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lundi 20 septembre 2021

Fin de partie à Daraa Al Balad (Syrie). Un article de Vanessa Beeley

S'il fallait une preuve supplémentaire de la déconfiture desdits médias mainstream, nous l'avons une nouvelle fois ici, avec un passionnant article rédigé par une "insider" (quelqu'un qui vit la chose de l'intérieur en étant sur le terrain). Depuis l'agression de la mafia baptisée OTAN en Libye, nous sommes quelques-un à savoir que, pour l'essentiel, le soi-disant soulèvement populaire de 2011 contre Bachar El-Assad était parti de Libye, avec des mercenaires stipendiés et armés par la coalition de gangsters qui avait eu raison du régime de Mouamar El-Kadhafi. Fort heureusement, une presse alternative ne cesse de se développer, s'appuyant sur ce formidable outil qu'est l'Internet, ce qui nous vaut de découvrir de formidables analyses comme celle de Vanessa Beeley, que j'ai pris soin de traduire en français, in extenso. (Source)   

 

Le soi-disant "berceau de la révolution" contre Assad a été libéré - la campagne de l'Occident pour renverser le leader syrien est pratiquement terminée.

Après trois années d'un cessez-le-feu fragile ponctué par une campagne d'assassinats de "fidèles" du gouvernement syrien par des groupes supplétifs armés, composés de fondamentalistes, le drapeau syrien a de nouveau été hissé à Daraa Al Balad.

Les médias occidentaux se sont toujours appliqués à présenter l'émergence de groupes armés extrémistes à Daraa, au sud de Damas, comme ayant été le "berceau de la révolution" visant à renverser le gouvernement syrien. La réalité est que Daraa fut une mèche allumée par des mercenaires libyens purs et durs importés dans la ville avant 2011.

À partir de Daraa, les flammes "révolutionnaires" attisées par la coalition dirigée par les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël, dont le siège se trouve en Jordanie et qui est financée par l'argent couvert de sang fourni par les États du Golfe, allaient embraser la Syrie pendant dix longues années. À Daraa, les gangs extrémistes des Frères musulmans, soutenus par la CIA et le MI6, ont pris la tête de ce soulèvement orchestré depuis l'étranger, soulèvement dont le pouvoir avait été démultiplié par les armes et les factions terroristes libyennes, tout en bénéficiant d'une présentation laudative de la part du complexe médiatique colonial dirigé par la BBC, CNN et Al Jazeera.

Une tentative d'absorber des militaires extrémistes dans les brigades armées contrôlées par la Russie s'est avérée contre-productive.

En 2018, une trêve précaire fut négociée par les équipes de réconciliation russes, avec pour conséquence que les groupes armés illégaux restés à Daraa Al Balad, plaque tournante de la violente insurrection parrainée par les États-Unis, ont été persuadés de déposer les armes lourdes mais autorisés à conserver leurs armes légères dans le cadre de l'accord de paix. La Russie a effectivement tenté de mettre au pas ces groupes armés brutaux en les absorbant dans des divisions armées fondées et contrôlées par elle. Selon des médias proches de ces milices, un ancien dirigeant de l'Armée syrienne libre, Ahmed Al-Awda, s'est vu confier le commandement de la 8e brigade, "une subdivision du cinquième corps fondé par la Russie".

Il semble néanmoins que ce fut probablement une erreur de calcul de la part de la Russie, qui souhaitait mettre fin rapidement aux combats sur le front sud. Ces groupes armés, qui avaient commis de multiples crimes de guerre et atrocités contre les civils syriens et les forces armées antiterroristes, n'avaient pas l'intention de renoncer à leur campagne de représailles contre toute personne qu'ils considéraient comme loyale au gouvernement et à l'État syriens. Et on a vu ces mêmes bandes extrémistes, autrefois associées aux factions terroristes d'Al-Qaïda et d'ISIS (Daech) dans le Sud du pays, déclencher plus d'une offensive traîtresse.

J'ai vu de mes propres yeux l'horrible bilan des sanctions occidentales sur les populations syrienne et libanaise

Depuis la mi-2019, même l'Observatoire syrien des "droits de l'homme", financé par l'UE, a fait état de plus de 1136 attaques et assassinats qui ont coûté la vie à 774 Syriens, dont 12 femmes et 22 enfants, tous victimes de tirs d'armes à feu, de détonations d'engins explosifs improvisés, ainsi que d'attaques suicides en voitures et en motos. Les gangs se sont également battus entre eux, assassinant des chefs et des membres de gangs rivaux. En juillet 2021, des civils, dont un enfant, ont été tués et blessés lorsque ces gangs armés ont bombardé l'hôpital national de Daraa, après avoir manifestement reconstitué leur arsenal d'armes lourdes.

La présence des forces spéciales britanniques dans la région indique que les groupes armés continuaient d'être formés par les Britanniques à l'utilisation d'engins explosifs improvisés dans le cadre d'opérations antigouvernementales. En mars 2020, des hélicoptères Chinook de la RAF, basés à Chypre, ont été mobilisés pour secourir un soldat SAS blessé par l'explosion d'un engin explosif improvisé "au cœur de la zone de guerre" située dans le sud de la Syrie.

J'ai rencontré Adham Alkarad, commandant de la division du génie et des missiles des FSA (1), en septembre 2018, après une visite agitée à Daraa, alors que l'encre de l'accord négocié par la Russie n'était pas encore sèche. Alkarad m'avait prise en aparté en tant que journaliste britannique, supposant que j'étais sympathique à la cause, et m'avait donc informé qu'ils ne capituleraient jamais et que, même avec des armes légères, ils poursuivraient leur violente croisade soutenue par la coalition américaine pour renverser le gouvernement syrien et anéantir les "loyalistes" s'opposant à la présence du groupe armé à Daraa.

Alkarad m'avait dit à l'époque que les manifestations allaient se poursuivre et qu'il contacterait directement la BBC et CNN pour obtenir leur couverture et leur soutien. Alkarad était le concepteur de la fusée Omar, pesant 500 kg, qui a causé d'horribles dégâts aux infrastructures civiles et aux cibles militaires pendant le règne de la terreur à Daraa. Alkarad a lui-même été assassiné par des inconnus en octobre 2020.

La BBC a admis que ses journalistes n'avaient pas respecté leurs propres normes de précision lorsqu'ils ont insinué que l'informateur de l'attaque de Douma était motivé par l'argent.

Damas a perdu patience avec l'extrémisme armé et repris le contrôle de Daraa Al Balad.

Après des mois de négociations, de siège et d'affrontements militaires entre Damas et les groupes armés de Daraa, un cessez-le-feu définitif a été conclu le 31 août (2021), la Russie jouant un rôle moins important dans le règlement. Une semaine avant la conclusion de cet accord, le roi Abdallah II de Jordanie avait rencontré le président Poutine à Moscou pour accorder la priorité à la résolution des problèmes de sécurité à Daraa.

Le 9 septembre (2021), le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a commenté l'accord négocié pour résoudre les tensions dans la province de Daraa. Il est intéressant que cette explication ait été donnée lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid. L'accord russe initial de 2018 avec les groupes armés avait offert à Israël des garanties que l'Iran et le Hezbollah seraient maintenus à une distance sûre des frontières israéliennes avec la Syrie.

Lavrov a effectivement annoncé que la province serait rendue aux forces légitimes de l'Armée arabe syrienne et que les militants extrémistes devraient à nouveau rendre leurs armes lourdes. Des négociations sont en cours sur la destination de retrait des groupes armés, leur maintien à Daraa étant "improbable".

Il s'agit d'un coup dur pour Israël, dont les violations continues de l'espace aérien libanais et l'agression illégale contre la Syrie n'ont pratiquement pas fait l'objet de représailles armées et ont été à peine rapportées par les médias occidentaux. Cela pourrait changer avec le retour de Damas aux commandes dans le sud du pays et le changement de pouvoir qui ouvrira presque certainement la porte à une présence militaire iranienne et du Hezbollah plus proche des frontières entre Israël et la Syrie, afin de dissuader les offensives israéliennes.

Certes, lorsque je suis entrée dans Daraa Al Balad le 12 septembre dernier, nous avons vu des drapeaux russes et syriens flotter côte à côte, mais sur le site lui-même, c'est le drapeau syrien qui occupait la première place. D'après les conversations que j'ai eues avec des civils, il était clair que la "paix" était encore brute et volatile. Des soldats syriens de la 15e division m'ont parlé des perspectives de résolution durable et se sont montrés optimistes. Une flambée entre des membres de groupes armés et des soldats syriens a été désamorcée de manière courtoise pendant notre séjour. Les enfants à qui j'ai parlé m'ont dit qu'ils étaient heureux de pouvoir enfin retourner à l'école. Il est trop tôt pour prédire l'issue de cet accord, mais il est clair qu'il n'y aura pas de compromis sur le retour de Daraa et de sa campagne environnante sous le contrôle de Damas et de l'armée syrienne tant que la paix n'aura pas été entièrement rétablie et que les relations entre l'État et les citoyens ne seront pas normalisées.

Que signifie ce changement de pouvoir pour Damas et la coalition américaine, y compris pour Israël ?

Il est important d'examiner les événements de Daraa dans le contexte des alliances et concessions géopolitiques émergentes, afin de saisir la signification de ce qui vient de se passer dans le sud de la Syrie.

Le 13 septembre dernier, le Premier ministre israélien, Naftali Bennet, s'est rendu en Égypte pour la première fois en dix ans, apparemment pour discuter des relations entre Israël et la Palestine avec le président Abdel Fatah Al-Sisi. L'Égypte s'oriente vers une normalisation de ses relations avec la Turquie, relations tendues depuis le renversement de l'homme-lige des Frères musulmans au Caire, le président Mohammed Mursi, en 2013. Le consul général égyptien à Damas a laissé entendre que la condition d'un rétablissement complet des relations bilatérales égypto-turques était le retrait de la Turquie du territoire syrien.

La concession la plus importante faite à Damas à la suite de Daraa a peut-être été faite par les États-Unis eux-mêmes. Désespérant d'éviter que le Hezbollah ne soit salué comme le champion du peuple libanais après avoir assuré l'approvisionnement en pétrole iranien via la Syrie, l'ambassadeur américain au Liban est intervenu pour lever partiellement les sanctions contre la Syrie afin de faciliter le transfert de gaz naturel et d'électricité de l'Égypte vers le Liban via des pipelines entre la Jordanie et le sud de la Syrie. Certaines parties des pipelines en Syrie ont besoin d'être réparées car elles traversent Daraa en direction de Homs, puis de Tripoli, au nord du Liban.

Cela nous informe non seulement sur la raison pour laquelle Daraa était un élément central des plans américains de vol d'énergie et de ressources en Syrie, mais cela nous montre également l'intelligence des mesures prises par Damas pour sécuriser Daraa à ce moment crucial de la partie d'échecs régionale. Les États-Unis se sont vus forcer la main par une nation qui résiste depuis dix ans à leur intervention militaire par procuration et par les alliés les plus fidèles de la Syrie au Liban.

La Jordanie tente depuis un certain temps de se libérer de ses chaînes coloniales et de normaliser ses relations commerciales avec la Syrie voisine. La percée a eu lieu en septembre 2021, lorsque la Syrie a été incluse dans une réunion quadripartite organisée par la Jordanie et comprenant le Liban et l'Égypte, afin de se concentrer sur la logistique de la fourniture de gaz et d'électricité égyptiens au Liban dépourvu d'énergie. Il s'agissait de la première visite de responsables syriens en Jordanie depuis 2011, date du début de la sale guerre menée par la CIA et le MI6 contre la Syrie.

Le coup de grâce aux agendas néocolonialistes de la coalition américaine et d'Israël/Turquie en Syrie a été donné par le sommet entre le président Assad et le président Poutine le 16 septembre dernier à Moscou. Au cours d'une session à huis clos de 90 minutes, les deux dirigeants ont discuté des priorités militaires, politiques et économiques, dont le retour de la province de Daraa sous le contrôle de l'État syrien et la potentielle libération totale et définitive d'Idlib, dans le nord-ouest, de l'occupation terroriste turque, que ce soit sous forme directe ou par procuration.

Ce sommet, ainsi que la dénonciation syro-russe de l'occupation et de l'annexion illégales du territoire syrien par la Turquie et les États-Unis, ne sont pas de bon augure pour le projet de changement de régime initié par les États membres de l'OTAN, projet ayant débouché sur un échec coûteux et lamentable depuis son lancement en 2011.

Les conséquences de la résolution de Daraa seront d'une grande portée pour Israël, la Turquie et le projet de la CIA/MI6 visant à contrôler le pôle économique central syrien au Moyen-Orient. Damas, la Russie, l'Iran et le Hezbollah ont volé la vedette à leurs ennemis, malgré la pression que subit la Syrie en raison de la guerre à multiples facettes qui lui est menée depuis dix ans. Il reste à voir comment la coalition américaine tentera de se relever de cette défaite ignominieuse et d'éviter d'admettre qu'elle a été contrainte de faire un premier pas vers la normalisation des relations avec le président Assad.


(1) FSA (Free Syrian Army) : Armée syrienne libre (ASL), faction rebelle syrienne la plus proche de l'État turc depuis le début de l'implication de ce dernier dans la "guerre civile" syrienne.