jeudi 5 août 2010

Licence to kill



Formule chère à Ian Fleming, l'inventeur de James Bond. En français : permis de tuer.

Donc, depuis quelques jours, le Landerneau politico-médiatique français bruisse d'une clameur suscitée par les déclarations du caudillo élu par les Français en mai 2007 concernant la déchéance possible - c'est loin d'être fait et ça ne le sera probablement jamais ! - de la nationalité française, déchéance infligée aux Français d'origine étrangère coupables du meurtre d'un agent de la force publique.

Tout le monde, à gauche, semble scandalisé par cette discrimination visant les (criminels) Français, selon leur origine. Franchement, entre nous, est-ce le plus important ?

D'abord, pourquoi seulement un agent de la force publique ? Cela veut-il dire que les Français d'origine étrangère auraient le droit (!), enfin, je me comprends, de tuer des civils, des enfants, des vieillards, des magistrats, enseignants, conducteurs de bus, arbitres, gens d'église... ?

Parce que, si je dis à un criminel d'origine étrangère : "là, si tu tues un policier ou un gendarme, je te retire la nationalité.", en bonne logique, il se dira que je lui suggère de s'en prendre plutôt à des non-policiers, des non-gendarmes, bref, à monsieur ou madame tout-le-monde ! On risque donc, d'avoir une recrudescence des meurtres de vieilles dames, de retraités, d'adolescents, et pourquoi pas, de policiers ou gendarmes... en civil !

Parce que je suppose qu'un agent dépositaire de la force publique doit être identifiable ès qualité, ce qui exclut le policier ou gendarme en villégiature, en vacances, faisant du jogging ou allant à la pêche.

Ce qui veut dire, si je poursuis le raisonnement de notre illustre président, que si un criminel d'origine étrangère veut trucider un agent dépositaire de la force publique, il devra patiemment attendre que ledit agent ne soit pas en service et ne soit donc pas porteur de signes permettant de l'identifier comme représentant des forces de l'ordre.

Dans l'urgence, les criminels d'origine étrangère devront s'organiser, je veux dire prendre des associés, des Français de souche, forcément. Je rappelle qu'à Grenoble, ils étaient deux, dont le survivant court toujours. Survivant non identifié, qui pourrait être d'origine étrangère mais peut-être... de souche !

Parce que, dans le cas d'espèce, les truands grenoblois, après avoir attaqué un casino, se sont repliés vers La Villeneuve, où ils ont eu un échange de tirs avec les forces de l'ordre, l'un des truands ayant perdu la vie dans l'échauffourée. Et notre illustre président d'embrayer sur l'origine étrangère et l'éventuelle déchéance de la nationalité. Mais que savons-nous de l'autre truand ? Et s'il avait, lui aussi, participé à la fusillade et s'avérait être un Français de souche ?

Quand on connaît la capacité d'adaptation des voyous, j'imagine comment les choses risquent d'évoluer : tant qu'à faire, les truands devront désormais travailler en bi- voire polynômes, du type Kader (d'origine étrangère) et Florian (Français de souche), ce dernier étant le seul à pouvoir tirer sur - et éventuellement tuer - un policier ou gendarme. Et si l'on arrête Kader, ce dernier affirmera que c'est Florian qui a tiré sur l'agent. Du coup, impossible de déchoir Kader de sa nationalité française !

On risque donc d'avoir une spécialisation dans les gangs, assortie d'une forme de mixité, du type BBB : black, blanc, beur, le Blanc étant le seul habilité à tuer des flics ou des gendarmes.

Et du coup, la future loi votée par l'UMP risque de tomber rapidement en désuétude.

Franchement, je ne suis pas sûr que notre illustre président ait mesuré la portée de ses propos du vendredi 30 juillet 2010, à Grenoble.


Mais venons-en à ces fameux propos :

"Je prends mes responsabilités. La nationalité française devrait pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie, ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite, et il faut pouvoir s'en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre, on n'est plus digne d'être Français."

Et là, je dois noter comme une étrangeté, pour ne pas dire une incongruité. Deux passages interpellent, en effet :

1. La nationalité française devrait pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie, ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite, et il faut pouvoir s'en montrer digne.

2. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre, on n'est plus digne d'être Français.

Non, mais, vous ne trouvez pas ça étrange, cette façon de formuler les choses, en se contredisant au passage ?

Résumons :

(1) Celui (d'origine étrangère) qui attente à la vie d'un dépositaire de la force publique perdra sa nationalité française. Seulement voilà :

(2) Qui(conque) tire sur un dépositaire de la force publique n'est plus digne "d'être français" et non pas "de devenir français". Mais pourquoi donc "on n'est plus digne d'être Français" ne s'appliquerait-il qu'aux sujets d'origine étrangère ? Il s'avère que cette deuxième partie de la déclaration, qu'on aurait voulu redondante, pour bien marteler les choses, vient en parfaite contradiction avec la première partie de la déclaration, d'où la forte impression d'incohérence et d'incongruité.

Comme quoi, il vaut mieux parfois lire ses discours, au lieu d'improviser de manière hasardeuse !

"N'est plus digne d'être français" s'applique nécessairement à TOUS LES FRANÇAIS, indépendamment de leur origine.

Ouf ! C'est la gauche qui va se sentir rassurée. On l'avait échappé belle !

Maintenant, je souhaite bonne chance à tous les godillots de l'UMP, qui vont devoir se coltiner avec cette déclaration incohérente, pour tenter de concocter une loi tenant à peu près debout.

Entre nous, c'est pas gagné !