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mardi 25 décembre 2018

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #5


Épisode §5. Biscotos versus ciboulot


On commencera par un pense-bête.

En effet, après le brouhaha, les jacqueries, les jets de projectiles et d'acide contre les policiers, les dégradations de vitrines de magasins, le saccage de locaux dans et les graffiti sur l'Arc de Triomphe..., sans oublier la dizaine de morts accidentelles, soit plus qu'en cinquante années de jacqueries depuis mai 68, il va falloir penser à féliciter l'une des rares personnes ayant actionné son ciboulot plutôt que ses biscotos, voire la toute première parmi les animateurs du mouvement desdits Gilets Jaunes à avoir eu le bon réflexe, j'ai nommé Priscillia Ludosky, inconnue au bataillon il y a encore quelques semaines, mais dont la pétition va faire date.

J'observe simplement que la classe politique semble ne plus savoir où elle habite : de ladite droite nationaliste à l'extrême gauche et à ce qu'il reste du vaillant parti communiste d'antan, en passant par la droite dite de gouvernement, le ventre mou démocrate-chrétien ou radical, les écologistes, les cohortes disparates résultant du big-bang subi par le parti socialiste, le moins qu'on puisse dire est que tout ce petit monde semble déstabilisé par la clameur populaire, ce qui n'est pas sans me plonger dans une profonde crise d'hilarité.

Mais je ne dois pas oublier le propos du début : penser à féliciter Priscillia Ludosky pour avoir eu la bonne idée de lancer une pétition en ligne, comme preuve qu'elle au moins a compris que nous étions entrés dans une phase résolument révolutionnaire, à l'instar de ce qu'ont connu les paysans allemands lors de la révolution luthérienne.

Je dis bien "révolution" luthérienne, même si Martin Luther n'y a pris part qu'indirectement et s'il n'a que fort peu apprécié l'usage que le peuple allemand a fait de ses libelles contre le Pape.

J'en connais qui vont se dire : "Voilà qu'il s'égare de nouveau et nous mène en bateau !". 

Ceux-là feraient bien de s'instruire un peu ! Le fait est que Luther s'est vu impliqué, à son corps défendant, dans un mouvement insurrectionnel qu'il n'avait pas vu venir, n'ayant pas totalement apprécié l'impact que ses actions allaient avoir sur la société allemande, d'abord, le reste du monde (chrétien) ensuite. La fameuse "guerre des paysans" allemands a tout de même coûté la vie à quelques dizaines de milliers d'entre eux.

Pour commencer, Luther commet un premier acte révolutionnaire en traduisant la Bible en langue allemande compréhensible par tous, du moins ceux qui savent lire. Et justement, c'est là que les paysans allemands (les moins instruits des citoyens) vont le prendre au mot, en lui adressant cette supplique qui commence par "Lieber Herr Luther..." : "Cher monsieur Luther, nous vous serions très reconnaissants si vous vouliez bien nous instruire dans la maîtrise de la lecture et de l'écriture, afin que nous puissions accéder plus facilement à l'étude des textes saints."


Et voilà comment l'Allemagne va se doter des tout premiers paysans lettrés de l'Histoire, ce qui n'est quand même pas rien, tandis que, partout ailleurs, la paysannerie sera la dernière classe sociale à sortir de l'analphabétisme. Et quand je dis "sortir de l'analphabétisme", le propos est audacieux ; voyez les campagnes d'Afrique, d'Asie et d'ailleurs (cf. les colonies, pardon !, départements français d'Outre-mer), aujourd'hui même ! (*)

La publication des 95 thèses, qui déclenche la rupture définitive avec la papauté, n'interviendra ici que comme la cerise sur le gâteau, le "mal" se situant ailleurs. 

Ailleurs, c'est-à-dire près d'un siècle en amont, avec l'invention par Johanes Gutenberg de l'imprimerie à caractères mobiles (les Chinois impriment déjà depuis belle lurette mais la technique n'est pas la même).

Vous commencez, du moins je l'espère, à comprendre le rapport avec la pétition de Priscillia Ludosky ?

Le fait est que l'Internet joue, de nos jours, le même rôle déstabilisateur des clercs et des puissants que joua l'imprimerie lors du soulèvement paysan dans l'Allemagne gagnée aux idées de Luther.

De fait, les paysans allemands de la première moitié du XVIème siècle, désormais munis de l'arme de l'écrit imprimé, vont publier les toutes premières "Flugblätter" (feuilles volantes), en clair, les tout premiers tracts, avec lesquels, à l'instar des réseaux sociaux actuels, ils vont largement diffuser leurs idées subversives (pour l'époque).



Die 12 „Hauptartikel aller Bauernschaft“ (1524)
„[...]
Hie nachfolgend die Artikel.
[1] Zum ersten ist unser demütig Bitt und Begehr, auch unser aller Will und Meinung, daß wir nun fürohin Gewalt und Macht wöllen haben, ein ganze Gemein soll ein Pfarrer selbs erwöhlen und kiesen, auch Gewalt haben, denselbigen wieder zu entsetzen, wann er sich ungebührlich hielt. Derselbig erwöhlt Pfarrer soll uns das heilig Evangeli lauter und klar predigen, ohne allen menschlichen Zusatz, Lehr und Gebot, dann uns den wahren Glauben stets verkündigen, geit [= gibt] uns ein Ursach, Gott umb sein Gnad zu bitten, uns denselbigen wahren Glauben einzubilden und in uns [zu] bestätigen. Dann wann sein Genad in uns nit eingebildet wird, so bleiben wir stets Fleisch und Blut, das dann nichts nutz ist, wie klärlich in der Geschrift staht, daß wir allein durch den wahren Glauben zu Gott kommen kinden und allein durch sein Barmherzigkeit selig müssen werden. Darumb ist uns ein sölicher Vorgeher und Pfarrer von Nöten und in dieser Gestalt in der Geschrift gegrindt.

Non, mais vous vous rendez compte ? En gros, "jede Gemeinde soll das Recht haben, ein(en) Pfarrer selbst zu erwählen... und denselbigen wieder zu entsetzen"... Chaque communauté doit avoir le droit de choisir elle-même son pasteur et de le licencier... Et ce n'est pas tout ! Ils exigent que les prêches soient en langue vernaculaire compréhensible par tout le monde, pour pouvoir les contester ! Si ce n'est pas de la subversion ça ! Quand Luther a réalisé l'étendue du désastre, il était trop tard ; il ne lui restait plus qu'à appeler à l'éradication des séditieux...

Contre les hordes paysannes meurtrières et pillardes
Après quoi, plus rien ne sera comme avant !

Et voilà qu'il y a quelques semaines, une personne se décide, seule dans son coin, à lancer une pétition de rien du tout, du moins pense-t-on au début, surtout qu'elle n'a pas de réseaux, pas de faire-valoir issus du show business, pas d'organe de presse pour l'épauler.

Et, pour ce faire, Ludosky a eu besoin, à l'instar des paysans allemands, d'une invention facile à mettre en oeuvre, une fois qu'on a compris comment ça marche. Il s'agit ici de la géniale plate-forme "Change.org".

Voilà quelque temps que j'observe l'évolution de cette pétition en ligne, de même que je m'intéresse à une autre pétition parallèle, lancée, celle-là, par la chaîne britannique Sky News

Où je trouve quand même que Ludosky ne manque pas de culot, c'est quand elle fixe la barre à 1.500.000 signatures à atteindre, quand la célèbre chaîne de télévision se contenterait d'un petit 100.000 !

Les captures d'écran qui suivent ont été réalisées à la même date à chaque fois pour les deux pétitions, et ce, deux fois, soit à une semaine de distance.






"Make debates happen" est une pétition à travers laquelle, en prévision des prochaines élections aux Communes, Sky News entend susciter des débats contradictoires télévisés entre les principaux leaders politiques britanniques. Le cap des 100.000 signatures a bien été dépassé. Observons tout simplement qu'une personne isolée a réussi à faire quasiment dix fois mieux qu'une chaîne de télévision britannique connue et reconnue, le tout sans la moindre couverture publicitaire !

De fait, malgré les concessions du gouvernement aux Gilets Jaunes en matière de taxes et la baisse notable du prix du carburant à la pompe, la pétition de Ludosky n'en continue pas moins de grimper sur un rythme régulier de coureur cycliste dans les vingt-et-un lacets de l'Alpe D'huez : 15.676 signatures supplémentaires entre le 18 et le 25 décembre, ce qui est quand même étonnant.

Maintenant que les gros biscotos ont eu le temps de se défouler sur les ronds-points et sur les grands boulevards, j'espère pour le mouvement des Gilets Jaunes que les détenteurs d'un ciboulot : ceux et celles qui ont quelque chose entre les deux oreilles, pour reprendre un slogan de la radio publique France Inter, vont reprendre du poil de la bête et mener le combat là où il doit être porté : sur le terrain politique, je veux dire démocratique.

Ça tombe bien, on a vu apparaître tantôt un nouveau slogan tenant en trois lettres : R.I.C.

Et voilà le Landerneau politico-médiatique qui se perd en conjectures, voire littéralement pris de panique, certains politologues et autres politocrates, toute la cohorte des "sachants", qui savent tout mieux que tout le monde, qui savent mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple (cf. Olivier Duhamel) s'étranglant presque : "Attention, trop de démocratie tue la démocratie !".

Ben voyons ! Tout le monde sait que la Suisse n'est pas une vraie démocratie, tout le contraire de cette république bonapartiste et autocratique héritée d'un général de brigade grand admirateur de Franco et de Perón ! (**)

Décidément, on vit une époque formidable, n'est-il pas ?



À suivre...


Lecture :

Cependant, un constat semble dresser un tableau tout à fait différent, tout du moins nuançant clairement l’idée que les paysans ont pu être influencés par les Lumières. Ainsi Roger Chartier, que nous avons cité précédemment, pense que le peuple a été complètement hermétique à la philosophie des Lumières. Mais qu’est ce que le peuple ? Le peuple c’est ce qui ne fait pas partie du public, c’est-à-dire de ceux qui lisent. Or qui lit dans la France du XVIIIe ? Ce n’est sûrement pas les paysans à cause de plusieurs verrous. Le premier est économique : le prix du livre reste encore très important à cette époque ce qui limite sa diffusion. Le second est culturel : le livre paraît étranger à la vie quotidienne du peuple et encore plus de celle du paysan. (voir lien §2 ci-dessous)


Liens : 0102  - 03 - 04 -  05 -  06 - 07 - 08

(*) J'ai encore dans l'oreille les éclats de rire de cette "Béké" martiniquaise, très blanche de peau, qui me racontait tranquillement que, dans sa famille proche (on était dans les années 1990), il y avait encore plein d'analphabètes ! J'ai dû lui demander de répéter ses dires, ce qu'elle fit en se tordant de rire... Il paraît que certains Békés se voyaient (voient) mal fréquenter la même école que les descendants de leurs anciens esclaves.

(**) CitationDe Gaulle refusait qu’on dît du mal de Franco devant lui et se dépêcha, dès qu’il eut quitté le pouvoir en 1969, d’aller saluer le caudillo à qui la France libre devait tant. (Source)





mardi 4 décembre 2018

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert... #1

Épisode 1 : que diriez-vous d'une petite tranche de sémantique ?




Il fallait bien que cela arrive un jour : que j'écrive quelque chose sur lesdits "gilets jaunes" !

Mais j'entends d'ici l'interrogation : "Et pourquoi avoir attendu tout ce temps : par désintérêt, indifférence, circonspection ?".

Mettons qu'il y a un peu de tout ça. Le fait est que lorsqu'on se targue - c'est mon cas ! - d'appartenir à la catégorie des intellectuels, laquelle n'a rien à voir avec un quelconque bagage universitaire - cf. Spinoza était un simple ouvrier verrier ! -, et que l'on dispose d'un minimum de culture générale, laquelle permet de relativiser plein de choses grâce à une propension certaine à prendre de la hauteur sur les choses et les évènements, alors on s'impose un minimum de temps d'observation et de réflexion avant de pondre quelque analyse que ce soit.

Par parenthèse, en apprenant et voyant à la télévision ce que des brutes épaisses ont osé faire sur le site de l'Arc de Triomphe, à Paris, on se dit, d'une part, que, décidément, il y a des cons partout, et que, si ces abrutis avaient pu accéder aux salles du Louvre, si ça se trouve, ils n'auraient pas hésité à lacérer la Joconde !

Les cons, ça ose tout, a dit quelqu'un dans un film !

  • Experts
Je dois vous avouer que j'admire (je me comprends !) toutes ces gens qui défilent entre stations de radio et plateaux de télévision pour livrer, au jour le jour, voire matin, midi et soir, moult expertises sur des choses se déroulant sous leurs yeux, tout en vous annonçant, et ce, sans le moindre recul, par exemple, que "nous venons de vivre un évènement historique", que tel autre évènement (ex. une victoire sportive) "entre dans la légende", et patati et patata.

En voulez-vous une illustration récente ? Dans la soirée du 3 décembre 2018 étaient décernées, au Grand Palais de Paris, quelques récompenses annuelles liées au football professionnel, dont les deux ballons d'or, le masculin échappant, pour la première fois depuis dix ans, au tandem Cristiano Ronaldo/Lionel Messi. Et qu'a-t-on entendu ou lu ici ou là du côté de quelques "experts" du ballon rond ? Que c'était la fin d'une époque, que les années Messi-Ronaldo étaient définitivement derrière nous, et patati, et patata.

Le fait est que la Juve de Ronaldo est bien partie pour aligner un scudetto supplémentaire cette année, à l'instar du Barça de Messi. Et l'année prochaine, il n'y a pas de coupe du monde... Alors, on parie combien que l'on risque de retrouver Messi et Ronaldo en bonne place dans la course au prochain ballon d'or ?

Un de ces "experts" médiatiques bien connus des Français, en tout cas en matière politique, est l'inénarrable Jean-Michel A., que l'on peut entendre, le matin, sur une radio, moins de deux heures plus tard, sur une télévision (voir ci-dessous) et, le soir même, sur une autre télévision. Mais je ne connais pas tous ses employeurs ! Et j'imagine mal notre homme parler d'une même chose, matin, midi et soir, en se renouvelant à chaque fois. D'où cette impression que nos "experts" médiatiques parlent souvent pour ne rien dire.



Par parenthèse, pour rester sur Aphatie, notre "expert" ne doit pas bien connaître la Constitution de la 5ème République, si j'en juge par cette toute récente saillie :



"E. M. doit déjà avoir en tête le nom d'un autre Premier ministre...", non mais sans blague ! Où Aphatie a-t-il vu que le Premier ministre était à la solde du Président de la République ? 

La Constitution de la 5ème République prévoit que le Premier ministre présente la démission du gouvernement, à la suite de quoi le Président procède à une nouvelle nomination. C'est ce que j'affirmai ici même, lorsque j'avançai que je ne voyais pas François Fillon contraint de quitter l'Hôtel de Matignon, et alors même que le ban et l'arrière-ban de nos politologues et autres politocrates spéculaient à-qui-mieux-mieux sur la nomination imminente de Jean-Louis Borloo au poste de Premier Ministre. 

Citations
Je ne prends pas de pari sur une décision qui concerne exclusivement une seule personne (le président de la République). Richard Descoings, directeur de Sciences Po', Radio RMC, 15.09.2010.
Le remaniement, plus on l'a attendu, plus il doit être important... Ça veut dire que ça passe par un changement de premier ministre. Alain Duhamel, politologue (et très probablement ex-prof à Sciences Po'), radio RTL, 28.10.2010.
Arnaud Leparmentier fait le pari que Fillon s'en va... Oui, pour le coup, nous serons deux à faire le pari ! Henri Verney journal Le Parisien, A. Leparmentier (journal Le Monde), radio France Info, 05.10.2010.
Mais, comme chacun sait, François Fillon n'est jamais parti et Jean-Louis Borloo n'a jamais été nommé Premier Ministre de Sarkozy !

Du reste, François Fillon a confirmé mon analyse lors d'une fameuse interview télévisée, lorsqu'il affirma à son intervieweuse, sans jamais être démenti par quelque politocrate que ce soit, que "le président de la République n'avait pas le pouvoir de se débarrasser d'un premier ministre jouissant de la confiance de l'Assemblée nationale.".

Et pour que les choses soient bien claires, j'inviterais volontiers ce pauvre Aphatie à lire l'article 8 de la Constitution :
Article 8 Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du GouvernementSur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.
Ce qui veut dire, en bon français, qu'en l'absence d'une présentation par le Premier Ministre de la démission du gouvernement, le Président de la République ne procède à aucune nomination à Matignon !

Autre chose ? L'article 20, qui stipule que le Premier Ministre soit responsable devant le Parlement, pas devant le Président de la République !

Il faut dire que nos "experts" médiatiques ont le sens de l'anticipation et de l'hyperbole. Et comme je n'en fais pas partie, moi, je me contente d'observer, de réfléchir, et de ne produire une analyse qu'après mûre réflexion.

Il se trouve que ce blog s'intitule "Com' ils disent", ce qui veut tout dire, non ? Vous n'avez pas tout compris ? Alors j'explique, enfin, juste un peu, histoire de dévoiler un petit pan du voile.

'Com', c'est évidemment l'abrégé de "communication", mais au sens moderne, je veux dire un tantinet péjoratif de "ce n'est que de la com", ou l'art de parler pour ne rien dire, juste histoire d'occuper le terrain et d'épater la galerie des "experts" médiatiques évoqués plus haut.

  • Sémantique
Le fait est que, depuis mon plus jeune âge, je me passionne pour la sémantique. À ne pas confondre avec la sémiologie, ce terme qui ne veut absolument rien dire : s'il me fallait compiler toutes les âneries proférées par la plupart des sémiologues, il y aurait de quoi produire dix thèses de doctorat !

D'où me vient cette aversion pour la sémiologie et les sémiologues ? De cette propension des faux experts à dire à peu près tout et n'importe quoi, s'agissant de disciplines aux contours flous voire illisibles. C'est ainsi que le dictionnaire nous définit la sémiologie comme une étude des systèmes de signes linguistiques (F. de Saussure), sauf que, depuis De Saussure, le concept a été copieusement élargi à celui de science des significations en général, incluant tous les signes censés (!) porter du sens, qu'ils soient linguistiques, graphiques, ou autres...

Et à propos d'autres (signes), j'entends encore cette "sémiologue" analysant la performance de Marine Le Pen lors du débat d'entre les deux tours de la dernière élection présidentielle française, et attirant l'attention des téléspectateurs sur un signe tangible de la fébrilité de Marine Le Pen, à savoir ce geste consistant à remettre sa mêche de cheveux en place.

Le problème est que tous ceux qui ont pu observer Marine Le Pen depuis qu'elle apparaît à la télévision ont pu constater que ce tic gestuel l'habitait depuis fort longtemps, comme cet autre tic (propre à beaucoup de porteurs de lunettes) consistant à remonter de l'index ses lunettes sur son nez. 

Contrairement à ce fourre-tout qu'est la sémiologie, la sémantique, elle, se définit très clairement, comme l'étude du sens (profond) des mots.

Un exemple ? Les époux Ortigues sont les auteurs d'un contestable "Oedipe africain", transcription un peu bêbête (de mon point de vue) des thèses (déjà tirées par les cheveux) de Freud sur la relation mère-fils. Et voilà notre Oedipe incliné ou incité à se débarrasser de son père.

Seulement voilà : en bons (ou mauvais) épigones de Freud, Ortigues et Ortigues ont soigneusement négligé la sémantique de certaines langues africaines, qui leur aurait évité de commettre un funeste impair.

C'est ainsi que, dans bien des langues vernaculaires - et pas seulement en Afrique -, la soeur du père est un "père", tandis que le frère de la mère est une "mère" ; en clair, la première appartient à l'ensemble (cf. les mathématiques) des "pères", tandis que le second appartient à celui des "mères". Et cela n'a rien à voir avec le sexe biologique de l'individu ! Du coup, venir manipuler la théorie oedipienne dans un tel contexte vous conduit droit dans le mur ; en un mot comme en cent : dans une multitude de sociétés basées sur le principe de la famille dite élargie, un père peut fort bien être une femme, de même qu'une mère peut fort bien être un homme ! 

Mais j'en entends qui s'interrogent : "Mais où veut-il nous amener ?".

Mais aux gilets jaunes, pardi ! Au fait, vous savez ce que c'est qu'un gilet jaune ?

Prenons la proposition suivante : "Saccage de l'Arc de Triomphe de l'Étoile par des gilets jaunes".

J'en connais qui vont se poser des questions : "des gilets jaunes saccageant l'Arc de Triomphe ? Mais ça ne veut rien dire !".

M.D.R. (mort de rire !). En français (mais dans d'autres langues aussi) on appelle ça une figure de rhétorique...

À suivre...


N. B. Tiens donc, en attendant la suite, je vous invite à lire ce qui suit : lecture 01  -  lecture 02... 

Question à mille euros : sachant que la France (métropole + dépendances d'Outre-mer) possède le tout premier domaine agricole de l'Union Européenne, comment expliquer que ce pays s'échine à importer + taxer un carburant polluant (le gazole tiré du pétrole) alors qu'il existe des alternatives moins polluantes, notamment du gazole végétal, que les campagnes françaises peuvent fort bien produire en quantité ? 

Citation :
Mais il y a un autre problème… et il est de taille. Si l’on passe les odeurs de friture que dégagera (logiquement) votre automobile, il convient de rappeler que cette pratique est tout bonnement interdite par la loi. La cause ? Une sombre histoire de taxes sur les carburants non prélévées et un manque à gagner pour l’Etat Français… en totale contradiction avec les directives européennes. (Source)

Petit supplément illustré : voir l'Arc de Triomphe de l'Etoile vandalisé par des connards ne peut que me mettre en rogne, et le mot est faible. Il se trouve que l'Arc est un monument que j'ai souvent visité et photographié sous toutes les coutures, de jour comme de nuit. Les images qui suivent sont des épreuves de repérage préparatoires à des images en 3D.

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La dernière image est un anaglyphe (3D) : lunettes spéciales (rouge-cyan) requises





lundi 20 mars 2017

Ségolène Royal ou la fascinante trajectoire d'une "femelle Alpha". Episode 7



Me voilà de nouveau devant la classe. Brusquement, il me vient comme une envie, que je leur confie aussitôt.

- Je vais commencer par vous raconter une petite histoire toute personnelle. J'ai autour de vingt ans et, en plein hiver - on devait être autour des fêtes de fin d'année -, je décide de plaquer la FAC pour voir du pays. Je pars me balader du côté de la Gare de l'Est (Paris, pour les lecteurs/trices de ce blog qui ne connaissent pas la France...), et là, je repère un nom : "Salzburg". Je me dis que je vais m'offrir dans les deux-trois semaines de vacances. En fait, les vacances vont durer près de six ans.

- Ouah ! fut le commentaire majoritaire sortant de toutes les bouches qui me faisaient face.

- En fait, ce n'est pas ça l'histoire. J'avais toujours une petite radio avec moi et, dès mon arrivée en Autriche, j'avais pris l'habitude d'écouter les émissions locales. Et je dois avouer que j'ai fait des progrès rapides dans la pratique de la langue, langue allemande que je n'avais étudiée ni au collège, ni au lycée !

- Re-ouah ! Mais comment avez-vous fait ?

- J'avais une méthode Assimil, pleine de phrases du style : der Tee ist gut [le thé est bon]; ich bin groß (prononcer grôss) und stark (chtark) [je suis grand et fort], etc. Et je passais des heures, chaque jour, à potasser les déclinaisons. Mais il a bien fallu prendre quelques cours, ce que j'ai fait dans un institut privé très bon marché, ainsi qu'à la Volkshochschule (université populaire publique, presque gratuite). Et puis, un soir, j'écoute une émission sur la première chaîne de l'Ö.R.F.  (Österreichischer Rundfunk) qui m'intrigue fortement. Il y est question d'un jeune Russe du nom de..., en fait, je ne retiens que le prénom, répété plusieurs fois : Jascha (prononcer 'Yacha'). Il s'agissait d'un jeune violoniste quittant sa Russie natale pour la grande Amérique et débarquant à Ellis Island - tout le monde sait ce que c'est ? 


- Oui, la Statue de la Liberté, au large de New York, répondent la plupart des élèves.

- Parfait. Donc, Ellis Island, pour ceux qui ne sont pas au courant, c'était la porte d'entrée des migrants débarquant - par bateau, naturellement - aux Etats-Unis en provenance de l'Europe. Et là, autour de 1917, il y a ce petit violoniste russe, qui arrive sur le site de sélection des migrants - parce qu'il fallait passer par un véritable sas administratif pour être accepté sur le territoire des Etats-Unis - avec, pour tout bagage, son violon. J'ai fini par découvrir, des années plus tard, le patronyme de ce Jascha, toujours sur la radio autrichienne, où l'on diffusait énormément de musique classique : Jascha Heifetz.

Ceux d'entre vous qui s'intéressent à la musique classique savent certainement que Heifetz a été l'un des plus grands violonistes classiques du 20ème siècle, à côté de gens comme David Oïstrakh, Jehudi Menuhin (lui aussi avait une histoire peu banale !), Isaac Stern... 


Vous vous demandez certainement pourquoi je vous parle maintenant de ce Heifetz ?

- Ben, on a une petite idée, étant donnée la consonance des noms, répond quelqu'un.

- Ben, vous lisez dans mes pensées, dites donc ! Le fait est qu'Heifetz était juif, à l'instar de Stern, de Menuhin, et de plein d'autres, des pianistes comme Vladimir Horowitz, Arthur Rubinstein, Vladimir Ashkenazy et j'en passe.

Où je veux en venir ? Ben c'est très simple : quand on est un métèque, et qu'on arrive dans un pays comme émigrant, et qu'on a un talent, il arrive que vous y fassiez de grandes choses, comme artiste, inventeur, chef d'entreprise, intellectuel ou même sportif. Voyez tous ces footballeurs africains qui cartonnent en France, voire en Europe. Ces gens ont un talent qu'ils arrivent à faire fructifier, au point de forcer l'admiration de tout le monde. Mais il arrive aussi que des métèques - et j'emploie ce mot à dessein, pensant à toutes les ségrégations que devaient subir certains immigrés - débarquant dans un pays dont ils ne possèdent pas la langue, et qui, de surcroît, n'ont quasiment pas fait d'études, n'aient pas d'autre échappatoire que les trafics, le mic-mac voire la criminalité.

Meyer Lansky était russe et juif, comme Jascha Heifetz. Leurs destinées ont divergé parce que, d'un côté, on avait un jeune surdoué du violon, de l'autre, un tocard semi-illettré qui s'est retrouvé facilement embarqué dans la délinquance et la grande criminalité.

De même qu'il est faux, voire stupide, de penser que "juif" égale millionnaire ou rupin plein aux as, de même il est idiot de penser que, parce qu'il y a eu dans l'histoire des criminels juifs - et pourquoi n'y aurait-il pas aussi des criminels juifs ? -, tous les Juifs seraient des trafiquants de drogue et je ne sais quoi encore.

J'imagine comment réagiraient des Noirs, des Arabes, si on leur jetait à la figure des choses du type : "Arabe égale terroriste", ou "Noir égale escroc, dealer de drogue", etc. 

Fin de la parenthèse. 


- Le fait est qu'on n'en a pas fini avec Ségolène Royal. Il était aussi question de synchronie, de diachronie... 

Des mains se lèvent...

- Justement, on n'a pas bien compris le rapport avec la polémique autour de Ségolène Royal (ceci pour résumer l'opinion générale des élèves.).

- Commençons par bien nous entendre sur le sens des mots : tout le monde a compris qu'il s'agissait de deux antonymes ?

- Oui. La synchronie concerne la situation d'une chose à un moment donné, la diachronie s'intéresse plus à l'évolution des choses dans le temps.

- Bien. Citez-moi deux ou trois disciplines diachroniques :

- L'histoire.

- Forcément. Mais encore ?

- La paléontologie.

- Excellent. On peut aussi citer l'étymologie, la géologie, etc. Il faut dire que beaucoup de disciplines scientifiques peuvent être à la fois synchroniques et diachroniques, par exemple la géographie, la linguistique, la zoologie. Je résume : la synchronie suppose qu'on étudie un phénomène à un moment donné, exemple, en géographie, l'état des forêts primaires tel que révélé par une photo prise par satellite. Mais si je collecte des photos-satellites d'un même site, prises à diverses époques, alors je peux voir l'évolution de la forêt amazonienne, par exemple, au cours des vingt ou trente dernières années, et là, on étudie l'objet considéré d'un point de vue diachronique. Même chose en linguistique (voyez comment des mots entrent dans le, ou sortent du dictionnaire) ; même chose avec le climat : on peut étudier le temps qu'il fait en ce moment au Pôle Nord ou Sud, et là, on est dans la synchronie, ou étudier le climat du Pôle Nord ou Sud, ou de toute autre partie du globe, depuis que l'on fait des relevés météorologiques, et là, on aura une approche diachronique des phénomènes.

Pour en revenir à Ségolène Royal à Cuba, si vous avez fait une recherche sur l'Internet, à partir de la liste : "synchronie, diachronie, Ségolène Royal, Cuba", vous n'avez pas dû trouver grand chose d'intéressant. Mais maintenant que vous savez ce que c'est que la synchronie et la diachronie, vous allez pouvoir étudier les déclarations de la ministre sur la base d'une grille de lecture, je dirais, scientifique.

Des mains se lèvent... Les plus courageux se lancent, je me contente de résumer leurs propos.

- Si on a bien compris : Ségolène Royal parle de Cuba depuis la période coloniale, ensuite, il y a la dictature, Batista, la mafia, et elle arrive à la révolution, jusqu'à maintenant. Et là, elle dit : regardez comment les choses ont évolué jusqu'à maintenant, avant de dire que tout va mal à Cuba ; par exemple sur le tourisme : il y a de plus en plus de visiteurs étrangers.

- Donc, Ségolène Royal examine les choses d'un point de vue...?

- Diachronique.

- Bien. Et ses contradicteurs lui répondent sur un plan...?

- Ben, ils disent juste qu'il y a des prisonniers politiques !

- Des prisonniers politiques depuis toujours ou juste sous Castro ?

- Ben, des prisonniers politiques maintenant. Donc, c'est de la synchronie.

- Et voilà ! C'est tout ce qu'il fallait comprendre, et ça, ça n'a rien à voir avec l'opinion que l'on pourrait avoir sur les déclarations de la ministre ! N'importe quel observateur objectif peut constater que le point de vue diachronique de la ministre a été réduit, j'allais dire "aplati", pour nous ramener à la simple question des prisonniers politiques, qui ne constitue qu'un aspect de la problématique soulevée par Ségolène Royal. Et là, on mesure tout à fait objectivement qui est honnête et qui est de mauvaise foi !

Je rappelle, en passant, que Ségolène Royal parle même de "nuance" ; et là, on est toujours dans la diachronie, la nuance étant la description de plusieurs états successifs d'un objet : par exemple, on parle de nuances d'une couleur ; vous voyez bien que le gris ou le rouge, ou le noir... peut se traduire par une infinité de tons et de variantes.

Il faut dire que c'est une technique répandue dans le domaine de la propagande, consistant à déformer les propos d'un adversaire de manière à ne pas répondre véritablement aux questions posées. Et là, nous en avons eu un excellent exemple avec cette soi-disant affaire Ségolène Royal !

Maintenant, quand vous serez confrontés à une soi-disant "polémique", vous saurez très vite "lire entre les lignes" et mieux décrypter le vrai du faux.


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(1) (Cf. Wikipedia1907 fut l'année la plus active à Ellis Island avec l'arrivée de 1 004 756 immigrants. Le 17 avril de cette année-là vit l'arrivée de 11 747 immigrants.
Ceux qui présentaient des signes de maladies étaient renvoyés dans leur pays (cas extrême) ou mis en quarantaine sur l'île pour une très longue période. Par la suite, les immigrants se voyaient poser une série de 29 questions incluant leur nom, leur métier et la quantité d'argent qu'ils avaient sur eux. Généralement, ces immigrants étaient acceptés immédiatement et ne passaient que 3 à 5 heures sur l'île. Cependant, plus de 3 000 immigrants moururent à l'hôpital. Certaines personnes furent également refoulées, car on considérait qu'elles risquaient de rester chômeurs. Environ 2 % des arrivants virent ainsi leur admission aux États-Unis rejetée et furent renvoyés dans leur pays d'origine pour diverses raisons telles que leur santé ou leur passé criminel. Ellis Island était souvent surnommée The Island of Tears (l'île des pleurs) ou Heartbreak Island (l'île des cœurs brisés) à cause de ces 2 % qui n'étaient pas admis après leur long voyage.