S'il fallait une preuve supplémentaire de la déconfiture desdits médias mainstream, nous l'avons une nouvelle fois ici, avec un passionnant article rédigé par une "insider" (quelqu'un qui vit la chose de l'intérieur en étant sur le terrain). Depuis l'agression de la mafia baptisée OTAN en Libye, nous sommes quelques-un à savoir que, pour l'essentiel, le soi-disant soulèvement populaire de 2011 contre Bachar El-Assad était parti de Libye, avec des mercenaires stipendiés et armés par la coalition de gangsters qui avait eu raison du régime de Mouamar El-Kadhafi. Fort heureusement, une presse alternative ne cesse de se développer, s'appuyant sur ce formidable outil qu'est l'Internet, ce qui nous vaut de découvrir de formidables analyses comme celle de Vanessa Beeley, que j'ai pris soin de traduire en français, in extenso. (Source)
Le soi-disant "berceau
de la révolution" contre Assad a été libéré - la campagne
de l'Occident pour renverser le leader syrien est pratiquement
terminée.
Après trois années d'un
cessez-le-feu fragile ponctué par une campagne d'assassinats de
"fidèles" du gouvernement syrien par des groupes
supplétifs armés, composés de fondamentalistes, le drapeau syrien
a de nouveau été hissé à Daraa Al Balad.
Les médias occidentaux
se sont toujours appliqués à présenter l'émergence de groupes
armés extrémistes à Daraa, au sud de Damas, comme ayant été le
"berceau de la révolution" visant à renverser le
gouvernement syrien. La réalité est que Daraa fut une mèche
allumée par des mercenaires libyens purs et durs importés dans la
ville avant 2011.
À partir de Daraa, les
flammes "révolutionnaires" attisées par la coalition
dirigée par les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël, dont le
siège se trouve en Jordanie et qui est financée par l'argent
couvert de sang fourni par les États du Golfe, allaient embraser la
Syrie pendant dix longues années. À Daraa, les gangs extrémistes
des Frères musulmans, soutenus par la CIA et le MI6, ont pris la
tête de ce soulèvement orchestré depuis l'étranger, soulèvement
dont le pouvoir avait été démultiplié par les armes et les
factions terroristes libyennes, tout en bénéficiant d'une
présentation laudative de la part du complexe médiatique colonial
dirigé par la BBC, CNN et Al Jazeera.
Une tentative d'absorber
des militaires extrémistes dans les brigades armées contrôlées
par la Russie s'est avérée contre-productive.
En 2018, une trêve
précaire fut négociée par les équipes de réconciliation russes,
avec pour conséquence que les groupes armés illégaux restés à
Daraa Al Balad, plaque tournante de la violente insurrection
parrainée par les États-Unis, ont été persuadés de déposer les
armes lourdes mais autorisés à conserver leurs armes légères dans
le cadre de l'accord de paix. La Russie a effectivement tenté de
mettre au pas ces groupes armés brutaux en les absorbant dans des
divisions armées fondées et contrôlées par elle. Selon des médias
proches de ces milices, un ancien dirigeant de l'Armée syrienne
libre, Ahmed Al-Awda, s'est vu confier le commandement de la 8e
brigade, "une subdivision du cinquième corps fondé par la
Russie".
Il semble néanmoins que
ce fut probablement une erreur de calcul de la part de la Russie, qui
souhaitait mettre fin rapidement aux combats sur le front sud. Ces
groupes armés, qui avaient commis de multiples crimes de guerre et
atrocités contre les civils syriens et les forces armées
antiterroristes, n'avaient pas l'intention de renoncer à leur
campagne de représailles contre toute personne qu'ils considéraient
comme loyale au gouvernement et à l'État syriens. Et on a vu ces
mêmes bandes extrémistes, autrefois associées aux factions
terroristes d'Al-Qaïda et d'ISIS (Daech) dans le Sud du pays, déclencher
plus d'une offensive traîtresse.
J'ai vu de mes propres
yeux l'horrible bilan des sanctions occidentales sur les populations
syrienne et libanaise
Depuis la mi-2019, même
l'Observatoire syrien des "droits de l'homme", financé par
l'UE, a fait état de plus de 1136 attaques et assassinats qui ont
coûté la vie à 774 Syriens, dont 12 femmes et 22 enfants, tous
victimes de tirs d'armes à feu, de détonations d'engins explosifs
improvisés, ainsi que d'attaques suicides en voitures et en motos.
Les gangs se sont également battus entre eux, assassinant des chefs
et des membres de gangs rivaux. En juillet 2021, des civils, dont un
enfant, ont été tués et blessés lorsque ces gangs armés ont
bombardé l'hôpital national de Daraa, après avoir manifestement
reconstitué leur arsenal d'armes lourdes.
La présence des forces
spéciales britanniques dans la région indique que les groupes armés
continuaient d'être formés par les Britanniques à l'utilisation
d'engins explosifs improvisés dans le cadre d'opérations
antigouvernementales. En mars 2020, des hélicoptères Chinook de la
RAF, basés à Chypre, ont été mobilisés pour secourir un soldat
SAS blessé par l'explosion d'un engin explosif improvisé "au
cœur de la zone de guerre" située dans le sud de la Syrie.
J'ai rencontré Adham
Alkarad, commandant de la division du génie et des missiles des FSA
(1), en septembre 2018, après une visite agitée à Daraa, alors
que l'encre de l'accord négocié par la Russie n'était pas encore
sèche. Alkarad m'avait prise en aparté en tant que journaliste
britannique, supposant que j'étais sympathique à la cause, et
m'avait donc informé qu'ils ne capituleraient jamais et que, même
avec des armes légères, ils poursuivraient leur violente croisade
soutenue par la coalition américaine pour renverser le gouvernement
syrien et anéantir les "loyalistes" s'opposant à la
présence du groupe armé à Daraa.
Alkarad m'avait dit à
l'époque que les manifestations allaient se poursuivre et qu'il
contacterait directement la BBC et CNN pour obtenir leur couverture
et leur soutien. Alkarad était le concepteur de la fusée Omar,
pesant 500 kg, qui a causé d'horribles dégâts aux infrastructures
civiles et aux cibles militaires pendant le règne de la terreur à
Daraa. Alkarad a lui-même été assassiné par des inconnus en
octobre 2020.
La BBC a admis que ses
journalistes n'avaient pas respecté leurs propres normes de
précision lorsqu'ils ont insinué que l'informateur de l'attaque de
Douma était motivé par l'argent.
Damas a perdu patience
avec l'extrémisme armé et repris le contrôle de Daraa Al Balad.
Après des mois de
négociations, de siège et d'affrontements militaires entre Damas et
les groupes armés de Daraa, un cessez-le-feu définitif a été
conclu le 31 août (2021), la Russie jouant un rôle moins important
dans le règlement. Une semaine avant la conclusion de cet accord, le
roi Abdallah II de Jordanie avait rencontré le président Poutine à
Moscou pour accorder la priorité à la résolution des problèmes de
sécurité à Daraa.
Le 9 septembre (2021), le
ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a commenté
l'accord négocié pour résoudre les tensions dans la province de
Daraa. Il est intéressant que cette explication ait été donnée
lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre israélien
des Affaires étrangères, Yair Lapid. L'accord russe initial de 2018
avec les groupes armés avait offert à Israël des garanties que
l'Iran et le Hezbollah seraient maintenus à une distance sûre des
frontières israéliennes avec la Syrie.
Lavrov a effectivement
annoncé que la province serait rendue aux forces légitimes de
l'Armée arabe syrienne et que les militants extrémistes devraient à
nouveau rendre leurs armes lourdes. Des négociations sont en cours
sur la destination de retrait des groupes armés, leur maintien à
Daraa étant "improbable".
Il s'agit d'un coup dur
pour Israël, dont les violations continues de l'espace aérien
libanais et l'agression illégale contre la Syrie n'ont pratiquement
pas fait l'objet de représailles armées et ont été à peine
rapportées par les médias occidentaux. Cela pourrait changer avec
le retour de Damas aux commandes dans le sud du pays et le changement
de pouvoir qui ouvrira presque certainement la porte à une présence
militaire iranienne et du Hezbollah plus proche des frontières entre
Israël et la Syrie, afin de dissuader les offensives israéliennes.
Certes, lorsque je suis
entrée dans Daraa Al Balad le 12 septembre dernier, nous avons vu
des drapeaux russes et syriens flotter côte à côte, mais sur le
site lui-même, c'est le drapeau syrien qui occupait la première
place. D'après les conversations que j'ai eues avec des civils, il
était clair que la "paix" était encore brute et volatile.
Des soldats syriens de la 15e division m'ont parlé des perspectives
de résolution durable et se sont montrés optimistes. Une flambée
entre des membres de groupes armés et des soldats syriens a été
désamorcée de manière courtoise pendant notre séjour. Les enfants
à qui j'ai parlé m'ont dit qu'ils étaient heureux de pouvoir enfin
retourner à l'école. Il est trop tôt pour prédire l'issue de cet
accord, mais il est clair qu'il n'y aura pas de compromis sur le
retour de Daraa et de sa campagne environnante sous le contrôle de
Damas et de l'armée syrienne tant que la paix n'aura pas été
entièrement rétablie et que les relations entre l'État et les
citoyens ne seront pas normalisées.
Que signifie ce
changement de pouvoir pour Damas et la coalition américaine, y
compris pour Israël ?
Il est important
d'examiner les événements de Daraa dans le contexte des alliances
et concessions géopolitiques émergentes, afin de saisir la
signification de ce qui vient de se passer dans le sud de la Syrie.
Le 13 septembre dernier,
le Premier ministre israélien, Naftali Bennet, s'est rendu en Égypte
pour la première fois en dix ans, apparemment pour discuter des
relations entre Israël et la Palestine avec le président Abdel
Fatah Al-Sisi. L'Égypte s'oriente vers une normalisation de ses
relations avec la Turquie, relations tendues depuis le renversement
de l'homme-lige des Frères musulmans au Caire, le président
Mohammed Mursi, en 2013. Le consul général égyptien à Damas a
laissé entendre que la condition d'un rétablissement complet des
relations bilatérales égypto-turques était le retrait de la
Turquie du territoire syrien.
La concession la plus
importante faite à Damas à la suite de Daraa a peut-être été
faite par les États-Unis eux-mêmes. Désespérant d'éviter que le
Hezbollah ne soit salué comme le champion du peuple libanais après
avoir assuré l'approvisionnement en pétrole iranien via la Syrie,
l'ambassadeur américain au Liban est intervenu pour lever
partiellement les sanctions contre la Syrie afin de faciliter le
transfert de gaz naturel et d'électricité de l'Égypte vers le
Liban via des pipelines entre la Jordanie et le sud de la Syrie.
Certaines parties des pipelines en Syrie ont besoin d'être réparées
car elles traversent Daraa en direction de Homs, puis de Tripoli, au
nord du Liban.
Cela nous informe non
seulement sur la raison pour laquelle Daraa était un élément
central des plans américains de vol d'énergie et de ressources en
Syrie, mais cela nous montre également l'intelligence des mesures
prises par Damas pour sécuriser Daraa à ce moment crucial de la
partie d'échecs régionale. Les États-Unis se sont vus forcer la
main par une nation qui résiste depuis dix ans à leur intervention
militaire par procuration et par les alliés les plus fidèles de la
Syrie au Liban.
La Jordanie tente depuis
un certain temps de se libérer de ses chaînes coloniales et de
normaliser ses relations commerciales avec la Syrie voisine. La
percée a eu lieu en septembre 2021, lorsque la Syrie a été incluse
dans une réunion quadripartite organisée par la Jordanie et
comprenant le Liban et l'Égypte, afin de se concentrer sur la
logistique de la fourniture de gaz et d'électricité égyptiens au
Liban dépourvu d'énergie. Il s'agissait de la première visite de
responsables syriens en Jordanie depuis 2011, date du début de la
sale guerre menée par la CIA et le MI6 contre la Syrie.
Le coup de grâce aux
agendas néocolonialistes de la coalition américaine et
d'Israël/Turquie en Syrie a été donné par le sommet entre le
président Assad et le président Poutine le 16 septembre dernier à
Moscou. Au cours d'une session à huis clos de 90 minutes, les deux
dirigeants ont discuté des priorités militaires, politiques et
économiques, dont le retour de la province de Daraa sous le contrôle
de l'État syrien et la potentielle libération totale et définitive
d'Idlib, dans le nord-ouest, de l'occupation terroriste turque, que
ce soit sous forme directe ou par procuration.
Ce sommet, ainsi que la
dénonciation syro-russe de l'occupation et de l'annexion illégales
du territoire syrien par la Turquie et les États-Unis, ne sont pas
de bon augure pour le projet de changement de régime initié par les
États membres de l'OTAN, projet ayant débouché sur un échec
coûteux et lamentable depuis son lancement en 2011.
Les conséquences de la
résolution de Daraa seront d'une grande portée pour Israël, la
Turquie et le projet de la CIA/MI6 visant à contrôler le pôle
économique central syrien au Moyen-Orient. Damas, la Russie, l'Iran
et le Hezbollah ont volé la vedette à leurs ennemis, malgré la
pression que subit la Syrie en raison de la guerre à multiples
facettes qui lui est menée depuis dix ans. Il reste à voir comment
la coalition américaine tentera de se relever de cette défaite
ignominieuse et d'éviter d'admettre qu'elle a été contrainte de
faire un premier pas vers la normalisation des relations avec le
président Assad.
(1) FSA (Free Syrian
Army) : Armée syrienne libre (ASL), faction rebelle
syrienne la plus proche de l'État turc depuis le début de
l'implication de ce dernier dans la "guerre civile" syrienne.