens. Ils témoignent en tout cas d’un profond malentendu dont je suis tout à fait désolée. Je voudrais dire, comme l’a déjà fait Valérie Toranian, la directrice de notre rédaction, que le propos n’était pas de choquer, de blesser ou de stigmatiser qui que ce soit. Au contraire, l’article se voulait positif : il s’agissait de mettre en avant ces nouvelles figures qui affolent et fascinent l’industrie de la mode et de l’entertainment, du show-business. Sans vouloir m’attarder sur les commentaires me traitant d’ « idiote » ou d’« inculte », je voudrais donc redire plusieurs choses sur le fond de mon papier :

1. L’article porte majoritairement sur un phénomène américain. Son point de départ ? Des célébrités qui évoluent dans la mode, la musique, le cinéma. Cet article ne se veut pas la description d’un phénomène social qui concernerait toutes les femmes noires, d’Amérique ou de France. C’est un sujet qui évoque d’abord l’industrie de la mode et le show business américain

2. L’article se voulait positif et je suis attristée qu'il ait été mal interprété. En réalité, quand j’évoque les codes blancs, je fais référence aux codes classiques de la bourgeoisie blanche américaine (références culturelles que je cite plus tard dans l’article : la Ivy League, les Hamptons, la côte Est, les looks à la Tommy Hilfiger/Ralph Lauren, etc.).

Mais pour dire que les filles dont je parle s’en sont inspirées pour mieux les enrichir. Que ce n’est pas du copié-collé, justement.

Je voulais aussi souligner dans l’article que l’on était passé d’une domination de l’esthétique R’n’B à un engouement pour l’allure d’une Michelle Obama. Évidemment que toutes les femmes noires d'Amérique n’étaient pas habillées jusque-là en baggy et baskets. Il s’agissait juste de mettre en avant les représentations dominantes dans le paysage culturel actuel aux Etats-Unis. 

J’ai aussi cité un certain nombre de figures noires importantes dans l’histoire esthétique et culturelle de la communauté afro-américaine (le cotton club, angela davis, sly and the family stone, etc.). Preuve que pour moi, le style commence bien avant le mandat Obama.

3. L’article voulait montrer également que les figures que l’on appelle aux Etats-Unis les « role models », les prescriptrices, celles qui sont suivies et donnent le ton d’une époque par le biais de la culture, avaient changé. Que nous étions passé, dans l’imagerie de cette culture populaire (les clips, les actrices, les it girls) de Lil Kim, Missy Elliott, Beyoncé, etc. à Solange Knowles, Michelle Obama ou Zoe Saldana. Que ces femmes étaient devenues des icônes mainstream, transcendant justement les frontières raciales puisqu’adulées par les noirs, les blancs, les latinos. Ca me paraissait intéressant et positif. Je n’ai à aucun moment voulu heurter quiconque. Encore une fois j’en suis sincèrement désolée. Tout ce malentendu nous prouve qu¹il faut poursuivre le débat, échanger, être à l’écoute.

Nathalie Dolivo




Marie-Françoise Colombani : Qu’est-ce que le collectif « Anti-Négrophobie » ?

Franco Lollia : Le collectif Anti Négrophobie a été créé par certains de ceux qui étaient à l’origine de l’association Alliance Noire Citoyenne. Tous deux luttent contre la négrophobie et le racisme en général. Le collectif fédèrent des groupes, des personnes et des associations. Alliance Noire Citoyenne est une entité en tant que telle. L’article qui a été publié dans ELLE avait pour nous une connotation négrophobe. C’est la raison de notre venue aujourd’hui.

MFC : Vous nous avez dit que cet article relevait du racisme inconscient. Qu’est-ce que ce « racisme inconscient » dit de l’état de la société française ?

Franco Lollia : Notre but n’est pas de s’attaquer à la forme, mais au fond du problème. Nous ne voulons pas personnifier ce racisme, ni désigner, même si elle est l’auteur de cet article,  Nathalie Dolivo comme responsable. Il ne suffirait pas de la faire disparaître du champ médiatique pour que le racisme disparaisse. Le problème de fond réside dans le fait que cet article réactive les codes invisibles structurels du racisme et, dans ce cas précis, de la négrophobie. Cet article devrait être utilisé comme cas d’école : en apparence on ne détecte pas de négrophobie, mais quand on le décrypte, il peut permettre à chacun de comprendre comment, à son insu, on véhicule des codes racistes attentatoires aux personnes issues de la communauté noire.

Caroline Laurent-Simon : Ce racisme inconscient vous paraît-il aussi dangereux que le racisme conscient, verbalisé, comme des insultes racistes, par exemple ?

Franco Lollia : Parce que c’est un racisme invisible dont on n’a pas conscience, cela le rend encore plus dangereux. On a parfaitement conscience que l’article avait l’intention de promouvoir positivement l’image des noirs. Et quand on décode de manière précise la thématique qu’il aborde, on se rend compte que, finalement, il produit un racisme qu’il voulait combattre. Ce sont les mécanismes qui amènent cette forme de racisme qu’il faut combattre. Votre directrice de la rédaction, avec laquelle on a parlé, nous a dit que, dorénavant, vous feriez attention à ne plus utiliser certains termes. Le problème n’est pas simplement de faire attention, c’est de voir comment on peut changer les mentalités et modifier les mécanismes qui amènent à ce racisme-là.

CLS : Quels sont ces mécanismes qui conduisent au racisme « inconscient » ?

Franco Lollia : Ils sont dans le système éducatif, médiatique aussi. Tous ces systèmes utilisent les mêmes codes. Parlons de la question des noirs, dont on parle dans l’article. Si vous regardez les manuels d’histoire, vous ne voyez jamais les noirs en position de résistance. Pendant très longtemps les noirs ont été absents du cinéma et de la télévision français. Ce n’est pas le cas  aux Etats-Unis, où ils étaient représentés, mais négativement. Les noirs sont aujourd’hui un minimum représentés, mais cantonnés à des rôles de subalternes ou de simples éléments de décor. Ils sont dénaturés, dénigrés. D’ailleurs, la racine du mot dénigré vient de négre. Il faut le savoir. L’école conditionne aussi les gens à rester dans les mêmes conditions sociales. Cette manière de représenter les minorités visibles conditionne les gens à admettre l’infériorité de certaines races et la supériorité d’autres. C’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment, nous en sommes certains. Et c’est cela qu’on doit combattre.

MFC : Là, vous-même faites appel à des stéréotypes qui qualifient les uns et les autres. Avant il y avait « Y’a bon Banania ». Pensez-vous qu’aujourd’hui sont apparus de nouveaux clichés, de nouvelles caricatures dont on ne se méfie pas assez et qu’on véhicule?

Franco Lollia : Un exemple concret : il y a, depuis de longues années,  dans le 5ème arrondissement de Paris, une affiche qui représente un homme noir avec le slogan « au nègre joyeux », au vu et au su de tout de tout le monde. Ce qui est nouveau c’est que – bien que le racisme soit aujourd’hui une chose totalement condamnable-, cette affiche trône toujours et cela ne semble déranger personne ! Le maire du 5ème qu’on a rencontré, attend la décision du ministère de la Culture pour la décrocher. Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de ELLE en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente,  dont il promeut le racisme. Avec notamment l’emploi du terme « codes blancs ». Au final, cela dénature l’homme et la femme noirs.

Sophie Fadiga : Particulièrement dans cet article, on voit un stéréotype qui date de ces vingt dernières années : il y est dit que « la communauté noire est arrimée aux codes du streetwear ». On est noir, on est donc censé soit faire du rap, soit faire du sport ! Ces stéréotypes nouveaux continuent d’être véhiculés. Le racisme institutionnel est à la base de ce type de clichés qu’il faut combattre. C’est la racine même du mal.

MFC : Comment faites-vous pour lutter contre ces nouveaux stéréotypes ? Par ce que les anciens, comme cette affiche du « Nègre Joyeux », on voit tout de suite que c’en est un.

Franco Lollia : Malheureusement, pas toujours, puisque les gens passent devant l’affiche sans voir le problème! Concernant les nouveaux stéréotypes, nous tentons de les montrer. Le noir qui a résisté à l’esclavagisme et à la colonisation, a toujours existé. Ce sont les livres d’histoire qui l’ont effacé. Nous, nous essayons d’écrire au présent l’histoire de cette résistance, on poursuit ce combat et cette lutte fait partie de notre héritage. Nous voulons montrer l’homme et la femme noirs dans une posture différente de celle dans laquelle les médias – mais aussi l’éducation nationale française –  ont l’habitude de les représenter. Il faut savoir que nos enfants s’identifient aux images qu’ils voient à la télé et dans les médias. Dans ce sens, ELLE a un grand rôle à jouer. Je peux vous dire que nombre de filles construisent leur identité par rapport à vos couvertures, qui, d’ailleurs ne mettent en Une que très exceptionnellement des femmes noires. Le but n’est pas de favoriser les uns ou les autres. Mais essayez d’imaginer l’impact que cela aurait sur vous s’il n’y avait que des noirs en couverture des magazines ! Nous sommes une société multiculturelle. Et vous devriez refléter cela, avoir conscience de l’autre. Nous avons parlé ensemble, il y a eu des excuses officielles, c’est très positif, au-delà des mots, il faut que les actes démontrent qu’effectivement il y a volonté de réparer.

CLS : N’y a-t-il pas aussi du travail à faire dans les diverses communautés noires, notamment parmi les jeunes générations où les clivages et stéréotypes sont aussi intégrés ?

Sophie Fadiga : On intègre les stéréotypes que la communauté majoritaire tend à nous faire intégrer, et du coup, effectivement, on les reproduit et on les alimente.

Franco Lollia : Notre volonté n’a jamais été de sous-entendre qu’on devait éduquer la « communauté » blanche, si tant est qu’on doive l’appeler ainsi. Mais nous sommes conscients du caractère vicieux du système éducatif, de l’aliénation qu’il produit. On intègre nous-même ces codes. C’est pour cela que vous verrez des noirs qui ne réagissent même pas à ce racisme inconscient et qui disent « mais non, il n’y a rien de raciste ». C’est pour ça que cet article est intéressant, parce qu’on doit apprendre à lire entre les lignes.




Suite à la polémique autour de l’article de ELLE, interview de Sonia Rolland, actrice et miss France 2000.

ELLE. Vous êtes signataire de l'appel mettant en cause l’article sur les égéries noires aux USA. Pourquoi une telle virulence ?

Sonia Rolland. Il faudrait que les lectrices se procurent l’article en question datant du 13 janvier. En analysant chacune des phrases que nous contestons dans la tribune que Lemonde.fr nous a offert, elles comprendront mieux notre stupéfaction. Notre réponse à ELLE n’est pas virulente, comme vous le laissez entendre, mais avec une pointe d’humour, car nous en avons encore malgré tout.

Le magazine ELLE est un hebdomadaire respectable qui défend l’image de la femme depuis 1945 et soulève de vrais sujets de société. Mais de quelles femmes s’agit-il aujourd’hui ?

Un article est le résultat d’une réflexion collective devant faire l’objet d’une recherche journalistique approfondie. Je m’étonne donc que la rédaction ait pu valider un tel papier ! Le ton et le contenu général de cet article m’ont profondément heurté. Il y a des propos sans fondement, stéréotypés, stigmatisants, condescendants voire méprisants, comme cela a été beaucoup commenté par ailleurs.

Il faut distinguer l’article, du magazine. Lorsque j’évoque plus haut la réflexion collective d’un magazine, j’ose croire bien évidemment que le journal ELLE n’est pas raciste. Cependant, n’est-il pas légitime de s’interroger quant à la teneur du propos ?

Il ne s’agit pas de dire que le magazine est raciste, mais sa méconnaissance du monde noir aboutit à la reproduction de stéréotypes qui peuvent relever du racisme. Dans la mesure où l’article s’appuie sur des références sérieuses ; « le combat des droits civiques », le « Black Power »,  « Angela Davis », ne mérite-t-il pas une plus grande réflexion ? Pourquoi aborder ces sujets avec une telle légèreté ? L’article réduit les acquis des luttes des noirs à une apparence vestimentaire revendiquée comme une « arme politique ». Ce n’est pas sérieux !

En revanche, ce débat me rappelle une époque où ma mère envoyait son CV sans photo. Je pensais qu’elle avait honte. La réalité était tout autre, elle cherchait tout simplement à avoir du travail, mais elle avait conscience que sa couleur de peau était un obstacle… sans parler de celles et ceux qui changent leurs noms… C’est encore, malheureusement le quotidien de nombreuses personnes aujourd’hui. Et comment ne pas faire le lien avec l’absence quasi-totale de femmes noires sur vos couvertures ?

ELLE. Cette polémique illustre-t-elle selon vous un phénomène plus large qui touche l’ensemble de la société ?

Sonia Rolland. Cette question intéressante mérite d’être traitée en profondeur… Aimé Césaire disait : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente »… qu’en est-il de la nôtre ? Là où tant ont fait pour faire avancer les mentalités, nous en sommes encore réduits à réagir à des propos qui ne devraient plus exister dans une société comme la nôtre.

Ma mère et ma grand-mère, issues de cultures différentes, m’ont enseigné le combat contre le renoncement, je n’ai donc pas peur de participer au monde... Le racisme ordinaire des uns naît et prospère du silence des autres.

Ensemble nous pouvons réformer la société en apportant une réflexion qui, à terme, peut la modifier. La protestation collective contre l’article en question, est la parfaite illustration d’une société multiculturelle en éveil qui bouge et s’exprime. J’en fais partie, et je mesure la chance que j’ai de pouvoir m’exprimer publiquement, ce que beaucoup n’ont pas. J’espère en tout cas que tout cela ne restera pas anecdotique.

ELLE. Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer les choses ?

Sonia Rolland. ELLE a ouvert la boite de Pandore, le magazine détient tous les moyens nécessaires à l’élaboration de sujets divers et variés qui évoquent la femme noire, en harmonie avec notre époque et tout ce qui fait notre société. Je peux comprendre qu’il y ait une fascination pour l’Amérique, mais il serait quand même temps de mettre en avant les acteurs de la diversité française. Lorsque nous vous suggérons de mettre une femme noire en couverture, ça n’est pas une faveur qu’on vous demande, mais c’est une façon de vous dire que vous ne vous adressez pas à toutes les femmes. J’ai été longtemps abonnée à ELLE pour ses sujets de société, ses dossiers etc, mais très sincèrement, pour le reste, je ne m’y reconnaissais pas. Il est nécessaire de s’ouvrir. Faisons tomber les cloisons… allons à la découverte de l’autre.

La question de la femme noire est un sujet aussi vaste que le sujet de la femme tout court… ELLE sait désormais que la femme noire EXISTE.


Précision utile : tous les textes que je présente ici vont faire l'objet d'une minutieuse étude de ma part.


Lien



Elle et le 'Black Fashion Power'. Retour sur une bien tonitruante polémique

Épisode 3. Le corps du délit




Ce fameux article de Nathalie Dolivo, paru initialement dans la version papier de Elle du 13 janvier 2012 puis sur le site Internet du magazine, pour en être malencontreusement évincé par la Rédactrice en Chef, suite à la polémique que vous savez, je vous avoue avoir eu quelque mal à mettre la main dessus, le magazine n'étant évidemment plus disponible dans les kiosques et étant par ailleurs introuvable - quel succès ! - dans la quasi totalité des bibliothèques publiques de la ville de Paris. Finalement, à force d'osbtination, j'ai bien fini par mettre la main dessus, et comme chez Elle, on semble apprécier les coups de ciseaux, ici au moins, il ne risque pas d'être victime de la censure.

Je vous l'offre, donc, ci-dessous, in extenso, dans sa version originale illustrée, dont j'ai pris soin d'extraire l'intégralité du texte, pour ceux et celles qui souhaiteraient faire des citations (exactes !!!) des propos réellement tenus par Nathalie Dolivo.

Ainsi, ceux et celles qui n'ont pas eu accès à ce texte vont pouvoir juger sur pièce et en parler en connaissance de cause, au lieu de ce que j'ai pu observer ici ou là, notamment sur des forums de discussion, où plus d'un(e) intervenant(e) y est allé(e) de son grain de sel sans même avoir pu examiner le "corps du délit" ! Une bien détestable habitude à laquelle il va bien nous falloir - hélas ! - nous conformer, quand on voit les phénoménales capacités de l'Internet à générer du "buzz" !






Elles sont pop, elles sont choc, elles sont top... De Rihanna à Nicki Minaj, Solange Knowles ou Inna Modja, les nouvelles égéries noires fascinent les créateurs, emballent les rédactrices de mode et inspirent la rue. Décryptage. Par Nathalie Dolivo

Le « red carpet » ? Appellation dépassée ! Ces derniers temps, l'heure est au « black carpet ». Une génération de jeunes femmes noires, souvent afro-américaines, truste en effet les premières places du baromètre fashion mondial. Et le phénomène est sans précédent. En haut de l'affiche, la bombe manga Nicki Minaj a provoqué une véritable défla­gration : ses looks explosifs, ses mix improbables, ses che­veux pink ont mis le feu au fash pack. Ils rendraient Lady Gaga presque fadasse en comparaison et font se pâmer les rédactrices de mode, la puissante Anna Wintour au premier chef. Mais Nicki est loin d'être la seule à faire tourner les têtes branchées. Voici Janelle Monáe, petite silhouette androgyne et fifties toujours affublée d'un costard, d'une banane rockab' et d'une sage chemise preppy. Sa musique soul fait danser les foules et son allure fascine Karl Lagerfeld. Et puis Solange Knowles, sœur de Beyoncé, qui, à la différence de son aînée, maîtrise parfaitement les codes les plus pointus du moment. Sa spécialité ? Un savant dosage d'ethnique et de preppy qui la rend irrésistible. Sa noto­riété, elle la doit plus à son sens du style qu'à sa musique. Citons aussi Kelly Rowland, ex-Destiny's Child, et Azealia Banks, rappeuse de Harlem et sensation du moment, qui a su imposer son cocktail régres­sif : sweat-shirt Mickey, nattes de petite fille, microshorts. Zoé Saldana, actrice, tient égale­ment parfaitement son rang. Rihanna, quant à elle, est loin d'avoir pris sa retraite mode et continue d'être in. Elle vient d'ailleurs de signer une mini­collection avec Armani et la moindre de ses apparitions est scrutée à la loupe. La liste exhaustive serait trop lon­gue... « Voilà une génération de filles qui s'expriment par autre chose que par les codes du sexy, note Olivier Cachin*, fin spécialiste des musiques blacks et de la culture afro-américaine. On est sorti des références bling du R'n'B et du hip-hop de ces dernières années. Ce sont des filles à forte personnalité qui ne sont pas un plaqué de fantasme masculin. » À leur insu, elles sont donc peut-être en train de réinventer le « girl power » et d'envoyer bouler leurs mentors hip-hop, ceux qui avaient tant de mal à voir les filles autrement que comme des potiches en string et décolleté. « Aujourd'hui, je veux avoir l'air pointu, différente et inattendue », confiait récem­ment Rihanna au journal « The Observer », illustrant cette volonté de se démarquer par le vêtement.

Dans une société obsédée par l'image, ces filles ont donc compris, mieux que quiconque, l'importance du look. On pourrait même dire que, pour la communauté afro, le vêtement est devenu une arme politique. Jon Caramanica, journaliste au « New York Times », affirmait récemment dans un article consacré à cette renaissance noire que « ce retour au style constituait pour la communauté noire une source de dignité ». Comment ne pas y voir l'effet du cou­ple Obama ? Dans cette Amérique dirigée pour la première fois par un président noir, le chic est devenu une option plausible pour une communauté jusque-là arrimée à ses codes streetwear. La First Lady Michelle donne le ton, misant sur des marques pointues, transcendant les robes trois trous, revisitant en mode jazzy le vestiaire de Jackie O. Bref, l'audace et la créativité se sont réveillées, le preppy a de nouveau droit de cité. Comme dans les années 30, le mouvement Cotton Club, les costumes de jazzmen et les robes charleston. Et dans les années 60, le combat pour les droits civiques, le black power, la classe ineffable et inégalée d'une Angela Davis. Mais, si, en 2012, la « blackgeoisie » a intégré tous les codes blancs, elle ne le fait pas de manière littérale. C'est toujours classique avec un twist, bourgeois avec une référence ethnique (un boubou en wax, un collier coquillage, une créole de rappeur...) qui rappelle les racines. C'est décalé, nouveau, désirable, puissant. « En cette période de crise mondiale, il y a un vrai besoin de fun et de créativité, reprend Olivier Cachin. Des Nicki Minaj ou des Janelle Monáe, originales et fortes visuellement, qui répon­dent totalement à cet air du temps difficile et anxiogène, en sont comme l'antidote. »

Les voilà donc icônes d'aujourd'hui. La mode les fait reines, assouvissant ainsi son besoin constant de se renou­veler. Lorsque les tendances patinent, la fashion se tourne toujours vers la rue. Ce fut le cas dans les années 80, les défilés Gaultier, la culture Benetton, le début du hip-hop. C'est de nou­veau le cas : la rue, et la culture afro en parti­culier, semble constituer un inépuisable vivier d'idées. « A New York, explique Sylvia Jorif, chef des infos mode à ELLE, le phénomène est fou ! Une classe moyenne noire a émergé et joue avec la mode. Ce sont bien souvent des looks désuets, vintage, avec une connotation artistique et musicale. Tout est toujours un peu exagéré : le dress code Hamptons est +++, le vestiaire Ivy League est boosté. C'est souvent drôle mais jamais ridicule. Et ce sont de formidables leçons de style ! » On n'a pas fini de s'inspirer de ce fashion black power ! N. DO {Auteur de "Prince, Purple règne" (Ed. Fetjaine}


L'AFRO EN TÊTE

Emblème de cette tendance, l'afro fait un retour en force sur la tête des filles les plus lancées. Inna Modja ou Solange Knowles ont réhabilité ce qui était jusque-là marqué du sceau des 60's. Comment oublier Angela Davis ? On pense aussi à Diana Ross ou à Sly and the Family Stone. Aujourd'hui, les filles à afro s'appellent des « nappies », soit la contraction de « naturel » et de « hippy ». C'est un retour aux sources de la beauté noire. Une manière d'affirmer son refus de tout ce qui contraint la femme noire : lissage, blanchiment. Elles sont blacks et fières de l'être !


JULIA SARR-JAMOIS, LA IT GIRL QUI BUZZE

Ces dernières fashion weeks, on ne voyait qu'elle : Julia Sarr-Jamois n'a que 23 ans et s'est imposée en quelques mois. Elle pourrait être mannequin, mais elle est rédactrice de mode pour le magazine britannique et fashionissime « Wonderland ». Et, avec elle, le défilé est... devant les défilés !


1069 mots

6293 signes


Lire la suite...