Épisode §8. Ou comment transformer une défaite électorale en quasi-victoire
Dans la rubrique : "Il suffisait d'y penser !", voilà qu'on nous annonce que le camp gouvernemental au pouvoir en France est sorti quasiment vainqueur des dernières élections européennes.
Citation :
POLITIQUE - Ni le triomphe espéré, ni la claque tant redoutée. La soirée électorale de ces élections européennes ne s’est pas si mal finie pour la liste LREM-Modem de Nathalie Loiseau. Après une campagne douloureuse, marquée par les polémiques et une dynamique négative dans la dernière ligne droite, la majorité présidentielle a préféré se réjouir d’avoir préservé un “bon score” ce dimanche 26 mai, et ce malgré son résultat qui la place derrière le Rassemblement national de Marine Le Pen.
Il faut dire que les Marcheurs s’attendaient à bien pire. Toute la journée, l’emballement de la participation, notamment dans les départements ruraux, a laissé craindre aux macronistes la percée d’un vote sanction qui aurait entraîné un décrochage entre le RN et LREM. Au final, moins de deux points séparent les deux listes qui devraient envoyer le même nombre de députés européens siéger à Strasbourg.
Le premier ministre Édouard Philippe a certes accueilli les résultats “avec humilité”, estimant que “quand on termine deuxième à une élection, on ne peut pas dire qu’on a gagné”. Mais dans l’ensemble, tout le monde soufflait du côté de La République En Marche, certains allant jusqu’à détourner une chanson de la Coupe du monde au QG de la liste Loiseau. (...)
S’estimant conforté par la résistance de son parti, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il comptait “intensifier l’acte II” de son quinquennat. “Les orientations annoncées après le grand débat vont se poursuivre, l’objectif est que les Français puissent ressentir le changement”, a indiqué l’Élysée dès 20 heures.
Vous avez tout compris ? Non ? Il est vrai que des formules du type "S'estimant conforté par la résistance de son parti..." ont de quoi surprendre, n'est-il pas ? Mais bon, la rhétorique n'est-elle pas l'art de mentir, sans donner l'impression de mentir, tout en mentant ?
Du coup, au risque de donner l'impression de radoter, rappelons que le "parti" présidentiel en question n'est pas un parti mais une coalition d'au moins trois mouvements, laquelle coalition arrive bel et bien derrière un simple parti, le Rassemblement National, le tout malgré une faramineuse monopolisation des média, non seulement audiovisuels (cf. le "Grand débat"), mais également écrits (cf. une intervention de dernière minute dans la quasi-totalité des quotidiens régionaux).
Vous comprendrez, dans ces conditions, pourquoi nos "journalistes" sont devenus subitement amnésiques, oubliant que, quelques jours plus tôt, tout le Landerneau bruissait de mille rumeurs sur l'importance vitale pour le pouvoir de virer en tête des européennes.
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Autre chose ?
Comment ne pas être admiratif devant ce qui suit : dans un cas, on tient à minimiser la défaite du camp qui ne devait pas perdre... Mais, surtout, on va s'appliquer à minimiser la victoire effective - en clair,
mathématique - de ceux qui sont arrivés devant tous les autres. Et, comme de bien entendu...
À plus court terme, la défaite encaissée par la majorité présidentielle ne devrait pas l’empêcher de jouer les premiers rôles au Parlement européen, plus éclaté que jamais. “Le président de la République reste à la manœuvre pour constituer une grande alliance progressiste en Europe, une force qui sera essentielle dans le nouveau Parlement européen”, a bien précisé l’Élysée. (..)
La victoire du RN, qui enregistre un score d’environ un point inférieur à celui des européennes de 2014 (24,86%), aura peu d’impact au plan européen où l’influence de l’extrême droite reste limitée. À l’inverse, les Libéraux de l’Alde, qui récupèrent les sièges des eurodéputés issus de la liste française Renaissance, portée par LREM et soutenue par le président Emmanuel Macron, grimpent de 69 élus à 101. Ce groupe, qui devient le troisième du Parlement, envisage de jouer un rôle pivot dans le nouvel hémicycle.
Ou comment transformer un groupe ultra-minoritaire en groupe jouant "les premiers rôles", le tout pour être passé de 69 à 101 élus, tout en oubliant de préciser qu'il y a, aussi, au Parlement Européen, une poussée comparable des nationalistes et eurosceptiques, notamment du fait de l'arrivée de partis tout neufs du type AFD (Allemagne), et la poussée d'autres groupes tels que la Ligue du Nord (Italie), le FPÖ (Autriche).
Dans les faits, il suffit de jeter un œil sur la répartition des groupes au Parlement Européen pour constater que les libéraux de l'Alde et les eurosceptiques de la droite dite extrême affichent à peu près les mêmes effectifs.
En résumé, constatons que certains professionnels de l'information sont passés maîtres dans l'art de dire une chose et son contraire, le tout en très peu de temps.
Entre nous, il y en a que ça étonne ?