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vendredi 28 avril 2017

France. Présidentielle 2017. Lettre ouverte aux étudiants de 'Science Po'. §2

Mais pourquoi sont-ils donc si nuls ?

Voilà une question qui me taraude depuis belle lurette, notamment en périodes électorales.

Prenons cet illustre journaliste de télévision, qui présente le journal de 20 heures de la principale chaîne publique française, interrogeant Emmanuel Macron il y a quelques jours (25 avril 2017).

Question sur fond de panneau avec quatre visages de personnalités politiques françaises, et cette question du journaliste à Macron :

- Si je vous dis qu'un des quatre serait votre premier ministre en cas de victoire ?


Et là, j'ai pensé : "En cas de victoire, mais de quelle victoire : à la présidentielle ou aux législatives ?", mais j'avoue ne pas avoir attendu/entendu la réponse de Macron puisque j'ai "zappé" immédiatement, tout en pensant : "Pauvre crétin de journaliste !".

Bien évidemment, les forts en thèmes de 'Science Po' savent parfaitement, contrairement à bon nombre de journaleux, voire de politocrates, que la France ne disposera véritablement d'un gouvernement qu'au lendemain des législatives, si, d'aventure, une majorité claire s'installe à l'Assemblée Nationale. C'est précisément ce qui a conduit à l'invention de ce que j'appelle un oxymore : le concept de "majorité présidentielle".

Le fait est que, sans une majorité compatible avec son programme, le/la prochain(e) président(e) français(e) risque fort d'entrer en cohabitation, quelques semaines à peine après son intronisation.

La question du journaliste était, donc, parfaitement inepte !

Lui, je suis à peu près certain qu'il est passé par Science Po' : le sémillant Alain Duhamel, membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

Et le voilà qui se fend d'un commentaire tout à fait définitif : "Marine Le Pen progresse, mais ce n'est pas une victoire !". 

Et là, on a envie de lui crier : "Bravo monsieur Duhamel pour votre appétence pour les truismes, puisque Le Pen est arrivée deuxième et que personne n'a prétendu qu'elle ait été en quoi que ce soit victorieuse !"  


En fait, notre politocrate a fait encore plus fort dans le ridicule, puisqu'il est allé jusqu'à considérer que Le Pen avait en fait essuyé une certaine défaite, puisqu'elle aurait dû approcher les 30 % au premier tour (dixit les sondages, il y a un an) et qu'au final, elle se retrouve à 20 %, donc, elle a perdu des points !

Vous avez compris que notre politocrate comparait des choses absolument incomparables, à savoir des spéculations sondagières, d'une part, avec les résultats effectifs d'une élection, d'autre part ?

Alain Duhamel, ou l'art d'enfoncer des portes ouvertes !

Mais je voulais attirer l'attention des forts en thème de Science Po' sur une question précise, du niveau d'un cours d'ECJS au collège.

Prenons les programmes des deux candidats restés en lice pour le second tour de la présidentielle. L'exercice consiste à rechercher, pour chaque candidat, LA proposition phare dans chacune des rubriques suivantes, placées dans un ordre hiérarchique décroissant (non pas en termes d'importance mais d'un point de vue séquentiel : une chose d'abord, puis l'autre...) :

- quel État ? 
- pour quoi faire ?

Cela pourrait être présenté sous la forme d'un tableau :


Pour ma part, je pense y être parvenu après lecture du programme de Marine Le Pen (cf. Art. 5) ; mais j'avoue avoir eu plus de mal avec Emmanuel Macron !!!

Programme de Marine Le Pen (extrait)


Question : face à la volonté de Marine Le Pen d'instaurer une véritable démocratie directe, sur le modèle helvétique, avec son projet de "référendum d'initiative populaire", je ne trouve aucune proposition majeure de Macron sur le plan institutionnel.

Je me trompe peut-être, et auquel cas, j'entends bien que d'aucuns m'apportent la contradiction !



mercredi 19 avril 2017

France. Présidentielle 2017. Lettre ouverte aux étudiants de 'Science Po'

On dit encore Institut d'Etudes Politiques.

[Précision utile : j'ai prévenu la direction de 'Sciences Po Paris' de l'imminence de la parution de cet article.]

Les visiteurs de ce blog qui ne connaissent pas bien la France doivent savoir qu'outre son système universitaire classique, ce pays compte un nombre important d'instituts de l'enseignement supérieur où l'on n'accède que par le biais de concours fort sélectifs (culture élitiste oblige !), qu'il s'agisse de former des ingénieurs, des hauts-fonctionnaires, des militaires voire la fine fleur de l'Administration.

S'agissant des Instituts d'Etudes Politiques, on y enseigne la mouture la plus élaborée de ce que les collégiens connaissent fort bien sous le sigle : E.C.J.S. (Éducation Civique Juridique et Sociale), et que j'évoque souvent ici.

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Alors, comme ça, avec vos confrères et consœurs de l'ENA [certain(e)s fort(e)s en thème cumulant ou ayant cumulé les deux !], vous constituez la future élite politico-médiatique de la France !?

Permettez-moi de regretter qu'il se trouve si peu de scientifiques parmi vous. Après tout, pourquoi ne serait-ce, donc, pas possible ? Le fait est que la classe politique française est étonnamment pauvre en scientifiques de haut niveau ; tout au plus a-t-on aperçu, ici ou là, quelque ancien élève de l'Ecole Polytechnique (Valéry Giscard d'Estaing, Nathalie Kosciusko-Morizet), ce qui, de mon point de vue, ne veut strictement rien dire. Je doute, en effet, que le peu de temps passé à l'"X" suffise à pourvoir les élèves concernés du bagage requis pour être un scientifique de haut niveau, le plus important étant ce qu'on fait après être sorti de "Polytechnique". Par ailleurs, si je prends deux scientifiques de haut niveau ayant tâté de la politique : Claudie Haigneré et Claude Allègre, par exemple, je ne sache pas qu'ils soient jamais passés par Polytechnique. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'ils ne doivent pas avoir gardé un souvenir impérissable de leur passage dans la politique.

Mais où veut-il en venir ?, s'interrogent certains.

J'y viens !

Il se trouve que je suis persuadé, depuis pas mal de temps maintenant, que politique et science ne font pas bon ménage, dès lors que le discours politique se fonde sur des 'a-priori' idéologiques, tout le contraire du discours scientifique, lequel repose sur des 'a-posteriori'. C'est ainsi qu'Archimède ne dit pas "je trouverai !" mais "j'ai trouvé !", quand les politiques passent le clair de leur temps à s'envoyer des anathèmes du type : "Mais votre politique ne marchera jamais !", ou encore, s'agissant des projets européens de certaine candidate : "Les projets de M. L. P. avec la sortie de l'Union européenne vont être une catastrophe pour la France !", et patati et patata.

Vous comprenez maintenant pourquoi je me désole que fort peu d'entre vous aient une vraie culture scientifique ?

Mais au fait, pourquoi cette lettre ouverte ?

Tout simplement parce que, parmi vos illustres professeurs, anciens ou actuels, il y a de nombreux commentateurs politiques, caste fort prisée sur les plateaux de télévision et dans les studios de radios, notamment en période électorale.

Et là, j'avoue que si je devais attribuer une note à l'ensemble de nos grands politologues, dont certains enseignent voire ont enseigné à Science Po, aucun d'entre eux ne décrocherait la moyenne.

D'où une question lancinante : mais pourquoi diable vos (anciens) profs sont-ils aussi nuls ?

Vous me trouvez outrecuidant, d'oser ainsi jeter l'anathème sur la fine fleur de l'intelligentsia politique française ?

Je vais être plus précis.

Exemple n° 1 : le président de la République s'appelle Nicolas Sarkozy. Il a pour premier ministre François Fillon. Et voilà que le Landerneau se met à bruisser de mille rumeurs selon lesquelles Jean-Louis Borloo allait, incessamment, remplacer Fillon à Matignon. (Liens : 1  -  2)

Et nos grands "politologues", que je préfère appeler des "politocrates" d'y aller de leurs commentaires : "c'est normal, c'est le président de la République qui décide."

Et, à l'époque déjà, je pensais  : "Faux, archi-faux !". Lisez mon (autre) blog !

Evidemment que le président de la République ne doit pas - parce qu'il ne peut pas ! - virer son premier ministre.

J'en vois qui lèvent les yeux au ciel : "mais qu'est-ce qu'il raconte ! Evidemment que le président peut...".

Et moi, je vous dis qu'il ne peut pas ! Du reste, lors d'une fameuse interview assez "glamour", réalisée par l'animatrice Karine Lemarchand, sur la chaîne M6, Fillon a clairement martelé qu'une fois nommé, le premier ministre ne pouvait pas être destitué par le Président.

"Le premier ministre, une fois qu'il est nommé, ne peut pas être démis de ses fonctions par le président de la République... Il faut qu'il soit mis en minorité par l'Assemblée Nationale." (Source)

Et c'est là que nos grands politocrates vont s'empresser de dégainer..., quoi déjà ?, ben, l'article §8 de la Constitution de la Vème République.

Et c'est là que je les attendais au tournant. Car que dit ce fameux article, que je cite de mémoire ?
Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement... 
Le problème avec les politocrates, dont vous ferez partie, peut-être, si vous héritez des mauvaises habitudes de vos anciens, c'est qu'ils lisent les choses en diagonale.

Il se trouve qu'il y a cette expansion au groupe verbal fondamental - comme on dit chez les grammairiens - introduite par la préposition "sur" : "sur  la présentation par celui-ci...".

Syntaxiquement parlant, sans la proposition subordonnée qui le suit (alias "groupe verbal dépendant") [!!! Voir erratum infra], le groupe verbal fondamental ['il met fin à ses fonctions'] n'a pas de sens.

En bon français, en l'absence d'une présentation - au président de la République - par le premier ministre de la démission du gouvernement, ledit premier ministre ne peut pas être débarqué... En clair, c'est lui et lui seul qui a la main, et ce, malgré des décennies de conneries proférées par moult politologues, politocrates et/ou profs à Science Po ! 

Entendu, tantôt, à la télévision française (France 2), lors d'une émission dominicale consacrée à Edith Cresson, ex-premier ministre de François Mitterrand. Mme Cresson y a confié à Laurent Delahousse qu'on (Mitterrand) lui avait discrètement suggéré de présenter sa démission.

En voilà au moins un qui avait lu la Constitution ; rien à voir avec l'autre..., l'ancien de Normal Sup', l'agrégé de lettres classiques (Georges Pompidou), qui s'est permis de 'virer' un premier ministre (Jacques Chaban-Delmas) qui venait d'obtenir un vote de confiance à l'Assemblée Nationale ! 

Un autre qui ne semble pas avoir compris grand chose à la Constitution, c'est ce pauvre François Hollande (cf. ses confidences à des journalistes à propos de l'éviction de Jean-Marc Ayrault de Matignon). 

Tout le monde aura noté le recours à une formule volontairement floue ("quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !", dixit Martine Aubry) : "met fin à ses fonctions", plutôt que "le démet de ses fonctions". Il faut dire que ce simili-dictateur qu'était De Gaulle préférait avancer masqué !

Vous voulez savoir pourquoi le président de la République n'a pas à 'se séparer' d'un premier ministre ?

La réponse coule pourtant de source ; et c'est le genre de choses qu'on explique aisément à de petites têtes blondes ou brunes, en cours d'ECJS, je veux dire, au collège.  

En fait, l'explication est fort simple, ainsi que le suggère François Fillon dans l'interview précitée : nous avons à l'Elysée et à l'Assemblée Nationale deux instances tirant leur légitimité du suffrage universel. Or, l'Assemblée Nationale a le pouvoir de mettre un gouvernement en minorité, ce qui entraîne automatiquement la démission de toute l'équipe gouvernementale. On imagine mal que le Président de la République puisse se dresser contre l'avis souverain de la "représentation nationale" ! Car, sinon, cela voudrait dire qu'il y aurait un suffrage universel de première classe - inhérent au Président de la République - et un suffrage universel de seconde classe, dont se réclamerait l'Assemblée Nationale !

Mais c'est précisément ce qui rend la Constitution de la Vème République si bancale, avec cette cohabitation de fait entre deux émanations du suffrage universel direct, lesquelles, en principe, devraient jouir de pouvoirs égaux, avec toutes les difficultés que cela implique.

D'aucuns ont cru bon de contourner la difficulté en inventant ce monstre baptisé "majorité présidentielle"... Vous parlez d'un oxymore !

Mais ce n'est pas tout !

Entre nous, ça veut dire quoi ce "met fin à ses fonctions" ?

Imaginons un premier ministre observant la procédure de l'article §8 et présentant la démission de son gouvernement au Président de la République. Cela entraîne-t-il immédiatement la fin de ses fonctions ? Il me semble que le Président commencerait - en cas d'acceptation de la démission du gouvernement - par se mettre à la recherche d'un nouveau premier ministre.

Il se trouve simplement que les fonctions du premier ministre démissionnaire ne prennent fin que lors de la passation de pouvoirs sur le perron de l'Hôtel de Matignon. PAS AVANT !

Par conséquent, ce fameux article §8 de la Constitution de la Vème République a été fort mal rédigé... Et il n'est pas le seul dans ce cas ! Parlez-en, donc, avec vos profs !


Exemple n° 2

Avril-mai 2017 : la France est en période d'élection présidentielle.

De quelque côté que l'on se tourne, on n'entend que ça dans la bouche des journalistes, des politologues et des politocrates, sans oublier les inévitables instituts de sondages : "mais quel est le programme économique d'un(e) tel(le) ?", "mais un(e) tel(le) ne dit pas grand chose de son programme en matière de sécurité", "qu'un(e) tel(le) a le programme le plus convainquant en matière de santé", etc.

Et moi de me demander si ces gens ont vraiment lu la Constitution de la Vème République, laquelle ne consacre que quinze articles (sur 89) au seul Président de la République.

Ce que tout bon observateur peut constater, c'est que, depuis quasiment les origines, les candidats à la présidence de la République confondent leurs futurs fonctions, en cas d'élection, avec celles d'un (super)premier ministre, et le fait qu'aucun politologue ou politocrate, fût-il/elle prof à Science-Po, ne soit capable de le relever, me laisse tout bonnement pantois !

Par parenthèse, vous savez, bien évidemment, ce qu'est un "décret en conseil des ministres" ! Jetez donc voir un oeil... au hasard, sur... l'article §13 de la Constitution de la Vème République ! (Lien)

Ce que je constate, en tous cas, c'est que, sur lesdits "cinq grands candidats" à la présidentielle de 2017, j'en vois au moins quatre qui vont devoir, très vite, violer leurs promesses électorales, et ce, dès la livraison par le futur premier ministre de son discours de politique générale !

Alors, chers amis de Science-Po, on parie que j'ai raison ?! Parlez-en, donc, avec vos profs, et lisez la suite de mon analyse sur ce blog.


Erratum

Un certain "Canard" aurait rangé cela dans la rubrique "pan sur le bec" ! Je dois vous avouer que je suis un petit dormeur, soit autour de quatre heures chaque nuit. Et cette nuit-là, couché vers une heure du matin, je me réveille vers les cinq heures, quand, tout d'un coup, quelque chose dans ma tête fait "tilt".

Et là, j'entends la voix qui m'interroge : "Non mais, qu'est-ce que tu as écrit dans l'article ? "sur la présentation..." serait un groupe verbal !? Non, mais mon pauvre ami, il va falloir que tu révises tes cours de grammaire, niveau CM1 !"

Et dire que je faisais l'admiration de mes profs de français... Ils m'appelaient "le grammairien" !

Donc, bien évidemment, "sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement" est ce qu'on appelle un groupe prépositionnel ; pour être verbal, il aurait fallu qu'il comportât un verbe (!!). En fait, il y a eu une petite confusion mentale (dans ma tête) entre le substantif : "présentation" et le verbe correspondant : "présenter", ce qui a conduit à une sorte de court-circuit cérébral.

Question : mais pourquoi, donc, ne me suis-je pas contenté de corriger discrètement la bourde mentionnée plus haut ? Ben, tout simplement parce que j'ai une petite culture scientifique, et que, dans les sciences et techniques, on met toujours un point d'honneur à reconnaître qu'on s'est trompé ! Par ailleurs, nombreux sont les visiteurs de ce blog vivant à l'étranger, et comme tout le monde n'est pas forcément francophone ou -phile, je saute sur l'occasion pour aider ceux qui apprennent ou pratiquent un peu le français à s'y retrouver, voire à mieux comprendre cette langue un peu biscornue. Prof un jour, prof toujours !  



mardi 1 mai 2012

Nicolas S.: une certaine idée de la décadence française


L'hebdomadaire Marianne, en son numéro 784 du 28 avril 2012, offrait à ses lecteurs cette Une :


La honte de la  Vème République ? Je ne suis pas d'accord ! Présenter cet homme comme étant la honte de la Vème République relève, selon moi, d'une vision à courte focale. On peut ne pas aimer l'encore président de la République française, on ne peut pas considérer qu'il soit la quintessence de l'immoralité en politique. Ce serait là une approche purement conjoncturocratique, pour oser un barbarisme.

Je m'explique : depuis 2007, combien y a-t-il eu d'opposants politiques étrangers réfugiés en France et ayant disparu mystérieusement sans laisser de traces ? Combien d'attentats fomentés dans un pays ami, contre une organisation pacifiste, avec mort d'homme à la clé ? Combien d'écoutes téléphoniques extra-judiciaires organisées par et pilotées depuis l'Elysée ? Combien de dignitaires du régime retrouvés morts dans les circonstances les plus scabreuses ? Combien de familles morganatiques (extra-conjugales) vivant aux frais de la République avec la bénédiction de l'Elysée ? Etc. La liste n'est pas exhaustive.

Mehdi Ben Barka était un syndicaliste marocain réfractaire au régime d'Hassan II, et qui disparut mystérieusement en plein Paris, sans qu'on le revoie depuis. L'association pacifiste et écologiste Greenpeace a été l'objet d'un attentat meurtrier visant son navire amiral, le Rainbow Warrior, dans le port d'Auckland, en Nouvelle-Zélande. Les barbouzes responsables de l'attentat, qui a coûté la vie à un photographe, étaient françaises. Des écoutes téléphoniques ordonnées par et pilotées depuis l'Elysée ont bel et bien eu lieu, dans le but de protéger un secret sévèrement gardé, concernant l'existence d'une famille morganatique et d'une fille adultérine dont le père n'était autre qu'un président en exercice. Des dignitaires du régime morts de façon bien mystérieuse ? On pourrait citer  les ministres ou ex-ministres Joseph Fontanet et Robert Boulin, sans oublier François de Grossouvre, mort en plein palais de l'Elysée, ni le premier ministre en exercice, Pierre Bérégovoy, mort par suicide (?) un premier mai.

Tout ça s'est produit avant le mois de mai 2007. Et le moins qu'on puisse dire est que la France en a collectionnées, des barbouzadirses, depuis l'instauration de cette république, dite Cinquième, qui la fait tellement ressembler à ces républiques bananières, sucrières, cuivrières et militaires  sudaméricaines qui lui ont servi de modèle.

Un demi-siècle de barbouzardises en tous genres, couvertes voire initiées par le pouvoir. Et je n'ai même pas évoqué la Françafrique, avec tous ces dictateurs installés et protégés par la France, et ce, bien avant les indépendances, quand on pense, par exemple, à l'éradication de quasiment toute la génération des démocrates camerounais, vers la fin des années cinquante, de manière à assurer au futur dictateur Ahidjo et à son successeur un véritable boulevard (deux dirigeants en une soixantaine d'années !), le tout moyennant la destruction d'une partie de la forêt camerounaise à coups de bombes au napalm - expérimentées au Cameroun bien avant leur usage massif par les Américains au Vietnam !

Alors, quelle que soit mon aversion pour l'encore président de la République française, et n'en déplaise à l'hebdomadaire Marianne, moi j'aurais opté pour le titre : "La Vème République de la honte", en clair, pour une approche plutôt structurelle, ou structuraliste voire structuralisante (structure plutôt que conjoncture) du problème. En d'autres termes, j'aimerais que l'on cesse de toujours prendre les cas particuliers pour de la généralité au lieu de faire l'inverse : aller du général pour comprendre le particulier.

Il se trouve simplement que la France est le pays européen totalisant probablement le plus de condamnations émanant des juridictions communautaires, et vraissemblablement autant de condamnations que tous les autres pays de l'Union Européenne réunis. 

Et cela s'explique aisément, et c'est en cela que des analyses comme celle évoquée plus haut s'avèrent assez ineptes : la France étant le seul régime bonapartiste de toute l'Europe communautaire, un pseudo-alliage entre présidentialisme et parlementarisme, alors qu'il n'est ni l'un, ni l'autre ! De fait, dans un régime bâti sur le pouvoir d'un seul, qui n'a autour de lui que des comparses et des larbins, qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'un pouvoir qui sent qu'il n'a pas de limites aille toujours plus loin dans l'outrance ? Ce qui fait qu'un jour, on annonce, sans que personne dans votre entourage ne vous invite à la prudence, que l'on va supprimer le juge d'instruction. Cela ne s'est pas fait mais c'était bien dans les plans. Et puis, une autre fois, on annonce, sans que personne dans votre entourage ne vous mette en garde contre ce retour en arrière plutôt mal venu, que le président de la République allait de nouveau nommer qui il voudrait à la tête de l'audiovisuel public. Une autre fois, parce qu'on l'a décidé, on va entreprendre de démantibuler la carte judiciaire sans la moindre concertation, et puis l'on va fermer des casernes militaires, au grand dam des municipalités brusquement privées de précieux revenus, et puis l'on va décider de pratiquer des coupes sombres dans les effectifs de l'Education nationale, de la gendarmerie, de la police, etc., le tout avec l'assentiment béat de toute une clique de larbins qu'on appelle des députés. Je passe sur la quasi-nomination du fils du "roi de France" à la tête d'un important organisme public, alors même qu'il y avait plus qualifié que lui pour le poste. Et seul le tohu-bohu médiatique contribuera à mettre fin à la pantalonnade. 

Et puis, un jour, on décide d'embarquer la France dans une campagne d'agression militaire, une de plus, en Afrique.

Et là, on se dit qu'il va se trouver quelqu'un pour dire : "Halte là ; on est encore impliqué dans le bourbier afghan ; ce n'est pas le moment d'en rajouter !". Même pas ! "Et la Gauche !", va-t-on me demander. La Gauche ? Quelle Gauche ?


Parce que, le problème de cette république barbouzarde, sortie du cerveau embrumé d'un général de brigade né au XIXème siècle, grand admirateur de Franco et de Juán Perón, c'est que la Gauche a fait mine de s'y opposer, juste pour la forme (cf. François Mitterrand, Le Coup d'État permanent), mais qu'au fond, elle l'a toujours cautionnée, et ça fait plus d'un demi-siècle qu'elle la cautionne. 

Et l'on a vu Mitterrand, le socialiste, auteur du Coup d'État permanent, se vautrer à son tour dans l'autocratie et  s'embourber dans la Françafrique, allant jusqu'à s'acoquiner avec les futurs génocidaires rwandais. Et c'est lui qui était aux commandes lors de l'affaire Greenpeace. C'est encore lui qui fit vivre clandestinement sa seconde famille aux frais du contribuable, allant jusqu'à faire installer un système d'écoutes sauvages en plein palais de l'Elysée, ce palais qui sera le théâtre du suicide de l'ami de toujours, François de Grossouvre...

Alors, quand on entend un apparatchik socialiste promis aux plus hautes fonctions claironner : "Le changement, c'est maintenant !", on a envie de lui demander : "Ah bon ? Seulement maintenant ? D'accord, et puis après ?".