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jeudi 27 juin 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #25



Épisode §25. La première victoire politique des Gilets Jaunes...

... et le triomphe du téléphone arabe 2.0

"Un mouvement peu structuré, sans leaders officiels ou affirmés, sans ligne directrice affichée...", ainsi fut catalogué le mouvement dit des Gilets Jaunes, sous-entendu : "Ah, si seulement ces GJ voulaient bien fonctionner à l'ancienne, avec tout le fatras administratif des président, vice-président, secrétaire général, etc., c'est fou ce qu'on y verrait plus clair dans leurs intentions. Tandis que là, quel foutoir !".

Il se trouve simplement que ce "foutoir" a joué un rôle non négligeable dans la tournure française des dernières élections européennes, et je m'étonne - enfin, on se comprend ! - de la discrétion de Sioux affichée par nos politologues, profs à Science Po' et autres politocrates en la matière. Rendez-vous compte : ce pays - la France - habitué à pondre une dizaine de sondages politiques par semaine, n'a toujours pas trouvé le temps d'analyser par le menu les raisons de l'échec - que dis-je ! - du fiasco de la liste soutenue par le roi, pardon !, par le président de la République. 

Ce dernier s'est pourtant copieusement démené, allant jusqu'à nous promettre, croix de bois, croix de fer (si je mens je vais en enfer !), qu'il n'était pas question que le Rassemblement National vire en tête au soir de ces élections européennes.
Et qu'a-t-on vu ? Enfer et damnation ! Stupeur et consternation ! Le Rassemblement National vire bel et bien en tête des élections pour le Parlement Européen !

Curieusement, du côté de la presse dite "mainstream", c'est tout juste si l'on a noté la déroute du clan présidentiel, préférant se focaliser sur Les Insoumis ou Les Républicains. Flagornerie quand tu nous tiens !

Et comme, visiblement, nos éminents politocrates ont la mémoire courte, appliquons-nous à la leur rafraîchir.

 

Citation : 
A neuf jours des élections européennes, Emmanuel Macron s'attaque de nouveau frontalement au Rassemblement national. Le RN, "ce sont les sortants. Qu'ont fait les sortants? Ils ont voté contre tous les projets que la France a défendus en Europe y compris pour nous protéger", a dénoncé vendredi le chef de l'Etat face à des journalistes, lors d'un déplacement à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), consacré à la préparation du sommet du G7 que la station balnéaire basque accueillera du 24 au 26 août.
(...)
Le chef de l'Etat a assuré qu'il allait continuer à s'exprimer sur l'Europe d'ici au 26 mai, mais en indiquant ne pas savoir sous quelle forme (entretien à des journaux, intervention sur des réseaux sociaux...) Ses déclarations ont suscité la colère dans les rangs du Rassemblement national.
(…)
"Emmanuel Macron détourne la fonction présidentielle et en abuse pour se comporter en véritable chef de clan", a immédiatement rétorqué sur Twitter la tête de liste RN Jordan Bardella. Steeve Briois, vice-président du parti a lui fustigé "un chef de gang. Un gang qui a mis la France à feu et à sang", qualifiant le président de "honte". (JDD)
 
"Le RN ce sont les sortants...". Comme dirait l'autre, ça ne s'invente pas, n'est-ce pas !?!?!

Rappelons simplement qu'il s'agissait d'élections au Parlement Européen, instance au sein de laquelle la majorité sortante était essentiellement constituée autour du PPE et des Socio-démocrates européens. Autant dire que la formule "Le RN ce sont les sortants" est une totale ineptie !

Constatons, par ailleurs, que les présidents français s'étaient toujours appliqués à ne pas parler de politique intérieure lors de déplacements à l'étranger, tradition qui semble avoir fait long feu...



"Le président de la République lors de sa conférence de presse à Sibiu, en Roumanie, le 9 mai 2019."

Observons simplement que toute cette fébrilité n'a pas fait tiquer grand monde, ce qui ne peut que rehausser l'originalité de l'analyse qui suit.
Elections européennes : "En mettant tout son poids dans la balance, Emmanuel Macron fait un cadeau à Marine Le Pen"

Ce samedi, Catherine Nay décrypte la stratégie d'Emmanuel Macron pour battre le Rassemblement national lors des élections européennes.

Les élections européennes, c'est dans 15 jours. Le Président Macron a profité du sommet européen de Sibiu, en Roumanie, pour dramatiser les enjeux. Il fera tout, a-t-il dit, pour empêcher le Rassemblement National d'arriver en tête, comme si cette élection se résumait à un duel avec Marine Le Pen. Alors, utile ou dangereux ?

Les deux ! L'heure est en effet à la dramatisation puisque la liste Renaissance, conduite par Nathalie Loiseau, et celle du Rassemblement National sont à égalité. 22% des intentions de vote. Pour le Président, l'alternative est claire : est-ce qu'on veut encore construire l'Europe, même différente et en améliorant les choses ? Ou en contraire, déconstruire, détruire, revenir au nationalisme. La question se pose puisque les partis nationalistes européens devraient entrer en force au Parlement de Strasbourg. 180 sièges, soit un quart de l'hémicycle. Une mosaïque d'une très grande complexité. (...)
En mettant tout son poids dans la balance, Emmanuel Macron fait un cadeau à Marine Le Pen. Que dit-elle ? Qu'il transforme ainsi cette élection en référendum pour ou contre lui. Et s'il perd, il devrait avoir la dignité et l'honneur de partir comme De Gaulle. Ce qui n'a aucun sens puisqu'Emmanuel Macron ne partira pas, mais qui est une invite aux opposants de Macron, qui sont nombreux. Elle leur dit : "votez pour moi", elle drague les "gilets jaunes". Il y a 34 listes, ce qui souligne la fracturation du pays.

Les Républicains sont les seuls à faire plus de 10%. Et la France insoumise et Europe Ecologie entre 7 et 10. Mais tous les autres, qui ne feront pas 5%, n'ont aucune chance d'avoir un élu. Donc Marine Le Pen dit à cela : le vote utile, c'est moi, puisque vous êtes tous contre Macron.(Europe 1)


Précisément,  en parcourant les innombrables forums de discussion disponibles en ligne, on sentait bien, du côté des Gilets Jaunes, un flou de moins en moins opaque à mesure qu'approchait le scrutin européen. Bien évidemment, aucune personnalité "emblématique" animant le mouvement n'avait ouvertement annoncé la couleur, hormis le fait qu'il fallait barrer la route à la liste "Macron". On peut passer sous silence les pauvres égarés (Cauchy, Chalençon, Lalanne...) partis s'acoquiner qui avec Dupont-Aignan, qui avec Philippot..., et dont on sentait très bien, en parcourant les forums, que leurs chances de subsister étaient à peu près nulles.

Toujours est-il que la consigne, apparue sur le mode "subliminal", était "Tout sauf Macron", sans autre précision.


Dès février, Eric Drouet avait annoncé qu'il comptait faire "un post [Facebook] ou un sondage [sur les européennes] pour qu'on soit tous raccord. Je n'ai pas d'avis dessus mais il faudra qu'on ait tous le même", estimait-il, avant de poursuivre: "Oui on peut voter ce qu'on veut mais ce serait bien qu'on ne se disperse pas sur les personnes à voter et qu'on donne plus de force contre Macron. Si on peut essayer de s'entendre dessus, on verra."

De son côté, Maxime Nicolle a expliqué dans une longue vidéo en mars sur Facebook Live pourquoi il encourageait les Gilets jaunes à aller voter aux européennes sans appeler à choisir une liste en particulier. "J'appelle à voter personne. Ce n'est pas moi qui vais vous dire : 'votez untel' ou 'ne votez pas untel'. La seule chose que je vous dis c'est : 'Ne votez pas Macron'."

Dans cette vidéo, l'intérimaire breton met en garde les Gilets jaunes sur "l'abstention différentielle", soit la démobilisation d'une partie spécifique de l'électorat permettant à l'autre camp d'obtenir un score plus important que celui des sondages, et souvent de gagner. "L'abstention différentielle, c'est le fait que la classe moyenne inférieure [les Gilets jaunes dans son raisonnement, NDLR] ne s'intéresse pas à cette élection. Donc, il y a un très fort taux d'abstention. En revanche, chez les classes supérieures [qui votent Macron pour Nicolle, NDLR], il y a un taux d'abstention très faible", résume-t-il, à sa façon. (…)
Le chef de l'Etat s'est donné pour objectif d'arriver en tête du scrutin devant le Rassemblement national de Marine Le Pen. Autre figure des Gilets jaunes, Jérôme Rodrigues est conscient de cet enjeu : "J'appelle aujourd'hui aux européennes à faire un vote anti-Macron, quitte à ce qu'il finisse deuxième, qu'il redescende un petit peu d'un étage, qu'il redevienne un petit peu terre à terre et qu'il vienne nous servir nous plutôt que les plus riches", a déclaré Jérôme Rodrigues, samedi à Lyon avant le départ de la manifestation des Gilets jaunes. (JDD)

Comme il fallait s'y attendre, à la suite du scrutin européen, on a eu droit aux commentaires de ceux qui faisaient mine de croire à la légitimité des listes "jaunes" tout en insistant sur la déroute du mouvement.


Le mouvement était déjà à la peine lors des derniers samedis de mobilisation. Mais les gilets jaunes n'ont pas non plus séduit dans les urnes, dimanche. Assiste-t-on à la fin du mouvement social ?

Les élections européennes auront-elles eu raison des gilets jaunes ? Alors que l'essoufflement de la mobilisation grandit de samedi en samedi, les manifestants n'ont pas fait mieux dans les urnes ce dimanche. Avec 0,54% des voix pour l'Alliance jaune du chanteur Francis Lalanne et 0,01% pour sa concurrente Évolution citoyenne, menée par Christophe Chalençon, les deux listes qui se revendiquaient des jaunes arrivent loin du seuil de remboursement de la campagne fixé à 3 %, et encore plus du palier des 5 %, nécessaire pour obtenir un élu. Les gilets jaunes ont-ils pour autant dit leur dernier mot ? Pas si sûr.

Le score d'hier n'est pas un désaveu pour le mouvement, martèlent les têtes d'affiche des manifestants. Et ce car celui-ci a, dans sa majorité, largement critiqué ces listes dès leur lancement. "Certains ont voulu surfer sur la vague jaune, mais il était normal de ne pas participer à ça, on est un mouvement apolitique", commente ainsi auprès de L'Express Jérôme Rodrigues, figure emblématique des gilets jaunes. "Lalanne, je n'ai rien contre lui mais il aurait dû écouter quand on lui disait : 'Les gars ne veulent pas de listes gilets jaunes.'" (L'Express)

"Alors que l'essoufflement de la mobilisation grandit de samedi en samedi, les manifestants n'ont pas fait mieux dans les urnes ce dimanche.", etc. Bel exercice de désinformation dans lequel d'aucuns - titulaires de la carte de presse ! - sont passés maîtres.

Ce qui suit semble un peu plus nuancé. Toujours est-il qu'il est bien plus intéressant de ne jamais parler en lieu et place des intéressés eux-mêmes.


La vague jaune sortie dans les rues n’est pas entrée dans les urnes. Les deux listes issues des Gilets jaunes ont recueilli à peine 1% des suffrages aux élections européennes ce dimanche 27 mai. "Alliance jaune", menée par Francis Lalanne, n’a récolté que 0,5% et "Evolution citoyenne", de Christophe Chalençon, moins de 0,5% des voix.

Une rouste qui ne surprend personne. Encore moins sur Facebook, où la colère s’est cristallisée avant de faire naître la contestation en novembre dernier. Car tout au long de la campagne, les membres des différents groupes de Gilets jaunes n’ont cessé de rappeler qu’aucune des listes ne pouvait se revendiquer du mouvement. Maxime Nicolle, invité sur Sud Radio le soir des élections, a estimé que cette défaite "correspondait avec ce que les manifestants voulaient depuis le début : ne pas être un parti".

C'est pourquoi, chez certains, le bonheur est à son comble. Ramous, l’une des figures des Gilets jaunes sur Facebook, s’est félicité, dans une vidéo vue plus de 68.000 fois en douze heures, du "naufrage" d’Emmanuel Macron. Surexcité, cet ancien chroniqueur de Touche pas à mon poste met un "carton rouge" au chef de l'Etat avec la musique du film Titanic en fond sonore. "On ne fête pas la victoire d’un parti, parce que vous êtes tous les mêmes pourris (…) mais on fête la défaite d’un dictateur", lance-t-il.

Une opinion que partage Laëtitia Dewalle. Proche d’Eric Drouet, cette Gilet jaune médiatisée estime elle aussi qu’on n’en a "rien à faire du premier", et préfère remettre en cause la "légitimité" du président de la République. "Macron a moins d’un votant sur quatre (…) Les urnes ont parlé !", écrit-t-elle sur les réseaux sociaux. (LCI)

Une rouste qui ne surprend personne. Encore moins sur Facebook (...) différents groupes de Gilets jaunes n’ont cessé de rappeler qu’aucune des listes ne pouvait se revendiquer du mouvement. 

Voilà qui a le mérite d'être clair, non ?!

A l'occasion de l'unique tour des élections européennes organisé ce dimanche 26 mai, le Huffingtonpost révèle que de nombreux gilets jaunes ont affiché sur Facebook leur carte d'électeur brûlée ou tamponnée. 

Premier rendez-vous électoral depuis le début du mouvement des gilets jaunes, le scrutin des Européennes était attendu comme un éventuel couperet pour Emmanuel Macron.

Ce dimanche 26 mai, de nombreux électeurs ayant participé aux rassemblements des gilets jaunes ont souhaité profiter de cette occasion pour exprimer leur mécontentement contre le pouvoir en place. Alors que la participation était en forte hausse à 19 heures (52%) par rapport à 2014 (42,43%), le Huffingtonpost indique que des gilets jaunes, vêtus de leur chasuble, ont fait part de leur motivation de sanctionner la politique d'Emmanuel Macron en publiant sur Facebook leur carte électorale dûment tamponnée. Un acte symbolique qui s'est traduit dans les urnes par le score à 20 heures de la liste LREM menée par Nathalie Loiseau (21,9%). (Actu.Orange.fr)

Et c'est là qu'on aurait aimé entendre ou lire les analyses de nos experts en sondologie, qui font de la France probablement la plus grande consommatrice de sondages politiques au monde. Quid, en effet, de l'impact des Gilets Jaunes sur le dernier scrutin européen ?  Pour toute réponse, on a eu droit à un 'motus et bouche cousue', tandis que d'aucuns se perdent en conjectures, ou alors, pas vraiment...

À la grande surprise des docteurs en sciences politiques, ces voix se sont évaporées. Perdues dans un grand trou noir. Leur liste, quasi farlelue, n’a obtenu qu’une poignée de suffrages. Et tous les autres ? Comment retrouver leurs traces ?

A priori, contrairement à ce que les gens de la France Insoumise ont espéré, les Indignés du bitume n’ont pas apporté le moindre soutien à leur parti, principal perdant de ce rendez-vous européen. Le score de 6,5% est un échec retentissant pour Jean-Luc Mélenchon. Sa défense rugueuse et radicale des « gilets jaunes », accompagnée par tous les dirigeants de LFI, est visiblement une erreur tactique. Elle a affaibli considérablement son leader pour les années à venir. On peut dire la même chose pour Laurent Wauquiez, lequel est allé jusquà porter lui-même la chasuble des rebelles des ronds-points. Posture étrange pour un représentant du parti de l’ordre et d’une bourgeoisie de province ayant une passion modérée pour les mouvements de rue. En courant, un temps, derrière les « gilets jaunes », le patron de LR s’est mis dans un sale pétrin et pourrait bien payer les pots cassés de cette tactique hasardeuse. (…)
Mais alors, direz-vous, où est donc passé le vote des « gilets jaunes » ? Chez Marine Le Pen, bien sûr. La patronne du Rassemblement National, avec une habileté réelle, ne s’est pas jetée dans les bras des promeneurs hebdomadaires. Elle les a tenus à distance, sans les contrarier, sans les flatter, gardant une stature de représentante de l’ordre républicain. Elle a appliqué le précepte généralement utilisé en amour « Suis-le, il te fuit. Fuis-le, il te suit ». Que représenterait le pourcentage du vote des Gilets jaunes dans le résultat du Rassemblement National ? Deux, trois, voire quatre pour cent ? Impossible de le savoir avec précision tant ces militants du troisième type jouent les électeurs masqués. Une seule certitude : ils ne sont pas rués chez Laurent Wauquiez ou chez Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr, la déroute électorale de ces deux dirigeants ne se réduit pas à cette question, mais il est certain que leur posture de « copains des émeutiers » a effrayé une partie de leurs sympathisants respectifs. LR ou LFI rêvaient d’être une alternative crédible au duel Macron-Le Pen, donc d’eniler le costume de parti de gouvernement. Cette perspective s’éloigne de plus en plus. (NouvelObs)
Ainsi, donc, à en croire certains, les Gilets Jaunes auraient pris fait et cause pour le Rassemblement National. Et c'est aussi mon avis, du moins d'un point de vue purement conjoncturel ou tactique (= dicté par les circonstances du moment). Et si vous me demandez qui serait à l'origine de cette adhésion subite et pas vraiment annoncée auparavant, je vous répondrai sans hésitation : ben, le roi de France, pardon, enfin, je veux dire son Excellence le Président de la République ! Entre nous, je le croyais bien plus intelligent que ça !

Autant dire que le ci-devant Jupiter français s'est tiré là quelques boulets de canon dans le pied, manoeuvrant avec brio de manière à ce que le Rassemblement National sorte gagnant de ce scrutin européen.

En effet, si la consigne de départ était bien "Tout sauf Macron", rien dans les déclarations des Gilets Jaunes "canal historique" ou dans les prises de position au sein des forums de discussion ne permettait de supposer un mouvement massif en faveur de la liste Bardella.

Il se trouve simplement que c'est par son activisme et son omniprésence médiatique que notre Jupiter a fini par cristalliser un mouvement d'opinion en faveur du RN. Et là, Macron ne peut s'en prendre qu'à lui-même, ainsi qu'annoncé plus haut par Catherine Nay : (...) Marine Le Pen dit à cela : le vote utile, c'est moi, puisque vous êtes tous contre Macron. 

De fait, vote utile veut dire que l'électeur ne va pas hésiter à voter, au besoin, contre son camp de prédilection, dès lors que ce dernier n'a aucune chance de battre le parti du monarque. Ce n'est pas forcément un vote d'adhésion, mais à tout le moins, d'opportunité.

Et où nos experts en politologie ou en politocratie, mais aussi les partis politiques en général se doivent d'éplucher scrupuleusement les résultats des dernières élections européennes, c'est notamment dans la concommitance entre progression de la participation depuis les dernières européennes et poussée en faveur du parti de Marine Le Pen.

Un indice intéressant de la chose nous est fourni par La Réunion. Il se trouve que c'est le département ultramarin qui a vu la plus forte mobilisation des Gilets Jaunes. Et, comme par hasard, le Rassemblement National y est arrivé en tête dans toutes les communes, ce qui n'est quand même pas banal, et annonce des élections municipales plutôt rock'n-roll !

En tout cas, Marine Le Pen peut adresser un vibrant "Merci pour ce coup de pouce !" au monarque-président ou président-monarque. Cela dit, si j'avais un conseil à adresser à la présidente du RN, ce serait de ne pas se réjouir trop vite.

En effet, ma conviction est que les Gilets Jaunes ont surtout entendu s'appuyer sur la technique du levier (cf. Archimède), dans la mesure où "Tout sauf Macron" voulait dire que "tout levier susceptible d'entraver la marche en avant de la liste soutenue par le roi, pardon !, par le président, devait être actionné en priorité, dans un souci d'efficacité.". Le fait est que Macron a, lui-même - erreur monumentale ! - , désigné aux Gilets Jaunes le "bon" levier à actionner pour ruiner ses plans : le Rassemblement National. Et c'est là qu'on devrait voir si Marine Le Pen a la stature d'une femme d'Etat - et pas simplement d'une vulgaire aboyeuse abonnée à Twitter ! -, susceptible de lui faire transformer l'essai lors des scrutins futurs, à commencer, par exemple, par le gain de quelques municipalités en Réunion, à Mayotte, en Guyane, et pourquoi pas aussi aux Antilles, ce qui correspondrait à une déflagration nucléaire et sonnerait le commencement du démantèlement dudit "plafond de verre"... !

N'oublions pas qu'il s'est agi, aux dernières européennes, d'un scrutin proportionnel à un seul tour et sur une seule circonscription. Lors des prochaines élections (locales : municipales, départementales, régionales), les forces en présence varieront forcément de circonscription en circonscription, surtout si, comme on peut s'y attendre, les Gilets Jaunes s'engagent, cette fois, dans la bataille électorale, notamment lors des municipales, le scrutin le mieux adapté à un mouvement ouvertement anti-partis politiques.

Pour en revenir à notre sous-titre : Le téléphone arabe 2.0, il se confirme que, décidément, bien des experts de la chose sociale et politique, ceux que j'appelle des politocrates, n'ont toujours pas compris les enjeux du monde moderne, persistant à analyser les faits sociaux à l'aide de leurs vieux instruments éculés (ex. les sondages).

Il se trouve que ces mêmes "experts" n'ont pas vu venir les Gilets Jaunes, tout comme ils se sont appliqués à dévaloriser ce mouvement qui, sans chefs, ne pouvait que péricliter. Mais, des mois après, il n'avait toujours pas périclité. Oui, mais, attendez !, va-t-on nous rétorquer, vous ne voyez pas qu'ils sont de moins en moins nombreux ? Comme si un iceberg se réduisait à sa pointe émergée !

Le fait est que ce mouvement, qui n'attirerait plus grand monde dans la rue, à en croire les gazettes, a été en mesure de faire appliquer avec efficacité une consigne non dite, autant dire du type subliminal, consigne abondamment suivie par tous sous la forme d'une participation accrue des électeurs et de la défaite du clan d'un président qui avait monopolisé les média écrits et audiovisuels comme aucun des ses prédécesseurs, allant même jusqu'à se produire sur Youtube, histoire, paraît-il, de mobiliser les jeunes. On a vu avec quel résultat !



C'est dire si la performance réalisée en coulisses par les Gilets Jaunes - sans avoir l'air d'y toucher - est tout bonnement époustouflante et devrait leur donner des idées pour la suite (cf. élections municipales et ss.). Et tout cela a été rendu possible par l'antique téléphone arabe adossé aux nouvelles technologies de l'information. Et la chose n'a rien d'extraordinaire : voyez tous ces mouvements sociaux en ce moment-même, et sans chefs, au Soudan, en Algérie, au Nicaragua, à Hong-Kong...

Les politologues et autres politocrates vont devoir se faire une raison : les temps changent ! 


Petit supplément illustré

 
 



 

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mercredi 12 juin 2019

Sémantique de la désinformation #9


Épisode §9.  Surtout ne pas oublier de citer Durkheim !

Vu sur un site "web" 
 



Citation (non retouchée, hormis les numéros)
Je (1) ne crois pas me tromper en disant que nous étions nombreux à être inquiets (2) ces dernières semaines du résultat attendu des élections européennes, et plus encore le jour de l’élection. L’irrésistible ascension du Rassemblement national (RN) (3), la maladresse stratégique de l’équipe de Macron, et les séquelles du moment «gilets jaunes» annonçaient une nette victoire du RN Dimanche 26 mai après-midi (4), des rumeurs sur les sondages (5) sortie des urnes promettaient un creusement supplémentaire de l’écart entre le RN et La République en marche (LREM). Dans cette ambiance glauque, la remontée spectaculaire et inattendue du taux de participation, de 42,4% en 2014 à 51,3% en 2019, ne pouvait que profiter au RN qui allait récupérer les votes des «gilets jaunes» (6). Le dernier écart mesuré en fin de campagne étant de 2% à 2,5% (7), la majorité allait vers une défaite piteuse, voire une crise de régime, si l’écart atteignait ou dépassait 4% (8). Des estimations en ce sens ont paru assez crédibles pour fausser les réactions des commentateurs à l’annonce des premières estimations (9).
À 20 heures, l’écart n’est que de 1,5% – il se réduira au cours de la soirée jusqu’à 0,9%, soit le résultat définitif, avec le même nombre de sièges pour les deux listes, vingt-trois. Il n’empêche, les plateaux télé annoncent alors une «nette victoire du RN» (10). Les militants présents aux QG endossent immédiatement l’interprétation des journalistes : joie débordante au RN, silence circonspect à la LREM. La même analyse va se maintenir un peu partout, y compris dans le quotidien de référence, qui organise un direct le mardi 28 mai «Posez vos questions sur la victoire du Rassemblement national» [retitré depuis, ndlr]. C’est exactement une «représentation collective» au sens que Durkheim (11) donnait à ce concept mais, dans le cas, une représentation fausse.

Vous voulez que je vous dise ? J'ai trouvé ce papier tellement nul que je me suis vite dit : "Non mais, tu ne vas pas perdre ton temps avec cette daube !?".

Entre nous, qu'est-ce que c'est mal foutu ! Et ça paraît sur Slate, dirigé par un ancien du Monde ! Sont-ils fauchés à ce point pour faire écrire n'importe quoi par n'importe qui ? Remarquez, ils ne sont pas les seuls dans ce cas ! Voyez du côté de Causeur, dont je parcours la daube assez régulièrement, surtout quand elle prétend dénoncer l'"islamisation" de la France.

J'ai pris soin de poser quelques numéros/balises ici ou là, histoire de mettre en exergue certains passages "intéressants", au cas où l'envie me viendrait de commenter cette chose. Le plus drôle, c'est quand même la référence à Émile Durkheim, que nos auteurs (si, si, ils se sont mis à plusieurs pour pondre cette chose !) ont dû récupérer dans un dictionnaire de citations, à moins que l'on ne se soit contenté de citer le titre d'un ouvrage (article).

Par parenthèse, et contrairement aux auteurs sus-mentionnés, je n'ai ressenti aucune inquiétude concernant les résultats attendus l'autre soir, dès lors que je m'applique à observer le Landerneau politico-médiatique français avec la plus grande objectivité, et je commence à en avoir un peu plus qu'assez de cette pitoyable logorrhée (diarrhée verbale serait peut-être plus exact) visant à "barrer la route au Front National" hier, "au Rassemblement National" aujourd'hui, ce mouvement n'étant frappé d'aucun interdit relativement à ses droits civiques ! 

Cela dit, entre nous, et histoire de rigoler un peu, n'est-ce pas la même Marine Le Pen que d'aucuns voyaient en perdition au soir d'un débat électoral face à Emmanuel Macron, il y a un peu plus de deux ans ? Et n'est-ce pas le Front National à qui les mêmes, ou à peu près, prédisaient pis que pendre à la suite de la défection de ce "poids lourd" que fut Florian Philippot ?

J'observe encore que, deux ou trois jours avant ces élections européennes, le Parlement Européen se fendait d'un communiqué qui semblait tomber à point nommé...

Source  -  Source

Sinon, le "papier" de Slate a fait l'objet d'une présentation sur un autre site, ce qui a donné lieu à une foule d'interventions dans un forum de discussion, et vous allez finir par connaître mon appétence pour ce genre de "salon où l'on cause"... 

637 réactions au matin du 12.06.2019

Extraits :


By the way, soit dit en passant, prenez la balise (1) : pourquoi diable est-il écrit "Je", alors même qu'ils sont plusieurs à signer le texte ?!?!?!

Maintenant, la question qui doit tarauder tout le monde est de savoir si je vais me résoudre à commenter le reste de la daube affichée plus haut. Pour ça, wait and see!


Lectures 01 - 02 - 03

lundi 10 juin 2019

Sémantique de la désinformation #8


Épisode §8. Ou comment transformer une défaite électorale en  quasi-victoire

Dans la rubrique : "Il suffisait d'y penser !", voilà qu'on nous annonce que le camp gouvernemental au pouvoir en France est sorti quasiment vainqueur des dernières élections européennes. 

Citation : 
POLITIQUE - Ni le triomphe espéré, ni la claque tant redoutée. La soirée électorale de ces élections européennes ne s’est pas si mal finie pour la liste LREM-Modem de Nathalie Loiseau. Après une campagne douloureuse, marquée par les polémiques et une dynamique négative dans la dernière ligne droite, la majorité présidentielle a préféré se réjouir d’avoir préservé un “bon score” ce dimanche 26 mai, et ce malgré son résultat qui la place derrière le Rassemblement national de Marine Le Pen.

Il faut dire que les Marcheurs s’attendaient à bien pire. Toute la journée, l’emballement de la participation, notamment dans les départements ruraux, a laissé craindre aux macronistes la percée d’un vote sanction qui aurait entraîné un décrochage entre le RN et LREM. Au final, moins de deux points séparent les deux listes qui devraient envoyer le même nombre de députés européens siéger à Strasbourg.

Le premier ministre Édouard Philippe a certes accueilli les résultats “avec humilité”, estimant que “quand on termine deuxième à une élection, on ne peut pas dire qu’on a gagné”. Mais dans l’ensemble, tout le monde soufflait du côté de La République En Marche, certains allant jusqu’à détourner une chanson de la Coupe du monde au QG de la liste Loiseau. (...)

S’estimant conforté par la résistance de son parti, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il comptait “intensifier l’acte II” de son quinquennat. “Les orientations annoncées après le grand débat vont se poursuivre, l’objectif est que les Français puissent ressentir le changement”, a indiqué l’Élysée dès 20 heures.

Vous avez tout compris ? Non ? Il est vrai que des formules du type "S'estimant conforté par la résistance de son parti..." ont de quoi surprendre, n'est-il pas ? Mais bon, la rhétorique n'est-elle pas l'art de mentir, sans donner l'impression de mentir, tout en mentant ?

Du coup, au risque de donner l'impression de radoter, rappelons que le "parti" présidentiel en question n'est pas un parti mais une coalition d'au moins trois mouvements, laquelle coalition arrive bel et bien derrière un simple parti, le Rassemblement National, le tout malgré une faramineuse monopolisation des média, non seulement audiovisuels (cf. le "Grand débat"), mais également écrits (cf. une intervention de dernière minute dans la quasi-totalité des quotidiens régionaux).

Vous comprendrez, dans ces conditions, pourquoi nos "journalistes" sont devenus subitement amnésiques, oubliant que, quelques jours plus tôt, tout le Landerneau bruissait de mille rumeurs sur l'importance vitale pour le pouvoir de virer en tête des européennes.

Source
Autre chose ?

Comment ne pas être admiratif devant ce qui suit : dans un cas, on tient à minimiser la défaite du camp qui ne devait pas perdre... Mais, surtout, on va s'appliquer à minimiser la victoire effective - en clair, mathématique - de ceux qui sont arrivés devant tous les autres. Et, comme de bien entendu...
À plus court terme, la défaite encaissée par la majorité présidentielle ne devrait pas l’empêcher de jouer les premiers rôles au Parlement européen, plus éclaté que jamais. “Le président de la République reste à la manœuvre pour constituer une grande alliance progressiste en Europe, une force qui sera essentielle dans le nouveau Parlement européen”, a bien précisé l’Élysée. (..)
La victoire du RN, qui enregistre un score d’environ un point inférieur à celui des européennes de 2014 (24,86%), aura peu d’impact au plan européen où l’influence de l’extrême droite reste limitée. À l’inverse, les Libéraux de l’Alde, qui récupèrent les sièges des eurodéputés issus de la liste française Renaissance, portée par LREM et soutenue par le président Emmanuel Macron, grimpent de 69 élus à 101. Ce groupe, qui devient le troisième du Parlement, envisage de jouer un rôle pivot dans le nouvel hémicycle. 
Ou comment transformer un groupe ultra-minoritaire en groupe jouant "les premiers rôles", le tout pour être passé de 69 à 101 élus, tout en oubliant de préciser qu'il y a, aussi, au Parlement Européen, une poussée comparable des nationalistes et eurosceptiques, notamment du fait de l'arrivée de partis tout neufs du type AFD (Allemagne), et la poussée d'autres groupes tels que la Ligue du Nord (Italie), le FPÖ (Autriche).

Dans les faits, il suffit de jeter un œil sur la répartition des groupes au Parlement Européen pour constater que les libéraux de l'Alde et les eurosceptiques de la droite dite extrême affichent à peu près les mêmes effectifs. 

En résumé, constatons que certains professionnels de l'information sont passés maîtres dans l'art de dire une chose et son contraire, le tout en très peu de temps.

Entre nous, il y en a que ça étonne ?


Lectures : 01 - 02



mercredi 15 mai 2019

Sémantique de la désinformation #5


Épisode §5. Comme un vent de panique dans le Landerneau...

Vous connaissez la nouvelle ?

Non ? Alors jetez un œil sur les images qui suivent. 
 




Vous avez compris ? 

Si vous ne vivez pas en France, je vous explique. En ce moment-même, le Landerneau politico-médiatique français bruisse de mille rumeurs concernant la position relative des listes en présence pour la future élection pour le parlement européen (26 mai 2019).

Et, comme de bien entendu - on est en France, championne du monde du sondage ! -, toute la pensée politique est régie par l'industrie sondagière, ce qui fait que - je l'ai déjà exprimé ici moult fois - les soi-disant politologues, que j'appelle des politocrates, se contentent de se borner à paraphraser lesdits sondages.

Il se trouve que, selon nos industriels du sondage, Rassemblement National et "Liste LREM" seraient au coude à coude.  

Vous vous demandez certainement pourquoi je mets des guillemets à "Liste LREM" ? Réfléchissez un peu !

Soit dit entre parenthèses, que se serait-il passé, selon vous, si François Bayrou s'était présenté à la présidentielle de 2017, sachant que le plus faible score qu'il ait réalisé au premier tour (2012) tourne autour de 6 % ? 

Le fait est qu'au lieu de se suicider politiquement en 2017, en apportant son soutien à Emmanuel Macron, Bayrou aurait fort bien pu se présenter de nouveau, avec pour résultat...

24 points pour Macron, moins les 6 points au moins qu'aurait logiquement obtenus Bayrou, ce qui nous fait autour de 18 %

Or, avec 18 % au premier tour de la présidentielle, il n'y a pas d'élection d'Emmanuel Macron au second tour !

J'ai l'impression que tout le monde a oublié que, sans Bayrou, il n'y a pas de Macron président !

Et comme nos politocrates n'ont pas de mémoire, ils persistent dans leur amnésie, ce qui fait que tout le monde nous bassine avec ce pseudo affrontement entre LREM et RN. Et c'est ici que je vais, une fois encore, oser un pronostic.

Vous savez quoi ? Au soir du 26 mai 2019, sauf catastrophe nucléaire, le Rassemblement National, incarné par Jordan Bardella, devrait sortir en tête de l'élection européenne.

Ce n'est pas un souhait personnel - mon opinion personnelle n'ayant aucun intérêt - ; simplement un constat objectif, basé sur le fait que le Rassemblement National est un mouvement autonome, alors même que ce qu'on appelle abusivement "liste LREM" est une coalition autour d'au moins trois organisations différentes !

De fait, la fameuse "liste LREM" est bâtie autour de quelques mouvements clairement identifiés : le parti aux initiales d'Emmanuel Macron, le Modem présidé par Bayrou, ainsi que deux ou trois officines (ex. Agir) animées par des anciens du parti UMP reconverti en Républicains, sans oublier les transfuges socialistes (Castaner, Ferrand...).

Tout le travail de désinformation conduit actuellement par les médias et les politocrates consiste à faire passer LREM pour un parti, alors qu'il ne s'agit que d'une coalition.

On résume ?

Quels que soient les résultats de l'élection européenne à venir, face à la coalition LREM-Modem-Agir..., si j'en crois les sondages, le résultat du Rassemblement National en fera le parti arrivé en tête, - à l'instar de ce qui s'est produit lors des précédentes élections européennes - sauf effondrement ou autre catastrophe pour le parti de Marine Le Pen.

Et, pour parvenir à cette conclusion, nul n'est besoin d'être passé par Sciences Po !