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samedi 11 décembre 2021

Rama Yade au pays des neuneus 2.1/4

[Ce texte comporte 4013 mots et 24684 signes/espaces]


Chapitre 2.1/4. Mais j'étais une licorne !

 

L'interview controversée de Rama Yade dans l'Express m'a permis de démontrer, au chapitre précédent, l'ampleur de l'indigence intellectuelle de ce que j'appelle la neuneusphère française : une pseudo-intelligentsia faite de phraséologues de plateaux-télé et de gourous de supermarché juste bons à engluer leurs gogos de "followers" dans la médiocrité la plus totale, dont les réseaux dits sociaux sont devenus le réceptacle.

Cette interview a déclenché un tohu-bohu assez révélateur de la médiocrité de ces pseudo-élites, mais aussi du formidable talent de Rama Yade, un talent qui n'appartient qu'aux vrais moteurs d'opinion : voyez une Ségolène Royal, une Rokhaya Diallo, une Assa Traoré ou un Dieudonné. Ils ou elles disent deux mots, et voilà que la gogosphère s'enflamme, les neuneus en étant réduits à ramer derrière ceux qu'ils et elles prennent, de fait, pour des locomotives !

Rien que pour ça, comment ne pas féliciter Rama Yade d'avoir si brillamment secoué le Landerneau politico-médiatique !

Dans les faits, l'interview, menée par la journaliste Laureline Dupont, était basée sur seize questions-réponses que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.

Ce qui suit consiste en des résumés de ces questions-réponses, suivis de mes propres commentaires. La présente section sera suivie, plus tard, d'une deuxième, qui me permettra d'examiner d'un peu plus près un concept énoncé par Yade, à savoir la "French Theory". 

 

1. Recul de la liberté de penser aux États-Unis

Fin Trump, début Biden. "Au-delà des tensions raciales, c'est aussi la question des libertés qui se pose. La Cour suprême compte six juges conservateurs sur neuf, dont trois nommés par Donald Trump : regardez ce qui se passe au Texas avec la loi anti-avortement... Les lois restrictives se sont multipliées. Nous sommes dans un moment de tensions à tous les étages avec des menaces permanentes sur la première démocratie du monde. (...) 

Car ce mouvement qu'on dénonce comme une importation américaine nous vient bien de France, de la French Theory qui en effet a infusé dans les universités américaines : de Lacan à Foucault, ce sont des penseurs français qui ont inspiré le mouvement woke ! Soyons-en fiers en tant que Français !"

Le problème est ce soi-disant "on", qui dénoncerait une importation américaine, alors qu'en réalité, c'est bel et bien ce "on" qui importe la chose. C'est ainsi qu'on a vu un supposé sociologue québecois pérorer sur une chaîne de télévision (Cnews France) sur les méfaits dudit wokisme, au motif que des bandes dessinées attentatoires à la dignité des populations indigènes du Québec auraient été bannies de bibliothèques locales. Sauf que le phénomène s'est produit au Canada, pas en France, et que son importateur, en France, était précisément le quidam faisant semblant de dénoncer ladite importation.

 

2. Les batailles identitaires donnent aussi lieu à une forme de censure

"Le wokisme a été brandi de manière abusive comme un outil de censure. En réalité, c'est juste le refus des discriminations. Ce n'est quand même pas honteux de combattre les inégalités ! Quel que ce soit le nom que vous lui donnez, c'est un noble combat, de justice et de revendication d'égalité dont devrait s'enorgueillir la patrie des droits de l'homme."

Il faudrait déjà que les utilisateurs du terme commencent par le définir eux-mêmes, ce qu'ils se gardent bien de faire, et ce, d'autant plus qu'il est visiblement ignoré Outre-Atlantique, où je ne vois personne se réclamer d'un quelconque "wokeism" !

Saluons par conséquent l'effort de Rama Yade de mettre un contenu dans ce mot valise, tout en étant conscients du fait que la définition qu'en donne Yade ne recouvre pas forcément la nébuleuse foireuse façonnée par ceux qui prétendent voir du "wokisme" partout.

"En réalité, c'est juste le refus des discriminations. Ce n'est quand même pas honteux de combattre les inégalités ! Quel que ce soit le nom que vous lui donnez, c'est un noble combat".

Mais il y a plus :

"Car ce mouvement qu'on dénonce comme une importation américaine nous vient bien de France, de la French Theory qui en effet a infusé dans les universités américaines : de Lacan à Foucault, ce sont des penseurs français qui ont inspiré le mouvement woke ! Soyons-en fiers en tant que Français !" 

Là, je vous avoue que j'ai quelque peu sursauté. Lacan ? Foucault ? Sans blague ! Non à cause du rapport avec les États-Unis, mais en raison d'une éventuelle convergence avec la culture dite "woke". Par parenthèse, pourquoi Yade éprouve-t-elle le besoin d'énoncer la chose en anglais en parlant de "French Theory" ?, me suis-je demandé dans un premier temps. Le temps de jeter un oeil sur des sites en ligne, j'ai fini par comprendre. C'est ce qui a justifié un supplément (à venir) au présent chapitre.

  

3. Appropriation culturelle

"Je regrette vraiment ce genre d'abus. Un homme blanc âgé peut tout à fait se mettre dans la peau d'une petite fille noire et en faire le récit. C'est la magie de la littérature, de la création. La revendication d'égalité, ce n'est pas le séparatisme, la sécession, la justice par l'injustice, c'est l'universel, le partage d'humanité."

Cette réponse est visiblement passée inaperçue auprès de la foule des neuneus et des braillards !

  

4. Universalisme ou multiculturalisme ?

"Aucun des deux..."

Euh, vraiment ? Là, j'ai trouvé la réponse un peu abrupte, mais c'est parce que la journaliste s'est bien gardée de définir ce dont elle parlait. En effet, qu'entend-on par universalisme et par multiculturalisme ? Et si ces deux termes recouvraient à peu près la même chose ? Peut-on être universaliste sans être multiculturaliste ? Et en prenant l'interrogation dans l'autre sens, le multiculturalisme, en clair, l'inscription d'un individu dans un paysage culturel multiforme et diversifié ne fait-il pas de lui, ipso-facto, un universaliste ?

Par parenthèse, la polyglotie ou maîtrise de plusieurs langues autres que votre langue maternelle ne fait-elle pas de vous un caméléon culturel apte à se fondre avec aisance dans un environnement intellectuel bien plus vaste que celui qui vous a vu naître ? Voyez le maître absolu en la matière, un certain Jean-Baptiste Champollion. Pas multiculturaliste, Champollion ?

Prenons la langue anglaise : ne voit-on pas que ceux et celles qui la maîtrisent peuvent d'autant plus facilement se faire comprendre n'importe où dans le monde, ce qui fait d'eux des êtres aptes à communiquer partout, où qu'ils aillent ? Autrefois, il y avait le latin en milieux universitaires, ou le français dans le domaine diplomatique. Mais vous avez d'autres langages à vocation universelle, comme le solfège, qui vous rend apte à faire de la musique partout, même avec des gens dont vous ne parlez pas la langue ; il y a aussi la danse classique, les arts martiaux (cf. judo, karaté), dont les consignes s'énoncent souvent en japonais, les langages informatiques, etc.

Mais la réflexion inverse peut être formulée. Qui, dans l'histoire des colonisations, a le mieux maîtrisé les langues du monde, sinon les missionnaires chrétiens, lesquels ont souvent rédigé les premiers dictionnaires et premières grammaires de langues africaines, asiatiques, américaines ou océaniennes, sans oublier la traduction de la Bible dans une infinité de langues dites vernaculaires ? Universalistes les missionnaires ? Oui, dans la mesure où ils étaient précisément "missionnés" pour répandre leur foi monothéiste dans le monde entier, l'Église Catholique étant dite apostolique et universelle (cf. Matthieu, 28:19 : "Allez dans tous les pays, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit."). Multiculturalistes ? Oui et non ! Oui, dans la mesure où leurs séjours dans ces lointaines contrées s'étendaient sur des décennies, leur permettant de posséder la culture des peuples visités, au point que bien de ces missionnaires se sont découvert des talents d'ethnologues. Non, dans la mesure où leur "mission" consistait, précisément, à faire table rase des cultures païennes des peuples colonisés, cultures réputées inférieures, le monothéisme étant, de fait, un totalitarisme peu enclin à cohabiter avec quelque concurrent idéologique que ce soit.

"Wokisme, cancel culture... Nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes. Plutôt que de nous approprier ces mots pour les revendiquer ou les dénoncer…"

Là, je dois dire que je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette formulation, ce "nous", dans la mesure où je ne revendique en rien l'usage de ces mots-valises faits d'anglicismes mal maîtrisés, et dont les utilisateurs eux-mêmes se gardent bien de donner le sens exact. Et de toute évidence, ces mots ne sont mis à toutes les sauces par leurs utilisateurs que parce qu'ils sont de bien commodes euphémismes, à savoir des mots qu'on brandit précisément, pour ne pas avoir à expliciter sa pensée.

Un exemple de mot-valise à usage euphémistique ?

Demandez à un prof d'histoire-géo, à l'instar de notre quidam du mouvement Profs avec Zemmour, cité au chapitre précédent, si, dans les camps de concentration nazis, il n'y avait que des Juifs. Il vous répondrait naturellement par la négative. Demandez lui ensuite si la politique répressive des nazis ne visait que des Juifs. Là encore, il vous répondrait par la négative. Demandez-lui alors la signification du terme "shoah".

On parie combien qu'il risque d'hésiter longuement avant de formuler sa réponse ? Faites le test. Pour ma part, je ne suis même plus surpris de voir à quel point tant de gens emploient des mots dont ils ignorent le sens. (Lire - Lire)

Tiens, prenez la laïcité ! Cette pauvre Marlène Schiappa s'est-elle simplement donné la peine de consulter un dictionnaire, ou un neveu, une nièce, faisant du latin au collège ? Elle apprendrait qu'est laïc/laïque, quiconque n'appartient pas au clergé, ni à un ordre religieux : laicus versus clericus. C'est pourtant simple ! (Source)

L'universitaire Henri Meschonnic (1932-2009), traducteur de la Bible, a livré tantôt dans Le Monde un pamphlet assez dévastateur à l'encontre de l'usage inadapté du terme "Shoah", lequel désigne, en hébreu, une catastrophe, mais pas n'importe laquelle (voir lien plus bas). 


5. Wokisme à la française

"Il faut des Black studies dans les universités françaises pour que nos intellectuels, professeurs, chercheurs puissent développer une réflexion bien française sur ces thématiques-là."

Même critique que plus haut, s'agissant de la French Theory : est-on obligé de parler de Black studies dans des universités… françaises ?

Sinon, à la question précédente : universalisme ou multiculturalisme, Yade avait répondu : "Aucun des deux". Il me semble pourtant qu'ici, elle pencherait plutôt vers… "la nature profonde de l'universalisme doit être l'antiracisme." Et c'est là qu'on réalise mieux la possibilité d'être universaliste sans être multiculturaliste. En effet : on peut fort bien être, par exemple, français de souche, jamais sorti de son patelin des Vosges ou des Ardennes, tout en étant antiraciste, donc universaliste. En revanche, pour reprendre l'exemple des missionnaires, il ne suffit pas de maîtriser plein de cultures différentes pour être multiculturaliste, ce terme désignant la volonté de considérer que toutes les cultures se valent, ce qui n'était évidemment pas la philosophie profonde des congrégations chrétiennes lancées à travers mers et montagnes dans le but d'évangéliser les habitants de ces contrées dites "sauvages".

Et voilà que Rama Yade nomme deux entités concrètes, là où d'autres se contentent d'euphémismes : Black Lives Matter et Metoo : "il n'y a rien de plus républicain que…". Le réquisitoire qui suit me semble très clair :

"Quand leurs procureurs, ceux qui prétendent incarner la République dans toute sa rigueur, ne font que critiquer la liberté et l'égalité. Comme hier la trahison des clercs, on assiste désormais à la trahison des Républicains qui n'ont pas conservé l'antiracisme au cœur de leur logiciel. C'est sur cette démission que prospèrent ceux qu'on appelle désormais pudiquement les populistes."

Voilà le genre de choses que les neuneus, qui n'ont pas lu l'interview, ont visiblement assimilé à une attaque contre la France. Les pauvres !

 

6. Le privilège blanc

"Sans rien demander, ou même sans le savoir, certaines opportunités vous sont offertes. Moi, sans rien demander, certaines portes me sont fermées."

J'observe que, durant toute l'interview, Yade n'use que rarement du "moi… je". Elle le fait ici, pour évoquer sa propre expérience, sans en dire plus. Et elle va le faire après la question suivante, qui concerne sa propre expérience en politique.

S'agissant dudit privilège, observons que ses négateurs sont soit des "blancs", soit des "colorés" vivant avec ou se prenant eux-mêmes pour des "blancs", autant dire qu'ils parlent de choses qu'ils ne connaissent pas, à l'instar de daltoniens niant, mordicus, que telle fleur puisse être de telle ou telle couleur. Et, ne percevant pas les nuances de couleurs, ils préfèrent en nier l'existence, s'époumonant à vouloir convaincre ceux et celles ne souffrant pas de daltonisme que ces derniers ne sauraient, en aucune manière, avoir raison !

7. Secrétaire d'État dans un gouvernement de droite

"Mais j'étais une licorne ! J'étais une anomalie, pas du tout un prototype. Combien depuis ? (…) je suis bien obligée de constater que, depuis mon départ du gouvernement, les Afro-descendants ne courent pas les gouvernements."

Et c'est bien là qu'apparaît l'expression "micro-agressions", dont tant de neuneus n'ont même pas cherché à comprendre la portée.

"Je sais ce que sont les micro-agressions qui humilient et déshumanisent, je n'en ai pas trop témoigné car j'ai privilégié le travail, une approche universaliste, rassurer le pays sur lui-même, nous encourager collectivement. Avec nous le Front national était à 6% !"

On se souvient des accrochages, maintes fois évoqués dans la presse, entre la berbère Rachida Dati et des caciques de son propre parti. Des accrochages assez violents, si j'en crois les gazettes, et qui n'avaient rien de "micro..." ! Je soupçonne Rama Yade de ne pas avoir voulu en rajouter. Néanmoins, il n'est pas interdit de chercher à en savoir plus.

Le fait est que la Cinquième République est le seul régime autocratique de l'Union Européenne. Et l'on imagine le poids d'un président de la République lors de la composition d'un gouvernement. Les places étant très convoitées, on devine ce qui peut se produire lorsque des femmes jeunes et loin d'être moches se retrouvent dotées de portefeuilles ministériels. Imaginez un premier ministre, qui se voit imposer une ministre ou secrétaire d'État qu'il n'aurait pas choisie de prime abord, et imaginez la Cour (du monarque républicain), éructant de rage que telle ou telle gourgandine se retrouve au gouvernement, après avoir été préférée à tel hussard ou grognard.

Je ne pense pas qu'il faille avoir beaucoup d'imagination pour penser que Yade et Dati ont dû en entendre des vertes et des pas mûres, dans le genre : "Elles ont dû coucher pour en arriver là !".

"Micro-agressions" dit Yade ! Et il faudrait qu'on la croie sur parole ? Pour ma part, j'hésite !

Citation : 

En 2014, il (pseudo-philosophe français) moquait les ministres féminines, cité notamment par Le Parisien : “Qui peut raisonnablement penser que les ministres Rama Yade ou Rachida Dati ont été retenues pour leur intelligence politique ? Une beurette garde des Sceaux ?”. (Source)

8. Racisme anti-blanc

La réponse me semble tomber sous le sens : "Pas de racisme sans domination".

Et c'est là que les pseudo-intellectuels, à l'instar de notre présumé sociologue québecois de plateau télé, se plantent généralement, lorsqu'ils prétendent mettre sur les plateaux d'une même balance ce qui relève de la structure d'un système politique ou social, d'une part, par exemple des lois raciales et un corpus de mesures ségrégationnistes basées sur la suprématie des blancs, comme ce fut le cas aux États-Unis et en Afrique du Sud, et, d'autre part, l'agression purement conjoncturelle d'un quidam traitant un autre quidam de "sale blanc". Structure versus conjoncture : aucun intellectuel digne de ce nom ne saurait confondre ou intervertir les deux notions, et pourtant, bien d'intellos de plateaux-télé ou de comptes Twitter se vautrent régulièrement dans ce poncif plus que débile.

9. Antiracisme, féminisme, intersectionnalité, fragmentation des luttes

Là, il me semble que Rama Yade y avait déjà répondu précédemment, d'où une impression de redondance.

"Intersectionnalité, wokisme... C'est tellement dommage, on aurait pu, nous, Français, inventer nos propres concepts et y apporter nos propres réponses. Encore une fois, voilà où le déni nous a conduits : s'appuyer sur des références étrangères pour dire nos réalités."

Il n'empêche que cette fois-ci, comme pour le "wokisme", elle va avoir le mérite de mettre du contenu dans les mots qu'elle emploie, et ce, contrairement à tous les guignols qui se prennent pour des penseurs. Cette fois-ci, je retiendrai sa définition de l'intersectionnalité, et surtout, la manière dont elle illustre la chose, que j'ai trouvé parfaitement limpide.

"À Washington, j'ai rencontré des femmes américaines blanches très puissantes, je les ai vues être servies au restaurant par des serveurs noirs, tout en se plaignant de leur condition de femme. Cette expérience m'a plongée dans des abîmes de perplexité : au milieu de cette assemblée, devais-je me positionner en tant que femme et être solidaire de ces femmes blanches riches américaines ou m'identifier en tant que Noire aux serveurs ? L'intersectionnalité c'est cela, être dans le cumul des discriminations…".

10. Déboulonnage de statues

"Passer à Paris devant la figure de Colbert, ce grand ennemi de la liberté, dont la statue est devant l'Assemblée nationale, est une de ces micro-agressions dont je parlais. Pas seulement vis-à-vis de moi mais aussi vis-à-vis de la France et de l'humanité. (…) Ceux qui ont déboulonné ces statues n'ont pas fait de cancel culture, au contraire : ils ont réhabilité l'histoire, la totalité de l'histoire qu'ils connaissent bien, eux, au moins, celle que la mémoire sélective de certains de nos dirigeants a voulu dissimuler."

"Ils ont réhabilité l'histoire…". Et c'est là que les habituels lecteurs et lectrices en diagonale vous diront : "vous voyez bien qu'elle cautionne le déboulonnage de statues !", se gardant bien de lire la suite.

"Le problème n'est pas de supprimer ces statues, il faut arrêter de les célébrer dans les rues, le métro et les palais de la République, et mieux les connaître ! Je ne suis pas sûre que les Belges savent que Léopold dont la statue est partout dans le pays a causé la mort de 10 millions d'Africains. Et Faidherbe...".

11. Néo-féminisme victimaire, retour de bâton réactionnaire...

"Derrière ces attaques, on trouve beaucoup d'hommes souvent venus d'un autre temps et nostalgiques de l'époque où ils pouvaient tranquillement dominer les femmes et moquer les Noirs. Ils ne supportent pas que les dominés s'expriment enfin. Tant que les violences faites aux femmes existent, le combat pour l'égalité est légitime. (…)

Je ne dis pas que tout le monde est obligé d'être d'accord, mais ces femmes qui se désolidarisent des luttes pour l'égalité, à défaut de soutenir le combat contre les violences, qu'au moins elles ne nous empêchent pas de mener le travail pour l'égalité. On ne leur en voudra pas quand demain elles en bénéficieront..."

Même réflexion que pour le racisme anti-blanc ou le privilège blanc. Et à ce propos, je doute fort qu'Elisabeth Badinter puisse être rangée dans la catégorie des féministes ! Qui peut sérieusement attendre de cette riche héritière qu'elle comprenne quoi que ce soit au sort, par exemple, de ces femmes de ménage aux horaires morcelés décrites par Florence Aubenas dans Le quai de Ouistreham ?

S'agissant des "hommes venus d'un autre temps", il faut avoir lu la prose archi-faiblarde d'un Pascal Bruckner (cf. Le sanglot de l'Homme blanc) pour saisir la portée des mots de Rama Yade. Par parenthèse, des penseurs approximatifs comme Bruckner se gardent bien de préciser si, dans la catégorie des "hommes blancs" qu'ils entendent défendre, mordicus, il y aurait aussi un certain Adolf Hitler ou un certain Joseph Staline. Juste pour rire ! Enfin, je me comprends !

12. De quoi Zemmour est le symptôme

"Du néant. Lui-même dit que c'est la baisse du niveau politique qui a permis sa percée médiatique du moment. Je me désole que le pays soit si malheureux."

Euh, entre nous soit dit, dans certains milieux branchés, on appelle ça comment déjà, une punchline ? Va pour punchline ! Je n'en dirai pas plus !

13. Affiliation à un parti politique en France

Réponse ultra-courte.

"Dans mon engagement politique, j'ai passé plus de temps sans carte qu'avec une carte. J'ai été adhérente de l'UMP de 2007 à 2010." 

 

14. Appréciation du dernier congrès de l'ancienne famille politique

"L'époque des grands fauves est révolue, certes... Là aussi, la confusion règne. On a voulu importer les primaires américaines. (…) Mais je vais vous dire : la crise démocratique et de confiance est telle que si la droite est au second tour, elle a de sérieuses chances de gagner. Mais à condition qu'elle reste unie et qu'elle comprenne que son problème, c'est moins le président sortant que l'extrême droite et donc qu'elle s'en différencie de toute urgence."

Ah la la ! Dois-je vous avouer que ça a été ma plus grande déception de toute l'interview, à savoir que Rama Yade se positionne toujours à droite ? Parce que, entre nous, je pourrais dire exactement la même chose de la gauche française, dont on pense, à tort, qu'elle est en lambeaux, alors qu'il ne s'agit que d'un sévère boycott des appareils politicards socialistes et autres par une base populaire qui ne veut plus voter pour de mauvais clones de De Gaulle. Le fait est que, quand la gauche mobilise, les couches populaires vont dans les urnes et la gauche gagne. Je pense à une municipale partielle à Trappes, gagnée par le maire sortant malgré un tir de barrage médiatique inouï !

Sinon, d'un point de vue structurel, comment ne pas constater que la lubie gaulliste (l'époque des grands fauves) s'étiole de jour en jour ?

C'est Jack Lang qui, au soir de sa non sélection par les militants socialistes pour être candidat à la présidentielle (avril 1995), déclarait sur le plateau du journal télévisé : "Ce régime est usé, à bout de souffle…". Il parlait de la Cinquième République, le seul et unique régime autocratique d'Europe occidentale. De fait, il y a comme un air de décadence à voir les partis recourir désormais à des primaires, les Insoumis de Mélenchon étant l'exception qui infirme la règle. 

Tout le monde aura remarqué que Mélenchon s'est déclaré candidat à la manière d'un De Gaulle, d'un Giscard d'Estaing, d'un François Mitterrand, d'un Jacques Chirac ou d'un Nicolas Sarkozy ? En espagnol, ça s'appelle des "caudillos" ! Et un caudillo n'a pas à se soumettre à une quelconque primaire, sinon, il ne serait pas caudillo. Du coup, le dernier caudillo en activité en France s'appelle Jean-Luc Mélenchon ! Mais j'en vois un autre : celui que j'appelle le monarque stagiaire, qu'on a vu créer, en 2016, un parti à ses initiales (E.M.), et ça, aucun Caudillo, ni Führer, ni Conducator, ni Duce… n'avait encore osé le faire !

À droite, à gauche, et chez les écologistes, on en est donc réduit à recourir à la bonne vieille primaire à la sauce américaine, les cotillons et les pom-pom girls en moins.

Le fait est que ladite Cinquième République est une ringardise qui dure, et qui voit une ultra-minorité au premier tour (24%) de la présidentielle convertie en une ultra-majorité (66%) au second !

Par parenthèse, il y a dans la Constitution de ladite Cinquième République un passage qui m'a toujours fait rire - en fait, il y en a plusieurs, mais celui-là tout particulièrement :

Article 5. Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État.

Qu'est-ce que les rédacteurs de 1958-62 ont entendu par "arbitrage" ? Que les présidents allemand, autrichien, italien... soient en position d'arbitres, c'est l'évidence. Mais le président français du Conseil des Ministres, en clair, le "coach" d'une équipe confrontée à l'"opposition" du camp d'en face, comment peut-il arbitrer quoi que ce soit ? 

Soixante ans déjà que cette imposture s'éternise, et ici ou là (à gauche), on nous annonce régulièrement une hypothétique Sixième République, sans qu'on sache trop ce qu'un Mélenchon ou un Montebourg compte bien mettre dedans.

15. La France vous manque ?

"Le pays me manque beaucoup. (…) donc je ne me sens jamais aussi française qu'à Washington ! Mais encore une fois, aimer la France c'est lui rappeler son humanisme. (…) Mais encore une fois, aimer la France c'est lui rappeler son humanisme. La France continue à rester une référence sur la scène internationale, la déception de nos interlocuteurs est de plus en plus grande mais il reste encore quelque chose de l'idéal français."

En anglais, on dit : "No comment".

16. Emmanuel Macron a pourtant tenté de faire un travail de pédagogie sur le modèle français notamment auprès de la presse américaine... 

"S'il n'a pas convaincu, c'est parce qu'il ne s'agissait que de mots, d'explications défensives, là où l'on attendait une vision d'avenir, des solutions opérationnelles. Depuis, la fracture identitaire s'est refermée sur le pays. Avec Twitter et Youtube, la parole politique, fut-elle présidentielle, n'a plus la même force de conviction qu'avant. La réalité est tellement radicalisée : seuls les résultats comptent désormais."

Encore une "punchline", que je me garderai bien de commenter. (Source)

 

Prochaine section : Vous avez dit : "French Theory"


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