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jeudi 10 janvier 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #7


Épisode §7 : Biscotos versus Ciboulot, la suite...


Je dois vous faire une confidence : il y a quelques semaines, j'ai écrit à un "Gilet jaune", qui se reconnaîtra, pour lui confier notamment ceci :
Ce que je pense du mouvement des GJ en général ? Pas grand-chose pour le moment. Et comme je suis plus âgé que vous, je vous invite à rechercher sur le net des infos sur Gérard Nicoud et le Cidunati : des gros bras, pas mal de manifs et de casse, et puis plus rien. 
Tout le monde semble avoir oublié une chose : la France est le seul pays bonapartiste de l’Union européenne. Le « bonapartisme », ça vous dit quelque chose ? 
Je pense que vous êtes partis pour échouer, sauf si… En clair, le problème est de savoir dans quelle mesure votre mouvance hétéroclite sera en mesure de faire la part de l’accessoire (la conjoncture = +/- x centimes sur le prix du litre de carburant) et de l’essentiel (la structure = une culture de la jacquerie, qui fait que la France ne ressemble à aucun de ses voisins). 

Ça sert d'avoir un peu de culture générale. Pour mémoire, à la suite d'un certain Pierre Poujade, le petit commerçant qu'était Gérard Nicoud avait connu une certaine notoriété en prenant la tête d'un mouvement contestataire assez violent, censé défendre les petits commerçants et artisans contre l'étranglement par les impôts, la dérive insurrectionnelle du Cidunati ayant mené son chef jusque derrière les barreaux.

L'expérience nous montre que lors des soulèvements populaires, les gros bras - les biscotos - ont presque toujours tendance à l'emporter sur les détenteurs d'un ciboulot, dès lors que l'intelligence et le raisonnement ne sont pas très télégéniques ; or, sans passage à la télé, notamment sur les chaînes d'information en boucle, on n'existe pas !

Le temps a passé ; à l'instar de Pierre Poujade et de sa clique d'enragés, Gérard Nicoud et son Cidunati sont passés à la trappe ; il n'empêche que, dans les régimes bonapartistes, une insurrection chasse l'autre, ce que je sous-entendais dans le courrier à ce "gilet jaune".

Tout le monde pourra constater, en effet, qu'à elle seule, la France cumule plus de jacqueries que l'ensemble des (27) autres pays de l'Union européenne, ce qui n'est quand même pas banal ! Le fait est que la France est, par ailleurs, le seul pays disposant d'un régime de type bonapartiste calqué sur le mode sudaméricain, ce que je rappelais tantôt, en évoquant l'admiration de De Gaulle pour Juán Perón.

Tiens, soit dit en passant, citez-moi quelques pays traversés actuellement par des... ou ayant connu de sérieux soulèvements populaires d'envergure... Vous ne voyez pas ? Je vous aide : Venezuela (Maduro),  Turquie (Erdogan), Nicaragua (j'ai oublié le nom de l'autre moustachu), RDC (Kabila), Soudan (El Béchir)... Rien que de belles démocraties, n'est-ce pas ?

La France des jacqueries ? Je pense aux 'x' saccages intervenus au grand marché de Rungis du fait des marins-pêcheurs, à l'incendie du Parlement de Bretagne à Rennes par des pêcheurs bretons, aux innombrables déversements de déchets et d'immondices en tous genres devant des préfectures ou des centres des impôts, au saccage du ministère de l'Ecologie (Dominique Voynet) par des chasseurs, sans oublier Mai 68, les innombrables grèves à la SNCF ou Air France, la Corse, la Nouvelle Calédonie, Elie Domota en Guadeloupe, il n'y a pas si longtemps, des révoltes en Guyane et à la Réunion.

On résume ? En l'espace d'un demi-siècle, le seul régime bonapartiste de l'Union européenne cumule plus de révoltes populaires et de jacqueries que tous les autres pays de l'Union réunis ! Ça c'est une donnée factuelle qu'aucun historien ne saurait contredire.

Fin de la confidence. 

À vrai dire, j'étais parti pour évoquer tout autre chose : les biscotos versus ciboulot. Et voilà que l'autre samedi, en rentrant d'une visite à la Fondation Vuitton pour y contempler l'oeuvre de Schiele et de Basquiat (c'est bientôt fini !), j'alllume ma télé pour tomber sur cette séquence hallucinante captée sur une passerelle parisienne. 


La séquence passe en boucle et je dois dire que mon écoeurement est tel que je n'arrive pas à visionner les images jusqu'au bout.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce type - qui a dû être boxeur dans une vie antérieure, et à qui on a dû - du moins l'espéré-je ! - ressasser, je ne sais trop combien de fois, qu'on ne frappe pas un homme à terre - a connu son quart d'heure de gloire, pour reprendre la formule d'Andy Warhol, et ce, sur les médias du monde entier. Voyez la Une de la Bildzeitung...


Il paraît que, depuis, l'homme a fait amende honorable, jurant ses grands dieux qu'il n'était pas méchant, qu'il n'aurait pas dû le faire, et patati et patata, dans le registre : "je cogne d'abord, je réfléchis ensuite.".

Toujours est-il que, compte tenu de ma faible culture générale et de ma petite connaissance des faits sociaux, j'entends maintenir le pronostic adressé à ce "gilet jaune", à savoir que ce mouvement hétéroclite est bien parti pour se planter...

Sauf si...

Sauf si l'impossible se produisait, à savoir que les ciboulots reprennent la main et le dessus sur les biscotos ; je sais, la formule est imagée et audacieuse, mais elle dit bien ce qu'elle veut dire.

Question : par parenthèse, les gilets jaunes, c'est combien de divisions, je veux dire, combien de ciboulots, c'est-à-dire de gens capables de penser et d'argumenter ? 

Parce qu'il y a urgence, quand on voit dans quel état de sidération ce mouvement a mis le Landerneau politico-médiatique.

Tiens, prenez ce personnage politique, inventeur de ladite "France Insoumise", et qui se découvre, un jour, à un âge déjà avancé, des velléités saint-justiniennes ou saint-justiciennes. Il se trouve que peu après nous avoir offert les images de cette horde sur la passerelle Sédard-Senghor, la télévision nous a présenté quelques tweets émanant de personnalités politiques, dont j'extrais celui qui vient :


Et là, on reste sans voix !

Et dire que ce guignol voulait devenir président de la République !

Ah, j'oubliais : comme cela arrive souvent avec les cuistres, notre homme semble avoir mesuré quelque peu l'énormité du contenu de son tweet de l'autre samedi, mais au lieu de battre sa coulpe publiquement, comme la décence aurait dû le lui ordonner, voilà qu'il louvoie et rame piteusement, en prétendant désormais vouloir "éviter les violences" !


Les visiteurs habituels de ce blog savent à quel point cet individu m'inspire du mépris, depuis ce jour (printemps 2011) où il a pris fait et cause pour l'agression coloniale de l'Otan en Libye (vous pouvez consulter mes propres archives).

Citation :
En 2011, Jean-Luc Mélenchon prenait position en faveur de l’intervention militaire en Libye. Dans une interview publiée par Libération, il affirmait sans rougir que si le Front de Gauche était au pouvoir, il aurait adopté la même démarche que Sarkozy : « Si le Front de gauche gouvernait le pays […] serions-nous intervenus directement ? Non. Nous serions allés demander à l’ONU un mandat. Exactement ce qui vient de se faire. Je peux appuyer une démarche quand l’intérêt de mon pays coïncide avec celui de la révolution. » (source)
Une agression néo-coloniale stipendiée par les pétro-monarchies et autres régimes ultra-réactionnaires de la péninsule arabique, et il osait appeler ça une "révolution" ! (1)

Pauvre type un jour, pauvre type toujours !

Mais je n'oublie pas les "Gilets jaunes". Franchement, je pense qu'ils auraient dû mieux mesurer le changement intervenu dans le Landerneau politico-médiatique du fait de l'émergence du sigle R.I.C. Et il me semble que les meneurs du mouvement (si meneurs il y a !) ont singulièrement manqué de jugeotte en persistant à confondre l'essentiel et l'accessoire, dit autrement, la structure et la conjoncture.

L'avenir proche va nous dire si j'ai (eu) raison...


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(1) À propos de cette immonde et infâme intervention militaire, comment ne pas évoquer cette autre personnalité politique qui s'est tiré quelques boulets de canon dans le pied, le jour où elle a approuvé - mais quelle mouche l'avait donc piquée ! - le principe d'un soutien du parti socialiste à la guerre de Sarkozy et de l'autre philosophe de supermarché, se coupant tout net de l'essentiel de ses supporters dans ce qui ressemblait fort à un suicide politique. Et merci à Désirs-d'Avenirs-Paris5 de ne pas avoir supprimé ce texte, contrairement au site principal, où l'on joue volontiers des ciseaux, à la manière des sbires de Staline ! Pauvre Ségolène Royal, victime du baiser de Judas !


Petit supplément illustré

Une très belle expo chez Vuitton. J'avoue avoir été impressionné par la maturité d'Egon Schiele que je n'imaginais pas aussi prolifique (mort à 28 ans, comme Basquiat). L'expo est prolongée pour Basquiat, les oeuvres de Schiele ayant été jugées un peu trop fragiles. Du coup, je vais y retourner dare-dare ! Ce qui suit est (presque) du seul Basquiat.










À suivre...