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mercredi 11 juin 2025

1913. Première tuerie de masse dans une école en Allemagne.

Ce qui suit est ma traduction d'un article paru en Allemagne en 2013. Un bon siècle avant les jeux vidéo, on pouvait entrer dans une école et massacrer des gens. Le fait est que les jeux vidéo spécialisés dans la violence et les massacres, ainsi que lesdits réseaux sociaux n'ont pas amélioré les choses.


Il y a 100 ans (1913) : la première fusillade dans une école allemande

Armé de plusieurs pistolets, le trentenaire prend d'assaut l'école primaire St. Marie de Brême. Il tire sans discernement sur les filles qui hurlent. Un enseignant parvient finalement à maîtriser le tireur, mais plusieurs enfants sont déjà morts.

Une tragédie qui rappelle les fusillades de Winnenden, Erfurt ou Emsdetten, mais bien plus ancienne. Elle s'est produite il y a 100 ans, avant même l'existence des jeux de tir sur ordinateur, souvent accusés d'être à l'origine (2) de tels excès de violence.

Le massacre du 20 juin 1913 a horrifié toute l'Allemagne. Aujourd'hui, son histoire est méconnue, même à Brême : compte tenu des horreurs des deux guerres mondiales et de la longue période de reconstruction, elle était presque tombée dans l'oubli. Même les archives de la ville contiennent peu d'informations à son sujet. Seuls quelques vieux articles de journaux et cinq pages d'une chronique scolaire témoignent de ce terrible événement.

Cent ans plus tard, l'histoire revient peu à peu dans les mémoires. Le chroniqueur et expert en art Florian Illies l'évoque dans son ouvrage de 2012 « 1913 ». De plus en plus de Brêmeois s'y intéressent également.

À la recherche d'indices parmi les témoins oculaires

L'un d'eux est Hermann Sandkühler. Ancien chroniqueur et archiviste de la paroisse catholique Sainte-Marie, à laquelle appartenait l'école primaire à l'époque, il est parti en quête d'indices il y a quelques années. Il a rencontré trois femmes âgées qui avaient été témoins de la fusillade lorsqu'elles étaient écolières. "Elles avaient environ 90 ans, mais elles se souvenaient encore de tout avec précision."

C'était juste avant la récréation de onze heures quand Heinz Schmidt, un enseignant au chômage, entra dans l'école primaire catholique. Il tira deux coups de pistolet simultanément sur tous ceux qu'il croisa dans la cage d'escalier : les enfants, les enseignants, le concierge. "La panique s'installa", raconte Sandkühler. Les élèves couraient dans tous les sens, certains se cachant sous les bureaux, sautant ou s'échappant par les fenêtres.

L'opération dura moins de 20 minutes, mais fut dévastatrice : l'assassin blessa mortellement quatre élèves de CP. L'une d'elles se brisa le cou en tentant de s'échapper. Près de 20 autres furent blessés. Schmidt ne fut jamais jugé pour ces faits. La police, qui le déclara malade mental, le transporta dans un hôpital psychiatrique le jour même, où il mourut de tuberculose en 1932.

"Il souffrait de paranoïa et était mentalement déficient", explique Achim Tischer. Le directeur du musée de l'hôpital, qui retrace l'histoire de la psychiatrie à Brême, avait découvert le dossier de Schmidt dans les archives quelques semaines auparavant. Le patient y est mentionné sous le prénom de Hans, et non Heinz Jacob Friedrich Ernst, comme le mentionnent les chroniques et les vieux articles de journaux. Pendant des décennies, le dossier médical est donc resté en sommeil parmi tous les autres. L'état mental de l'assassin y est clairement visible, précise Tischer. "Aujourd'hui, on le qualifierait de schizophrène."

Cependant, Achim Saur doute que la maladie ait été la seule cause du massacre de Schmidt. "Cette attaque est liée aux tensions entre catholiques et protestants qui remontent à l'époque de Bismarck", explique l'expert en histoire urbaine. À cette époque, Brême, ville majoritairement protestante, abritait un petit quartier catholique, comprenant une église, un orphelinat et l'école primaire Sainte-Marie. Schmidt, fils d'un pasteur protestant, avait écrit dans une lettre, la veille de l'attaque, qu'il comptait combattre les catholiques, et en particulier les jésuites, par tous les moyens.

Qu'il s'agisse de fanatisme religieux, de folie, ou des deux, il est probablement impossible de le déterminer aujourd'hui. Mais ce crime démontre clairement une chose : les fusillades de masse ne sont pas un phénomène moderne. "L'histoire a été marquée par de nombreux massacres insensés", déclare Heinz-Gerd Hofschen, responsable de l'histoire urbaine au musée Focke de Brême. "Cela semble être une constante du comportement humain."

À l'école primaire Sainte-Marie, rien ne rappelle le crime horrible commis il y a 100 ans ; on n'en parle même pas en classe. L'école ne souhaite pas non plus commémorer le 100ème anniversaire. Pour ne pas effrayer les enfants, la directrice a envoyé un message par l'intermédiaire de l'Association paroissiale catholique.
 

Source

 

Notes

(1) En 1913, on n'était pas encore entré dans l'ère moderne ? Il me semble que l'ère en question commence avec ladite révolution industrielle, non? Soit au 19ème siècle au plus tard.

(2) Les jeux de tir sur ordinateur ne sont à l'origine de rien du tout. Il suffit de consulter les archives. En revanche, il est indéniable qu'ils ont permis à d'innombrables adolescents (comme par hasard, toujours des garçons) d'accéder à des faits de violence (et ce sont des "jeux" !) d'ordinaire présents dans des films autrefois interdits à une population jeune. En clair, vous ne pouvez pas assister (passivement) à des scènes de violence depuis le fauteuil d'un cinéma, mais vous pouvez vous y joindre activement dans votre chambre ! Toujours est-il que le tueur en série de 1913 n'était pas un adolescent, contrairement à moult tueurs en série actuels.