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vendredi 26 juillet 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #26


Épisode §26.  L'âge de raison ?


Avertissement : j'espère que tout le monde a compris que je ne calque pas mon rythme de travail sur les Actes des Gilets Jaunes ! Le fait est que j'en suis à l'épisode §26, tandis que les Gilets Jaunes abordent bientôt l'Acte 37. C'est comme ça, dès lors que je ne suis pas un de ces politocrates qui vous pondent - notamment dans la presse et à la télévision - une analyse au jour le jour, vite fait, mal fait, le tout sur la base des derniers sondages parus. Parce qu'un intellectuel - et je prétends en être un ! - est quelqu'un qui ne se contente pas de paraphraser des sondages mais qui pense... Or, la pensée, c'est comme le vent : c'est très irrégulier, parfois même, totalement imprévisible !

Fin de l'avertissement
 

L'autre jour, en examinant un stock d'archives sur CD-Rom, je suis tombé sur cette coupure de presse datant de l'année 2005.


Respect et dignité. Après les échauffourées du week-end dernier, tels étaient les mots des organisateurs de la marche qui se déroulait hier à Aubervilliers en mémoire de Karim, 17 ans, décédé le 1er avril après avoir chuté à scooter lors d’une course-poursuite avec la police. La famille et les proches de l’adolescent, qui a été enterré vendredi au Maroc, souhaitaient lui rendre hommage hors de toute polémique. Quelque 500 personnes ont marché dans le calme du collège Jean-Moulin, où il fut élève, au Chemin du Cornillon, près du Stade de France, à St-Denis, où a eu lieu le drame. Ses soeurs et ses tantes étaient en tête du cortége, devant une immense banderole barrée de l’inscription « Karim, on t’aime, on pense fort à toi » et une forêt de pancartes avec son portrait. La manifestation s’est achevée par un dépôt de fleurs et un long moment de recueillement. 

Quel rapport avec les Gilets Jaunes ?, vont se demander certains...

Le rapport ? Vous ne voyez pas le rapport ? Pas même après avoir consulté l'image qui suit ?


J'ai entamé cette série sur les Gilets Jaunes par un coup de gueule consécutif à la "baston" survenue sur une passerelle enjambant la Seine et impliquant un ancien boxeur coupable de coups et blessures à l'encontre de représentants des forces de l'ordre dans l'exercice -  régulier - de leur fonction. Observons simplement que le boxeur en question n'a perdu aucun oeil ni subi aucun enfoncement de la cage thoracique ni le moindre dommage corporel.

Observons aussi qu'aucun des Gilets Jaunes reproduits plus haut et victimes d'éborgnement n'a été traîné devant les tribunaux pour fait de violence. En clair, parmi eux ne se trouve aucun 'Black Block'. Et puis, comment oublier l'image qui suit ? By the way, il paraît que Geneviève Legay n'a été poussée à terre par personne ! Sérieux, vous n'êtes pas morts de rire ?

Voilà qui ne peut qu'étonner tout observateur neutre et impartial, non ?

On a des gens violents, pris - ou non ! - en flagrant délit de brutalités envers les forces de l'ordre, ou de faits de délinquance avérée envers le mobilier urbain ou la propriété privée ou publique, et qui s'en tirent sans le moindre bobo, tandis que de simples manifestants, de surcroît au comportement pacifique avéré, se retrouvent estropiés à vie, et dans la classe politique et parmi les dirigeants d'une nation soi-disant démocratique, personne ne saute au plafond ?

Voyons un peu ce qui se serait passé dans un pays démocratique que je connais un peu : l'Allemagne. Il se trouve que j'ai découvert ce pays autour de mes vingt ans, après avoir pris des vacances universitaires qui se voulaient surtout linguistiques, et qui auraient dû durer trois semaines tout au plus, mais qui ont en fait duré près de six ans. Et me voilà débarquant, un jour, à Kalrsruhe, qui se trouve être le siège du Bundesgerichtshof : la Cour Constitutionnelle, institution bénéficiant d'une surveillance policière très tatillonne, surtout depuis les années Baader-Meinhof.

De fait, la fameuse Bande à Baader, qui s'appelait, elle-même, Fraction Armée Rouge (Rote Armee Fraktion) avait disparu depuis pas mal de temps, dans les conditions scabreuses que l'on sait ("suicide collectif" dans une prison de haute sécurité), mais apparemment, la queue de la comète traînait encore ici ou là. En l'occurrence, d'anciens adeptes de la bande, qui avaient réussi à échapper aux services de renseignement.

Et voilà qu'un jour, un activiste de la RAF, inconnu au bataillon, est surpris par la police au cours de ce qui semblait être une tentative de braquage de banque. Échanges de coups de feu, l'homme est retrouvé mort. Émoi dans la presse, la fusillade ayant eu lieu en plein jour et au milieu de la foule. De fait, le ministre de l'Intérieur du Land a immédiatement démissionné à la suite de ce qui passait pour une bavure policière, compte tenu des risques que les forces de l'ordre avaient fait courir aux passants. Deux jours plus tard, les résultats de l'autopsie tombent : l'homme avait été atteint par un projectile sorti de sa propre arme et qui avait ricoché sur un mur. La police n'avait, donc, rien à se reprocher.

Et le ministre de l'Intérieur du Land en question ?, vous interrogez-vous. Bien qu'exonéré de toute responsabilité, il n'est jamais revenu sur sa démission.

Ceux qui connaissent l'Allemagne, l'Autriche et la plupart des pays de l'Europe du Nord savent ce que "démocratie" veut dire : dans ces pays, les responsables politiques assument sans sourciller leurs responsabilités et n'ont pas besoin de scandales médiatiques pour rendre leur tablier, dès lors qu'ils le jugent nécessaire. Je suppose que tout le monde se souvient des conditions dans lesquelles Willy  Brandt a été amené à démissionner de la chancellerie ?!

Des coupures de presse comme celle affichée au début de cet article, j'en ai des dizaines sur CD-Rom, au point que je n'exclus pas de les compiler un de ces jours, pour en faire un essai. Va savoir !

Tiens, prenez cette déclaration d'un syndicaliste : "Aucun véhicule de police n'a accroché la moto." (Christophe R., du syndicat de police Alliance, radio RMC, 10 août 2009). Un jeune motard s'était tué à Bagnolet, banlieue de Paris, lors d'une course-poursuite avec la police.

Par parenthèse, j'ai vécu dans plusieurs pays européens, mais des courses-poursuites avec la police, il n'y a qu'en France qu'elles surviennent ici ou là, tout en envoyant quelques quidams au cimetière !

Une petite pensée, en passant, pour ces deux jeunes de Villiers-le-Bel, percutés, place de la Tolinette (je revois l'endroit, où je suis descendu du Bus 268 tant de fois, durant les dix années que j'ai passées à Villiers-le-Bel) par un véhicule de police qui se trouvait là comme par hasard !  

Là, en ce moment-même, il est question du jeune Steve, tombé dans la Loire à Nantes, en marge de la Fête de la musique, et après que la police a dispersé un regroupement de fêtards.


Des accidents de la circulation qui ne se produisent dans aucun autre pays "démocratique", des manifestants pacifiques qui se retrouvent avec un oeil en moins, sans trop savoir pourquoi, un fêtard qui disparaît d'une fête sans laisser de trace, etc., la routine, quoi !

Tout ça dans un pays qui passe allègrement son temps à donner des leçons de déontologie à la Terre entière, de Vladimir Poutine à Victor Orban, de Maduro à Bachar-el-Assad en passant par Kim Jong-Un...

Pourquoi le titre : l'âge de raison ?

J'ai toujours été un tantinet dubitatif devant les (trop) longues déambulations du samedi des Gilets Jaunes, étant un grand marcheur moi-même, et connaissant bien Paris. Et je réitère ici la compassion que j'ai pu éprouver pour tous ces Gilets Jaunes pas forcément sportifs, et pas toujours jeunes, voire en mobilité réduite, contraints de traverser, toutes les semaines - quand les syndicats ouvriers ne le font qu'une ou deux fois par an ! - des quartiers entiers de Paris. Je revois encore cette longue marche, entre Gare de l'Est et Trocadéro (Acte 20, 30 mars 2019. Vous prenez un plan de Paris et faites une estimation de la distance pour comprendre la performance !).

Il me semblait évident que les Gilets Jaunes devaient passer à autre chose. Par ailleurs, quel repos pour les yeux et les oreilles, de ne plus avoir - je sais, il suffit de ne pas lire le journal ou ne pas allumer la télé ! - à subir ces longues après-midi de commentaires en direct des chiffres plus ou moins bidonnés par le ministère de l'Intérieur, avec les sous-titres qui vont avec... 

Une débâcle annoncée dès l'Acte VI

Voilà, donc, les Gilets Jaunes soucieux de vouloir passer à autre chose, si j'en juge par les manifestations du dernier samedi, à l'occasion de l'acte 36, qui vit les télévisions enfin parler d'autre chose. Il faut dire qu'il y avait de la canicule dans l'air, ainsi que le Tour de France. Du coup, les média, notamment les télévisions, ont peu parlé des foules en jaune...
Les Gilets jaunes étant un mouvement populaire, donc parti d'en bas, quoi de plus logique que de revenir aux sources, au plus près des vraies gens, surtout quand ces vraies gens ont traversé les mêmes péripéties que vous ? Et voilà la boucle bouclée.
Appel ouvert à signature collectifs/orgas jusqu’au 20 juillet. Envoyez votre signature à retrouversouffle@riseup.net !

Le 20 juillet 2019 à Beaumont-sur-Oise, cela fera trois ans qu’Adama Traoré est mort assassiné par la police. Trois ans que sa famille et ses proches se soulèvent pour demander la justice et la dignité dans la rue, dans les tribunaux, dans les médias. Trois ans qu’un quartier entier est soumis au harcèlement judiciaire, policier, et aux patrouilles militaires.

Le 20 juillet 2019, nous, gilets jaunes, habitants de quartiers populaires, collectif de soutien aux exilé-e-s, habitants de territoires en lutte, syndicalistes, collectifs écologistes, paysan-ne-s, anti-nucléaires, collectifs antifascistes, organisations nationales, appelons tout le monde à converger à Beaumont-sur-Oise pour un énorme acte national en soutien au « combat Adama ». (Source)

"Assassiné par la police", n'exagérons rien ! Il ne s'agissait quand même pas des frères Kouachi ni de Mohammed Merah..., qui se sont fait trouer la peau, et qui auraient pu être pris vivants, à l'instar de Salah Abdeslam, arrêté tout à fait réglementairement par la police... belge. Et puis Traoré n'a pas été interpellé par des policiers mais par des gendarmes.

Il n'empêche que tout observateur un peu attentif pourra constater que ce genre d'intervention est survenu une multitude de fois dans les banlieues, mais jamais dans des territoires comme la Corse, par exemple, dont on connaît les cohortes de cagoulards et autres manieurs de pains de plastic et de kalashnikovs !

Pour mémoire, contrairement à Mohamed Merah, aux frères Kouachi et à d'autres, Yvan Colonna, présumé assassin d'un préfet, a été interpellé vivant, après une longue traque, à l'instar des quatre d'Action Directe. Autant dire que lorsqu'on veut interpeller (en Corse ou aillleurs) des "caïds" vivants et en parfaite santé, on y arrive très bien ! (1)

On résume ?

Une fois sortis des tribulations péripatéticiennes (2) du samedi, les Gilets Jaunes ont entrepris, me semble-t-il, de revenir à l'essentiel, notamment au fait qu'il s'agit avant tout d'un mouvement populaire. Et, par parenthèse, le peuple ne vit pas sur les Champs-Elysées ni dans les beaux quartiers de Nice ou de Bordeaux. Raison de plus pour aller à la rencontre du (petit) peuple là où il vit, en clair, là où vivent les authentiques Gilets Jaunes, à commencer par ces quartiers déshérités qui ont une longue pratique des fins de mois difficiles, du chômage, des expulsions locatives, des contrôles de police ainsi que des bavures (policières) en tous genres ! 




(1) Memento : encore une archive tirée d'un de mes CD-Roms : cet après-midi-là, Nathalie Ménigon, du groupe Action Directe, est arrêtée en plein quartier des musiciens (Paris 16ème), et ce, à la suite d'une fusillade en plein jour. Ménigon avait littéralement vidé son chargeur en direction des policiers en civil qui la traquaient.

Source
 
(2) J'en vois d'ici qui sursautent, qui ne connaissent du terme "péripatéticien" que sa version (substantive) féminine, colossale erreur ! Lisez le dictionnaire : 
Qui s'effectue en déambulant et en échangeant des propos, des réflexions intellectuels. Ménard exposait ces vues à M. Marcelin Berthelot, au cours de longues promenades péripatéticiennes, sous les bois paisibles de Chaville et de Viroflay (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 11). (Source)


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