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mardi 22 janvier 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #9


Épisode §9. Le bal des faux-culs ou quand le Landerneau politico-médiatique perd la boule

Le moins que l'on puisse dire est que les plus éminents représentants du microcosme politico-médiatique, non seulement n'ont pas vu venir le mouvement des Gilets Jaunes, ce qui n'est pas trop grave, mais, surtout, n'en ont pas suffisamment pris la mesure une fois qu'il a pris son envol, de là l'étrange impression que la plupart de nos "experts" ne savent plus sur quel pied danser. 

Il faut dire que, pour bien des élites, le peuple est une espèce de masse informe que l'on consulte tous les cinq ans, pour mieux le reléguer dans les oubliettes le reste du temps. Et entre temps, on n'hésite pas à se fabriquer un peuple de substitution, via les instituts de sondages, qui vous débitent à longueur d'année des statistiques bidonnées réalisées in vitro, à l'aide d'un peuple "virtuel" assemblé à partir de ce qu'ils appellent des "échantillons représentatifs...", avec des formulations vasouillardes et mensongères comme : "x % des Français pensent que..., y % des Français disent que..., z % des Français approuvent l'action du président...".

De fait, dans un régime bonapartiste comme celui imaginé par un certain général de brigade en 1958 (en fait bien plus tôt, dès le(s) discours dit(s) de Bayeux), avec tripatouillage en 1962, on se retrouve avec un homme seul, entouré de larbins, et qui décide d'à peu près tout. Dans ces conditions, habitués à traiter avec un peuple 'in vitro', comment s'étonner que politiciens et politocrates perdent les pédales en constatant que le peuple réel ne ressemble en rien au peuple artificiel concocté par les instituts de sondages ? 

Voilà, donc, un mouvement qui, depuis la mi-novembre 2018, a pris l'habitude de se répandre sur les grands boulevards tous les samedis, avec, parfois, la participation navrante de quelques abrutis écervelés et surtout intéressés par la castagne.

Pour ma part, depuis le premier jour, je m'attend(ai)s à voir ce mouvement opérer une réelle décantation (cf. biscotos versus ciboulots). 

Par chance, pour les gilets jaunes, il y a eu cette pétition sur le prix du carburant à la pompe, processus on ne peut plus démocratique, qui va leur servir de boussole, pour déboucher, fort logiquement, sur la quête de plus de démocratie, en clair, plus de démocratie directe.

En attendant de voir quelle suite prendra le mouvement, que dire de l'effervescence qu'il a suscitée dans le marigot politico-médiatique, sinon que les soi-disant élites intellectuelles et politiques de ce pays ne savent plus où elles habitent !

Prenons ce brave bonapartiste "canal historique" de Dupont-Aignan, qui rappelle à l'envi sa filiation "gaulliste", mais qui, depuis peu, ne jure plus que par le 'referendum', lequel ferait partie de l'ADN du gaullisme. Et là, on se roule par terre, de rire !

Et ce, d'autant plus que le brave Dupont-Aignan a commencé par souhaiter voir les manifestations sur les Champs-Elysées interdites !

Citation :
Pour Nicolas Dupont-Aignan "il faut interdire les manifestations sur les Champs-Élysées"(source)
Comme chacun sait, Dupont-Aignan est devenu l'un des plus fervents supporters des GJ.

Mais reprenons plutôt les choses dans l'ordre chronologique : quelques jours après le déclenchement du mouvement GJ, on a eu droit à quelques tâtonnements, avec la visite de deux GJ chez le ministre de l'Écologie, puis une autre visite (avortée) d'un ou deux GJ chez le premier ministre.

Deux semaines après le début des hostilités, les représentants des partis politiques qui comptent sont invités à Matignon pour consultation ; ceux qui ont joué le jeu y sont allés avec toute une flopée de propositions, mais aussi ceux qui ont zappé la consultation. 
Après les scènes de chaos, place aux tentatives de dialogue. Le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, a appelé, dimanche 2 décembre, le Premier ministre Edouard Philippe à organiser une série de consultations politiques afin de trouver une sortie de crise face aux revendications des "gilets jaunes" et après les graves violences qui ont éclaté, principalement à Paris, en marge de leur troisième journée de mobilisation nationale. (source)


Florilège des propositions des principaux représentants de l'opposition 
Laurent Wauquiez demande un référendum, après les manifestations des «gilets jaunes» troublées samedi par des violences. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen réclament une dissolution de l'Assemblée nationale, pour que les Français retournent aux urnes. Ils arriveront à Matignon avec une pile de propositions. Reçus à partir de lundi par le premier ministre - s'ils disposent d'élus au Parlement -, les chefs de partis d'opposition imaginent des solutions, souvent institutionnelles et parfois radicales, pour sortir de la crise des «gilets jaunes». De la suspension de la hausse des taxes sur les carburants à la démission du ministre de l'Intérieur, tour d'horizon des pistes des opposants.
La suspension de la hausse des taxes
C'est «la première des réponses», a réaffirmé ce dimanche le président Les Républicains (LR) du Sénat, Gérard Larcher. Une mesure de «bon sens», selon l'ancienne ministre socialiste Ségolène Royal. De Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Marine Le Pen (RN), la plupart des opposants d'Emmanuel Macron demandent au chef de l'État de suspendre la hausse des taxes carbone sur le carburant, prévue le 1er janvier. Même des personnalités politiques de la majorité, comme les députés La République en marche (LaREM) Bertrand Sorre et Patrick Vignal, sont favorables à un moratoire. Allié de LaREM, François Bayrou a exhorté vendredi l'exécutif à ne «pas gouverner contre le peuple». Mais le gouvernement «exclut tout changement de cap» dans la transition écologique, ne cesse de réaffirmer le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
Un référendum
Le président de LR, Laurent Wauquiez, demande un moratoire, mais veut aller plus loin en rendant «la parole au peuple». «Si on arrête juste les taxes quelques mois, ça ne répondra pas. Il faut trancher cette question une bonne fois pour toutes par le vote des Français», a-t-il estimé dimanche sur TF1. Une façon de réitérer sa demande de référendum sur les mesures de transition écologique du gouvernement, incluant la hausse des taxes sur les carburants. Selon lui, ce «geste d'apaisement (...) permettrait d'arrêter cet engrenage de colère et de violence.» Pas de référendum, mais des états généraux nationaux sur le pouvoir d'achat, réclame pour sa part Olivier Faure. Le patron du Parti socialiste (PS) réunit ses instances lundi et demande un débat des députés et sénateurs «dans les plus brefs délais».
Des élections législatives anticipées
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon réclament tous les deux une dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, pour provoquer des élections législatives sans attendre 2022. «Je ne vois pas, au niveau où nous sommes de la gravité de cette crise politique, comment sortir par le haut, à part en retournant aux urnes», a affirmé dimanche la présidente du RN, invitée sur France 3. L'ancienne candidate à la présidentielle souhaite un changement de mode de scrutin, pour élire tous les députés au mode de scrutin proportionnel à un tour (avec 10% des voix, un parti obtiendrait environ 10% des sièges). 
Entre la légitimité de l'exécutif et celle des "gilets jaunes", "il n'y a qu'une manière de trancher, c'est le vote, alors ça s'appelle la dissolution", a aussi soutenu Jean-Luc Mélenchon, dimanche sur BFM TV. Mais cette initiative ne semble pas envisagée par Emmanuel Macron, a affirmé dimanche une source à l'Elysée. La dernière dissolution, prononcée par Jacques Chirac en 1997, avait conduit à la défaite de son camp et à une cohabitation avec la gauche. 
Le départ de Christophe Castaner...
«Castaner, démission!», réclame une pétition du parti de Marine Le Pen, lancée le 26 novembre, deux jours après la première journée de violences sur les Champs-Élysées, pendant laquelle le ministre de l'Intérieur avait condamné des actes de «séditieux d'ultradroite», qui avaient selon lui répondu «à l'appel de Marine Le Pen».
Au lendemain d'un deuxième samedi de violences à Paris et en région, le parti de Benoît Hamon, Génération.s, demande aussi, «après cet énième échec», la démission de Christophe Castaner, «nommé par complaisance et non pas compétence». «Depuis le début du conflit des gilets jaunes, le ministre de l'Intérieur attise les tensions au lieu de les apaiser», dénonce le mouvement dans un communiqué. Au PS, le sénateur Rachid Temal s'interroge aussi sur le «maintien» du successeur de Gérard Collomb, nommé en octobre dernier.(source
Tout le monde aura remarqué l'absence de toute référence à un quelconque 'referendum d'initiative citoyenne ou populaire', même si diverses propositions de referendum (à la mode gaulliste) ont été suggérées.

Moment important : cette déclaration du représentant L.R., Bruno Retailleau, au sortir de la réunion avec le premier ministre. 
 « Nous avons demandé aussi à ce que le président de la République puisse s’exprimer […] Le pouvoir et le lieu de la décision [sont] à l’Élysée. Il faut donc qu’Emmanuel Macron prenne la parole, qu’il s’adresse aux Français et qu’il dise aux Français ce qu’il compte entreprendre dans les jours suivants pour que la France puisse s’apaiser.» (source)

Cette même opinion (le vrai pouvoir n'est pas ici mais à l'Elysée) se retrouvera dans la bouche de Dupont-Aignan. Comme preuve que la Vème République est bel et bien un régime autocratique et bonapartiste, de l'avis même de ses initiateurs.

Bizarrement, le même Dupont-Aignan va nous livrer ce commentaire :
Dupont-Aignan : "J'appelle les gilets jaunes à continuer de manifester pacifiquement... et j'appelle le gouvernement à les entendre." (Radio RMC, 3 décembre 2018)
Le gouvernement ! Mais quel gouvernement ? Celui-là même dont il a insinué qu'il ne détenait aucun pouvoir ?

Même son de cloche du côté de Ségolène Royal :
Par son inertie et son orgueil, le gouvernement a permis cette escalade (France Info, 8 décembre 2018).
Du côté de Marine Le Pen, on n'en démord pas : il faut dissoudre l'Assemblée Nationale :


Soit dit en passant, quiconque a quelque notion de droit constitutionnel n'a pas manqué de sauter au plafond - ce que j'ai fait - en entendant les propositions de Marine Le Pen, surtout en raison de l'ordre de leur présentation : dissolution de l'Assemblée Nationale, nouvelles élections à la proportionnelle ensuite...

Rappelons à l'avocate - donc juriste - de formation, qu'est Marine Le Pen, que si un président de la République peut dissoudre l'Assemblée Nationale, il n'a nullement le pouvoir de procéder à une modification du mode de scrutin, procédure relevant du Congrès, voire du referendum, dans le cadre d'une refonte de la Constitution. Autant dire que l'ordre dans lequel Marine Le Pen présente les choses n'est rien moins qu'incohérent !

Du reste, pour un de ses détracteurs, Le Pen veut juste faire des cadeaux à Macron :



Autres sons de cloche :
«En auto, en moto, à cheval, en trottinette [ou] en hélicoptère». Le député LFI François Ruffin a demandé dimanche, non loin de l'Élysée, la démission et le départ d'Emmanuel Macron, «avant de rendre notre pays fou». François Asselineau, président de l'Union populaire républicaine (UPR), appelle quant à lui à une procédure inédite, prévue par l'article 68 de la Constitution: la «destitution» du président par le Parlement constitué en Haute Cour. Emmanuel Macron «(agit) essentiellement en faveur d'une infime minorité d'ultra-riches», estime le partisan d'une sortie de la France de l'Union européenne. (source)
Là encore, on s'interroge : destitution par le Parlement ? Ça veut dire quelle majorité, étant donnée la composition de l'actuel parlement ? Mais comme je sais un peu lire, j'ai jeté un oeil sur l'article (68) en question :
"Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article."
Autant dire que ce n'est pas demain la veille que le président en exercice va se retrouver jugé par une assemblée présidée par Monsieur Richard Ferrand !

Retour à notre gaulliste 'canal historique' : Nicolas Dupont-Aignan, sur la radio RMC, se référant aux Tables de la Loi du grand Moïse-De-Gaulle :
La Constitution donnait d'immenses pouvoirs au Président de la République, mais en échange, il y avait le referendum.
"En échange", nous dit Dupont-Aignan, qui a un certain sens de l'humour, et qui veut nous faire oublier le caractère autocratique du régime imaginé par De Gaulle (cf. le ministre de l'Information et le contrôle des médias) tout en poursuivant :
J'ai proposé un referendum d'initiative populaire (art. 11 de la Constitution : 4 millions de Français adossés à 165 parlementaires). M. Vauquiez a les 165 parlementaires, moi, je ne les ai pas. (RMC, les Grandes Gueules, 14 décembre 2018).
Tiens donc, voilà comment une résurgence de l'Union de la gauche a concocté une motion de censure contre le gouvernement (laquelle motion, faut-il le rappeler ? ne concerne en rien le président de la République !).


En observant tout ce petit monde, j'avoue avoir eu l'impression que tous marchaient à côté de leurs pompes. Le fait est qu'ils ne semblaient pas du tout avoir entendu les clameurs des manifestants en veste jaune fluo, lesquels, hormis une première rencontre avec François de Rugy, ministre de l'Écologie, ont rapidement zappé le gouvernement pour se focaliser sur une seule cible : Jupiter !
17 novembre 2018  -  Source

Les banderoles "Macron démission" sont bien apparues dès la toute première manifestation des Gilets Jaunes, mais apparemment, rares sont les observateurs qui en ont tenu compte, qu'il s'agisse des politologues que des politiciens,  hormis peut-être le premier secrétaire du PS :

Jupiter, c'est fini, les Français n'en veulent plus ! (Olivier Faure, 3 décembre 2018). 


Comme un détonateur !

J'avoue que je commençais vraiment à me morfondre devant la litanie des défilés du samedi, notamment sur les Champs-Elysées, ainsi que cette autre litanie des analyses à contre-temps de nos experts en politocratie, lorsqu'à ma grande surprise, lors des manifestations du 15 décembre 2018, on a vu apparaître ce sigle : RIC, en bon français : Referendum d'Initiative Citoyenne. Et là, j'ai pensé : "Ah, quand même !".






Et là, on a assisté à une sorte de "sauve-qui-peut" généralisé, dont la première protagoniste fut Marine Le Pen, celle qui ne jurait, jusque là, que par la dissolution de l'Assemblée et de nouvelles élections à la proportionnelle. Par chance, son tweet mentionne la date et l'heure !



Et c'est là que je me dis : "Non mais sans blague, c'est qu'elle dégaine plus vite que Zorro !".

Et à ce stade de la présentation, je me dois de vous faire une petite confidence : il doit y avoir en ce moment-même une demi-douzaine de personnalités politiques à qui j'aie personnellement transmis les coordonnées de ce blog, parmi lesquelles Emmanuel Macron (alors ministre préparant sa sortie du gouvernement), et Louis Aliot, ci-devant vice-président de l'ex-Front National.

J'évoquerai une autre fois le courrier à Macron. S'agissant de L. Aliot, nous étions en février 2016 et il venait de s'entretenir avec l'intervieweur attitré des matins de la chaîne RMC-BFM TV, entretien au cours duquel il a clairement affiché le parti-pris du Front National pour le referendum d'initiative populaire.

Et c'est là que je me dis "il faut que tu penses à féliciter ce monsieur pour sa prise de position, que le FN doit bien être le seul parti à défendre, face aux délires bonapartistes de tous les autres partis, communistes et trotskystes inclus !".

Donc, je me fends d'un courrier à Louis Aliot, qui me répond très cordialement par un sms. Et c'est là qu'il me vient comme un doute, qui me fait foncer sur le site du Front National, où je finis par dénicher le programme présidentiel de Marine Le Pen pour l'élection de 2012. Et là, imaginez ma surprise lorsque je découvre que le fameux R.I.P. figurait bel et bien dans le programme de la candidate, laquelle, pourtant, n'en avait pas pipé mot durant toute la campagne !


Par parenthèse, le RIP de Marine Le Pen version 2012 arrive bien planqué au milieu de tout un fatras de propositions (page 8 sur 16), précédé notamment par... la liberté monétaire, l'immigration, les signes religieux, etc.

Et moi, comme un imbécile, j'avais félicité Louis Aliot pour une déclaration qui n'avait rien d'un scoop !

Le fait est que ceux et celles qui ont un peu de mémoire n'ont pas dû entendre la présidente du FN et candidate à la présidentielle défendre, ne serait-ce qu'une seule fois, son projet de démocratie participative (2012). Elle le fera - du bout des lèvres - cinq ans plus tard.

500 000 électeurs. Oui, mais pourquoi s'arrêter à ce quorum (national) ? Quid de RIP d'initiative populaire en régions, dans les départements, au niveau municipal ? Et pourquoi ne pas faire adhérer l'ensemble des peuples de l'Europe communautaire au principe de la démocratie directe, histoire d'en finir avec la bureaucratie apatride bruxelloise tant décriée par les souverainistes ? Ajoutez à cela que, lors de la campagne de 2017, à ma connaissance, Le Pen n'a dédié aucun de ses meetings  à une présentation articulée et détaillée de cette proposition essentielle en matière de démocratie, et qu'elle était la seule à formuler !  

Pourquoi accordé-je une telle place à Marine Le Pen à ce stade du débat ? Tout simplement parce que - voyez le paragraphe précédent - c'est la personnalité politique que j'observe avec le plus d'acuité depuis le lancement du programme des Gilets Jaunes, tout comme je l'ai bien observée avant et pendant la présidentielle de 2017 (cf. la série sur MLP et le plafond de verre). Il se trouve qu'en raison du contenu même de ses deux derniers programmes présidentiels, Marine Le Pen aurait dû pouvoir, plus facilement que d'autres, entamer le dialogue avec certaines catégories populaires, et singulièrement avec les GJ. Mais, pour ce faire, encore aurait-il fallu qu'elle sentît à temps le vent de l'histoire !

Précisément, de tous les "grands" candidats à la présidentielle de 2017, Le Pen est la seule à avoir inscrit le R.I.P. dans son programme, soit dès la toute première page d'un document que j'avais déjà jugé excellent, notamment en raison de la qualité graphique du produit et de la numérotation des propositions, qui en rendaient la lecture ô combien plus confortable, contrairement aux torchons livrés par presque tous les autres (Mélenchon, Macron, Hamon...).

Et derrière Le Pen, qui pouvait (= aurait pu = aurait dû pouvoir) se targuer d'avoir inscrit le RIP dans son programme présidentiel de 2017, les autres, tous les autres, ne pouvaient que patauger dans la choucroute.

Voyez Ségolène Royal.
« Il est plus que temps aujourd'hui d'oser la révolution participative ! ». Dans les colonnes du Parisien-Aujourd'hui en France, Ségolène Royal rejoint les Gilets jaunes sur un point. Pour elle, l'instauration du RIC, le référendum d'initiative citoyenne, serait loin d'être une mauvaise idée. « C'est un beau débat qui doit être discuté, expérimenté. Regardons sur quels sujets ce référendum peut être utile. Il est plus que temps de faire respecter notre démocratie, de la rendre plus transparente », développe l'ancienne candidate socialiste à l'élection présidentielle.
En 2007, elle évoquait d'ailleurs ce « référendum ou proposition d'initiative citoyenne » dans les 100 propositions de son « pacte présidentiel ». « Les citoyens ont le sentiment que les choses sont décidées unilatéralement, alors que la perception des injustices progresse », constate aujourd'hui Ségolène Royal, toujours dans le Parisien. « À chaque fois que les dirigeants prétendent qu'il n'y a pas d'alternative, c'est une faille dans le processus démocratique. On a ainsi expliqué la taxe carbone par l'écologie, mais les gens ont pensé qu'on se moquait d'eux. Il y a une aspiration à être respecté en tant que citoyen informé. » (source)


Le problème de Ségolène Royal c'est qu'elle n'a jamais réussi à se défaire de la contamination bonapartiste qui l'a toujours habitée, au point d'inventer une véritable usine à gaz qui a dû donner des idées à Sarkozy plus tard.

Car le referendum proposé par Royal en 2007 n'avait rien d'une initiative populaire, dès lors qu'il était corseté par sa sujétion au bon vouloir d'un quorum de parlementaires ; et l'on peut dire que par son manque d'audace, à l'époque, Royal a dû décevoir bien de ses partisans, je pense à ceux qui, lors des nombreux débats participatifs qu'elle avait organisés, s'étaient prononcés en des termes non équivoques en faveur d'un referendum d'initiative populaire formulé en toutes lettres !

Pour mémoire :
Au final, pacte présidentiel de Ségolène Royal (article 73 sur 100) :
73- Introduire la démocratie participative dans toutes les collectivités publiques (jurys citoyens, budgets participatifs, etc.). Des citoyens ayant recueilli un million de signatures pourront demander au Parlement l'examen d'une proposition de loi. (source)
Demander au Parlement l'examen d'une proposition de loi..., la belle usine à gaz que voilà ! Vous avez compris que, pour Ségolène Royal (mouture 2007), le peuple était nécessairement immature, au point d'avoir besoin d'être chaperonné par des élus ?

Mais Ségolène Royal n'est (n'était) pas la seule à pédaler dans la semoule. Voici que Nicolas Dupont-Aignan, notre gaulliste canal historique, ne tient plus en place, lui qui ne jure plus que par les Gilets Jaunes et leur R.I.C., sans pour autant oublier d'invoquer les mânes du grand disparu :
La 5ème République du Général de Gaulle avait prévu des dispositifs..., par exemple quand la contestation est telle... qu'il faut un arbitre, et cet arbitre, c'est le peuple... La seule solution (...) qu'avait prévue le Général de Gaulle : je remets ma légitimité... (Radio Europe 1, 13 janvier 2019).
Où l'on voit que Dupont-Aignan a très mal lu son mentor, puisque d'arbitre, De Gaulle n'en voyait pas d'autre que lui-même !
Article 5 
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. 
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, du respect des accords de Communauté et des traités.
N'en déplaise à ce pauvre Dupont-Aignan, qui ferait mieux de réviser ses classiques, en bon bonapartiste, De Gaulle n'a jamais considéré que le peuple puisse être un arbitre ! Par ailleurs, c'est une constante propre aux régimes autocratiques que de considérer que le président du Conseil des ministres (à l'instar de l'entraîneur d'une équipe sportive) puisse être (dans le même temps) un arbitre !

Il reste que le Landerneau politico-médiatique semble avoir été frappé de sidération face à l'atout abattu tantôt par les Gilets Jaunes lors de l'épisode V de leurs déambulations urbaines, ce qui nous vaut d'avoir une classe politique se répartissant en cinq camps :
  • Marine Le Pen et le Rassemblement National, seul camp à avoir explicitement appelé de ses voeux l'instauration d'un referendum d'initiative populaire.
  • Divers adeptes des usines à gaz naviguant à vue, à l'instar de Ségolène Royal et de Nicolas Dupont-Aignan, qui se découvrent tout d'un coup des affinités avec les promoteurs du RIC en clamant haut et fort qu'ils y ont toujours été favorables !
De fait, visiblement aiguillonné par un certain instinct de survie, Dupont-Aignan semble prêt à avaler son chapeau, quitte à se renier et à trahir l'idéal autocratique défendu par la droite classique en sa qualité d'héritière de la Constitution bonapartiste de 1958-1962. Mais il semble être le seul à droite.
  • Des bonapartistes bon teint, généralement de gauche (Mélenchon, Hamon), et qui, pris de court, tournent autour du pot, en prétextant que leurs voeux d'instaurer une Sixième République ne peuvent qu'être en phase avec les souhaits des gilets jaunes, tout en se livrant à des contorsions dont on voit bien qu'elles ne visent qu'à noyer le poisson.
Citation : 
Une mesure réclamée « massivement » par les « gilets jaunes ». Les députés Insoumis s’apprêtent à déposer une proposition de loi constitutionnelle pour instaurer des référendums d’initiative citoyenne (RIC), a indiqué La France insoumise, ce lundi.
Interrogé par Les Echos, ce lundi, le Premier ministre, Edouard Philippe a estimé que  le référendum d’initiative citoyenne pouvait être un « bon instrument dans une démocratie, mais pas sur n’importe quel sujet ni dans n’importe quelles conditions », ajoutant qu’un débat serait lancé sur le sujet.
« La volonté du peuple de se réapproprier la parole et la décision politique »
Sans attendre, les députés LFI prévoient l’examen par l’Assemblée​ de leur proposition de loi constitutionnelle le 21 février prochain, dans le cadre de la « niche » réservée à leur groupe. La proposition de référendum, « qui figurait dans le programme "l’avenir en commun", est aujourd’hui massivement réclamée par les "gilets jaunes" » et « la mobilisation de ces dernières semaines témoigne de la volonté du peuple de se réapproprier la parole et la décision politique », font-ils valoir dans un communiqué.
Ces parlementaires prônent la possibilité « pour les citoyens de demander des référendums législatifs, abrogatoires, révocatoires ou encore permettant la convocation d’une constituante ». Le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé la semaine dernière son soutien à de tels référendums « permettant d’abroger une loi, d’en proposer une, et le droit de révoquer un élu, quel qu’il soit, du président de la République au conseiller municipal ». (source)
Non mais, vous avez vu ça ? 
"La proposition de référendum, « qui figurait dans le programme "l’avenir en commun", est aujourd’hui massivement réclamée par les "gilets jaunes"

Pour ma part, je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu J.L. Mélenchon insister sur la mise en place d'un referendum d'initiative populaire ou citoyenne, hormis ses incantations sur la 6ème République, incantations qui datent du début des années 1990 !

Citation :
À présent le mouvement (Gilets Jaunes) a gagné une hégémonie de consentement qui se lit dans les sondages d’adhésion à son action. Ce niveau signe une déroute totale du plan d’usure et de ras-le-bol que menait le gouvernement.
Ce fut notre constat mercredi soir quand nous avons reçu un courrier bien spécial à l’Assemblée nationale. C’était le document listant les revendications émanant de citoyens ayant part au mouvement des gilets jaunes. Sa lecture montre à quel point les demandes populaires exprimées dans le mouvement dépassent maintenant la baisse des taxes sur les carburants. Au fond, celle-ci a fonctionné comme un déclencheur d’aspirations bien plus larges. Deuxième constat troublant pour nous : la quasi-totalité des revendications listées recoupent les propositions du programme de la France insoumise, L’Avenir en commun... (source)

Et là, on s'interroge : 'la quasi-totalité' ? En sont-ils si sûrs ? Y compris les propositions inspirées - dit-on - de l'extrême-droite ?
Sur l’immigration, on peine à reconnaitre l’influence de l’extrême droite dans ce document. Le document des gilets jaunes est positionné sur les lignes de force défendues par le groupe Insoumis. Il propose, comme nous « que les causes des migrations forcées soient traitées ». Il demande que « les demandeurs d’asile soient bien traités ». Comme le réclamaient notre amendement pour la création de centres d’accueil aux normes internationales, défendu lors de la discussion sur la loi asile et immigration. Enfin, les gilets jaunes veulent que la Patrie fasse des efforts pour intégrer les nouveaux arrivants. C’était aussi notre idée lorsque nous avons demandé, toujours au moment de la discussion sur la loi asile et immigration, la mise en place d’ateliers de sociolinguistique dédiés... (source)
'Ateliers de sociolinguistique dédiés'... Ah bon ? Ils en parlent, les Gilets Jaunes ?
Surtout, les gilets jaunes insistent sur une mesure de récupération du pouvoir pour le peuple : le référendum d’initiative populaire. Cela faisait partie de nos amendements phares lors de la discussion sur la révision constitutionnelle. Nous l’avions proposé sous sa forme nationale et locale, pour proposer une loi, abroger une loi ou révoquer un élu. Tout cela a été balayé d’un revers de la main par les députés automates qui ne pensaient à l’époque qu’à adopter en vitesse le projet de leur chef. (source)
Entre nous, il suffit de consulter quelques archives pour se persuader que J.L. Mélenchon est passé maître dans l'art du louvoiement : le referendum façon Mélenchon n'a jamais signifié autre chose qu'une procédure fortement encadrée, en tout cas singulièrement corsetée.
L'arme du référendum est fréquemment désignée par les candidats à la présidentielle. Pour Jean-Luc Mélenchon, il s'agit d'une vieille proposition, indispensable selon lui pour davantage associer le peuple dans les prises de décisions. Soutenue par 35 % des sympathisants, l'idée vise à engager par référendum le processus de réunion d'une Assemblée constituante. (source)
  • Le camp assez disparate de ceux qui n'arrivent pas à se forger une opinion sur la démocratie directe (à droite le parti des Républicains, à gauche les Socialistes, Communistes, Trotskystes), et dont le silence radio en dit long sur l'inconfort de leur situation actuelle. 
Quant à la gauche, ou à ce qu'il en reste, elle a si souvent louvoyé, depuis Le Coup d'Etat permanent signé François Mitterrand, aux errements barbouzards du même Mitterrand (cf. l'attentat contre Greenpeace, la Françafrique, etc.) et de ses épigones (Jospin, Hollande), qu'à part Ségolène Royal, qui tente de reprendre pied en politique, l'état de léthargie dans lequel baignent tous les autres semble être parti pour durer. 
  • Le camp gouvernemental, à vrai dire, incarné par un seul homme (étant donné le mutisme absolu de la clique de godillots baptisée LREM) : le ci-devant roi de France, dont on voit bien qu'il joue sa survie politique, pour peu que les Gilets Jaunes maintiennent leur exigence de voir s'instaurer un R.I.C. Le fait est que le président de la République est le seul à pouvoir enclencher la procédure en question. Euh, le seul ? À dire vrai, pas vraiment. Voyons ce que dit la Constitution :
Article 89 
L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. 
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. 
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision.
Compte tenu de ce qui précède, comment doit-on interpréter la débauche verbale dans laquelle l'actuel hôte de l'Elysée semble vouloir se complaire à travers cette chose pompeusement baptisée "Grand débat" ? 

Pour ma part, j'y vois d'abord et surtout du "grand blabla". Le problème de l'actuel président est qu'à force de prises de paroles sur à peu près tout et n'importe quoi (voyez mes papiers précédents à son sujet, notamment lorsqu'on le compare au taciturne Vladimir Poutine), le verbe présidentiel est devenu si peu perlocutoire (ou performatif) qu'il en est réduit à singer le fameux adage sur la confiture : "... moins on en a, plus on l'étale !".  

Mais maintenant que le R.I.C. est dans tous les esprits et sur le bureau de l'ensemble des partis politiques et des autorités gouvernementales, nous allons bien voir comment les choses vont se goupiller.

Art. 89 : "(...) sur proposition du Premier ministre"... Avez-vous compris que, contrairement à toutes les balivernes entendues ici ou là, proférées, notamment, par des politologues et autres politocrates, toute cette clique blablateuse qui enseigne à Science Po, le Président de la République n'était pas vraiment le maître des horloges en matière de révision constitutionnelle ?

Par ailleurs, étant donnée sa responsabilité en la matière, n'est-il pas étrange qu'à ce jour, aucun journaliste n'ait pensé à interroger l'actuel Premier ministre (Edouard Philippe) sur ses intentions éventuelles concernant une révision de la Constitution, qui tendrait vers plus de démocratie directe ?

Les Insoumis nous annoncent une proposition de révision constitutionnelle pour début février ? Wait and see. Ce qui veut dire que les deux assemblées vont devoir examiner le texte déposé par les Insoumis, ce qui permettra d'identifier précisément qui est pour et qui est contre l'avènement de l'initiative populaire en France, étant entendu que les Gilets Jaunes campent sur le principe d'un RIC en toutes matières.

Lorsque j'ai écrit tantôt à ce Gilet Jaune, en insistant sur la nécessaire dichotomie ou nécessité de hiérarchiser les faits, entre structure et conjoncture, j'avais précisément en tête qu' (et j'étais en attente d') une grande idée (d'ordre structurel : ici, l'expression du pouvoir et de la souveraineté en démocratie) (qui) viendrait "chapeauter" toutes les autres (d'ordre conjoncturel : les retraites, le prix des carburants, les APL, etc.), conformément à une organisation que l'on retrouve dans les matrioshkas russes, mais qui n'est pas du tout une invention russe, mais égyptienne !

Et à ce stade de notre feuilleton sur le mouvement des Gilets Jaunes, depuis l'effet de "coup de tonnerre" provoqué par l'apparition de ce sigle à trois lettres et le branle-bas de combat qui en a résulté dans le Landerneau politico-médiatique, j'avoue ne pas avoir été déçu..., so far, comme on dit chez les Anglo-saxons, ou, pour reprendre la célèbre formule de feu Georges Marchais, j'estime que, pour l'heure, le bilan de ce mouvement est globalement positif !

Ai-je besoin de préciser que les temps qui viennent risquent d'être riches d'enseignements ? 




À suivre...



P.S. By the way, soit dit en passant, pour quelqu'un de peu bavard en temps normal, voilà que je me surprends moi-même à me laisser secouer par les Gilets jaunes, au point de pondre des textes longs (celui-ci compte 5599 mots). Fort heureusement, je suis plutôt bon dactylographe !


vendredi 9 septembre 2016

Marine Le Pen et le syndrome de la laisse sur le cou du chien

(Introduction >> suite 01 >> suite 04 et fin)

Cet article a été entamé le 30 août 2016 mais risque de prendre la forme d'un feuilleton... Et si vous êtes familiarisé(e)s avec ce blog, alors vous savez qu'il peut m'arriver de faire de longues pauses, selon mon inspiration.

Il se trouve qu'il y a peu, j'ai été amené à écrire à une personnalité politique française - ancien ministre ou ministre en exercice, à vous de deviner...- et j'extrais de ce courrier ce qui suit :
(...) À vrai dire, ce n’est pas au ministre que je m’adresse, mais au responsable politique. 
Pour ne rien vous cacher, moi, qui suis un fervent adepte de la pensée de gauche – pas la gauche bonapartisée (le bonapartisme est un concept de droite !) des Mitterrand, Rocard, Jospin, Chevènement… voire Montebourg, ni la gauche dogmatique et ringarde des marxistes-léninistes et autres trotskistes –, j’en suis venu à penser que la seule chose qui pourrait engager durablement le redressement de la France, ce serait un tsunami, qui pourrait prendre la forme d’une victoire de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle. 
En attendant, je vous observe et constate que vous n’avez encore rien dit d’essentiel, à l’instar de la totalité des responsables politiques de ce pays, sauf un… 

J'en vois qui se perdent en conjectures et manquent d'avaler de travers, mais, visiblement, ils et elles ne doivent pas m'avoir lu depuis un certain temps, parce que cette thèse, je l'ai déjà affichée ici, il y a un certain temps. Mais, surtout, les habitués de ce blog connaissent le peu de considération que m'inspire la clique immonde qui dirige ce pays depuis bientôt soixante ans (1958-2018), et dont l'un des tout derniers "exploits" est la destruction méthodique d'un pays africain, la Libye, il y a de cela cinq ans.

Mais commençons par cet étrange titre : "Marine Le Pen et le syndrome de la laisse sur le cou du chien".

Avez-vous jamais observé des chiens tenus en laisse par leur propriétaire dans quelque jardin public ? Si ce n'est pas le cas, je vous invite à le faire et à retrouver ce papier dans quelque temps, après que j'y aurai ajouté quelques paragraphes.

... À suivre


Suite 01

Bien sûr que vous avez déjà eu l'occasion d'observer des chiens se croisant dans la rue ou sur une allée quelconque. Et là, chacun des propriétaires s'évertue à tirer sur la laisse de son protégé, afin de l'éloigner le plus possible du congénère arrivant en face.

Je me promène, un jour, le long d'un de ces torrents qui dégringolent des pentes des Alpes, quelque part entre Autriche et Bavière. Ces gens-là sont de gros marcheurs et adorent les randonnées dans la nature. Au sein de notre groupe, il y a un chien, ce chien très courant, notamment dans les feuilletons télévisés. Son propriétaire le laisse divaguer librement sans le tenir en laisse, lorsque je le vois s'énerver subitement et rappeler l'animal, qu'il s'empresse d'attacher de nouveau. Je lève la tête et comprends pourquoi mon ami s'énerve : au détour d'un sentier, un autre groupe de randonneurs vient dans notre direction, lui aussi accompagné d'un chien.

Je me tourne vers le camarade au chien et lui dit calmement : "quand je te ferai signe, tu libéreras le chien." Il me regarde, éberlué ; je dois, donc, insister : "Tu libères le chien dès que je te fais signe !", et je cours en direction du groupe d'en face et demande au propriétaire de l'autre chien s'il veut bien libérer l'animal. Même regard éberlué et je dois insister de nouveau : "Bitte, lassen Sie den Hund frei laufen!" (S'il vous plaît, libérez le chien !). Il s'exécute et je fais un signe de la main à mon ami, qui libère son chien.

Et là, je ne vous raconte pas l'espèce de silence angoissé qui a suivi. Voilà les deux chiens qui galopent l'un vers l'autre, puis qui s'arrêtent pile, s'observent durant quelques secondes, puis se mettent à tourner l'un autour de l'autre, en se reniflant l'arrière-train. Et là, l'un des deux se lance dans un sprint, suivi par l'autre, chacun s'amusant à changer brusquement de direction, immédiatement imité par l'autre.

Vous avez compris ? Les deux animaux jouent !

Explosion d'hilarité dans les deux groupes. Je dois dire que tout le monde était plié en deux, probablement en réalisant combien l'humain est un animal bien bizarre, en tout cas, bien stupide !

Bien évidemment, je fus assailli de questions, dont celle-ci : "Mais comment as-tu deviné ?". Et moi de rétorquer : "mais deviné quoi ? Que le chien est un animal joueur ? Est-ce que vous vous rendez compte que ces pauvres bêtes passent le clair de leur temps attachées contre un mur, et voilà qu'on les emmène en promenade et qu'elles croisent un petit camarade, voire une petite congénère, et vous ne pensez pas qu'ils vont se dire : "Chouette, de la compagnie, enfin !"".

Et, pour bien faire comprendre à la compagnie que je n'avais rien inventé, je leur ai rappelé les travaux d'Ivan Pavlov sur les chiens. Et voilà que l'objection fuse : "mais Pavlov a surtout travaillé sur le réflexe de salivation, généré par un stimulus secondaire (nb.: il y avait quelques scientifiques dans le groupe, dont des universitaires.), sous la forme, par exemple, d'une clochette." 

Et pourtant, nous sommes bel et bien dans le cadre des travaux de Pavlov, que je m'étais permis d'extrapoler quelque peu.

"Et c'est quoi ta nouvelle théorie ?", m'a-t-on demandé.

C'est très simple : il suffit d'observer deux chiens tenus en laisse dans un endroit public : dans la quasi-totalité des cas, les propriétaires ont le réflexe (!!!) de tirer sur la corde, pour éloigner leur animal de l'autre congénère. Et là, qu'observez-vous dans la quasi-totalité des cas ? Deux chiens qui se mettent à aboyer, se montrent agressifs, tirent plus fort sur la laisse, sortent les crocs. C'est particulièrement flagrant sur la première des images.




En clair, chaque fois qu'ils sentent cette secousse au niveau du cou, les chiens comprennent : "attention, danger !", et sortent les crocs, alors même que, bien souvent, le geste de se diriger vers l'autre animal n'est mû que par l'envie de jouer, comme l'épisode relaté plus haut le démontre.

Sur la troisième des images visibles ci-dessus, ont voit deux chiens bien tranquilles, voire presque apeurés, mais ce n'est qu'un leurre : en fait, nous sommes sur un site de dressage, et les trois personnes qu'on aperçoit là sont des dresseurs, l'exercice consistant à faire exécuter aux chiens l'exact inverse de ce qu'ils auraient fait "en temps normal", c'est-à-dire entre les mains de propriétaires pas très "futés". 

Moralité : sauf en cas de dressage particulièrement pointu, la laisse autour du cou est un outil dangereux, qui rend l'animal particulièrement sensible à l'agressivité de son maître, laquelle se transmet inexorablement le long de la corde. Mais une fois la laisse retirée du cou, le stimulus "Attention danger !" disparaît, et l'animal se comporte comme tout chien pas trop abruti par un maître débile : trop content de s'être trouvé un compagnon de jeu, il pense d'abord à s'amuser.

Et comme preuve que ma théorie n'a rien de débile, je raconte à mes camarades cet épisode tragique d'une gamine d'une dizaine d'années, égorgée par le molosse de ses voisins, molosse qui avait pratiquement le même âge qu'elle, et avec lequel elle avait joué des années durant, sans que rien de grave ne se passe.

Sauf que, ce jour-là, le chien était attaché contre un mur, quand la petite a voulu lui faire des papouilles en franchissant le portail des voisins. Le chien voit la gamine s'approcher de lui. En temps normal, ils auraient joué ensemble. Sauf que là, l'animal est attaché, et qu'il tire sur la corde. La suite, vous la devinez sans doute.

Le choc de la laisse au niveau du cou, et le réflexe "Attention danger !" qui fait "tilt" dans le cerveau du chien. Où la chose devient dramatique c'est qu'à ce moment précis, la fixation sur le mur cède, libérant le chien, qui fonce sur l'enfant pour l'égorger. 

Ivan Pavlov avait raison !

Moralité (provisoire) : les chiens dangereux, tenus ou non en laisse, devraient systématiquement porter une muselière, sauf lorsqu'ils boivent ou mangent !

Mais j'en vois d'ici qui s'interrogent sur le lien entre le choc de la laisse sur le cou du chien et Marine Le Pen.

En fait, il s'agit moins de Marine Le Pen que de toute une catégorie de personnes, dont les militants du Front National sont d'excellents spécimens, attitude (double, puisqu'elle a sa réplique en miroir) qui pourrait, à elle seule, expliquer le fameux "plafond de verre" auquel les candidats du Front National sont régulièrement confrontés lors de grandes occasions électorales.

Et, pour illustrer mon propos, je pourrais prendre l'exemple de la défaite de Marion-Maréchal Le Pen en région PACA, lors des dernières élections régionales.

Et dire que, sans ce foutu réflexe "pavlovien" de la laisse sur le cou du chien, Marion-Maréchal L.P. aurait survolé cette élection (à moins de dix points de la majorité absolue au premier tour, avec plus de 48 % d'abstention !). En tout cas, voilà ce que je me ferai un plaisir de lui expliquer tantôt. Mais je n'oublie pas un certain Robert Ménard, à qui je conseillerais volontiers de se débarrasser, fissa, de cette horrible corde qu'il a, lui aussi, autour du cou !

À suivre...  


Suite 02

Pour résumer le chapitre précédent, rappelons les expériences d'Ivan Pavlov, lequel a mis en évidence la faculté pour un dresseur d'induire un comportement, moyennant la substitution d'un stimulus (facteur déclencheur d'un comportement) par un autre. Dans le cas du chien, le stimulus principal, la nourriture, provoquait un réflexe de salivation. En accompagnant de stimulus principal par un stimulus secondaire ou accessoire (un son de cloche), il s'est avéré possible d'induire le réflexe de salivation à l'aide du seul stimulus secondaire.

Voilà comment j'ai expliqué mon extrapolation sur le comportement des chiens, à partir des expériences de Pavlov. Dans notre cas, nous sommes en présence d'un syndrome double, ou en miroir, dans la mesure où nous avons deux chiens se faisant face, deux maître(sse)s et deux laisses. Et à chaque fois, chacun des chiens fait le geste de se diriger vers son congénère, au grand dam des maîtres, lesquels, dans l'immense majorité des cas, ne trouvent rien de plus intelligent (!!!) à faire que de tirer nerveusement sur la laisse afin d'écarter leur chien du chemin de l'animal arrivant en face, ce qui pourrait être illustré par une image parfaitement symétrique : deux animaux, deux laisses, deux maîtres, deux névroses !



L'expérience que je relate plus haut peut être répétée à l'envi, et me permet d'affirmer qu'il est rarissisme de voir deux chiens de taille à peu près comparable et non tenus en laisse s'affronter violemment en dehors d'un contexte les prédisposant à cet effet (aire de combats de chiens ou provocation délibérée par l'un des maîtres, ou encore dispute d'une friandise quelconque).

Mais, à l'inverse, constatons que, dans l'immense majorité des cas, le geste brutal des propriétaires écartant brusquement deux chiens venant en face l'un de l'autre, se traduit par une manifestation d'agressivité chez les deux animaux. Et je suis en mesure d'affirmer que cette agressivité peut être déclenchée à tout moment, même en l'absence d'un congénère, pour peu qu'un animal ressente une secousse due à une brusque tension de la laisse au niveau du cou.

J'en déduis une recommandation importante à destination des propriétaires de chiens potentiellement dangereux : le seul et unique instrument susceptible d'éviter des catastrophes est la muselière, que l'animal doit porter en permanence, sauf au moment de s'alimenter ou de s'abreuver.

Mais j'en vois qui en sont encore à attendre l'explication du titre et le rapport entre les chiens et Marine Le Pen.

Nous allons progressivement y arriver : il se trouve que je ne regarde pas souvent la télévision, mais que je consulte assez souvent l'Internet, ce qui m'a valu de lire, récemment, ce qui suit :
Le maire de Béziers n'hésite pas à parler de « seuils de tolérance ». (Photo EPA) Le maire de Béziers, Robert Ménard, élu en 2014 avec le soutien du FN, et qui avait suscité la polémique en mai 2015 en évoquant la proportion des enfants de confession musulmane scolarisés dans sa ville, est revenu à la charge, hier, sur LCI. « Être français c'est aussi, comme le disait le général de Gaulle, être européen, blanc et catholique, bien sûr », a estimé l'élu, répondant à la question « Être français, c'est être blanc ? ». « C'est pas que ça, mais écoutez, dans une classe du centre-ville de chez moi, 91 % d'enfants musulmans, évidemment que c'est un problème, il y a des seuils de tolérance », a-t-il poursuivi. Dans un tweet jeudi, jour de la rentrée des classes, Robert Ménard avait déjà écrit : « #rentreedesclasses : la preuve la plus éclatante du #GrandRemplacement en cours. Il suffit de regarder d'anciennes photos de classe ». « Bien sûr que les gens n'ont pas envie de vivre ensemble ! »... (Source


Sous réserve d'exactitude des propos rapportés ici, je constate que le maire de Béziers, soutenu en son temps par le Front National de Marine Le Pen, parti dont il n'est pas formellement membre, répète à l'envi des saillies sur la présence de sujets auxquels il semble systématiquement vouloir attribuer une religion, le tout à partir de critères que, personnellement, je juge discutables. 

Le problème est que cet ancien animateur de Reporters sans frontières, dont je ne connais pas vraiment le bagage intellectuel (je pense à cette fameuse rigueur que tant de journalistes affichent en bandoulière...), a souvent tendance à prendre ses lubies pour des réalités, à commencer par cet étrange penchant consistant à attribuer une religion à des enfants âgés tout au plus d'une dizaine d'années, leur attribuant, d'office, ce qu'il croit être la religion de leurs parents.

Mais j'en entends qui vont me rétorquer que Ménard n'est en rien le porte-parole du Front National, ce qui est rigoureusement exact. Dans ce cas, faisons appel à une autre source : Marion Maréchal-Le-Pen, députée du Vaucluse. Là encore, je me dois de citer indirectement :
Marion Maréchal pense que les catholiques sont au-dessus de tout. Y compris de la République. C’est en ce sens qu’il faut lire et comprendre sa dernière sortie dans le journal Présent, relative à la supériorité des catholiques sur les musulmans : "Il faut accepter de définir et de revendiquer quel est notre héritage et quelle est notre identité. Ça passe par l'affirmation de notre héritage gréco-romain et chrétien. Il faut dire que la France est une terre culturellement et très longtemps spirituellement chrétienne".
Et de décréter: "Et dans ces conditions, si des Français peuvent être musulmans et exercer leur foi, il faut qu'ils acceptent de le faire sur une terre qui est culturellement chrétienne. Ça implique aujourd'hui qu'ils ne peuvent pas avoir exactement le même rang que la religion catholique". (Source)

Admirons, au passage, le fait que Madame Maréchal-Le-Pen associe, dans un même mouvement, la filiation gréco-romaine, d'une part, et l'héritage chrétien, de l'autre. Entre nous, je ne suis pas certain que les pères de l'Eglise catholique aient cautionné cette association "oxymorique" entre le paganisme des "gréco-romains" et le monothéisme exterminateur (excusez le pléonasme !) professé par le judéo-christianisme (cf. "Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai fait sortir de la maison de servitude ; tu n'auras pas d'autre dieu devant ma face !" ; le fils de pasteur que je suis a encore un peu de mémoire concernant les enseignements paternels ; voir Deutéronome 5, Exode 20, etc.).

Et puis, il y a ce glissement de sens, qui voit Marion Maréchal-Le-Pen passez allègrement de la "terre culturellement chrétienne" à la "religion catholique", faisant l'impasse sur les chrétiens d'Orient, majoritairement orthodoxes, et sur la nuée des héritiers de Martin Luther !

Le fait est que tant Marion Maréchal Le Pen que Robert Ménard - et ils ne sont pas les seuls - sont parfaitement représentatifs de ce fameux syndrome de la laisse sur le cou du chien, qui les incite à sortir les crocs face à un animal arrivant en face alors même qu'il peut être prouvé que le seul fait de retirer la laisse modifie du tout au tout le comportement des animaux concernés.

Voyez comment Marion Maréchal Le Pen s'est privée d'une victoire annoncée en région Paca, elle qui n'était qu'à une petite dizaine de points d'un triomphe espéré, et imaginez ce qui se serait passé si, retirant la laisse qui lui enserrait le cou, elle s'en était allée visiter les cités ouvrières de sa région, pour y rencontrer ces habitants issus de cultures diverses, dont beaucoup de musulmans, souvent fort jeunes, qui ne demandaient qu'à...

Le fait est que quand Ménard affirme avoir 92 % d'enfants musulmans dans une classe, j'imagine qu'il est conscient du fait que la quasi-totalité d'entre eux sont voire seront des citoyens français, donc de futurs électeurs.

Et nous voilà devant une manifestation concrète de ce syndrome en miroir évoqué plus haut : d'un côté, nous avons une personnalité politique qui laisse clairement entendre que telle catégorie d'électeurs (non catholiques) ne l'intéressent pas, alors qu'elle n'est qu'à dix points d'un triomphe électoral, de l'autre, nous avons des populations persuadées que Ménard, Maréchal Le Pen et compagnie sont des incarnations du diable et ne bénéficieront jamais du vote des Musulmans.

Et c'est là que j'inviterais volontiers les uns et les autres à se débarrasser de cette vilaine corde qui leur enserre le cou.

Le fait est que, contrairement à ce que pas mal de gens pensent, la présumée répulsion manifestée par les "immigrés", et singulièrement les Musulmans de France à l'égard du Front National est souvent exagérée, ainsi que j'ai pu le vérifier de visu en avril 2002, lors d'une manifestation que j'ai déjà relatée quelque part sur ce site, à savoir la mobilisation du téléphone "arabe" en faveur de Jean-Marie Le Pen lors du premier tour de la présidentielle de 2002, le tout, dans le seul but d'en finir avec Lionel Jospin.

22 avril 2002 : je ne sais pas si vous avez déjà entendu quelques dizaines de femmes berbères faire "youyouyou...", en tout cas, je peux vous garantir que c'est bien plus sonore qu'un Airbus A380 au décolage !

À suivre...

Suite 03

Le problème des préjugés, c'est qu'ils ont la peau dure ; il se trouve que mon premier métier est la pédagogie, et qu'un bon pédagogue doit pouvoir venir à bout de tous les caractères réfractaires.

Une des manifestations de ces caractères réfractaires bourrés de préjugés est, par exemple, le comportement "pavlovien" de tant de gens dans la mouvance dite d'"extrême droite" (expression dont je n'ai jamais vraiment saisi le sens. J'entends dire, par exemple, que le FPÖ autrichien serait d'extrême droite ; or, j'ai longtemps vécu en Autriche, et ne me souviens pas d'avoir constaté quoi que ce soit d'extrémiste au sein de ce parti dit "fédéral" ou "fédératif", sur la même base que son alter-ego allemand, le FDP !), je pense à des groupuscules du type "Riposte Laïque" ou "Français de souche"..., qui croient pouvoir se dresser systématiquement contre tout ce qui a un lien avec l'Islam, oubliant, par exemple (cf. Riposte Laïque) que l'Islam sunnite est une religion à 100 % laïque !

Ce comportement absurde se manifeste également chez des élus, ce qui est déjà plus étrange, car, pour se faire élire, il faut absolument "rassembler" le plus grand nombre d'électeurs. Mais bon, il faut croire que d'aucuns, à l'instar de Robert Ménard et de quelques autres, pensent qu'on peut toujours se faire élire en profitant d'une triangulaire, c'est-à-dire en se contentant d'une majorité relative. Quelle piètre conception de la démocratie !

Voilà comment, par exemple, Marion Maréchal Le Pen a préféré se faire battre aux dernières élections régionales, mue par sa répulsion pour ce qui s'apparentait à ses yeux à un vote honteux, à savoir le vote "arabe", "africain" ou "musulman".

Mais, du côté d'en face, on retrouve également les mêmes réflexes pavloviens, de la part d'une population généralement de Français d'origine étrangère, qui se persuadent ou que l'on persuade que le Front National, c'est le mal absolu...

C'est, donc, pour convaincre ces groupes qu'ils sont dans l'erreur que je m'en vais de nouveau relater un événement dont j'ai été le témoin direct, événement que j'ai dû déjà raconter quelque part ici même ; il se trouve que cet (ancien) article est l'un des plus visités de ce blog...

Nous sommes, donc, en avril 2002, en ce fameux dimanche du premier tour de la présidentielle française. Je pratique le soutien scolaire - disons plutôt la remise à niveau ! - depuis pas mal de temps déjà, dès lors que j'estime que c'est la meilleure couverture pour faire de la sociologie in situ, c'est-à-dire sur le terrain, contrairement à ce que font tous les 'mauvais' sociologues, qui se contentent de planquer dans des bureaux climatisés, pour éplucher des statistiques et des sondages.

Je passe ce dimanche dans une cité ouvrière de la banlieue sud de Paris. Je me souviens encore de l'énorme assiette pleine de couscous, dont je ne viendrai jamais à bout. Il a pas mal de monde dans l'appartement, voire à l'étage, avec énormément de va-et-vient. Presque tout le monde vient du Maghreb. Durant tout l'après-midi, un homme ne cesse de répéter : "Vous allez voir, vous allez voir !".

20 heures, les premières estimations du premier tour tombent, et là, avant de voir, j'ai surtout entendu..., je veux parler des youyous des femmes : sur tout l'étage, des dizaines de femmes faisaient "youyouyou..." en découvrant que Lionel Jospin était arrivé derrière Jean-Marie Le Pen. Et là, je vous garantis qu'un Airbus A380 au décollage est encore moins bruyant que tous ces gosiers déchaînés !

Bien évidemment, je pose des questions, notamment au monsieur de tout à l'heure, qui me répond, hilare : "Qu'est-ce que je vous disais ?".

L'explication ? Le téléphone arabe ! Tout ce petit monde avait voté et fait voter pour Le Pen, afin de terrasser Jospin.

Mais pourquoi donc ?, ai-je demandé.

Pourquoi ? Pour avoir osé insulter Hizbollah - j'ai appris à l'occasion qu'on ne disait pas "le Hezbollah" mais "Hizbollah", sans article. -, ce mouvement de résistance libanais, dont le harcèlement avait mis fin à un quart de siècle d'occupation du Liban Sud par Israël. Par conséquent, pour beaucoup d'Arabes à travers le monde, Hizbollah, ce sont des héros. Alors, quand Jospin s'en va en tournée au Proche-Orient, et ne trouve rien de plus intelligent à faire que de traiter Hizbollah  de mouvement terroriste, il se fait caillasser par la foule et doit déguerpir comme un rat, la queue entre les jambes.

Et voilà comment des "Arabes de France" avaient lancé une fatwa contre Jospin. Curieusement, aucun analyste politique n'a évoqué ce fait, tout le monde n'insistant que sur l'éparpillement des voix provoqué, au détriment de Jospin, par Chevènement et Taubira.

Or, moi, je peux vous certifier, pour l'avoir vu de mes propres yeux, que Le Pen a bel et bien bénéficié de voix "arabes" lors de ce fameux premier tour de la présidentielle de 2002.

C'est une des raisons pour lesquelles je comprends mal que, du côté du Front National, d'aucuns s'ingénient à pratiquer un ostracisme bien imprudent à l'égard de certains Français d'origine étrangère, persuadés qu'ils sont que ces Français-là "ne voteront jamais pour le FN". Colossale erreur !

Il se trouve que, nombreux sont les "Arabes de France", et au-delà, les Français originaires des anciennes colonies, à constater et à déplorer que, tant la gauche que la droite persistent à entretenir, ici ou là, une pratique néocoloniale teintée de barbouzardises en tous genres. Voyez la Libye hier, et la Syrie aujourd'hui.

La presse française, notamment gouvernementale (radio et télévision) s'est bien appliquée à faire motus sur l'affaire, mais on a quand même appris que trois "agents" français étaient morts lors d'un étrange accident d'hélicoptère en Libye, ce qui a suscité la protestation immédiate du gouvernement légal du pays. Nous savons, par ailleurs, que la France fricote avec diverses factions combattantes en Syrie. La presse française a beau faire "motus" sur ces tripatouillages de bas étage, il se trouve que le formidable essor de l'Internet ainsi que de la télévision par câble et satellite font qu'aucune des barbouzardises françaises au Proche-Orient et en Afrique n'échappe désormais aux organes de presse arabisants très influents sur toutes les plate-formes mondiales.

D'aucuns ont pu s'étonner de de voir de nombreux (ir)responsables socialistes, dont Manuel Valls, premier ministre, s'aligner sur les arrêtés d'interdiction du "burkini" pris par divers maires, notamment de droite. Est-ce pour repousser les Arabes et Musulmans dans l'abstention que ce petit monde donne l'impression de vouloir se serrer les coudes, étant entendu que si les Arabes ont pu faire battre Jospin naguère, ils pourraient fort bien rééditer leur geste dès 2017 ?

En intitulant ce papier "Marine Le Pen et le syndrome de la laisse sur le cou du chien", j'ai voulu faire comprendre à la présidente du Front National que, contrairement à un Robert Ménard ou à tel maire FN, qui croit pouvoir se passer du vote des musulmans, dès lors qu'il peut toujours se contenter d'arriver en tête d'une triangulaire, tout(e) candidat(e) à la présidence de la République a impérativement besoin, pour l'emporter, de totaliser 50 % des voix, plus une. 

Il se trouve qu'en 2002, le "sulfureux" Jean-Marie Le Pen a bien réussi à convaincre un certain nombre d'Arabes de France de voter pour lui dès le premier tour de la présidentielle. Pour ma part, je ne comprendrais vraiment pas qu'avec sa stratégie dite de "dédiabolisation", Marine Le Pen fasse, en matière de séduction des Musulmans, et plus généralement, des Français originaires du grand Sud, moins bien que son père, et ce, d'autant plus qu'elle n'est pas à court d'arguments pour séduire un public dont on croit, à tort, qu'il est irrémédiablement hostile au Front National.

Les politocrates et autres politologues me rétorqueront qu'il y a les sondages, dont aucun, pour l'heure, ne pronostique la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle.

Ah, les sondages !

Les habitués de ce blog savent pertinemment que je n'ai pas eu besoin des sondages pour dire (avril 2007) tout le mal que je pensais du futur vainqueur de la présidentielle, ni le peu de de confiance que m'inspirait (2012) un apparatchik socialiste terne et gris, pas du tout taillé pour le job, et qui passait le clair de son temps à singer François Mitterrand sur les estrades.

Voilà qui ne peut que me conforter dans mon intime conviction, à savoir que Marine Le Pen peut sortir victorieuse de la prochaine élection présidentielle, le tout, pour peu que, ici ou là, les uns et les autres s'appliquent à se débarrasser de d'a priori et de préjugés aux effets aussi dévastateurs qu'une laisse tendue, sur le cou d'un molosse... 


À suivre...


Suite 04 et fin (provisoire ?)

Commençons par une (double) parenthèse.

*** Une flambée de violence aux Etats-Unis.

Dans la rubrique : "Déjà vu... tant de fois !", voilà que diverses villes américaines sont placées sous couvre-feu à la suite d'échauffourées consécutives au meurtre d'hommes noirs par des policiers. 

Il me semble avoir consacré plusieurs articles récents à ce que j'ai baptisé "Syndrome de Ferguson", du nom de cette ville états-unienne qui avait connu son lot de dégradations et de jacqueries de la part de la communauté noire, et ce, à la suite de ce que vous devinez.

Et à chaque fois, on se dit "C'est quand même incroyable !".

Le fait est qu'il ne s'agit pas systématiquement de noirs abattus par des policiers blancs, puisque, récemment, à Charlotte, le quidam noir a été abattu par un policier, lui aussi noir. Pour preuve : les policiers états-uniens passent pour abattre autour de 700 quidams par an, soit deux par jour, dont un quart de noirs, donc trois bons quarts de non-noirs ! C'est dire si l'explication par le seul racisme est totalement inopérante, et pourquoi je lui préfère mille fois mon concept de "syndrome de la laisse sur le cou du chien."

Et comme je l'expliquais plus haut, ce syndrome a une structure en miroir, dans la mesure où les protagonistes fonctionnent toujours par couple : ici, on a un quidam lambda, souvent installé dans un véhicule automobile, lequel est cerné par des policiers vociférateurs, arme au poing, intimant au quidam lambda de bien vouloir avoir l'extrême obligeance de poser ses mains, bien visibles, sur le volant du véhicule, et de sortir du véhicule en levant les mains. Problème : avant même que le quidam lambda ait esquissé le moindre geste, voilà que notre escouade de policiers a vidé ses chargeurs sur le véhicule. Dans trois quarts de cas (quidams blancs, asiatiques ou hispaniques), la chose passe (apparemment) comme une lettre à la poste ; mais dans le quart restant, c'est l'émeute, le soulèvement des quartiers noirs, la mobilisation des militants de droits civiques et tutti quanti.

Et c'est là que l'endormeur public, vous savez ?, monsieur "Yes we can!", ou plutôt "No, we can't!", y va de son petit discours bien lénifiant, dont il a le secret. Comme quoi, Barack Obama (Obomba pour les intimes, de 'bombing') est plus fort dans l'art d'envoyer des drones assassiner des quidams aux quatre coins du monde que d'assurer la sécurité dans les quartiers populaires de son propre pays !

Barack Obama ou l'impuissance faite homme (d'État) !


*** Citadelle

Retour en France, plus précisément, à Lille, où un groupuscule "identitaire" aurait décidé d'ouvrir un bar baptisé "La Citadelle", sorte de club fermé réservé aux seuls patriotes européens... Il paraît que ces quidams sont des sympathisants du Front National.

Et moi de penser qu'à l'instar de certains élus mentionnés plus haut, ces olibrius ne doivent pas savoir compter et n'ont pas tiré les leçons des échecs récurrents du FN au cours des dernières années, notamment lors de élections départementales et régionales, où les élus FN se sont systématiquement heurtés à ce que d'aucuns appellent un "plafond de verre"...

Les gens de la Citadelle ignorent, donc, que la France n'est pas peuplée que de Caucasiens à peu blanche, de même que, ne lisant pas mon blog, ils ignorent tout de la mobilisation de pas mal d'"Arabes de France" en faveur de Jean-Marie Le Pen lors de la présidentielle de 2002.

Donc, si j'ai bien compris ces jeunes gens, les voix de ceux qui n'appartiennent pas à leur catégorie sont à rejeter en bloc. Du coup, on comprend mieux pourquoi ils n'osent pas se jeter dans le bain politique, persuadés qu'ils sont que leur groupuscule ne sera jamais majoritaire lors d'une élection, majorité voulant dire : 50 % des voix plus une !

Mais si j'ai bien compris leur stratégie du repli identitaire, ils voudraient voir Marine Le Pen appliquer la même politique et se faire irrémédiablement battre à la prochaine présidentielle ! 

Étonnants "patriotes" désireux de voir perdre leur camp aux élections !

Et, là encore, le syndrome de la laisse sur le cou du chien va mettre, face au groupe précité, un clan tout aussi agité d'"antifascistes" et autres agités prêts à en découdre avec la "peste brune", puisqu'il semble que des manifestations agitées aient eu lieu à Lille pour empêcher l'ouverture du bar des identitaires.

Quand je vous disais que Pavolv avait raison !

(Fin de la parenthèse)


La conclusion de tout ce qui précède ?

Finalement, quand on y regarde d'assez prêt, il apparaît que Marine Le Pen n'est pas si extrémiste que ça ! Déjà qu'en son temps, Jean-Marie Le Pen avait manifesté sa volonté de ne pas couper les ponts avec certaines couches de la population française. Voyez cette archive datant de la campagne présidentielle de 2007.


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Du coup, on ne comprend pas très bien qu'en une dizaine d'années, le Front National rajeuni par et (dit-on) dé-diabolisé par Marine Le Pen n'ait pas réussi à amplifier le dialogue entamé par Jean-Marie Le Pen, au point qu'en entendant certains élus évoqués plus haut, on a l'impression d'un chantier laissa à l'abandon.

Pour ma part, l'expérience vécue "in situ" en 2002 me laisse à penser que Jean-Marie Le Pen avait eu raison de miser sur les Français d'origine étrangère, dont tout le monde sait pertinemment qu'ils comptent parmi les gros contingents d'abstentionnistes.

Le fait est que les abstentionnistes représentent, 'de facto', le premier parti de France, si l'on veut bien additionner les non inscrits, les inscrits qui ne votent pas et ceux qui votent blanc ou nul (environ 4,9 millions de Français ne sont pas inscrits ou croient ne pas l'être (données 2004), chiffre qui varie entre 10 % et 13,3 % du corps électoral sur les neuf dernières années ; source Wikipedia) : soit autour de 10 % de non inscrits, auxquels s'ajoutent autour de 20 % d'abstentionnistes...

Parvenir à séduire le premier parti de France, et si c'était là la clé de l'élimination par Marine Le Pen de ce fameux plafond de verre qu'on lui oppose à tout bout de champ ?


Prochain article : Marine Le Pen et le fameux "plafond de verre".