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mardi 22 janvier 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #9


Épisode §9. Le bal des faux-culs ou quand le Landerneau politico-médiatique perd la boule

Le moins que l'on puisse dire est que les plus éminents représentants du microcosme politico-médiatique, non seulement n'ont pas vu venir le mouvement des Gilets Jaunes, ce qui n'est pas trop grave, mais, surtout, n'en ont pas suffisamment pris la mesure une fois qu'il a pris son envol, de là l'étrange impression que la plupart de nos "experts" ne savent plus sur quel pied danser. 

Il faut dire que, pour bien des élites, le peuple est une espèce de masse informe que l'on consulte tous les cinq ans, pour mieux le reléguer dans les oubliettes le reste du temps. Et entre temps, on n'hésite pas à se fabriquer un peuple de substitution, via les instituts de sondages, qui vous débitent à longueur d'année des statistiques bidonnées réalisées in vitro, à l'aide d'un peuple "virtuel" assemblé à partir de ce qu'ils appellent des "échantillons représentatifs...", avec des formulations vasouillardes et mensongères comme : "x % des Français pensent que..., y % des Français disent que..., z % des Français approuvent l'action du président...".

De fait, dans un régime bonapartiste comme celui imaginé par un certain général de brigade en 1958 (en fait bien plus tôt, dès le(s) discours dit(s) de Bayeux), avec tripatouillage en 1962, on se retrouve avec un homme seul, entouré de larbins, et qui décide d'à peu près tout. Dans ces conditions, habitués à traiter avec un peuple 'in vitro', comment s'étonner que politiciens et politocrates perdent les pédales en constatant que le peuple réel ne ressemble en rien au peuple artificiel concocté par les instituts de sondages ? 

Voilà, donc, un mouvement qui, depuis la mi-novembre 2018, a pris l'habitude de se répandre sur les grands boulevards tous les samedis, avec, parfois, la participation navrante de quelques abrutis écervelés et surtout intéressés par la castagne.

Pour ma part, depuis le premier jour, je m'attend(ai)s à voir ce mouvement opérer une réelle décantation (cf. biscotos versus ciboulots). 

Par chance, pour les gilets jaunes, il y a eu cette pétition sur le prix du carburant à la pompe, processus on ne peut plus démocratique, qui va leur servir de boussole, pour déboucher, fort logiquement, sur la quête de plus de démocratie, en clair, plus de démocratie directe.

En attendant de voir quelle suite prendra le mouvement, que dire de l'effervescence qu'il a suscitée dans le marigot politico-médiatique, sinon que les soi-disant élites intellectuelles et politiques de ce pays ne savent plus où elles habitent !

Prenons ce brave bonapartiste "canal historique" de Dupont-Aignan, qui rappelle à l'envi sa filiation "gaulliste", mais qui, depuis peu, ne jure plus que par le 'referendum', lequel ferait partie de l'ADN du gaullisme. Et là, on se roule par terre, de rire !

Et ce, d'autant plus que le brave Dupont-Aignan a commencé par souhaiter voir les manifestations sur les Champs-Elysées interdites !

Citation :
Pour Nicolas Dupont-Aignan "il faut interdire les manifestations sur les Champs-Élysées"(source)
Comme chacun sait, Dupont-Aignan est devenu l'un des plus fervents supporters des GJ.

Mais reprenons plutôt les choses dans l'ordre chronologique : quelques jours après le déclenchement du mouvement GJ, on a eu droit à quelques tâtonnements, avec la visite de deux GJ chez le ministre de l'Écologie, puis une autre visite (avortée) d'un ou deux GJ chez le premier ministre.

Deux semaines après le début des hostilités, les représentants des partis politiques qui comptent sont invités à Matignon pour consultation ; ceux qui ont joué le jeu y sont allés avec toute une flopée de propositions, mais aussi ceux qui ont zappé la consultation. 
Après les scènes de chaos, place aux tentatives de dialogue. Le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, a appelé, dimanche 2 décembre, le Premier ministre Edouard Philippe à organiser une série de consultations politiques afin de trouver une sortie de crise face aux revendications des "gilets jaunes" et après les graves violences qui ont éclaté, principalement à Paris, en marge de leur troisième journée de mobilisation nationale. (source)


Florilège des propositions des principaux représentants de l'opposition 
Laurent Wauquiez demande un référendum, après les manifestations des «gilets jaunes» troublées samedi par des violences. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen réclament une dissolution de l'Assemblée nationale, pour que les Français retournent aux urnes. Ils arriveront à Matignon avec une pile de propositions. Reçus à partir de lundi par le premier ministre - s'ils disposent d'élus au Parlement -, les chefs de partis d'opposition imaginent des solutions, souvent institutionnelles et parfois radicales, pour sortir de la crise des «gilets jaunes». De la suspension de la hausse des taxes sur les carburants à la démission du ministre de l'Intérieur, tour d'horizon des pistes des opposants.
La suspension de la hausse des taxes
C'est «la première des réponses», a réaffirmé ce dimanche le président Les Républicains (LR) du Sénat, Gérard Larcher. Une mesure de «bon sens», selon l'ancienne ministre socialiste Ségolène Royal. De Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Marine Le Pen (RN), la plupart des opposants d'Emmanuel Macron demandent au chef de l'État de suspendre la hausse des taxes carbone sur le carburant, prévue le 1er janvier. Même des personnalités politiques de la majorité, comme les députés La République en marche (LaREM) Bertrand Sorre et Patrick Vignal, sont favorables à un moratoire. Allié de LaREM, François Bayrou a exhorté vendredi l'exécutif à ne «pas gouverner contre le peuple». Mais le gouvernement «exclut tout changement de cap» dans la transition écologique, ne cesse de réaffirmer le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
Un référendum
Le président de LR, Laurent Wauquiez, demande un moratoire, mais veut aller plus loin en rendant «la parole au peuple». «Si on arrête juste les taxes quelques mois, ça ne répondra pas. Il faut trancher cette question une bonne fois pour toutes par le vote des Français», a-t-il estimé dimanche sur TF1. Une façon de réitérer sa demande de référendum sur les mesures de transition écologique du gouvernement, incluant la hausse des taxes sur les carburants. Selon lui, ce «geste d'apaisement (...) permettrait d'arrêter cet engrenage de colère et de violence.» Pas de référendum, mais des états généraux nationaux sur le pouvoir d'achat, réclame pour sa part Olivier Faure. Le patron du Parti socialiste (PS) réunit ses instances lundi et demande un débat des députés et sénateurs «dans les plus brefs délais».
Des élections législatives anticipées
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon réclament tous les deux une dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, pour provoquer des élections législatives sans attendre 2022. «Je ne vois pas, au niveau où nous sommes de la gravité de cette crise politique, comment sortir par le haut, à part en retournant aux urnes», a affirmé dimanche la présidente du RN, invitée sur France 3. L'ancienne candidate à la présidentielle souhaite un changement de mode de scrutin, pour élire tous les députés au mode de scrutin proportionnel à un tour (avec 10% des voix, un parti obtiendrait environ 10% des sièges). 
Entre la légitimité de l'exécutif et celle des "gilets jaunes", "il n'y a qu'une manière de trancher, c'est le vote, alors ça s'appelle la dissolution", a aussi soutenu Jean-Luc Mélenchon, dimanche sur BFM TV. Mais cette initiative ne semble pas envisagée par Emmanuel Macron, a affirmé dimanche une source à l'Elysée. La dernière dissolution, prononcée par Jacques Chirac en 1997, avait conduit à la défaite de son camp et à une cohabitation avec la gauche. 
Le départ de Christophe Castaner...
«Castaner, démission!», réclame une pétition du parti de Marine Le Pen, lancée le 26 novembre, deux jours après la première journée de violences sur les Champs-Élysées, pendant laquelle le ministre de l'Intérieur avait condamné des actes de «séditieux d'ultradroite», qui avaient selon lui répondu «à l'appel de Marine Le Pen».
Au lendemain d'un deuxième samedi de violences à Paris et en région, le parti de Benoît Hamon, Génération.s, demande aussi, «après cet énième échec», la démission de Christophe Castaner, «nommé par complaisance et non pas compétence». «Depuis le début du conflit des gilets jaunes, le ministre de l'Intérieur attise les tensions au lieu de les apaiser», dénonce le mouvement dans un communiqué. Au PS, le sénateur Rachid Temal s'interroge aussi sur le «maintien» du successeur de Gérard Collomb, nommé en octobre dernier.(source
Tout le monde aura remarqué l'absence de toute référence à un quelconque 'referendum d'initiative citoyenne ou populaire', même si diverses propositions de referendum (à la mode gaulliste) ont été suggérées.

Moment important : cette déclaration du représentant L.R., Bruno Retailleau, au sortir de la réunion avec le premier ministre. 
 « Nous avons demandé aussi à ce que le président de la République puisse s’exprimer […] Le pouvoir et le lieu de la décision [sont] à l’Élysée. Il faut donc qu’Emmanuel Macron prenne la parole, qu’il s’adresse aux Français et qu’il dise aux Français ce qu’il compte entreprendre dans les jours suivants pour que la France puisse s’apaiser.» (source)

Cette même opinion (le vrai pouvoir n'est pas ici mais à l'Elysée) se retrouvera dans la bouche de Dupont-Aignan. Comme preuve que la Vème République est bel et bien un régime autocratique et bonapartiste, de l'avis même de ses initiateurs.

Bizarrement, le même Dupont-Aignan va nous livrer ce commentaire :
Dupont-Aignan : "J'appelle les gilets jaunes à continuer de manifester pacifiquement... et j'appelle le gouvernement à les entendre." (Radio RMC, 3 décembre 2018)
Le gouvernement ! Mais quel gouvernement ? Celui-là même dont il a insinué qu'il ne détenait aucun pouvoir ?

Même son de cloche du côté de Ségolène Royal :
Par son inertie et son orgueil, le gouvernement a permis cette escalade (France Info, 8 décembre 2018).
Du côté de Marine Le Pen, on n'en démord pas : il faut dissoudre l'Assemblée Nationale :


Soit dit en passant, quiconque a quelque notion de droit constitutionnel n'a pas manqué de sauter au plafond - ce que j'ai fait - en entendant les propositions de Marine Le Pen, surtout en raison de l'ordre de leur présentation : dissolution de l'Assemblée Nationale, nouvelles élections à la proportionnelle ensuite...

Rappelons à l'avocate - donc juriste - de formation, qu'est Marine Le Pen, que si un président de la République peut dissoudre l'Assemblée Nationale, il n'a nullement le pouvoir de procéder à une modification du mode de scrutin, procédure relevant du Congrès, voire du referendum, dans le cadre d'une refonte de la Constitution. Autant dire que l'ordre dans lequel Marine Le Pen présente les choses n'est rien moins qu'incohérent !

Du reste, pour un de ses détracteurs, Le Pen veut juste faire des cadeaux à Macron :



Autres sons de cloche :
«En auto, en moto, à cheval, en trottinette [ou] en hélicoptère». Le député LFI François Ruffin a demandé dimanche, non loin de l'Élysée, la démission et le départ d'Emmanuel Macron, «avant de rendre notre pays fou». François Asselineau, président de l'Union populaire républicaine (UPR), appelle quant à lui à une procédure inédite, prévue par l'article 68 de la Constitution: la «destitution» du président par le Parlement constitué en Haute Cour. Emmanuel Macron «(agit) essentiellement en faveur d'une infime minorité d'ultra-riches», estime le partisan d'une sortie de la France de l'Union européenne. (source)
Là encore, on s'interroge : destitution par le Parlement ? Ça veut dire quelle majorité, étant donnée la composition de l'actuel parlement ? Mais comme je sais un peu lire, j'ai jeté un oeil sur l'article (68) en question :
"Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article."
Autant dire que ce n'est pas demain la veille que le président en exercice va se retrouver jugé par une assemblée présidée par Monsieur Richard Ferrand !

Retour à notre gaulliste 'canal historique' : Nicolas Dupont-Aignan, sur la radio RMC, se référant aux Tables de la Loi du grand Moïse-De-Gaulle :
La Constitution donnait d'immenses pouvoirs au Président de la République, mais en échange, il y avait le referendum.
"En échange", nous dit Dupont-Aignan, qui a un certain sens de l'humour, et qui veut nous faire oublier le caractère autocratique du régime imaginé par De Gaulle (cf. le ministre de l'Information et le contrôle des médias) tout en poursuivant :
J'ai proposé un referendum d'initiative populaire (art. 11 de la Constitution : 4 millions de Français adossés à 165 parlementaires). M. Vauquiez a les 165 parlementaires, moi, je ne les ai pas. (RMC, les Grandes Gueules, 14 décembre 2018).
Tiens donc, voilà comment une résurgence de l'Union de la gauche a concocté une motion de censure contre le gouvernement (laquelle motion, faut-il le rappeler ? ne concerne en rien le président de la République !).


En observant tout ce petit monde, j'avoue avoir eu l'impression que tous marchaient à côté de leurs pompes. Le fait est qu'ils ne semblaient pas du tout avoir entendu les clameurs des manifestants en veste jaune fluo, lesquels, hormis une première rencontre avec François de Rugy, ministre de l'Écologie, ont rapidement zappé le gouvernement pour se focaliser sur une seule cible : Jupiter !
17 novembre 2018  -  Source

Les banderoles "Macron démission" sont bien apparues dès la toute première manifestation des Gilets Jaunes, mais apparemment, rares sont les observateurs qui en ont tenu compte, qu'il s'agisse des politologues que des politiciens,  hormis peut-être le premier secrétaire du PS :

Jupiter, c'est fini, les Français n'en veulent plus ! (Olivier Faure, 3 décembre 2018). 


Comme un détonateur !

J'avoue que je commençais vraiment à me morfondre devant la litanie des défilés du samedi, notamment sur les Champs-Elysées, ainsi que cette autre litanie des analyses à contre-temps de nos experts en politocratie, lorsqu'à ma grande surprise, lors des manifestations du 15 décembre 2018, on a vu apparaître ce sigle : RIC, en bon français : Referendum d'Initiative Citoyenne. Et là, j'ai pensé : "Ah, quand même !".






Et là, on a assisté à une sorte de "sauve-qui-peut" généralisé, dont la première protagoniste fut Marine Le Pen, celle qui ne jurait, jusque là, que par la dissolution de l'Assemblée et de nouvelles élections à la proportionnelle. Par chance, son tweet mentionne la date et l'heure !



Et c'est là que je me dis : "Non mais sans blague, c'est qu'elle dégaine plus vite que Zorro !".

Et à ce stade de la présentation, je me dois de vous faire une petite confidence : il doit y avoir en ce moment-même une demi-douzaine de personnalités politiques à qui j'aie personnellement transmis les coordonnées de ce blog, parmi lesquelles Emmanuel Macron (alors ministre préparant sa sortie du gouvernement), et Louis Aliot, ci-devant vice-président de l'ex-Front National.

J'évoquerai une autre fois le courrier à Macron. S'agissant de L. Aliot, nous étions en février 2016 et il venait de s'entretenir avec l'intervieweur attitré des matins de la chaîne RMC-BFM TV, entretien au cours duquel il a clairement affiché le parti-pris du Front National pour le referendum d'initiative populaire.

Et c'est là que je me dis "il faut que tu penses à féliciter ce monsieur pour sa prise de position, que le FN doit bien être le seul parti à défendre, face aux délires bonapartistes de tous les autres partis, communistes et trotskystes inclus !".

Donc, je me fends d'un courrier à Louis Aliot, qui me répond très cordialement par un sms. Et c'est là qu'il me vient comme un doute, qui me fait foncer sur le site du Front National, où je finis par dénicher le programme présidentiel de Marine Le Pen pour l'élection de 2012. Et là, imaginez ma surprise lorsque je découvre que le fameux R.I.P. figurait bel et bien dans le programme de la candidate, laquelle, pourtant, n'en avait pas pipé mot durant toute la campagne !


Par parenthèse, le RIP de Marine Le Pen version 2012 arrive bien planqué au milieu de tout un fatras de propositions (page 8 sur 16), précédé notamment par... la liberté monétaire, l'immigration, les signes religieux, etc.

Et moi, comme un imbécile, j'avais félicité Louis Aliot pour une déclaration qui n'avait rien d'un scoop !

Le fait est que ceux et celles qui ont un peu de mémoire n'ont pas dû entendre la présidente du FN et candidate à la présidentielle défendre, ne serait-ce qu'une seule fois, son projet de démocratie participative (2012). Elle le fera - du bout des lèvres - cinq ans plus tard.

500 000 électeurs. Oui, mais pourquoi s'arrêter à ce quorum (national) ? Quid de RIP d'initiative populaire en régions, dans les départements, au niveau municipal ? Et pourquoi ne pas faire adhérer l'ensemble des peuples de l'Europe communautaire au principe de la démocratie directe, histoire d'en finir avec la bureaucratie apatride bruxelloise tant décriée par les souverainistes ? Ajoutez à cela que, lors de la campagne de 2017, à ma connaissance, Le Pen n'a dédié aucun de ses meetings  à une présentation articulée et détaillée de cette proposition essentielle en matière de démocratie, et qu'elle était la seule à formuler !  

Pourquoi accordé-je une telle place à Marine Le Pen à ce stade du débat ? Tout simplement parce que - voyez le paragraphe précédent - c'est la personnalité politique que j'observe avec le plus d'acuité depuis le lancement du programme des Gilets Jaunes, tout comme je l'ai bien observée avant et pendant la présidentielle de 2017 (cf. la série sur MLP et le plafond de verre). Il se trouve qu'en raison du contenu même de ses deux derniers programmes présidentiels, Marine Le Pen aurait dû pouvoir, plus facilement que d'autres, entamer le dialogue avec certaines catégories populaires, et singulièrement avec les GJ. Mais, pour ce faire, encore aurait-il fallu qu'elle sentît à temps le vent de l'histoire !

Précisément, de tous les "grands" candidats à la présidentielle de 2017, Le Pen est la seule à avoir inscrit le R.I.P. dans son programme, soit dès la toute première page d'un document que j'avais déjà jugé excellent, notamment en raison de la qualité graphique du produit et de la numérotation des propositions, qui en rendaient la lecture ô combien plus confortable, contrairement aux torchons livrés par presque tous les autres (Mélenchon, Macron, Hamon...).

Et derrière Le Pen, qui pouvait (= aurait pu = aurait dû pouvoir) se targuer d'avoir inscrit le RIP dans son programme présidentiel de 2017, les autres, tous les autres, ne pouvaient que patauger dans la choucroute.

Voyez Ségolène Royal.
« Il est plus que temps aujourd'hui d'oser la révolution participative ! ». Dans les colonnes du Parisien-Aujourd'hui en France, Ségolène Royal rejoint les Gilets jaunes sur un point. Pour elle, l'instauration du RIC, le référendum d'initiative citoyenne, serait loin d'être une mauvaise idée. « C'est un beau débat qui doit être discuté, expérimenté. Regardons sur quels sujets ce référendum peut être utile. Il est plus que temps de faire respecter notre démocratie, de la rendre plus transparente », développe l'ancienne candidate socialiste à l'élection présidentielle.
En 2007, elle évoquait d'ailleurs ce « référendum ou proposition d'initiative citoyenne » dans les 100 propositions de son « pacte présidentiel ». « Les citoyens ont le sentiment que les choses sont décidées unilatéralement, alors que la perception des injustices progresse », constate aujourd'hui Ségolène Royal, toujours dans le Parisien. « À chaque fois que les dirigeants prétendent qu'il n'y a pas d'alternative, c'est une faille dans le processus démocratique. On a ainsi expliqué la taxe carbone par l'écologie, mais les gens ont pensé qu'on se moquait d'eux. Il y a une aspiration à être respecté en tant que citoyen informé. » (source)


Le problème de Ségolène Royal c'est qu'elle n'a jamais réussi à se défaire de la contamination bonapartiste qui l'a toujours habitée, au point d'inventer une véritable usine à gaz qui a dû donner des idées à Sarkozy plus tard.

Car le referendum proposé par Royal en 2007 n'avait rien d'une initiative populaire, dès lors qu'il était corseté par sa sujétion au bon vouloir d'un quorum de parlementaires ; et l'on peut dire que par son manque d'audace, à l'époque, Royal a dû décevoir bien de ses partisans, je pense à ceux qui, lors des nombreux débats participatifs qu'elle avait organisés, s'étaient prononcés en des termes non équivoques en faveur d'un referendum d'initiative populaire formulé en toutes lettres !

Pour mémoire :
Au final, pacte présidentiel de Ségolène Royal (article 73 sur 100) :
73- Introduire la démocratie participative dans toutes les collectivités publiques (jurys citoyens, budgets participatifs, etc.). Des citoyens ayant recueilli un million de signatures pourront demander au Parlement l'examen d'une proposition de loi. (source)
Demander au Parlement l'examen d'une proposition de loi..., la belle usine à gaz que voilà ! Vous avez compris que, pour Ségolène Royal (mouture 2007), le peuple était nécessairement immature, au point d'avoir besoin d'être chaperonné par des élus ?

Mais Ségolène Royal n'est (n'était) pas la seule à pédaler dans la semoule. Voici que Nicolas Dupont-Aignan, notre gaulliste canal historique, ne tient plus en place, lui qui ne jure plus que par les Gilets Jaunes et leur R.I.C., sans pour autant oublier d'invoquer les mânes du grand disparu :
La 5ème République du Général de Gaulle avait prévu des dispositifs..., par exemple quand la contestation est telle... qu'il faut un arbitre, et cet arbitre, c'est le peuple... La seule solution (...) qu'avait prévue le Général de Gaulle : je remets ma légitimité... (Radio Europe 1, 13 janvier 2019).
Où l'on voit que Dupont-Aignan a très mal lu son mentor, puisque d'arbitre, De Gaulle n'en voyait pas d'autre que lui-même !
Article 5 
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. 
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, du respect des accords de Communauté et des traités.
N'en déplaise à ce pauvre Dupont-Aignan, qui ferait mieux de réviser ses classiques, en bon bonapartiste, De Gaulle n'a jamais considéré que le peuple puisse être un arbitre ! Par ailleurs, c'est une constante propre aux régimes autocratiques que de considérer que le président du Conseil des ministres (à l'instar de l'entraîneur d'une équipe sportive) puisse être (dans le même temps) un arbitre !

Il reste que le Landerneau politico-médiatique semble avoir été frappé de sidération face à l'atout abattu tantôt par les Gilets Jaunes lors de l'épisode V de leurs déambulations urbaines, ce qui nous vaut d'avoir une classe politique se répartissant en cinq camps :
  • Marine Le Pen et le Rassemblement National, seul camp à avoir explicitement appelé de ses voeux l'instauration d'un referendum d'initiative populaire.
  • Divers adeptes des usines à gaz naviguant à vue, à l'instar de Ségolène Royal et de Nicolas Dupont-Aignan, qui se découvrent tout d'un coup des affinités avec les promoteurs du RIC en clamant haut et fort qu'ils y ont toujours été favorables !
De fait, visiblement aiguillonné par un certain instinct de survie, Dupont-Aignan semble prêt à avaler son chapeau, quitte à se renier et à trahir l'idéal autocratique défendu par la droite classique en sa qualité d'héritière de la Constitution bonapartiste de 1958-1962. Mais il semble être le seul à droite.
  • Des bonapartistes bon teint, généralement de gauche (Mélenchon, Hamon), et qui, pris de court, tournent autour du pot, en prétextant que leurs voeux d'instaurer une Sixième République ne peuvent qu'être en phase avec les souhaits des gilets jaunes, tout en se livrant à des contorsions dont on voit bien qu'elles ne visent qu'à noyer le poisson.
Citation : 
Une mesure réclamée « massivement » par les « gilets jaunes ». Les députés Insoumis s’apprêtent à déposer une proposition de loi constitutionnelle pour instaurer des référendums d’initiative citoyenne (RIC), a indiqué La France insoumise, ce lundi.
Interrogé par Les Echos, ce lundi, le Premier ministre, Edouard Philippe a estimé que  le référendum d’initiative citoyenne pouvait être un « bon instrument dans une démocratie, mais pas sur n’importe quel sujet ni dans n’importe quelles conditions », ajoutant qu’un débat serait lancé sur le sujet.
« La volonté du peuple de se réapproprier la parole et la décision politique »
Sans attendre, les députés LFI prévoient l’examen par l’Assemblée​ de leur proposition de loi constitutionnelle le 21 février prochain, dans le cadre de la « niche » réservée à leur groupe. La proposition de référendum, « qui figurait dans le programme "l’avenir en commun", est aujourd’hui massivement réclamée par les "gilets jaunes" » et « la mobilisation de ces dernières semaines témoigne de la volonté du peuple de se réapproprier la parole et la décision politique », font-ils valoir dans un communiqué.
Ces parlementaires prônent la possibilité « pour les citoyens de demander des référendums législatifs, abrogatoires, révocatoires ou encore permettant la convocation d’une constituante ». Le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé la semaine dernière son soutien à de tels référendums « permettant d’abroger une loi, d’en proposer une, et le droit de révoquer un élu, quel qu’il soit, du président de la République au conseiller municipal ». (source)
Non mais, vous avez vu ça ? 
"La proposition de référendum, « qui figurait dans le programme "l’avenir en commun", est aujourd’hui massivement réclamée par les "gilets jaunes"

Pour ma part, je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu J.L. Mélenchon insister sur la mise en place d'un referendum d'initiative populaire ou citoyenne, hormis ses incantations sur la 6ème République, incantations qui datent du début des années 1990 !

Citation :
À présent le mouvement (Gilets Jaunes) a gagné une hégémonie de consentement qui se lit dans les sondages d’adhésion à son action. Ce niveau signe une déroute totale du plan d’usure et de ras-le-bol que menait le gouvernement.
Ce fut notre constat mercredi soir quand nous avons reçu un courrier bien spécial à l’Assemblée nationale. C’était le document listant les revendications émanant de citoyens ayant part au mouvement des gilets jaunes. Sa lecture montre à quel point les demandes populaires exprimées dans le mouvement dépassent maintenant la baisse des taxes sur les carburants. Au fond, celle-ci a fonctionné comme un déclencheur d’aspirations bien plus larges. Deuxième constat troublant pour nous : la quasi-totalité des revendications listées recoupent les propositions du programme de la France insoumise, L’Avenir en commun... (source)

Et là, on s'interroge : 'la quasi-totalité' ? En sont-ils si sûrs ? Y compris les propositions inspirées - dit-on - de l'extrême-droite ?
Sur l’immigration, on peine à reconnaitre l’influence de l’extrême droite dans ce document. Le document des gilets jaunes est positionné sur les lignes de force défendues par le groupe Insoumis. Il propose, comme nous « que les causes des migrations forcées soient traitées ». Il demande que « les demandeurs d’asile soient bien traités ». Comme le réclamaient notre amendement pour la création de centres d’accueil aux normes internationales, défendu lors de la discussion sur la loi asile et immigration. Enfin, les gilets jaunes veulent que la Patrie fasse des efforts pour intégrer les nouveaux arrivants. C’était aussi notre idée lorsque nous avons demandé, toujours au moment de la discussion sur la loi asile et immigration, la mise en place d’ateliers de sociolinguistique dédiés... (source)
'Ateliers de sociolinguistique dédiés'... Ah bon ? Ils en parlent, les Gilets Jaunes ?
Surtout, les gilets jaunes insistent sur une mesure de récupération du pouvoir pour le peuple : le référendum d’initiative populaire. Cela faisait partie de nos amendements phares lors de la discussion sur la révision constitutionnelle. Nous l’avions proposé sous sa forme nationale et locale, pour proposer une loi, abroger une loi ou révoquer un élu. Tout cela a été balayé d’un revers de la main par les députés automates qui ne pensaient à l’époque qu’à adopter en vitesse le projet de leur chef. (source)
Entre nous, il suffit de consulter quelques archives pour se persuader que J.L. Mélenchon est passé maître dans l'art du louvoiement : le referendum façon Mélenchon n'a jamais signifié autre chose qu'une procédure fortement encadrée, en tout cas singulièrement corsetée.
L'arme du référendum est fréquemment désignée par les candidats à la présidentielle. Pour Jean-Luc Mélenchon, il s'agit d'une vieille proposition, indispensable selon lui pour davantage associer le peuple dans les prises de décisions. Soutenue par 35 % des sympathisants, l'idée vise à engager par référendum le processus de réunion d'une Assemblée constituante. (source)
  • Le camp assez disparate de ceux qui n'arrivent pas à se forger une opinion sur la démocratie directe (à droite le parti des Républicains, à gauche les Socialistes, Communistes, Trotskystes), et dont le silence radio en dit long sur l'inconfort de leur situation actuelle. 
Quant à la gauche, ou à ce qu'il en reste, elle a si souvent louvoyé, depuis Le Coup d'Etat permanent signé François Mitterrand, aux errements barbouzards du même Mitterrand (cf. l'attentat contre Greenpeace, la Françafrique, etc.) et de ses épigones (Jospin, Hollande), qu'à part Ségolène Royal, qui tente de reprendre pied en politique, l'état de léthargie dans lequel baignent tous les autres semble être parti pour durer. 
  • Le camp gouvernemental, à vrai dire, incarné par un seul homme (étant donné le mutisme absolu de la clique de godillots baptisée LREM) : le ci-devant roi de France, dont on voit bien qu'il joue sa survie politique, pour peu que les Gilets Jaunes maintiennent leur exigence de voir s'instaurer un R.I.C. Le fait est que le président de la République est le seul à pouvoir enclencher la procédure en question. Euh, le seul ? À dire vrai, pas vraiment. Voyons ce que dit la Constitution :
Article 89 
L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. 
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. 
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision.
Compte tenu de ce qui précède, comment doit-on interpréter la débauche verbale dans laquelle l'actuel hôte de l'Elysée semble vouloir se complaire à travers cette chose pompeusement baptisée "Grand débat" ? 

Pour ma part, j'y vois d'abord et surtout du "grand blabla". Le problème de l'actuel président est qu'à force de prises de paroles sur à peu près tout et n'importe quoi (voyez mes papiers précédents à son sujet, notamment lorsqu'on le compare au taciturne Vladimir Poutine), le verbe présidentiel est devenu si peu perlocutoire (ou performatif) qu'il en est réduit à singer le fameux adage sur la confiture : "... moins on en a, plus on l'étale !".  

Mais maintenant que le R.I.C. est dans tous les esprits et sur le bureau de l'ensemble des partis politiques et des autorités gouvernementales, nous allons bien voir comment les choses vont se goupiller.

Art. 89 : "(...) sur proposition du Premier ministre"... Avez-vous compris que, contrairement à toutes les balivernes entendues ici ou là, proférées, notamment, par des politologues et autres politocrates, toute cette clique blablateuse qui enseigne à Science Po, le Président de la République n'était pas vraiment le maître des horloges en matière de révision constitutionnelle ?

Par ailleurs, étant donnée sa responsabilité en la matière, n'est-il pas étrange qu'à ce jour, aucun journaliste n'ait pensé à interroger l'actuel Premier ministre (Edouard Philippe) sur ses intentions éventuelles concernant une révision de la Constitution, qui tendrait vers plus de démocratie directe ?

Les Insoumis nous annoncent une proposition de révision constitutionnelle pour début février ? Wait and see. Ce qui veut dire que les deux assemblées vont devoir examiner le texte déposé par les Insoumis, ce qui permettra d'identifier précisément qui est pour et qui est contre l'avènement de l'initiative populaire en France, étant entendu que les Gilets Jaunes campent sur le principe d'un RIC en toutes matières.

Lorsque j'ai écrit tantôt à ce Gilet Jaune, en insistant sur la nécessaire dichotomie ou nécessité de hiérarchiser les faits, entre structure et conjoncture, j'avais précisément en tête qu' (et j'étais en attente d') une grande idée (d'ordre structurel : ici, l'expression du pouvoir et de la souveraineté en démocratie) (qui) viendrait "chapeauter" toutes les autres (d'ordre conjoncturel : les retraites, le prix des carburants, les APL, etc.), conformément à une organisation que l'on retrouve dans les matrioshkas russes, mais qui n'est pas du tout une invention russe, mais égyptienne !

Et à ce stade de notre feuilleton sur le mouvement des Gilets Jaunes, depuis l'effet de "coup de tonnerre" provoqué par l'apparition de ce sigle à trois lettres et le branle-bas de combat qui en a résulté dans le Landerneau politico-médiatique, j'avoue ne pas avoir été déçu..., so far, comme on dit chez les Anglo-saxons, ou, pour reprendre la célèbre formule de feu Georges Marchais, j'estime que, pour l'heure, le bilan de ce mouvement est globalement positif !

Ai-je besoin de préciser que les temps qui viennent risquent d'être riches d'enseignements ? 




À suivre...



P.S. By the way, soit dit en passant, pour quelqu'un de peu bavard en temps normal, voilà que je me surprends moi-même à me laisser secouer par les Gilets jaunes, au point de pondre des textes longs (celui-ci compte 5599 mots). Fort heureusement, je suis plutôt bon dactylographe !


lundi 3 avril 2017

Marine Le Pen et le 'plafond de verre'. Episode 9


PETITE RÉVISION DU COURS D'E.C.J.S.

(Éducation Civique Juridique et Sociale)




Ce cours dispensé auprès de tous les collégiens de France et de Navarre a pour but de les initier aux principaux aspects du droit : constitutionnel, administratif, civil et pénal, voire international.

Les élèves y découvrent, notamment, quelques principes fondamentaux - on parle aussi de principes généraux du droit, qui sont un corpus de règles souvent non écrites, mais largement admises dans ce qu'il est convenu d'appeler des nations démocratiques et civilisées -, à l'instar de la séparation des pouvoirs - exécutif, législatif, judiciaire -, du droit à la présomption d'innocence, du droit au contradictoire, du secret de l'instruction (droit devenu ô combien théorique car si souvent bafoué en France !), du fait que nul ne puisse être juge et partie, ni condamné deux fois pour le même délit ou crime, etc. 

Pour leur malheur, les journalistes français ne sont pas bien nombreux à avoir suivi l'enseignement en question ; circonstance aggravante, ils ne sont pas nombreux non plus à s'appliquer à mettre leurs connaissances à jour, car, dans le cas contraire, ils auraient compris, depuis longtemps, ceci :

IL N'Y A PAS D'AFFAIRE LE PEN DEVANT LE PARLEMENT EUROPÉEN !

Mais j'en vois, d'ici, qui se frottent les yeux, en se demandant si l'auteur de ce blog n'est pas devenu fou.

Et dire qu'il leur serait si facile d'inviter dans leurs studios ou auprès de leurs rédactions tel(le) spécialiste du droit public, constitutionnel, communautaire..., de préférence professeur à l'université. La France n'en manque pas, tout de même !

Petit rappel : le Parlement Européen saisit, un jour, la Justice Française en qualité de partie plaignante, dans une affaire d'emplois fictifs présumés à l'encontre - notamment - du Front National présidé par Marine Le Pen. Il se trouve que cette dernière jouit d'une immunité, non pas de poursuite, mais la protégeant de toute contrainte qui pourrait lui être imposée par un magistrat, a fortiori, par une autorité de police (cf. un juge peut toujours engager une procédure, mais il ne peut en aucun cas contraindre la prévenue de se présenter devant lui).

Par ailleurs, Marine Le Pen fait l'objet d'une autre procédure pendante devant les juridictions pénales françaises, suite à la publication par elle-même, sur les réseaux sociaux, d'images d'atrocités commises par des barbares au sein du soi-disant Etat Islamique. C'est dans le cadre de cette procédure - et d'elle seule ! - que le Parlement Européen a levé l'immunité de la députée européenne.

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Entre nous, allez dans n'importe quel bistrot de France et de Navarre, et interrogez les gens sur la présumée complaisance de Marine Le Pen envers les barbares du soi-disant État Islamique, et vous verrez tout le monde se tenir les côtes, de rire !


Comme on peut le voir sur l'image précédente, voilà que la mécanique de la désinformation se met rapidement en route, dans un premier temps, en insinuant que Marine Le Pen aurait perdu son immunité, ce qui , sans autre précision, est parfaitement mensonger !

La suite coule de source, car, ne voilà-t-il pas que, dans la foulée de cette levée d'immunité, Marine Le Pen fait l'objet d'une convocation à comparaître devant un magistrat instructeur, non pas dans l'affaire des images incriminées, mais à propos d'un tout autre dossier : les emplois fictifs présumés, dossier dans lequel Le Pen continue de jouir de la plénitude de son immunité parlementaire ?

Et, comme il fallait s'y attendre, voilà que le ban et l'arrière-ban des professionnels de la désinformation y sont allés de leurs vociférations concernant l'outrecuidance supposée de la présidente du Front National, coupable d'avoir osé opposer une fin de non recevoir (provisoire) à la convocation des magistrats instructeurs dans le (seul) dossier des emplois fictifs présumés.

En bon français, ça s'appelle un numéro de bonneteau, dans lequel les professionnels de la désinformation ont fait la preuve de leur virtuosité (voyez la "grande journaliste" Ruth Elkrief face au vice-président du Front National, tel que rappelé dans l'épisode précédent).

Demandez à n'importe quel(le) collégien(ne) français(e) ayant correctement suivi les cours d'ECJS, il/elle vous répondrait que, bien évidemment, il revient au Parlement Européen de lever l'immunité de Marine Le Pen dans l'affaire des emplois présumés fictifs et, automatiquement, la présidente du FN se verrait bel et bien obligée d'obtempérer à la convocation des juges. Par conséquent, le problème n'est pas que Marine Le Pen REFUSE de se rendre chez les magistrats instructeurs mais que le Parlement Européen N'AIT TOUJOURS PAS LEVÉ l'immunité de la députée européenne dans la seconde affaire, dite des emplois fictifs présumés !

Une réponse probable à la question serait que la Justice Française n'a toujours pas sollicité ledit parlement en vue de la levée de l'immunité de Le Pen.

Vous avez compris que le pouvoir politique français, qui a le parquet sous ses ordres, ainsi que la Loi le prévoit, hésite à recourir à la procédure qui s'impose à lui, préférant se livrer à ce numéro de mauvaise prestidigitation consistant à obtenir la levée de l'immunité sur une affaire insignifiante, de manière à faire courir le bruit selon lequel la présidente du FN refuserait - quel scandale ! - de se rendre chez les juges dans l'autre affaire ?

Seulement voilà : il y a un problème !

Une petite recherche sur l'Internet, et l'on découvre ceci :

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Début février 2017 : le Parlement Européen avait déjà entrepris de réduire les émoluments dus à Marine Le Pen, au titre du remboursement de l'excédent qu'elle aurait perçu dans le cadre de la supposée affaire des emplois fictifs.

Et c'est là que n'importe quel(le) bon(ne) collégien(ne) ayant régulièrement suivi ses cours de ECJS saute au plafond, mais pas nos "petits" et "grands journalistes" français !

Parce que, si la partie plaignante, à savoir le Parlement Européen, en est déjà à sanctionner Marine Le Pen dans l'affaire des emplois dits fictifs, n'importe quel(le) collégien(ne) pas trop bête se demande sur la base de quelle décision de justice cette sanction intervient-elle ?

Car si c'est le Parlement Européen qui se rend justice à lui-même, on est en droit de s'interroger sur la cohérence de la procédure juridictionnelle : déjà bouclée devant l'Union Européenne, mais encore en cours d'instruction devant les tribunaux français.

Vous avez dit embrouille ?

En clair, n'importe quel expert de la chose juridictionnelle vous dirait qu'il y a anguille sous roche, à voir la Justice Française entamer une instruction sur une affaire (visiblement) déjà jugée par ailleurs !!!!!!

Petit rappel, en passant : la règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement (une seconde fois) à raison des mêmes faits.

Autre chose ?

Le principe "nemo judex in causa sua" veut que l'on ne puisse pas être juge et partie. Problème : le Parlement européen saisit la Justice française en qualité de partie plaignante, tout en exerçant, par ailleurs, la fonction d'exécuteur d'une décision (de Justice ?) prise par qui, sinon par lui-même ?

L'explication à tout cet embrouillamini ? Il est hautement probable que Monsieur Martin Schultz, président démissionnaire du Parlement Européen, ait voulu faire un petit cadeau d'adieu à ses amis socialistes français, en vue des élections de l'année 2017, en savonnant copieusement la planche d'une certaine Marine Le Pen... Seulement voilà : pris par le temps, les amis de Herr Schultz au Parlement Européen ont dû avoir les yeux plus gros que le ventre, en essayant d'aller plus vite que la musique, se prenant les pieds dans le tapis de la procédure.

Du coup, le problème est simple : s'il est avéré que le Parlement Européen est déjà en train de sanctionner Marine Le Pen pour des manquements qu'aucun tribunal régulier n'a dûment constatés, alors, devant cette chose déjà jugée, la Justice Française n'a pas d'autre choix que de se déclarer incompétente !

Sur cette question, je mets au défi nos "petits" et "grands" journalistes (mais peut-être devrais-je écrire "journaleux") de faire venir dans leurs studios ou au sein de leurs rédactions tel(le) spécialiste qu'il leur plaira d'interroger... Et l'on verra bien !  

Et dire qu'il suffirait à nos "grands" journalistes... gouvernementaux (1), et/ou autres, de se faire payer par leurs employeurs des séances de rattrapage en formation continue, rubrique "Le Droit pour les Nuls", pour éviter de se couvrir de ridicule devant nos petit(e)s collégien(ne)s férus de culture juridique et sociale, voire devant leurs propres enfants !


Lectures :  1  -  2  -  3 - 4 - 5



(1) Cf. la radio d'État France Inter  et les deux journalistes gouvernementaux (mais peut-être faudrait-il plutôt dire fonctionnaires !) Patrick Cohen et Thomas Legrand, interrogeant Louis Aliot, Vice-président du Front National, pour la 398ème fois sur l'affaire des "emplois fictifs". Patrick C.: "... un mot encore sur l'affaire des assistants parlementaires européens..." (Source : 113'29" ss.