Vous avez dit "Woke" ?
(Mise à jour du 05.10.2022 - Ce texte comporte 3200 mots, 17660 signes et 78 images)
Deux citations pour commencer.
Vidéo de Malcolm X.
Mais qui donc vous a appris a haïr la texture de vos cheveux, la couleur de votre peau...?
I am apt to
suspect the Negroes to be naturally inferior to the Whites.
David Hume (1777) in Christopher J. Berry, Hume, Hegel and Human Nature,
The Hague, Martinus Nijhoff, 1982, 108. (J'ai tendance à soupçonner les Noirs d'être naturellement inférieurs aux Blancs.)
Les esclaves africains ont, en leur temps, déployé des talents que le sieur David Hume n'aurait pas soupçonnés, en usant de leurs cheveux tressés à la manière d'un code secret. Et les maîtres blancs n'y ont vu que du feu ! Voyez l'explication à la fin de cet article.
Au fait, vous la reconnaissez ? Une carrière entière passée sur les podiums en s'affichant avec des cheveux lisses, et voilà que récemment, à cinquante et un ans... Quand on vous dit que le phénomène "Woke" agit à la manière d'un tsunami !
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Australienne au teint très clair, née d'un père africain dont elle ne porte pas le nom, et fière d'être noire. Vous ne trouverez pas de meilleure définition du concept "Woke" !
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"Les
races formées (…) sont relativement nombreuses : c’est d’abord
le créole blanc, formé par les créoles Européens qui vinrent
s’établir dans ces contrées sous Louis XIV et Louis XV. Les
blancs avec les indiennes ont formé les métis, et les blancs avec
les négresses : les mulâtres. Le mulâtre avec le blanc donne
naissance au quarteron. La négresse avec le mulâtre produit le
capre, et le blanc avec la quarteronne le misti".
Quand les neuneus se masturbent les neurones autour d'un concept dont ils ne comprennent pas le sens... Et dire qu'il leur suffirait de se renseigner un peu !
Vous connaissez l'histoire du mot "Schtroumpf" ? Il se dit que le dessinateur Peyo dînait avec des amis, lorsque quelqu'un a commencé par dire : "Dis, euh, passe-moi donc le... schtroumpf !". Ça a fait rire tout le monde, qui s'est immédiatement mis à mettre "schtroumpf" dans toutes les phrases. Et voilà comment le dessinateur a eu l'idée d'utiliser cette quasi-onomatopée pour baptiser les personnages qu'il était en train de créer.
On pourrait dire la même chose de "woke", n'est-il pas ?
Alexandre Jardin sépare volontiers les gens en deux groupes : les diseux : ceux qui disent, parlent, pérorent, d'une part, et les faiseux : ceux qui font, agissent, créent des choses, d'autre part, se reconnaissant volontiers de la catégorie des faiseux.
Mexico, 1968. Cette nuit-là, Tommie Smith et John Carlos lancent un énorme pavé dans le marigot du conventionnel et du bien-pensant de la petite société bien élevée du sport olympique, le tout, sans dire un mot.
C'est aussi ça, le mouvement Woke : bien faire et laisser dire... Bien des années plus tard, Colin Kaepernick a retenu la leçon, allant jusqu'à plaquer la paume de sa main gauche sur sa bouche...
En attendant la suite, on va se (re)faire plaisir avec quatre versions chantées de ce concept qu'est le woke, entre le quidam qui voit que sa copine s'est tirée et l'autre qui sonne le réveil, pour que les choses changent.
Lightnin' Hopkins
Freddy King
Erykah Badu
John Legend
"Sur
le marché, plus un esclave était clair et plus il valait cher.
C’est pourquoi les vendeurs tenaient à ce système de
classification raciale : ils spécifiaient sur leurs annonces si
l’esclave était quarteron ou autre. Ce qui pouvait leur faire
gagner plus d’argent", explique Hor-Fari Lara.
Il se trouve qu'alors que je préparais la suite de la présente série, la chaîne France 2 a eu la bonne idée de présenter le documentaire "Noirs en France", co-signé par Aurélia Perreau et Alain Mabanckou, que j'ai trouvé fort intéressant et justifiant des félicitations aux auteurs. Du coup, j'ai jeté un œil dans mes archives. Tout en le félicitant, j'ai signalé à Mabanckou que j'avais juste regretté l'absence de toute mention des auteurs du célèbre test à la poupée : les époux Clark.
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Femmes Zulu vers 1900
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C’est
dans un contexte de guerres (guerres européennes et guerre
d’indépendance américaine) qu’en 1776, Moreau
de Saint-Méry débarque
sur l’île de Saint-Domingue. En 1798, il écrit Description
topographique, physique, civile, politique et historique de la partie
française de l’isle Saint-Domingue.
Il y développe une théorie qui hiérarchise cent vingt-huit
combinaisons possibles du métissage noir-blanc en neuf catégories :
le sacatra, le griffe, le marabout, le mulâtre, le quarteron, le
métis, le mamelouk, le quarteronné, le sang-melé. Pour lui, la
caste des colons blancs esclavagistes constituait l’"aristocratie
de l’épiderme". L’objectif de ses recherches était de
calculer la proportion de sang "noir". (Source)
À votre avis, pourquoi Alice Walker arbore-t-elle des cheveux naturels tressés à la mode zulu, à l'instar de feu Toni Morrisson, et à l'inverse de tant d'autres femmes noires, pensons à Ella Fitzgerald ou à Aretha Franklin et à leurs éternelles moumoutes de cheveux lisses, ou encore à l'ex-première dame Michelle Obama, aux cheveux si raides qu'ils en paraissent artificiels ?
Entre acculturation, lavage de cerveau et délire consumériste, entre nous, qu'y a-t-il d'étonnant à voir des enfants noirs rejeter une poupée ayant leur propre couleur de peau, pour en préférer une blanche, quand ils voient quotidiennement leur propre mère se déguiser en femme blanche à l'aide de cheveux lisses et de produits éclaircissants ?
Par parenthèse, reconnaissez-vous cette femme ci-dessous, qui a dû inspirer des millions de Michelle Obama ?
Il paraît que le mouvement Woke serait récemment sorti d'universités américaines, peut-être même françaises, mais dans les deux cas, ceux qui le pensent ont tout faux, ainsi que je l'ai amplement illustré précédemment. Et s'il faut absolument évoquer quelque université, alors pensons à celles chantées en son temps par feu Philippe Clay :
On parlait peu de
marxisme
Encore moins de maoïsme
Le seul système c'était le système D
D comme démerde-toi, D comme débrouille-toi... (Source)
Maintenant que nous savons que bien de nos contemporains prétendument cultivés et bardés de diplômes universitaires, occupés à se masturber les neurones et le reste autour de mots-valises - woke, wokisme, racialisme, cancel culture, indigénisme... - ne sont que de fieffés crétins et de pauvres gourdes, pourquoi ne pas nous donner la peine de les instruire, encore et encore, histoire de les rendre un peu moins bêtes ? C'est en tout cas ce à quoi je m'efforce régulièrement à travers ce blog.
Ça tombe bien : les anglophones liront avec profit ce qui suit :
As soon as Joe Biden and
Kamala Harris were projected to win the 2020 presidential election on
Nov. 8, women headed to Susan B. Anthony’s grave in Rochester,
N.Y., to pay homage to the most famous American advocate for women
receiving the right to vote. The suffragist is buried about an hour
away from Seneca Falls, N.Y., the site of a women’s rights
convention on July 19-20, 1848. It’s a meeting that American
schoolchildren often learn is the birthplace of feminism and the
start of the women’s suffrage movement. (...) But what many
American schoolchildren don’t learn is that Susan B. Anthony was
also fighting to ensure Black men didn’t get the right to vote
before white women, that many suffragists excluded Black women from
their events and that the fight for voting rights began much earlier. (Source)
À
peine Joe Biden et Kamala Harris étaient-ils confirmés comme
vainqueurs de l'élection présidentielle de 2020, le 8 novembre, que
des femmes se sont dirigées vers la tombe de Susan B. Anthony à
Rochester, N.Y., pour rendre hommage à la plus célèbre promotrice
américaine de l'obtention du droit de vote pour les femmes. La
suffragette est enterrée à environ une heure de Seneca Falls, N.Y.,
site d'une convention sur les droits des femmes ayant eu lieu les 19
et 20 juillet 1848. C'est une réunion dont les écoliers américains
apprennent souvent qu'elle est le berceau du féminisme et le début
du mouvement pour le droit de vote des femmes. (...) Mais ce que
beaucoup d'écoliers américains n'apprennent pas, c'est que Susan B.
Anthony se battait également pour que les hommes noirs n'obtiennent
pas le droit de vote avant les femmes blanches, tandis que de
nombreuses suffragettes excluaient les femmes noires de leurs
manifestations et que la lutte de ces dernières pour le droit de
vote a commencé bien plus tôt.
Sinon, voyez un peu, ci-dessous, comment cette femme est coiffée. Même époque
que les deux images précédentes. Plutôt étonnant non ?
Plus surprenant encore : cette femme (blanche) ayant des enfants métis fut naguère accusée de faire de l'"appropriation culturelle", comme preuve qu'il y a des crétins partout, y compris dans ladite communauté afro-américaine ! Pour ma part, ne la connaissant que de réputation, j'avoue ne pas trop m'être intéressé à sa personne, et puis, un jour, je suis tombé sur ce cliché, que j'ai trouvé juste superbe ! (Source)
C'est quand même dingue ! Ceux qui critiquent Kardashian et son clan, coupables de je ne sais quelle "appropriation culturelle", ne s'offusquent nullement de voir des femmes noires préférer se couvrir la tête de cheveux en plastique, affichant par-là une réelle aversion pour leur identité profonde, au point de faire perdre à leurs enfants tous leurs repères, ainsi que l'a illustré le test des poupées des époux Clark. (Source)
Il est vrai qu'une forte appropriation culturelle a existé dans l'autre sens, imposée par les maîtres à leurs esclaves, et entretenue longtemps après.
According to beauty brand Dove, who has been the
Crown Act’s biggest supporter, Black women are 50% more likely to
be sent home from work because of their hairstyle. And they’re 80%
more likely to change their hair by straightening or relaxing it so
they can be more accepted by their peers at work. (...) It sucks that
our hair has been judged so much that we needed a law to protect us
from discrimination. But maybe white people who wear traditional
Black hairstyles will finally realize that their “it’s just hair”
argument is completely invalid. (Source)
Selon
la marque de produits de beauté Dove, qui a été le principal
soutien de la loi Crown (loi californienne libéralisant le port de
cheveux naturels chez les femmes de couleur, n.d.t.), les femmes
noires ont 50% plus de risques d'être renvoyées de leur travail en
raison de leur coiffure. Et elles sont 80% plus susceptibles de
changer leurs cheveux en les lissant ou en les défrisant pour être
mieux acceptées par leurs pairs au travail. (...) Il est affligeant
que nos cheveux aient été jugés au point de nécessiter une loi
pour nous protéger de la discrimination. Mais peut-être que les
Blancs qui portent des coiffures noires traditionnelles vont enfin
réaliser que l'argument : "ce ne sont que des cheveux" est
complètement inepte.
Je
persiste à penser que si des millions de jeunes filles de toutes les
couleurs se mettent à imiter d'autres stars, elles-mêmes de toutes
les couleurs, et arborant des cheveux naturels tressés à
l'africaine, cela ne peut que faire évoluer les mentalités.
Et même si d'authentiques racistes ont cru pouvoir s'emparer des tresses africaines dans le but de les rendre plus "civilisées", dès lors qu'elles étaient portées par des femmes à peau blanche, le fait que les plus grandes stars noires revendiquent leur africanité a permis de minimiser les mauvaises tentatives de récupération. Et, par ailleurs, collecter, voire arborer des créations artistiques venues d'ailleurs, n'est-ce pas reconnaitre leur valeur ?
The article then interviewed white hairstylist Jon
Reyman who just straight-up insulted Black people. He said, “Moving
away from urban, hip-hop to more chic and edgy. I have also been
incorporating cornrows into center parts and side parts.” (...) We
all know that “urban” is a not-so-secret code word for “Black.”
Reyman basically said that cornrows are becoming less Black and more
elegant and cool — in other words, white. (Source)
Quelque chose me dit qu'il y a très peu de chance que des stars noires aillent jamais se faire tresser chez ce Jon Reyman, lequel, de toutes façons, ne maîtrisera jamais les tresses aussi bien qu'une tresseuse africaine !
Sinon, l'article susmentionné comporte au moins une erreur, à savoir que les tresses qu'arbore Kardashian ne sont pas vraiment d'origine "fulani" (Peuhl), mais...
Retour sur cette femme, probablement la toute première millionnaire noire américaine. Née Sarah Breedlove, la future C. J. Walker va fonder sa fortune sur la production d'accessoires capillaires et de produits cosmétiques à destination des descendantes d'esclaves. (Source)
C'est donc en grande partie à cette femme que l'on doit cette coutume de tant de femmes noires de se défriser les cheveux, tradition en grande partie imposée par les maîtres blancs, histoire d'effacer toute trace d'africanité chez leurs esclaves et de leur donner une apparence plus "civilisée".
Voilà qui explique aussi le ton acerbe de la célèbre parabole quasi-évangélique de Malcolm X sur le "house negro" et le "field negro", le premier, habillé et grimé comme son maître, dont il récupère les vieux habits, le second hirsute, pouilleux et snobé par le premier. (Source)
De fait, la parabole de Malcolm X rend parfaitement compte du lavage de cerveau exercé par les dominants sur les dominés, ces derniers se laissant conditionner au point d'en arriver à s'autodénigrer (cf. la fameuse haine de soi). C'est ainsi que partout, dans les sociétés sous domination, les colons avaient réussi à imposer une classification des individus selon des critères morphologiques, voire anthropométriques. Les Antillais connaissent fort bien la classification des pigmentations, depuis la plus basse : nègre, à la plus élevée : blanc, en passant par mulâtre, métis, quarteron, octavon, chabin...
“The
lighter the better” mindset is predominantly perpetrated within and
between black and brown communities. But its roots are in
colonisation. As far back as the 16th century, white skin began to be
associated with wealth and status – the rich didn’t didn’t work
outside and so the sun hadn’t darkened their skin. Fairer skin was
deemed superior. In the slavery era, dark-skinned slaves were
relegated to working in the fields and their lighter-skinned
counterparts – a product of slave owners raping slave women –
were given privileges such as being able to work in the house. (Source)
La
mentalité du "plus c'est clair, mieux c'est" se perpétue
principalement au sein des communautés noires et foncées et entre
elles. Mais ses racines remontent à la colonisation. Dès le 16e
siècle, la peau blanche a commencé à être associée à la
richesse et au statut social - les riches ne travaillaient pas à
l'extérieur et le soleil n'avait donc pas assombri leur peau. Une
peau plus claire était considérée comme supérieure. À l'époque
de l'esclavage, les esclaves à la peau foncée étaient relégués
aux travaux des champs, tandis que leurs homologues à la peau plus
claire - fruit du viol des femmes esclaves par les propriétaires
d'esclaves - bénéficiaient de privilèges tels que la possibilité
de travailler à la maison.
Mais il existe une myriade de formalités permettant aux dominants de manipuler les dominés, sans que cela soit expressément formulé. Il n'est que de voir, par exemple, de quand date l'apparition des premiers acteurs "de couleur" dans des films hollywoodiens, notamment dans des rôles autres que "méchant indien" ou "délinquant/criminel noir ou latino-américain", de même qu'il serait intéressant de dater l'apparition des "premiers rôles" (antonyme de "seconds rôles") confiés à ces mêmes acteurs de couleur. Par ailleurs, tout le monde peut aisément constater qu'à Hollywood, les actrices noires ont le teint nettement plus clair que leurs collègues masculins noirs, ce que nous illustrerons avec les deux premières stars "noires" que furent Dorothy Daindridge et Sydney Poitier.
Et
puis, un jour, une prise de conscience s'opère, comme une histoire
sans paroles. La chose est particulièrement spectaculaire chez les
femmes. Voyez un peu la tignasse de celle qui suit, star de la
chanson aux origines ethniques métissées, qui fut autrefois accusée
de se blanchir la peau.
Cette
boule de cheveux en avait déjà inspiré d'autres, à une époque où les
affrontements raciaux aux États-Unis étaient bien plus sanglants que de nos
jours.
Mais bien avant que les Black Panthers ne redécouvrent leurs racines africaines, sur le même continent américain, notamment sur deux îles : la Jamaïque et Haïti, d'autres afro-descendants affichaient déjà fièrement leurs vrais cheveux, triturés de mille et une manières.