jeudi 7 octobre 2010

Le ventre législatif

Le ventre législatif est une fameuse caricature que l'on doit à Honoré Daumier (1834).





Le texte qui suit, rédigé (sous pseudonyme) par Honoré de Balzac, colle parfaitement avec les personnages croqués par Daumier, à moins que ce ne soit l'inverse, Daumier ayant composé son dessin d'après le texte.

"(...) L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur les contributions extraordinaires. M. Thiers, qui est un financier extraordinaire, a la parole pour contribuer à éclaircir la question. Il nous apprend que la situation de la France est grave ; puis, il justifie, en passant, les trois ministères qui se sont succédé, ce qui semble prouver qu'on aurait fait sagement de les conserver tous les trois. Ensuite l'orateur fait une savante improvisation de trente pages in-quarto, d'où il résulte qu'un gouvernement à bon marché est celui qui perçoit le plus possible et dépense le moins qu'il peut.

Un vaste silence accueille ce discours. Le Constitutionnel appelle cela de l'approbation.

Cependant, un petit bruit régulier, sourd d'abord, bientôt progressif, puis enfin insupportable, part d'un coin de la salle. C'est M. Viennet l'immortel (1), se croyant à l'Académie, qui dort paisible, ronflant le programme de l'Hôtel de Ville en variations.

Son réveil égaye l'assemblée. Une foule d'honorables quittent leurs bancs pour assiéger celui des ministres. M. Thiers, qui paye le cens pour qu'on l'écoute, fait remarquer ce désordre au président, et de cette séance résulte une intéressante leçon parlementaire. M. Dupin s'écrie avec une louable indignation :

- Je prie Messieurs les solliciteurs de retourner à leurs places. Nous ne sommes point ici pour présenter des placets, mais pour délibérer. (Approbation générale... des électeurs.)..."

Autre représentation de la Chambre (source : Le Monde Magazine, n° 54, 25 septembre 2010), avec cette légende : "Révoltés. Ceints de leur écharpe tricolore, les députés de l'opposition dénoncent le "passage en force" du gouvernement avant le vote du projet de loi sur les retraites, que l'Assemblée a adopté par 329 voix contre 233."



On appelle ça une fronde, une bronca, un charivari, un tohu-bohu ? En tout cas, les caméras des chaînes infos n'en ont pas perdu une miette. 

Et là, je me dois d'affirmer, tranquillement, que le spectacle qui nous est offert, sur cette photo, relève de l'escroquerie, tout comme la charge intervenue contre Bernard Accoyer et tentant de le faire passer pour un "factieux".

Il se trouve que, non loin d'ici, j'avais pris le pari que, malgré une agitation de façade, dans l'affaire du voile intégral, le parti socialiste "se coucherait... (il sait si bien le faire !)". Le fait est que la loi sur le voile intégral est bel et bien passée, mais comme c'est étrange, personne n'en a parlé, et surtout pas les élus socialistes, qui ont, une fois encore (cf. 2004), oublié l'adresse du Conseil Constitutionnel, d'où ce brouhaha autour des retraites, histoire de faire diversion et de faire passer leurs électeurs pour des cons !



N.B. : Bien évidemment, les élus du peuple ont parfaitement le droit de s'indigner pour des questions qu'ils jugent importantes. Ce que j'en dis c'est simplement qu'aux dernières législatives, l'UMP a décroché la majorité absolue des sièges à l'Assemblée Nationale. La Droite agit en parfaite conformité avec le mandat qu'elle a reçu du peuple. Et si la Gauche veut que les choses changent, il lui incombe de l'emporter aux prochaines législatives, auquel cas elle votera les lois qu'elle voudra, tant il est vrai que le camp qui l'emporte aux législatives gouverne la France ! 


P.S. Jeudi 7 octobre 2010 : le Conseil Constitutionnel, saisi par les présidents des deux Chambres, valide l'essentiel de la loi sur le voile intégral. Un bon point pour MM. Accoyer et Larcher. Juste une question : la loi sur le voile intégral (les lois sur les "signes religieux") s'applique(nt)-t-elle(s) aussi en Alsace-Moselle ? La question devrait venir, tôt ou tard, devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme. 


(1) Le Viennet en question a bel et bien existé (Jean-Pons-Guillaume V., académicien français, 1777-1868, élu en 1830 au fauteuil n°22 contre Benjamin Constant) ; homme politique, auteur dramatique, poète voire rapeur avant la lettre, on lui doit ce petit poème dodécasyllabique, en forme de pamphlet contre l'intrusion (déjà) de termes anglais dans la langue française. Personnellement, avec le recul, je trouve le poème très drôle.


On n'entend que des mots à déchirer le fer
Le 'railway', le 'tunnel', le 'ballast', le 'tender',
'Express', 'trucks' et 'wagons' ; une bouche française
Semble broyer du verre ou mâcher de la braise…
Certes, de nos voisins l'alliance m'enchante,
Mais leur langue, à vrai dire, est bien envahissante !
Faut-il, pour cimenter un merveilleux accord,
Changer l'arène en 'turf' et l'exercice en 'sport',
Demander à des 'clubs' l'aimable causerie,
Flétrir du nom de 'grooms' nos valets d'écurie,
Traiter nos cavaliers de 'gentlemen-riders' ?
Je maudis ces auteurs dont le vocabulaire
Nous encombre de mots dont nous n'avons que faire !