samedi 19 mars 2011

Libye : les armes de désinformation massive... (1/7)



Avertissement

Comme le titre ci-dessus le suggère, ce texte risque d'être très long (désolé, je ne sais pas faire autrement. Je sais bien que, pour être lu sur le "net", il vaut mieux se restreindre à des papiers de moins de 800 signes, parce qu'il y a tellement de quasi-illettrés, qui n'aiment pas se farcir des textes trop longs. Ceux-là n'auront qu'à passer leur chemin, ils ne m'intéressent pas !) ; je l'ai donc, scindé en plusieurs épisodes.

Très important : les lecteurs et lectrices habitués à ma prose savent que je suis un adepte de la pédagogie - j'observe, en passant, que les contestataires de mes démonstrations se comptent généralement sur les doigts de la main, et encore, ce qui n'est pas pour me déplaire ! -, et pour ce faire, je m'appuierai sur moult captures d'écrans, sortes d'arrêts sur images, pour démontrer un certain nombre de choses, puisque nous avons affaire, avec le 'web', à un outil multimédia, à commencer par la propension qu'ont certains à faire mentir les images, voire à faire dire aux choses le contraire de ce tout le monde peut voir.

Fin de l'avertissement


Vous savez quoi ? Il y en a qui rient sous cape en ce moment-même, voire affichent un sourire narquois, en considérant ma dernière production sur Alain Juppé, lisible quelque part sur ce site, Juppé que j'ai qualifié d'éphémère ministre des Affaires Etrangères de la France.

Tout récemment, un des plus fidèles lecteurs de mon blog m'a apostrophé en ces termes :

- Alors, toujours persuadé que Juppé est un mauvais ministre des Affaires Etrangères ?

- Je n'ai jamais dit qu'il fût un mauvais ministre des Affaires Etrangères ; j'ai simplement estimé qu'il avait été bien éphémère à  ce poste, ce qui, bien évidemment, était une façon de parler. Tout le monde a compris que, dans un système bonapartiste, le "bonaparte" de service décide d'à peu près tout. Structure l'emporte toujours sur conjoncture !

- Allons, ne jouons pas avec les mots ! Reconnaissez que vous vous êtes bien planté !

- Non mais, vous voulez rire ? Sachez que, plus que jamais, je maintiens mon verdict sur Juppé, et je dirais même plus : je trouve que j'étais en-deçà de la vérité.

- Sans blague, vous êtes sérieux ? Après la réussite de la France à l'ONU ?

- Précisément. Et entre nous soit dit, ne parlons pas de réussite si tôt. Comme dit l'adage, c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses. Cette affaire ne fait que commencer !

- Là, il va falloir que vous m'expliquiez. Parce que j'ai l'impression que la communauté internationale, pour une fois, n'a pas trop tergiversé.

- Ben voilà, nous y sommes : les grandes formules ronflantes ; "Communauté internationale !". Dix, ils étaient dix à voter cette résolution. Et l'ONU compte pas loin de cent quatre-vingt quatorze États membres ! "Communauté internationale", cette bonne blague !

- Oui, mais en attendant, ce sont les statuts de l'ONU !

- Ça, je demande à voir qui a investi le Conseil de Sécurité, ou d'insécurité, du pouvoir de gouverner le monde. Parce que, moi, on m'a toujours appris que le droit international était un droit relatif : les États, sujets de droit international, sont souverains et ne sauraient se soumettre à quelque traité ou arrangement international qu'ils n'auraient pas dûment ratifié. Il y a donc pas loin de cent quatre-vingts États pour lesquels cette résolution n'a absolument aucune valeur !

- Ça c'est vite dit ; d'ici à ce que l'Organisation des Nations Unies soit modifiée dans son fonctionnement, pas mal d'eau aura coulé sous les ponts.

- Je ne vous le fais pas dire. Mais au fait, le nom de Raul Sendic vous dit-il quelque chose ?

- Non.

- Et "Tupamaros" ?

- Pas plus !

- Patricia Hearst, Armée symbionaise ?

- Mmm, mais ça rime à quoi tout ça ? 

- Et le Sentier Lumineux ?

- Ah, je vois, des révolutionnaires sudaméricains, marxistes sur les bords, comme les FARC ?

- C'est ça, comme les FARC, avant les FARC ! Mais la liste n'est pas close, sans être exhaustive... ; dans le désordre : Contras, Sandinistes, RAF (Rote Armee Fraktion - Fraction Armée Rouge), Black PanthersBrigades Rouges, ETA, Action Directe, PKK, Armée de Libération du SeigneurIRA et tutti quanti...

- Je commence à comprendre : des mouvements révolutionnaires adeptes de la guérilla.

- Exactement ! Je dirais même plus : des insurgés, des mouvements insurrectionnels prenant les armes contre le gouvernement de leur pays, et qui réussissent parfois à le renverser. Parce que j'aurais encore pu ajouter les Mao Zedong, et avant la Chine, les Bolcheviks russes, Lénine et compagnie, le mouvement Spartakus en Allemagne dans les années 14-19 (1914...), tous les FLN (fronts...) ou MLN, mouvements... de libération nationale, etc. Aucun continent n'a été épargné, et je dirais même que rares sont les pays n'ayant pas eu droit à leur rébellion locale armée. Même les Etats-Unis ont eu leurs révolutionnaires, dont je rappellerai que c'est une insurrection armée qui a mis fin, en 1776, à la colonisation anglaise, mais deux bons siècles plus tard, il y aura les Black Panthers, la fameuse Armée symbionaise, et beaucoup plus tard, la confrontation de Waco, l'attentat meurtrier d'Oklahoma City, etc.

- Et alors ?

- Et alors ? La Libye se trouve confrontée à une insurrection ARMÉE. Ces gens ne sont pas des pacifistes comme en Tunisie, Egypte ou Bahreïn. Ils ont des armes, voire des armes lourdes. Et l'on me dit que la soi-disant "communauté internationale" va prêter main forte à une insurrection armée ? Ça s'appelle "ouvrir la boîte de Pandore", parce que ça risque de faire tache d'huile et qu'il risque d'y avoir "échanges de bons procédés", ou encore de "réponses du berger à la bergère", dans la série : "Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fasse !". Je pense à la Russie et à ses Caucases (prise d'otages dans une école à Beslan, attentats suicides dans le métro, dans un théâtre, etc.), à la Turquie, à l'Espagne et aux Basques de l'ETA, qui va peut-être reprendre les armes, qui sait ?, à l'IRA ; il y a aussi les Ouïghours en Chine, et les Tibétains, ne parlons pas de l'Afrique... Ces guignols du soi-disant Conseil de sécurité - je veux parler de ceux qui ont validé cette chose - ne sont que des apprentis sorciers, parce qu'ils ont, tous, des mouvements insurrectionnels sur leur sol. Je crois savoir que des adeptes de la suprématie blanche aimeraient faire la peau à Obama ! Et s'il n'y avait que ça ! Toute une armada occidentale se bat actuellement contre les Talibans, Al Qaeda... Et voilà ces mouvements légitimés tout d'un coup par ces guignols !


(...)


Voilà le genre de conversation que j'ai en ce moment avec un certain nombre de mes correspondants ou camarades. Et je le ré-écris ici : Alain Juppé peut toujours se gargariser d'avoir réussi un bon coup à l'ONU, l'autre jour, mais à sa place, moi, je maudirais le jour où j'aurais accepté de devenir le ministre de ce médiocre caporal qui veut jouer au général de brigade sans en avoir la moindre envergure !

Tant je suis persuadé que cette "guerre" validée par l'ONU en Libye va se terminer de façon humiliante pour tous ces apprentis-sorciers, dont Barack Obama est probablement l'un des plus stupides. Quand je pense seulement à l'allégresse qu'il a suscitée chez nous tous, qui espérions, enfin, un vrai changement !

Pauvre Barack Obama !


ÉPISODE 1/7 : Faux et usage de faux


Le moins qu'on puisse dire est que les apprentis-sorciers qui prétendent parler au nom de la "communauté internationale" - en entraînant le monde dans une agression contre l'Etat souverain qu'est la Libye, au nom de bons sentiments particulièrement contestables, car trop à géométrie variable - n'ont pas de chance. Jugez-en plutôt.

Tout avait commencé avec ces accusations contre la Libye, concernant d'éventuels "crimes contre l'Humanité". Et j'avoue que là, j'ai sursauté.

- Crimes contre l'Humanité ? Contre la Libye ? Vous êtes sûrs ? Est-ce qu'on a parlé de crimes contre l'Humanité contre Israël à Gaza ou après Sabra et Shatila ? Et après les massacres de Sétif (1945), Madagascar (1947), les bombardements de Dresde, Hiroshima et Nagasaki ?

- Crimes contre l'Humanité ! Ben oui, quoi ! Il y a plus de six mille morts en quelques semaines. Pourtant, les télévisions du monde entier sont en Libye. Alors, six mille morts, ça doit en faire, des funérailles filmées par les caméras, voire par les téléphones portables. Mais là, rien !

Six mille morts par-ci, dont personne n'a vu la trace, crimes contre l'Humanité par-là, ce qui relève du plus pur grotesque, du coup, on devient vraiment méfiant, et l'on se dit que des gens capables de manipuler l'opinion avec autant d'aplomb préparent forcément quelque chose, dans le style des armes de destruction massive en Irak. Le comble est qu'on nous refait, avec Kadhafi, presque le même coup qu'avec Saddam Hussein, lequel, curieusement, malgré son lourd passif, n'a pas eu droit au crime contre l'Humanité ni à la Cour Pénale Internationale !


Entre temps, les six mille morts de Kadhafi se sont volatilisés, ou se sont avérés n'être qu'une grosse escroquerie, dans laquelle des organisations des Droits de l'Homme ont quand même trempé. Bravo pour le numéro de désinformation !

Mais il y a plus croustillant !

Samedi 19 mars 2011, les écrans de toutes les chaînes d'information se couvrent d'une séquence filmée au-dessus de Benghazi, dans l'Est de la Libye. Il y est question d'un avion militaire (Mig23 ?) s'écrasant au sol. Et tout le monde de penser, moi le premier, que Kadhafi n'a pas perdu de temps, en violant le "cesser le feu" aussi vite, au vu et au su de tout le monde, avec toutes ces chaînes de télévision qui rendent compte de tout, minute par minute.





Youtube




"Un héros a abattu un avion de l'armée de Kadhafi..."



Extrait du site de Foxnews (les numéros insérés dans le texte renvoient à des commentaires.).


BENGHAZI, Libya –  Libyan rebels shot down a warplane that was bombing their eastern stronghold Saturday as the opposition accused Muammar Qaddafi's government of defying calls for an immediate cease-fire. (...) An Associated Press reporter saw the plane go down in flames outside Benghazi early Saturday, sending up a black cloud of smoke after the city came under attack. The sound of artillery and crackling gunfire was heard in the distance. (...) The leaders of Britain, France, Germany and the chiefs of the United Nations and Arab League are preparing to convene at Paris Saturday for an emergency summit regarding actions to enforce a Security Council resolution demanding that Col. Muammar al-Qaddafi obliges to a cease-fire against rebels. (...) 

Benghazi, Libye - Les rebelles libyens ont abattu un avion de guerre qui était en train de  bombarder leur bastion de l'Est, ce samedi, tandis que l'opposition accusait le gouvernement de Mouammar Kadhafi de défier les appels à un cessez-le-feu (1). (...) Un journaliste de l'Associated Press a vu l'avion descendre en flammes à l'extérieur de Benghazi ce samedi matin, envoyant un nuage de fumée noire après que la ville a été attaquée. Le bruit de l'artillerie et le crépitement des tirs pouvaient se faire entendre de loin. (...) Les dirigeants de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne et les responsables de l'Organisation des Nations Unies et de la Ligue arabe se préparent à tenir à Paris, ce samedi, un sommet extraordinaire sur les mesures à appliquer conformément aux exigences d’une résolution du Conseil de sécurité imposant au colonel Muammar al-Kadhafi un cessez-le-le feu contre les rebelles (2).




libya


Extrait : 

A Libyan jet bomber crashes after being hit over Benghazi on March 19, 2011 as Libya's rebel stronghold came under attack, with at least two air strikes and sustained shelling of the city's south sending thick smoke into the sky. 

Un bombardier libyen s’écrase après avoir été touché au-dessus de Benghazi, le 19 Mars 2011, durant une attaque conduite contre le bastion des rebelles, avec au moins deux raids aériens (3) et des bombardements soutenus sur le sud de la ville, dégageant une épaisse fumée dans le ciel.



libya

Extrait de l'article

Dans la matinée, un avion militaire sous contrôle des insurgés (4), vraisemblablement un Mig-23, a été abattu sous les caméras des télévisions internationales. "Il y aura aujourd'hui une catastrophe à Benghazi si la communauté internationale ne met pas en oeuvre les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, a mis en garde Moustafa Abdeldjeïl, ancien ministre de la justice de Kadhafi passé dans les rangs de l'insurrection. Nous lançons un appel à la communauté internationale, à l'ensemble du monde libre, pour qu'elle empêche ce régime tyrannique d'exterminer des civils".


Extrait du forum des lecteurs du monde.fr

« Tiens ! L'avion abattu était en fait un avion des insurgés ! Alors qu'on nous présente à longueur de pages les insurgés comme d'inoffensifs civils. Il serait souhaitable de disposer d'une information équitable. Après chacun se fera sa propre opinion. »


Msn





libya


Et voilà : finalement, les insurgés auraient abattu un de leurs propres avions.


Et c'est là qu'on saute au plafond : comment ça un de leurs avions !?!? Parce que les démocrates de Benghazi, ces pacifistes qu'il s'agit de sauver de l'extermination (sic) par les troupes de Kadhafi, ont des avions de combat, non mais ça alors !

Est-ce que, quelque part, on ne nous a pas pris pour des cons ?

Résumons :

1. Les rebelles libyens ont abattu un avion de guerre qui était en train de  bombarder leur bastion de l'Est, ce samedi, tandis que l'opposition accusait le gouvernement de Mouammar Kadhafi de défier les appels à un cessez-le-feu...

Faux. Doublement faux. L'avion n'était pas en train de bombarder..., mais se livrait visiblement à un simulacre de bombardement, histoire d'accréditer l'idée que l'armée de Kadhafi violait le cessez-le-feu, ce bidonnage étant désormais évident et constituant une manipulation d'une exceptionnelle gravité ! Du coup, les guignols qui ont monté cette opération militaire se trouvent humiliés devant l'opinion publique internationale, avant même que les opérations ne commencent. Ce n'est vraiment pas de chance !


2. ... conformément aux exigences d’une résolution du Conseil de sécurité imposant au colonel Muammar al-Kadhafi un cessez-le-le feu contre les rebelles... 

Faux ! Archi-faux ! D'abord, le nom de Muammar al-Kadhafi n'est mentionné nulle part dans la résolution 1973 pas plus qu'elle ne vise un belligérant en particulier. Rappelons que "cessez-le-feu" est un terme qui concerne l'ensemble des belligérants d'un conflit et pas un seul ! Pour preuve :


 Demands "the immediate establishment of a ceasefire and a complete end to violence and all attacks against, and abuses of, civilians".

 Decides "to establish a ban on all flights in the airspace of the Libyan Arab Jamahiriya in order to help protect civilians", but says humanitarian flights and flights authorised by the UN and Arab League can take place.

La résolution exige
 « l’instauration immédiate d'un cessez le feu et l’arrêt complet de toute violence et de toutes les attaques et atrocités contre les civils".
 Décide « d'instaurer une interdiction sur tous les vols dans l'espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne en vue d'aider à protéger les civils », exception faite des vols humanitaires et des vols autorisés par l'ONU et par la Ligue arabe.
  • arrêt complet de toute violence... contre les civils, sans qu'il soit besoin de préciser de quel côté se trouvent les civils en question !
  • interdiction de tous les vols et non des vols d'un seul des deux belligérants !

3. Un bombardier libyen s’écrase après avoir été touché au-dessus de Benghazi, le 19 Mars 2011, durant une attaque conduite contre le bastion des rebelles, avec au moins deux raids aériens...  

... après avoir été touché... durant une attaque conduite contre le bastion des rebelles... Vous avez compris ? C'est tellement alambiqué qu'il faut avoir fait des études de linguistique pour comprendre ! Ça tombe bien, c'est mon cas ! D'abord, comment savent-ils qu'il s'agit d'un bombardier libyen, sans même l'avoir inspecté ? Touché durant une attaque, ça veut dire quoi, sinon que l'on imagine mal que les rebelles s'attaquent eux-mêmes ! Donc, attaque contre le bastion des rebelles suggère qu'ils aient été attaqués par quelqu'un d'autre, vous voyez de qui il s'agit ! Bidonnage quand tu nous tiens ! Malheureusement, tout cela était bien faux.

4. ... un avion militaire sous contrôle des insurgés, vraisemblablement un Mig-23, a été abattu sous les caméras des télévisions internationales... 

Non mais, franchement, vous y comprenez quelque chose à ce charabia - un avion sous contrôle de... - ? De toute évidence, le rédacteur du Monde sait, au moment où il compose son article, que l'avion n'est pas gouvernemental. Ce qui la f. mal, soit dit entre parenthèses ! Donc, c'est un avion piloté par un insurgé. Donc, les insurgés ont violé le cessez-le-feu. Donc, de surcroît, les insurgés possèdent un sacré armement, dites-donc : un Mig ?!?! Alors, du coup, on a un rédacteur qui ne sait plus à quel saint se vouer !

Mais allez-vous me dire, la séquence ayant eu lieu le matin, ils ont eu le temps, au Monde, de corriger le tir, et de mettre leurs lecteurs au parfum. Voilà qui m'a donné l'idée d'en avoir le coeur net. Donc, je visite le site lemonde.fr dans la soirée.


Résultat des courses : mise à jour, 16h58.


Je vous avoue que ce titre : Benghazi sous le feu des forces de Kadhafi, associé à l'image de l'avion en flammes, me dérange prodigieusement, parce que le titre ne colle pas du tout avec l'image, et parce que quiconque lirait le titre sans entrer dans l'article croirait que l'avion appartient "aux forces de Kadhafi" (sic), alors que c'est faux. Par conséquent, ou bien le journal se rend coupable de négligence (étonnant quand même, compte tenu des réactions des lecteurs) et c'est navrant, ou il agit délibérément,  et c'est tout simplement consternant !

Le fin mot de l'histoire ?

Tout ça ne sent pas très bon. Visiblement, les "insurgés" de Benghazi, qui ont du gros matériel militaire, essaient de se faire passer pour de pauvres victimes sans défense, et pour ce faire, n'hésitent pas à manipuler l'opinion. Et ce matin du 19 mars 2011, il était question de faire voler un avion au-dessus de Benghazi, suffisamment longtemps pour que toutes les caméras de télévision du monde captent l'image prouvant la violation du cessez-le-feu par les "forces de Kadhafi". Ce qui fut presque réussi. Seulement voilà, le bidonnage aurait été absolument parfait si un abruti, qui ne devait pas être dans la confidence, n'avait pas balancé un missile Stinger ou équivalent sur l'avion ami.

Un bidonnage. C'est assurément le mot qui résume le mieux l'ensemble de ce montage peu ragoutant ourdi depuis le siège new-yorkais de l'ONU.

Et, du coup, je compatis à la douleur de ce pauvre Alain Juppé, pauvre ministre bien éphémère des Affaires étrangères ! Le meilleur d'entre eux, piégé par un médiocre caporal qui se prend pour un général de brigade. Pauvre Juppé !

Ah, tiens, j'oubliais... Ne voilà-t-il pas que, dans la soirée de ce samedi 19 mars, mon ami de tout à l'heure, vous savez, celui avec je devisais plus haut sur les mouvements d'insurrection, m'appelle et me demande tout de go ce que j'ai pensé des images. Cette fois, c'est à mon tour de persifler :

- Les images ! Quelles images ?

- Ne me dites pas que vous n'avez pas  vu les images de l'avion !

- Ah, vous voulez parler de l'avion des forces gouvernementales, qui bombarde de pauvres civils sans défense à Benghazi ?

- Mais c'est quand même dingue. Ils se sont foutus de nous !

- Ils se sont foutus de VOUS ! Ça, je ne vous le fais pas dire ! Moi, je n'ai jamais cru à cette révolution démocratique un peu trop armée...

- Le problème est qu'on frise le ridicule à défendre ces gens-là ; il va falloir tout arrêter !

- Ce que vous pouvez être naïf ! Arrêter un super-tanker lancé à pleine vitesse ! Parce que vous croyez qu'après s'être donné tout ce mal, les "grands de ce monde" vont admettre qu'ils se sont fait rouler dans la farine par des escrocs ? Et qu'est-ce qui me dit que tout ça n'était pas prémédité, tout le monde étant de mèche pour agresser la Libye, comme pour l'Irak, souvenez-vous ! Et puis, ils vont vous dire que cette histoire d'avion ne change rien au fait qu'il y a des femmes et des enfants dont il faut assurer la sécurité, puisque c'est ça le prétexte de l'intervention.

- Mais ces femmes et ces enfants sont des otages en fait de ces soi-disant révolutionnaires démocrates !

- C'est aussi mon avis. Mais bon, compte tenu de votre réaction, il faut espérer que des centaines de millions de gens auront noté le bidonnage, et sauront se faire entendre auprès de leurs gouvernants. le problème est que, du côté de ceux qui sont censés nous informer, je veux parler des journalistes, c'est motus et bouche cousue, comme s'il ne s'était rien passé. Ils appellent ça la démocratie, la liberté de la presse...

- C'est vrai, à part les forums de discussion sur Internet, pas un seul grand papier pour dénoncer ce faux, digne de l'affaire de Timisoara.

- Bien vu ! Mais si vous vous rappelez, après le montage de ce faux charnier, pas grand monde n'est venu battre sa coulpe en public !

- Je suis écoeuré !

Désespéré qu'il était, le pauvre garçon...

Et pendant ce temps, on pouvait lire dans le journal que "le président français a indiqué que les avions français qui survolent actuellement la Libye empêcheront des attaques contre Benghazi et seront prêts à intervenir contre des blindés de l'armée libyenne. Kadhafi peut "encore éviter le pire" en respectant "sans délai et sans réserve" la résolution de l'ONU, a ajouté le chef de l'Etat, pour qui "la porte de la diplomatie se rouvrira lorsque les agressions cesseront". (AFP)

Constatons, en passant, que le président français n'a pas dû bien lire la résolution n° 1973 de l'ONU, car cette dernière exige un cesser-le-feu, sans mentionner de belligérant en particulier. De fait, le nom de Kadhafi n'y figure pas une seule fois, et pour cause : dès lors qu'il y a deux belligérants, le respect des civils s'impose à tous et pas à un seul ! Ce qui veut dire que l'on n'est pas là pour intervenir contre une partie préalablement désignée mais contre toute partie qui violerait le cessez-le-feu

Mais bon, quand on vous dit qu'il y a des gens qui peuvent avoir des problèmes de vue !

Tiens, by the way, la France, c'est bien ce pays qui a vu un certain nombre des siens pris en otages en Afghanistan, pour deux journalistes, et dans le Niger pour des collaborateurs d'Areva, tout ce petit monde étant peu ou prou contraint de bénéficier de l'hospitalité des Talibans et de leurs compères d'Al Qaeda, ces deux mouvances terroristes étant la principale raison de la présence des occidentaux en Afghanistan, soucieuse d'éradiquer le terrorisme dans le monde ?

Imaginons maintenant, une seconde, que les allégations de Kadhafi soient vraies, à savoir que Al Qaeda tire les ficelles derrière les rebelles de Benghazi. Au point où nous en sommes, jureriez-vous que Kadhafi ne puisse, de toute façon, jamais dire la vérité ?


Prochain épisode : L'incroyable coalition