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lundi 3 octobre 2016

Pape François et théorie du genre ou la phénoménale imprudence de Najat Vallaud-Belkacem

C'est l'un des tout derniers "buzz" médiatiques : la dénonciation par le chef de l'Eglise catholique de la théorie du genre professée dans des manuels scolaires en France.

Et le Landerneau de s'enflammer, et la ministre en charge de l'Education Nationale d'y aller de son démenti catégorique.

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EDUCATION - Le Pape François a une nouvelle fois relancé le débat sur la théorie du genre , dénonçant le "sournois endoctrinement à la théorie du genre" propagé dans les manuels scolaires français. Des propos jugés "légers" et 'infondés" par la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem à l'antenne de FranceInter ce lundi 3 octobre.

"Je regrette cette parole pour le moins légère et infondée. Je vois qu'il aura été lui aussi victime de la campagne de désinformation massive conduite par les intégristes, la formation Le Jeune, Vigi-Gender et d'autres. Mais la réalité c'est que je conseille au Pape lors de ses prochains déplacements en France de venir à la rencontre d'enseignants de l'école française et de discuter avec eux, de feuilleter lui-même ces manuels scolaires, ces programmes et de m'expliquer en quoi il y aurait une théorie du genre qui n'existe pas par ailleurs", a déclaré la ministre. (Source : Huffington Post)

Le problème, avec Najat-Vallaud Belkacem, c'est que, pour quelqu'un qui est censé détenir un bagage universitaire conséquent - elle règne tout de même sur un ministère qui comptabilise la plus forte concentration de docteurs "ès...", d'agrégés et de certifiés de France ! -, elle affiche régulièrement une forte propension à se lancer dans des affirmations ou dénégations que n'importe quel esprit censé aurait pris le temps de soupeser, sous peine de cruelle désillusion.

Ce déni affiché par la ministre veut-il dire qu'elle est parfaitement informée de tout ce qui figure dans les manuels scolaires français ?

Par parenthèse, qu'entend-on ici par "manuels scolaires", je veux dire de quel niveau à quel niveau ? Najat Vallaud-Belkacem étant ministre de l'Education Nationale, je suppose que ses dénégations concernent l'ensemble de l'organisation qui lui est subordonnée, autant dire de la maternelle au supérieur (n. b.: Thierry Mandon est secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'Education nationale en charge de l'enseignement supérieur). 

"je conseille au Pape lors de ses prochains déplacements en France de venir à la rencontre d'enseignants de l'école française et de discuter avec eux, de feuilleter lui-même ces manuels scolaires, ces programmes et de m'expliquer en quoi il y aurait une théorie du genre qui n'existe pas par ailleurs"...

Il se trouve que, sur un de mes blogs, j'avais déjà exprimé mes plus sérieuses réserves à l'égard du dilettantisme de Najat-Vallaud Belkacem sur la question de la théorie dite du genre, et ce, avant même qu'elle n'accède au ministère de l'Education nationale.

Je rappellerai, en passant, que tout bon étudiant  de sociologie a 90 % de chances d'entendre évoquer la théorie du "gender" au moins une fois, dès la première année (cf. Margaret Mead, Judith Butler, et d'autres) ! Pour ma part, j'ai passé quatre années en "socio", le temps de décrocher une maîtrise, comme cela s'appelait alors ; c'est dire si j'en ai soupé, de la théorie du genre !

Autant dire que l'affirmation par Madame Belkacem que la théorie du genre "n'existe pas par ailleurs", est d'une ineptie sans nom, ce qui ne serait pas très grave si cela relevait d'un propos de café du commerce. Sauf qu'ici, l'énormité sort de la bouche de la ministre en charge de l'Education nationale !

Du coup, je suis allé jeter un oeil sur d'anciennes archives (cf. une collection de textes éditée par l'éditeur Téqui) :


Et comme preuve supplémentaire de la phénoménale imprudence - pour m'en tenir à un euphémisme - de la ci-devant ministre de l'Education Nationale, j'ai là une archive concernant une prise de position des députés socialistes, datant de 2011.

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Citation : "(...) Plusieurs députés UMP, à l'initiative des membres de la droite populaire (...), ont adressé une lettre au Ministre de l'Education nationale afin de demander le retrait des manuels scolaires de première abordant la théorie du genre." 

Vous avez compris que si des députés réclament, en 2011, le retrait de la théorie du genre de manuels scolaires, c'est bien parce qu'elle y figurait déjà ?

Mais ce n'est pas tout ; suite du tract socialiste cité plus haut : "(...) Cette volonté acharnée de masquer le caractère construit, culturel, social du genre féminin et masculin [par parenthèse, en bon français, il aurait mieux valu écrire "des genres féminin et masculin" !], de nier la diversité des identités sexuelles, ne fait que révéler le refus de la droite des libertés individuelles, et notamment sexuelles, ou encore une vision archaïque de la place de la femme dans la société."

Et l'on va me dire que Najat Vallaud-Belkacem ignorait les prises de position de son propre parti sur la question et la définition de la théorie du genre, tout comme elle ignorait que la théorie du genre fût bel et bien inscrite dans des manuels scolaires, et ce, dès l'année 2011 ?

Question : compte tenu de ce qui précède, qu'est-ce qui empêchait Vallaud-Belkacem de répondre au pape que, certes, la théorie du genre a bel et bien figuré dans divers manuels scolaires en France, mais qu'elle et son gouvernement l'ont définitivement supprimée desdits manuels ?

Le mensonge comme outil de gouvernement ! Et ici, il est double : 

- mensonge sur la soi-disant inexistence de la théorie du genre, démonstration d'inculture proprement indigne d'une personne censée avoir fait des études universitaires !

- mensonge sur la soi-disant absence de ladite théorie dans des manuels scolaires en France, ce qui, venant de la ministre de l'Education nationale, relève à tout le moins d'une phénoménale inconséquence, doublée d'incompétence (n'importe quel quidam moyennement intelligent aurait commencé par réclamer à ses services un rapport circonstancié, avant d'affirmer quoi que ce soit !).

Pauvre Najat Vallaud-Belkacem et pauvre France !


Précieuse archive:

Cette pauvre Vallaud-Belkacem ne semble pas avoir compris que l'Internet avait définitivement sonné le glas des méthodes de Josef Goebbels et de tous leurs avatars : je veux parler de "la propagande comme méthode de gouvernement" et de l'idéologie du "mentir avec aplomb, en toutes circonstances".

Ou quand, en marge de l'élaboration de la loi sur le mariage homosexuel, Vallaud-Belkacem prononce distinctement les expressions "orientation sexuelle" et "identité de genre" : de fait, la ministre des droits de la femme dit à l'époque - et l'on reconnaît bien là la doctrine de certaine secte bien représentée dans les lieux de pouvoir - : "il faut profiter de cette porte entrouverte pour y glisser les questions de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre."  (Source)

Bien évidemment, quelques "illettrés diplômés", comme je les appelle, tentent de jouer avec les mots, en nous prenant au passage pour des crétins, lorsqu'ils affirment qu'"orientation sexuelle" n'a rien à voir avec ladite "théorie du genre", alors même que le cœur de cette idéologie consiste à opposer détermination (la nature) et orientation (la culture).

Quant à la ministre, elle prétend (cf. dernière interview sur France Inter /septembre 2016) réduire ladite "théorie du genre" à la seule question du "changement de sexe", ce qui est tout bonnement inepte,  comme preuve que la ministre a un besoin urgent de se procurer un bon dictionnaire, ou un bon professeur de français !

Mais le plus pitoyable, dans cette affaire, n'est-il pas de voir à quel point les journalistes, ces pseudo-informateurs des ploucs ignares et incultes que nous sommes censés être, ont complètement démissionné et failli dans leur mission d'information du public ?


Autres archives fort instructives :

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lundi 10 septembre 2012

Redressement intellectuel et moral : Luc Chatel vs. Vincent Peillon : un à zéro, la faute à Pétain ?



Vincent Peillon, le ci-devant ministre français de l'Éducation Nationale, est quoi déjà ?, agrégé ou docteur en philo... logie ? En grec, "philos", "logos", ça veut dire "amour du discours", ou de la parlotte ? Je ne sais pas ce qu'ils ont, mais les ministres de ce gouvernement adorent s'écouter parler. C'est simple : il ne se passe pas une journée sans qu'une bonne escouade d'entre eux se retrouvent dans les divers studios de radio et de télévision, à croire qu'ils n'ont que ça à faire : causer dans le poste, ou dans les médias ? Et sur ce plan, le changement, ce n'est vraiment pas maintenant !

Par parenthèse, j'étais en Allemagne lors de l'arrivée à la chancellerie d'Helmut Kohl, et je crois pouvoir affirmer que les apparitions de Kohl dans les studios de radio ou de télévision pouvaient se compter sur un ou deux doigt(s) d'une main par an (ex. le 31 décembre au soir). Et la règle est toujours d'actualité aujourd'hui, sous Angela Merkel. 

Et pendant ce temps, en France... Il faut dire qu'en Allemagne, il n'y a pas tous ces sondages de popularité...

Voyez le fraîchement élu Roi de France : les sondages sont mauvais ? Vite, vite, il faut réagir : samedi, il cause dans Le Monde, et comme, apparemment, il n'y a pas dit grand chose, voilà qu'il remet ça le lendemain (dimanche) sur TF1, et dans deux jours, voire moins, vous le verrez en déplacement ici ou là, et à raison de deux ou trois déplacements par semaine, avec les reportages qui vont avec, le successeur de l'autre agité nous rejoue le coup de l'omniprésence médiatique.

Comme quoi !

Mais j'étais parti pour parler de Vincent Peillon et de sa fameuse phrase sur le "redressement intellectuel et moral", formule piquée à Philippe Pétain (25 juin 1940), ainsi que Luc Chatel l'a judicieusement relevé. Et là, on dit à Chatel : "Bien joué !", et tant pis pour Peillon le bizuth, le bleu, le néophyte. Quand je pense que les ministres sont bardés de dizaines de conseillers, tous plus bardés de diplômes les uns que les autres ! Quelle bévue !

Alors, évidemment, tout le Landerneau allait se focaliser sur la petite phrase, en oubliant le reste.

Et c'est précisément là-dessus, sur le reste, que j'ai envie de me focaliser : l'intention de Peillon d'introduire dans les programmes scolaires un enseignement de la morale laïque.

Et moi de penser : "mais où diable va-t-il chercher tout ça ?". 

Parce qu'en plus, notre philologue pèche par manque de vocabulaire, ce qui est quand même grave.

Je suis, donc, allé jeter un oeil dans les archives, et j'ai déniché ceci :
Que signifie "éduquer à la citoyenneté" dans un système scolaire ? Deux réponses sont possibles. 
  • L’une consiste à faire de la citoyenneté un objet d’étude disciplinaire, au même titre que les mathématiques, la physique, la littérature etc. ; la citoyenneté s’apprendrait à l’école avant de s’exercer dans la vie du citoyen. Ce choix correspond pour l’essentiel à la conception traditionnelle d’une instruction civique, en tant qu’inculcation de principes à mettre en actes dans un temps différé plus ou moins lointain. Elle a eu sa place dans le système éducatif : les missions du lycée, fréquenté par une petite minorité, n’étaient pas celles qui lui sont assignées aujourd’hui. 
  • L’autre réponse part de l’idée que l’on ne naît pas citoyen mais qu’on le devient, qu’il ne s’agit pas d’un état, mais d’une conquête permanente ; le citoyen est celui qui est capable d’intervenir dans la cité : cela suppose formation d’une opinion raisonnée, aptitude à l’exprimer, acceptation du débat public. La citoyenneté est alors la capacité construite à intervenir, ou même simplement à oser intervenir dans la cité. Cette dernière réponse peut être mise en œuvre au lycée aujourd’hui. Deux conditions essentielles sont réunies : l’une correspond aux attentes des élèves telles qu’elles se sont exprimées au travers des consultations sur les savoirs ; l’autre s’inscrit dans la continuité de ce qui a été enseigné en éducation civique au collège, et permet de montrer les dimensions sociale, éthique et politique de certains savoirs enseignés au lycée. De nombreux professeurs ont exprimé leur intérêt pour cette démarche et leur désir d’y contribuer. 
Extrait du BO hors série n°6 du 29 août 2002

Nous étions, donc, en 2002 (août), soit quelques semaines ou mois après la déroute de la Gauche dite plurielle aux élections... Le président de la République s'appelle toujours Jacques Chirac, son premier ministre s'appelle Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l'Éducation Nationale s'appelle Luc Ferry, et l'éducation à la citoyenneté, évoquée ici, va prendre corps sous la forme d'une matière enseignée dans tous les lycées de France et de Navarre - comme c'est déjà le cas dans les collèges - et baptisée E.C.J.S. (Éducation Civique Juridique et Sociale).

C'est dire si la proposition d'un enseignement de morale laïque faite par Peillon tombe bien à plat et relève d'un amateurisme assez navrant de la part de quelqu'un qui donnait pourtant l'impression d'avoir potassé ses dossiers. 

Si j'insiste tout particulièrement sur l'amateurisme de Vincent Peillon, c'est que j'ai des souvenirs tout frais de cours d'E.C.J.S. dispensés dans des établissements scolaires où j'ai officié. Et j'ai précisément le souvenir d'exposés effectués par les élèves sur toutes sortes de sujets : le harcèlement sexuel, les signes religieux en milieu scolaire, la drogue..., et qui dit exposé dit souvent débat, et ceux auxquels j'ai assisté ne manquaient pas d'intérêt. Voilà qui me permet d'affirmer, ici, que la proposition de Vincent Peillon sur un enseignement de la morale laïque revient à enfoncer des portes ouvertes ou à inventer le robinet d'eau tiède, ou encore à parler pour ne rien dire. Parce que, entre nous, à moins de vouloir inventer une discipline particulière et tout à fait inédite, habillée sous le label "morale laïque", je ne vois pas très bien en quoi cet enseignement se distinguerait de l'E.C.J.S.

Et, pour enfoncer le clou, j'ai retrouvé dans mes archives personnelles un vieux manuel d'éducation civique pour la classe de 4ème, année 1997, que je reproduis ci-dessous.











Les extraits qui précèdent en disent long sur ce qui est déjà enseigné au collège et au lycée ; comme quoi, qu'on l'appelle "morale laïque", "civisme" ou "droit", la discipline est déjà présente dans l'institution scolaire. Vincent Peillon aurait mieux fait de se tenir au courant avant de se laisser aller à blablater n'importe quoi dans les micros !