vendredi 28 février 2020

Gangs urbains et délinquance en culottes courtes : un cancer africain #4.1


Épisode §4/1. Mother of seven...

Ce qui suit est une traduction que j'ai réalisée d'un article disponible en ligne sur le site du quotidien britannique The Guardian. C'est précisément cet article qui m'a incité à rédiger la présente série. J'avoue qu'en le parcourant, je n'ai pas pu m'empêcher de penser : "Ben voyons !".

Mais, surtout, je me suis posé une question simple : "Mais à quoi peuvent bien servir nos sociologues et autres travailleurs sociaux ?".

Quand je dis "nos", j'entends bien que ce qui se passe dans le grand Londres se reproduit quasiment à l'identique un peu partout où l'on retrouve des paysans (africains ou non) déracinés et transbahutés vers les mégalopoles des pays industrialisés. Aux États-Unis, aux descendants d'esclaves entassés (depuis plus de deux siècles !) dans les fameux ghettos urbains de New York, Chicago, Detroit et d'ailleurs, sont venus s'ajouter les rejetons de paysans latino-américains venus initialement satisfaire les besoins en main d’œuvre (corvéable à merci) des grandes exploitations agricoles.

Lors de la lecture de l'article qui nous occupe, mon attention a été attirée par la formule : "Ali, a mother of seven...", dont vous trouverez la traduction française plus bas. Et moi de m'interroger : "mère de combien ?".


Des mères expédient leurs enfants en Somalie, pour leur éviter de se faire poignarder...

Les résidents des quartiers du  Nord de Londres ne croient pas que la police puisse protéger leurs jeunes contre les gangs de trafiquants. (1)

Des représentants de la communauté somalienne du nord de Londres disent que des centaines d'enfants ont été expédiés par avion vers la Somalie, le Somaliland et le Kenya, en raison des inquiétudes croissantes concernant les gangs de trafiquants de drogue et les bandes organisées, lesquels réseaux criminels utilisent des enfants pour transporter de la drogue des villes vers les zones périphériques.

Dans une série d'entretiens, des mères somaliennes arrivées à Londres après avoir fui leur pays pendant la guerre civile des années 1990 ont déclaré à l'Observer que nombre de leurs fils avaient demandé à quitter le Royaume-Uni en raison de l'influence des gangs de narco-trafiquants et de la  violence ambiante.

Rakhia Ismail, maire adjointe d'Islington, a déclaré : « Les renvoyer au pays est devenu le seul moyen de les mettre en lieu sûr. Cette question de la sécurité a été soulevée à plusieurs reprises par la communauté (somalienne) mais personne n'en a tenu compte. De nombreux adolescents sont partis pour l'étranger. Il y a deux semaines, il y a eu une (nouvelle) attaque au couteau, et un garçon a été ramené à la maison deux jours plus tard. »

Ces révélations font suite à une semaine de débats houleux sur les causes et les solutions potentielles à l’épidémie de criminalité touchant le pays. Dix-sept personnes sont décédées à la suite d'attaques à Londres depuis le début de 2019. Samedi dernier, on a signalé trois personnes admises à l'hôpital après une attaque dans une boîte de nuit à Birmingham, une ville ébranlée par trois décès au couteau durant le mois dernier. Par ailleurs, un garçon de 15 ans a été inculpé de meurtre après avoir poignardé Ayub Hassan, 17 ans, à l'ouest de Londres, jeudi après-midi.

Le supermarché Asda a publié un communiqué inattendu sur la question, annonçant qu'il cesserait de vendre des couteaux de cuisine à l'unité.

Les niveaux élevés de violence auxquels sont confrontées certaines parties de la société britannique sont manifestes dans les témoignages de l’importante communauté somalienne d’Islington. Ses représentants disent que 50 à 70% de leur communauté ont été directement touchés par les réseaux de trafiquants tout comme par la criminalité par arme blanche.

Sadia Ali, trésorière du Forum somalien d'Islington et fondatrice de 'Minority Matters' a déclaré que « Des centaines de jeunes ont été envoyés en Somalie, au Somaliland et au Kenya ; certains jeunes se sont installés dans des zones rurales. Les parents sentent qu'ils n'ont pas le choix s'ils veulent que leurs enfants soient en sécurité. »

Ali, une mère de sept enfants, a envoyé son fils de 15 ans en Somalie pour le protéger des gangs et a déclaré que beaucoup de ses amis ont maintenant des enfants sur deux continents. Un autre fils de 15 ans a récemment été envoyé en Somalie après que son ami a été poignardé à mort à Islington, lui-même s'étant entendu dire : "tu es le prochain sur la liste !".

Récemment, la Somalie a subi un certain nombre d'attaques terroristes. Un attentat à la voiture piégée dans la capitale, Mogadiscio, a fait sept morts et plusieurs blessés jeudi. Il faisait suite à un autre, survenu la semaine précédente, et qui a fait 29 morts.

Vendredi, une mère somalienne du nord de Londres s'est envolée pour Mombasa, au Kenya, pour dissuader son fils de 19 ans de rentrer au Royaume-Uni, après que des gangs lui ont demandé de revenir : "J'ai très peur de ce que les gangs feront s'il rentre à la maison."

Un homme a comparu samedi devant un tribunal pour le meurtre de Jodie Chesney, 17 ans, qui a été poignardée dans le dos près d'une aire de jeux pour enfants à Harold Hill, Romford, à l'est de Londres, le 1er mars. Manuel Petrovic, 20 ans, a été placé en détention provisoire après avoir comparu devant la cour pénale de Barkingside.


Traduit de The Guardian, 1 mai 2019 (source)  



(1) County line est le genre d'idiomatisme qui vous donne des sueurs froides au moment de le traduire : des lignes de comtés. Dans les faits, il s'agit de bandes criminelles recrutant des jeunes afin de servir de coursiers - en passant d'un comté à un autre - dans la livraison de produits illicites divers, essentiellement de la drogue, les adolescents  livreurs passant plus facilement inaperçus. Mais apparemment, les bandes rivales savent identifier qui fait quoi, d'où pas mal de mortalité parmi les trafiquants en culottes courtes. Il me semble qu'il y a aussi pas mal de mortalité parmi certaines petites mains du trafic, spécialisées dans le "chouf" ou la vente en détail dans certains quartiers chauds de Marseille, sauf qu'ici, la Kalasch semble être préférée au poignard. (Lire)