mercredi 14 août 2019

Vu à la télé #1


Épisode §1. Ce pourrait être une histoire sans paroles

Nous allons commencer par un exercice que j'affectionne, en ma qualité de prof de formation. Les neuf images qui suivent ont été capturées dans un intervalle d'un quart d'heure, soit en fin d'après-midi du 14 août 2019. L'exercice pour vous va consister à en déceler le fil conducteur.



Welt (Allemagne)

Welt (Allemagne)


Deutsche Welle (Anglais)



Alors ? Vous avez tout compris ? Non ? C'est pourtant simple, non !?

Expliquons. Les deux premières images ci-dessus sont des captures d'écran faites lors de l'émission 'C dans l'air' survenant en fin d'après-midi sur la chaîne publique française France 5. L'émission repose sur le survol d'un sujet d'actualité à partir de trois reportages commentés par quatre invités variant chaque jour, tout en étant assez récurrents (revenant plusieurs fois dans le mois, a fortiori dans l'année). C'est ainsi que certains "experts" (Yves Tréard du Figaro, Christophe Barbier de l'Express, Pascal Boniface, de l'Iris, et quelques autres) sont devenus des piliers de l'émission.

Je dois dire que c'est une émission qu'il m'est arrivé de regarder, mais dont je me désintéresse systématiquement depuis pas mal de temps, et ce, en raison d'un petit détail ; je vous laisse deviner lequel. 

Donc, au bout de trente secondes, j'ai joué de la télécommande et suis allé me promener sur les chaînes (internationales) du câble et ai réalisé les sept captures d'écran suivantes.

Vous n'avez toujours pas compris ? Mais c'est que vous n'êtes pas très perspicaces, dites donc !

Il se trouve simplement que, diffusée du lundi au samedi, soit six fois par semaine, l'expérience montre que, sur 52 semaines, soit 52 x 6 = 312 éditions annuelles, les "experts" à la peau non blanche doivent se compter sur les doigts d'une main, ce qui est quand même assez étonnant, surtout lorsqu'on "zappe" sur les chaînes internationales. 

Sur la dernière image, ci-dessus, vous apercevez Harris Faulkner, une des pièces maîtresses (en anglais on dit "Anchor") de Fox News, habituée à conduire des interviewes en tête à tête (on l'a vue, il y a quelques mois, face à Donald Trump). La voici encore ci-dessous, en pleine interview.



Mais j'en entends d'ici qui s'exclament : "Mais mon bon monsieur,  vous tirez des conclusions hâtives d'une seule émission ! Cela ne prouve rien du tout !"

Ah bon ? Du coup, histoire d'enfoncer le clou, je suis allé sur le site de l'émission, et ai capturé d'autres images, prises vraiment au hasard, et qui se ressemblent toutes : pas une peau noire, pas une peau basanée, pas un visage asiatique !

Je rappelle que nous sommes sur une chaîne relevant du service dit "public" ! Par parenthèse, l'émission existe depuis 2001, soit dix-huit années à ne recevoir quasiment que des "experts"... à la peau blanche !










Bien évidemment, on ne résiste pas au "plaisir" de comparer... Et le contraste avec d'autres télévisions est saisissant, n'est-il pas ?






Aljazeera (Anglais)


Deutsche Welle (Anglais)
RT (Russia Today) Anglais

Aljazeera (Anglais)
Mais je vois que vous attendez un commencement d'analyse. Voici, en tout cas, comment je vois les choses : nous reviendrons plus tard sur les circonstances qui ont fait du paysage audiovisuel français un secteur relevant de la deuxième voire troisième division européenne et mondiale (pour utiliser un vocabulaire sportif), soit loin derrière BBC, NHK, ARD, ZDF, CBS... 

Le fait est que ledit P.A.F. vit entièrement replié sur lui-même, comme à Clochemerle, n'ayant visiblement pas compris que, grâce aux nouvelles technologies, l'outil télévisuel était définitivement passé au stade de la mondialisation.

Et, du coup, n'ayant pas su prendre le train de la mondialisation, la télévision française s'accroche désespérément à cette ineptie que les crétins appellent "les audiences" (en anglais : the audience = l'auditoire = nombre de personnes qu'on peut comptabiliser), soit le nombre (invérifiable) de personnes censées (!!!) avoir regardé une émission - et ce, quelle que soit la qualité intrinsèque d'une émission, comme si l'on jugeait de la qualité d'un écrivain sur la seule base des ventes en librairie ! -, préoccupation clochemerlesque et à 100 % franco-française, là où les grands de l'audiovisuel mondial, y compris le dernier arrivé : Russia Today, ont compris que leur public n'était pas (plus !) local mais mondial, car présent sur les cinq continents.

Et c'est bien pour ressembler à ce public "mondial" que les grandes chaînes de télévision s'appliquent à recruter un personnel ressemblant le plus possible aux habitants du monde et à tourner des sujets en phase avec toute la diversité de ce vaste monde !

Pendant ce temps, du côté de France 5, voire de l'ensemble du "P.A.F.", on doit encore penser que des noirs, des arabes,  des asiatiques, des basanés..., à la télévision, ça ne fait pas d'"audience", d'où l'ostracisme systématique dont ces minorités sont frappées. Prenez, par exemple, l'opéra (1) : je suis sûr qu'à France 5 et ailleurs, dans le PAF, ils n'ont jamais entendu parler de... citons Grace Bumbry, Christiane Eda-Pierre, Leontyne Price, Jessye Norman..., ce qui leur fait sûrement penser que Carmen, Mme Butterfly, Desdemona, Violetta, Norma, Isolde... ne peuvent être que blanches ! 

Les pauvres gens !

Mais au fait, vous connaissez la nouvelle ? Il paraît que de grands esprits (français) souhaitent rendre les Outre-mer (et seulement les Outre-mer !?!?) plus visibles à la télévision. Et pour y parvenir, ils n'ont pas eu d'autre idée que de commencer par faire disparaître du paysage audiovisuel français la SEULE et UNIQUE chaîne de télévision affichant une réelle diversité ethnico-géographique de ses animateurs, de ses journalistes, ainsi que des régions visitées.

À croire que certains "grands esprits" sont devenus fous !


À suivre...



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(1) Soyons honnêtes : de l'opéra à la télévision française ? Mais ça ne fait pas d'"audience", mon pauvre ami ! À la place, on met des jeux débiles, des jeux débiles et des jeux débiles, plus ce qu'ils appellent de la "télé réalité", avec cinq bimbos dévêtues et siliconées, six éphèbes bodybuildés et un peu arriérés (vous avez compris le pourquoi du 'cinq contre six' ?), on ajoute de vieilles séries américaines (du temps du téléphone filaire) et ça donne LA télévision française en 2019 ! (Lien)