dimanche 3 novembre 2019

Sémantique de la désinformation #20 Part. 1


Épisode §20/1. Une névrose française : le "voile" dit "islamique"

Voilà bientôt trois semaines qu'à l'occasion d'une session du parlement régional de Bourgogne, une espèce d'olibrius, je veux dire un pauvre type sans grande éducation, a osé agresser une femme en présence des enfants qu'elle accompagnait, déclenchant par la même occasion une vague de masturbation neuronale (action de se masturber les neurones) bien dans la tradition française, ce prétendu pays laïc ou, comme dirait un des Dupon/d/t de Hergé, ce pays prétendûment laïc.

Vous n'avez pas la berlue ; elle a bien dit "foulard" !

Or, ne voilà-t-il pas que la "lepénisation" des esprits aidant, toute une cohorte d'experts auto-proclamés en signes religieux est montée au créneau. Et comme pour ajouter à l'hystérie ambiante, ne voilà-t-il pas que le Sénat en est venu à voter une proposition de loi qu'on aurait crue directement inspirée par l'agitation suscitée par l'élu lepéniste de Bourgogne, si la proposition de loi en question n'avait pas été initiée quelques mois plus tôt, ainsi qu'on peut le constater sur l'intitulé qui suit : 

Texte n° 643 (2018-2019) de Mme  Jacqueline EUSTACHE-BRINIO et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 9 juillet 2019 - exposé des motifs (Source)

9 juillet 2019, donc. Et que dit le texte final de la proposition de loi en question ? Ceci :


Source

 "Neutralité religieuse des personnes participant au service public de l'éducation" nous dit la proposition de loi.

« Le troisième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes qui participent au service public de l’éducation sont également tenues de respecter ces valeurs. »

« La même interdiction s’applique aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles et établissements publics locaux d’enseignement. »

Et là, vous vous dites : "Ah bon ? C'est tout ?"

Parce que moi, je me suis dit : "Ah bon ? C'est tout ?" Et je me suis presque roulé par terre, de rire !

Il faut dire que la couardise de nos sénateurs est telle qu'ils en sont réduits à faire dans l'euphémisation ; vous savez ? L'art de dire, sans dire, mais tout en disant. Donc, on se contente de renvoyer à un article existant, sans oser nommer les choses.

Ainsi, donc, les personnes qui participent au service public de l’éducation sont également tenues de respecter ces valeurs. ». Mais de quelles valeurs s'agit-il ? On ne sait pas ! Enfin, si : il suffirait d'aller jeter un œil dans les textes cités en référence et que la proposition de loi est censée amender. 

Pareil pour l'article suivant : la même interdiction s’applique aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements...
 
L'art de dire, sans dire, tout en disant. La cuistrerie quoi ! Mais ce n'est pas ça qui m'a quasiment jeté par terre, de rire, mais tout autre chose. Le fait est que j'ai jeté un oeil dans les archives, notamment celles du Sénat, où j'ai déniché ceci :



Extrait :
Face aux incidents qu'ont connu un certain nombre d'établissements d'enseignement public fréquentés par des jeunes filles portant un voile islamique, le Conseil d'État affirme depuis 1989 que le tchador ne peut être interdit a priori mais qu'il peut justifier l'exclusion d'élèves s'il est à l'origine d'un trouble à l'ordre public. (Source)

Vous avez compris ?

En 1996, le Sénat français envisageait, le plus sérieusement du monde, de bouter hors des établissements d'enseignement public les jeunes filles portant un voile islamique (et seulement celles-là), ce qui constituait, de toute évidence, le ciblage spécifique d'une religion.

Vous comprenez maintenant pourquoi la dernière proposition de loi sénatoriale, toute en euphémismes et en louvoiements, ne pouvait que m'inciter à me rouler par terre, de rire, étant donnée l'édulcoration manifeste intervenue dans le lexique des sénateurs entre 1996 et 2019 ? 

Par ailleurs, en 1996, le Sénat insinuait que le tchador,  à en croire le Conseil d'État, ne pouvait être interdit a priori dans l'enceinte scolaire. Il se trouve simplement que le tchador n'est pas n'importe quel accessoire vestimentaire mais appartient tout spécifiquement à l'espace culturel iranien, à l'instar de la burka qui, elle, est spécifiquement afghane. 

Et comme j'avais du mal à croire que le Conseil d'État ait pu recourir à l'euphémisme "tchador", comme d'autres se réfugient dans l'euphémisme "voile", pour recouvrir l'ensemble des signes vestimentaires censés exprimer une appartenance religieuse, je suis allé voir d'un peu plus près, notamment dans les propres archives du Sénat à propos de ce fameux avis du Conseil d'État de 1989.

Citation : 
Dès lors, « dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels il entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ». (Source)
Je dois vous avouer que, dans l'arrêt du Conseil d'Etat cité par le Sénat, je n'ai trouvé aucune trace d'une référence au tchador !

Il n'empêche que ledit Conseil d'État se trompe, et avec lui l'ensemble des "experts autoproclamés en signes religieux", lorsqu'ils reprennent cette formule qui ne veut absolument rien dire, à savoir "des signes censés manifester une appartenance religieuse", les images qui suivent suffisant à démontrer l'indigence de la proposition.  Entre nous, à qui va-t-on faire croire que les personnalités reproduites ci-dessous se soient converties au judaïsme, ou que les hôtesses de l'air en transit en Arabie Saoudite ou en Iran soient tenues de se convertir à l'Islam durant le temps que dure une escale, sans oublier toutes ces personnalités féminines que l'on a vues affublées d'un... - comment disent-ils déjà, nos cuistres (?) - "voile islamique" lors d'un déplacement en Arabie ou en Iran ?












Cela dit, entre nous, abstraction faite de la bêtise voire de la connerie de boute-feux islamophobes, qu'on sait nombreux et actifs dans ce pays, la responsabilité majeure de l'hystérie qui continue d'agiter la France en matière de "signes religieux" ne repose-t-elle pas avant tout sur les dirigeants musulmans eux-mêmes, compte tenu de leur incapacité foncière à dire simplement des choses qui se conçoivent tout aussi simplement ? 

Pour avoir attentivement suivi les débats préparatoires à la loi de 2004 sur les "signes religieux en milieu scolaire", j'avoue avoir été stupéfait de voir l'embrouillamini entretenu alors par les sommités musulmanes, pourtant abondamment consultées par la Commission Stasi, incapables qu'elles furent d'énoncer une évidence, à savoir que le fait qu'un chrétien nommé Clinton, Obama ou Trump porte une kippa dans une circonstance particulière, ou qu'une chrétienne nommée Macron, Royal ou Sarkozy porte un hidjab lors d'un séjour en Arabie n'a jamais été et ne sera jamais constitutif d'une quelconque appartenance au judaïsme ou à la religion musulmane ! 

Quant au dignitaire du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) que j'ai entendu récemment déclarer que "le voile était une prescription du Coran", je lui signalerai simplement que tout le problème de beaucoup de "croyants automatiques", comme je les appelle, est de reproduire mécaniquement des propos ou des gestes, à la manière des robots, sans trop comprendre ce que tout cela veut dire, tout le contraire des protestants, et ce, non pas grâce à Martin Luther, mais aux paysans allemands. J'en ai déjà parlé et je suis prêt à en reparler ailleurs. Ce qui fait que les croyants (les paysans allemands convertis au protestantisme) se sont mis à réfléchir et à discuter sur les textes saints, au lieu de se contenter de les ingurgiter bêtement !

Si notre dignitaire du CFCM s'appliquait à lire le Coran avec intelligence, au lieu de répéter bêtement des versets de sourates à la manière d'un perroquet, il s'appesantirait, par exemple, sur ce verset, que je cite de mémoire (du moins le début) : "Ô Prophète, dis à tes épouses... de ramener sur elles..."

Et il s'agissait de ramener sur elles quoi déjà ? Le Coran décrit-il l'objet en question ? Tout ce qu'on en sait c'est  qu'il s'agit de "ramener sur elles de grands voiles"..., "elles en seront plus vite reconnues"..., l'idée étant que ces femmes se manifestent comme étant d'une élévation noble (noblesse d'âme s'entend !) et pieuse. On parle, ici, bien plus de morale, de pudeur et de dignité (et que je sache, à l'instar du Protestantisme, qui se fiche, par exemple, des reliques, l'Islam n'est pas une religion fétichiste, contrairement au Catholicisme, et même au Judaïsme !) que de l'adoration stupide d'un bout de tissu sur la tête !



Lectures : Protestants - Fétichisme 01  - Fétichisme 02

Lire aussi : "Jede Gemeinde soll das Recht haben, ihren Pfarrer zu wählen und ihn zu entsetzen (abzusetzen), wenn er sich ungebührlich verhält. Der Pfarrer soll das Evangelium lauter und klar ohne allen menschlichen Zusatz predigen, da in der Schrift steht, dass wir allein durch den wahren Glauben zu Gott kommen können." (Article 1. des 'Zwölf Artikel' des paysans allemands parus lors des évènements de 1525). (Source)