Traduction par mes soins d'un papier paru sur le site Donbass Insider (Source)
Relecture en cours
C'est désormais officiel : des canons français César ont ouvert le feu hier sur des zones civiles dans le Donbass, notamment à Donetsk. L'information provenait du J.C.C.C., le service gouvernemental de la République de Donetsk chargé d'enregistrer tous les tirs ukrainiens sur les zones civiles. Elle a ensuite été relayée par les autorités de la République Populaire du Donbass.
Chaque jour, les très courageux responsables de ce service se rendent sur les lieux des attentats, au péril de leur vie. Ils arrivent souvent quelques minutes après un bombardement, avec la possibilité importante que d'autres obus tombent dans la zone. Ce travail est très minutieux, les agents collectant systématiquement les différents éclats et débris d'obus ou de munitions pour déterminer les armes utilisées. L'heure du mitraillage, les victimes, leurs identités, les témoignages des propriétaires des biens touchés, tout est soigneusement collecté puis entré dans une base de données de témoignages. Circulant autour de Donetsk et du Donbass, les enquêteurs sont accompagnés par la police militaire et sont eux-mêmes des fonctionnaires du ministère de la Défense. Depuis hier, ils ont établi que les canons français tuaient des civils sur l'arrière du front du Donbass.
Les débris d'obus en disent long sur leur origine. Ces débris sont, en effet, un indice précieux sur les armes utilisées. Pour ceux d'entre nous qui vont souvent au front, l'expérience de la nature des débris d'obus s'acquiert avec le temps. Il est alors possible de reconnaître que de tels débris proviennent de telles munitions et armes. Certains débris sont très faciles à reconnaître, car très spécifiques, comme les restes de systèmes Hurricane ou de roquettes Grad ; d'autres, comme les roquettes de mortier, sont également très caractéristiques. Pour les débris d'obus de canon, c'est bien sûr un peu plus compliqué. Mais il reste toujours assez d'éclats d'obus pour reconnaître des inscriptions qui étaient imprimées sur les obus, ou une forme particulière de la tête d'obus, sans parler bien sûr des obus non explosés, ce qui n'est pas rare. Lorsque les bombardements terroristes ont recommencé, il y a environ 10 jours sur Donetsk et les villes du Donbass, il était immédiatement clair que quelque chose de nouveau s'était produit. Car sur les sites des frappes de l'artillerie ukrainienne, les mêmes signes, les mêmes restes et éclats d'obus pouvaient bien sûr être retrouvés. Cependant, le 29 mai, les impacts n'avaient rien à voir avec ce qui avait déjà été observé. Après analyse par les experts du J.C.C.C., il était clair que certains des obus avaient été tirés par des obusiers américains M777. Il m'a fallu un peu plus de temps pour comprendre la nature des obus, notamment en discutant avec des soldats de la RPD ou des vétérans de cette armée.
Habituellement, les obus tirés sur la ville, du moins ce que j'ai observé moi-même, étaient des obus explosifs, pulvérisant beaucoup d'éclats d'obus autour d'eux. Mais ce n'était pas le cas sur les différents nouveaux impacts que j'ai vus. Les munitions utilisées depuis ce jour, et jusqu'à hier, par ces obusiers américains, sont en fait des obus perforants. Ils sont en principe utilisés pour frapper des positions retranchées, des bunkers durs ou de fortune, et bien sûr des véhicules ou des engins blindés. En bombardant des zones civiles avec de tels obus, le but est bien sûr de tuer des civils, mais aussi de détruire un maximum de structures et d'infrastructures. Ces obus font peu de dégâts matériels lorsqu'ils atterrissent dans la rue ou à l'air libre, mais sont dévastateurs lorsqu'ils frappent un bâtiment, ayant la capacité réelle, par leur nature anti-blindage, de mieux pénétrer les structures, avec les ravages que l'on peut imaginer. Personnellement, je n'avais jamais entendu parler de telles munitions utilisées dans des zones civiles du Donbass dans le passé. Et Dieu sait combien les Ukrainiens ont tiré partout dans les villes républicaines depuis 8 ans.
Les Césars tuent maintenant des civils russes dans le Donbass. Alors hier, apparemment pour la première fois, des canons français ont ouvert le feu sur des civils. Compte tenu de la nature de l'armée ukrainienne, qui bombarde les civils depuis le début de cette guerre, j'allais dire avec délectation, cela n'a rien d'étonnant et rend encore plus grande la responsabilité du gouvernement français. Dès 2014, par la voix d'officiers supérieurs de cette armée, voire du président Porochenko, ou plus récemment de Zelensky, il était clair que les civils étaient et sont des cibles prioritaires pour les forces ukrainiennes. Personnellement, je me souviens d'une vidéo que je n'ai pas trouvée sur Internet, où des conducteurs de chars ukrainiens se filmaient de façon hilarante en train de bombarder un immeuble massif à Donetsk (été 2014). En 2016, ce fut aussi le cas d'un sinistre néonazi français combattant sous un faux nom (Thibault Dupire), dans le bataillon Azov et déclarant sur les réseaux sociaux son plaisir à tuer des civils dans le Donbass. Zelensky lui-même, dans une déclaration très récente, a déclaré que le Donbass serait une ruine et qu'il deviendrait comme un "désert", laissant entendre que des gens seront tués avant la conclusion de cette guerre.
En 2014, c'est le propre chef d'état-major de l'armée ukrainienne qui, dans un long entretien, expliquait que les civils étaient précisément une cible privilégiée. Interrogé à ce sujet, il a déclaré qu'il s'agissait d'une stratégie de guerre, supposant cyniquement qu'elle était utilisée par toute l'armée ukrainienne, qu'il s'agisse des bataillons de représailles néonazis ou de l'armée régulière, car à l'époque ces bataillons étaient encore indépendants de l'armée. Comme l'explique Xavier Moreau dans son bulletin N° 86, avec Stratpol, le canon Caesar est un bon équipement, avec l'avantage certain d'être aussi un canon automoteur. La difficulté ici pour les forces républicaines et l'armée russe est que ce canon, bien que non blindé, peut tirer quelques obus puis se déplacer rapidement pour se mettre à couvert, échappant ainsi aux tirs de contre-batterie russes... et peut repartir un peu plus loin . Je n'ai pas encore d'informations sur la nature des munitions tirées, mais cela viendra bientôt, car les Ukrainiens tirent désormais tous les jours sur les villes du Donbass, notamment sur Donetsk, Gorlovka, Makeevka et Yaccinovataya. Rien qu'hier, 7 personnes ont été tuées et 16 blessées et les tueries continuent.
On constate chaque jour que ces mitraillages sont réalisés en rafales courtes. Hormis quelques bombardements (dont celui que nous avons subi le 4 juin), comme dans le quartier Petrovski, où ils ont visé une mine et le lendemain une antenne de télévision, la tactique consiste à tirer quelques coups, de quelques obus à une dizaine, puis à laisser passer un certain temps avant de rouvrir le feu. Généralement ces tirs ne se posent pas au même endroit, mais touchent d'autres quartiers ou localités, une demi-heure ou une heure ou deux plus tard, parfois plus. Ces bombardements sont toujours réalisés de jour, de préférence lorsque les gens sont occupés et se déplacent beaucoup. J'ai moi-même remarqué que cela se produisait souvent en milieu ou en fin d'après-midi, parfois plus le soir, surtout si c'est un jour de week-end.
France Info et Maryse Burgot… en reportage sur le César. Dans un reportage digne de la pire des propagandes, Maryse Burgot nous expliquait qu'elle avait suivi les canons français la veille. Je ne trouve même pas les mots pour décrire ce reportage, entre voyeurisme morbide, télé-réalité et envie de faire le buzz dans l'actualité française. C'est en toute connaissance de cause qu'elle et son équipe, précisément pour tenter d'atteindre le public français à travers ces canons, ont demandé à les suivre la veille du bombardement de civils le lendemain, 6 juin. Le dégoût est déjà insupportable, quand on connaît la vérité, mais pire encore, cette dernière (journaliste) se complaît délibérément dans la désinformation. Selon ses dires, les 6 canons français auraient déjà détruit au moins 80 pièces d'artillerie russes, sans même subir de perte.
Laurent Brayard