Les élections européennes vues de France : ou quand les politocrates montrent qu'ils n'ont rien compris
Lu dans la presse
"Le scrutin de dimanche s'annonce décisif pour l'avenir du pays."
L'avenir du pays ? Mais de quel pays, s'agissant d'une élection continentale ? Il est vrai que le rédacteur a pris soin de préciser qu'il s'agissait d'"un évènement continental, mais à la portée nationale."
Et c'est là qu'on aurait aimé comprendre, dès lors qu'il ne s'agit pas de la toute première élection d'un parlement européen, et que les précédentes ne semblent pas avoir eu une quelconque portée nationale.
Soit dit en passant, voir que sur l'ensemble du continent européen, les électeurs vont voter en traînant les pieds, voire ne vont pas voter du tout, en dit long sur le peu de talent de la classe politique européenne, surtout lorsqu'on considère la faible appétence de la jeunesse pour les élections au parlement européen.
Et pourtant, tout semble avoir été fait pour doper le sentiment d'appartenance de la jeunesse à la grande famille européenne : il y eut l'ouverture des frontières et la libre circulation, l'intégration progressive de pays autrefois périphériques (Espagne, Portugal, Grèce) et de piliers du défunt Pacte de Varsovie (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie), sans oublier la réunification allemande. Et avec tout ce mouvement politique, vous aviez des innovations pratiques comme le programme Erasmus, la fédération internationale des auberges de jeunesse, la carte Interrail, grâce à laquelle les jeunes de moins de vingt-six ans pouvaient sillonner l'Europe en train et sans limitation durant quelques semaines, etc., toutes choses qui auraient dû se traduire par un renforcement des liens entre citoyens européens, et ce, d'autant plus que tout ce brassage de populations a induit de nombreux mariages.
Las ! Des jeunes n'ayant connu aucune guerre entre pays européens car nés autour de 1989, voire longtemps après l'effondrement du mur de Berlin - donc, aujourd'hui trentenaires, pour les plus âgés -, ne semblent pas plus concernés que ça par l'idéal des Monet, Adenauer, Brandt et autres Schumann. Comme preuve que la pédagogie, c'est un métier !
Et il n'y a pas que les politiques. Voyez le journal reproduit plus haut !
Pour avoir lu quelques articles par-ci, par-là et suivi l'un ou l'autre débat à la radio et à la télévision, je suis toujours surpris de voir à quel point l'homo mediaticus ou journalisticus manque d'imagination, l'industrie sondagière tenant lieu de vademecum chez l'ensemble des journalistes et autres politologues ou politocrates.
C'est ainsi qu'on a passé son temps à épiloguer sur "quelle liste arriverait en tête au soir du 26 mai", comme si c'était la chose la plus importante, alors même que l'essentiel était ailleurs.
751 députés européens, soit une majorité absolue à 376 parlementaires. Huit groupes, dont le plus important, à ce jour (PPE), cumulait 222 eurodéputés, effectif à doubler quasiment pour disposer d'une majorité confortable lors d'un vote final. Vous avez compris que le Parlement Européen était le royaume de la négociation et du compromis ?
Voilà qui amène - ou aurait dû amener - quelques questions que personne ne s'est vraiment posées.
I. Trente-quatre listes sont en présence en France, qui vont devoir se positionner par rapport aux huit groupes déjà présents au Parlement européen. Or, lors des nombreux débats intervenus dans les média (un médium, des média), personne ne s'est interrogé sur l'avenir, au sein du Parlement, d'au moins vingt-six des listes en présence en France.
II. Le positionnement relatif du Rassemblement National et de la coalition LREM ? J'ai déjà évoqué cette question ici même en la jugeant sans intérêt. Et pourtant ! Tout a été fait pour faire croire aux électeurs que c'était là l'enjeu principal du scrutin, alors même que le mouvement LREM n'a aucune existence au Parlement Européen, contrairement à l'ex-Front National ! Par ailleurs, conservateurs et sociaux-démocrates étant les deux groupes les plus importants du Parlement, il va sans dire que RN et LREM ne pourraient y jouer qu'un rôle marginal si, d'aventure, ils ne sont pas assez consistants pour y constituer au moins une minorité de blocage.
III. Autre problème : compte tenu de la composition de la coalition LREM, regroupant socialistes, centristes, écologistes et anciens du Parti républicain, on est en droit de s'interroger sur le positionnement respectif de ces diverses composantes par rapport aux trois groupes principaux (PPE, Sociaux-démocrates, Verts) : par exemple, comment vont voter les ex-socialistes français de la liste LREM par rapport à leurs ex-collègues sociaux-démocrates, ou les ex-Républicains par rapport à leurs ex-collègues du PPE, ou les ex-EELV par rapport à leurs ex-collègues du mouvement écologiste européen, etc. ? Voilà des questions que je n'ai entendu formuler nulle part !
IV. Découlant de ce qui précède, il se trouve que la totalité des États de l'Union européenne, à une exception près, sont des régimes de type strictement parlementaire, un style d'organisation imposant généralement la mise en place d'une combinaison de forces. C'est dire si ces États (voyez l'Allemagne, l'Autriche ou l'Italie) fonctionnent sur la base de la coalition, autant dire de la négociation et du compromis entre des forces pouvant être antagonistes à la base, tout le contraire du seul régime autocratique de l'Union Européenne : la France, dans lequel un homme seul décide quasiment de tout ! Question : comment vont pouvoir se comporter des élus LREM censés appliquer "la politique voulue par le roi, pardon ! par le président", lorsqu'il s'agira de trouver des compromis, dans le but d'atteindre la barre fatidique des 376 eurodéputés ?
Et comme les politocrates ne sont doués que pour le commentaire de sondages, voyons ce qu'avec un peu de talent et de jugeote, on pourrait dire (écrire) sur les principales listes en présence lors de ce scrutin européen.
1. Les petites listes ? Why not? Warum nicht? Et pourquoi pas ? Dès lors que le scrutin semblait abordable (un seul tour, proportionnelle intégrale), tout le monde pouvait tenter sa chance. Et pourtant ! (Source)
Fort de ce que j'ai pu écrire tantôt à propos des projets (avortés) du Gilet Jaune (canal historique) Ingrid Levavasseur, je constate simplement que de nombreux panneaux électoraux sont restés vierges de toute affiche, les candidats s'étant découverts fauchés comme les blés, ce qui n'est pas très glorieux, mais surtout, est de nature à déprimer leurs plus fidèles supporters. Autant dire que le Gilet Jaune Levavasseur l'a échappé belle !
Je profite de l'occasion pour féliciter Ingrid Levavasseur d'avoir eu l'intelligence de se désister à temps et de ne pas être allée ruiner ses maigres économies et celles de ses amis proches dans cette galère, à l'instar de quelques quidams imprudents.
Comme dirait l'autre : il y eut beaucoup d'épelés et peu de lus !
Que dire de Francis Lalanne ? Je l'ai écouté lors de l'un ou l'autre débat télévisé. Je l'ai trouvé assez drôle et pas inintéressant, mais surtout drôle ! Pour le reste, sans être un Gilet jaune "canal historique", il s'est bien inutilement fourvoyé dans une galère qui risque de jeter le discrédit sur l'ensemble du mouvement. Fort heureusement pour eux, les Gilets Jaunes ont clairement affiché la couleur en ne soutenant aucune liste pour les élections européennes.
Phillipot ? J'ai déjà eu l'occasion d'écrire (cf. la série "Marine Le Pen et le plafond de verre") ce que je pensais de cet individu flou et louvoyant. Député européen sur une liste Front National, sa carrière politique semble sur le point de prendre fin un peu brutalement, et ça, il ne l'aura pas volé ! Quant à sa tentative d'OPA sur la marque "Gilet Jaune", disons qu'elle en dit long sur son désarroi face aux mauvais sondages. Cela dit, je reste persuadé qu'il finira par atterrir chez Les Républicains. Wait and see!
Dupont-Aignan ? Lors de la dernière campagne présidentielle, il claironnait partout qu'on le retrouverait au second tour. Cette fois, on l'a entendu claironner partout qu'il y aurait dix élus de son mouvement au Parlement Européen. Lui aussi sait être drôle, mais pas autant que Francis Lalanne !
Arthaud ? Je la trouve sympathique, quoique pas mal intégriste ! Cette fille est professeur d'économie, donc, au minimum, titulaire d'un CAPES. C'est dire si elle ne raconte pas de conneries, contrairement à pas mal d'autres. Problème : pourquoi la mayonnaise ne prend-elle pas avec les couches populaires ? Pour être prof, il faut être un peu - et même beaucoup - pédagogue, non ? Alors, Nathalie, pourquoi ça coince ?
Hamon ? Il paraît qu'il risque de prendre une grave décision s'il se plantait de nouveau dans une élection. Pauvre Benoît Hamon ! Encore un qui n'a rien compris à la politique, qui préfère créer une petite officine pour en être le chef incontesté, plutôt que de travailler à la "remontada" de son camp socialiste après une tuile (2017) qui n'était probablement que conjoncturelle !
Brossat ? Encore un prof (ça en faisait trois, avec Arthaud et Bellamy). Donc, bon pédagogue ? Le problème du Parti Communiste ne serait-il pas son positionnement en Europe, face à la disparition quasi totale des partis frères en Italie, Portugal et ailleurs, sans parler des anciennes Démocraties populaires ? Que Brossat ait été un bon candidat est une chose, que le PCF trouve sa place au sein du Parlement Européen sera une autre paire de manches !
2. Les mouvements déjà présents au Parlement Européen
Jadot ? Le candidat idéal pour vous dégoûter de l'écologie ! Je l'entends encore, au hasard d'une intervention télévisée, proclamant la nécessité d'en finir avec "le diesel", tout en affirmant plus loin qu'il fallait aussi en finir avec les énergies fossiles. Mais personne ne lui a demandé en quoi les agro-carburants entraient dans la catégorie "énergies fossiles". Incohérent un jour, incohérent toujours.
Glucksman ? Dans la catégorie "Imbu de soi-même", en voilà un qui mériterait d'être sur le podium. "Gouverner c'est prévoir" dit l'adage. Sauf que l'inventeur de "Place Publique" n'est pas du genre prévoyant, ou alors ce n'est qu'un cynique ! Le fait est que son entrée en politique a eu pour effet automatique de pousser sa dulcinée - journaliste politique ! - vers deux mois de chômage technique. "Je suis bouleversé !" aurait déclaré notre branquignol. Parce qu'en plus, lui et sa dulcinée ne se parlent pas et n'ont pas discuté en temps et en heure des risques que ses ambitions politiques - à lui - faisaient courir à sa carrière - à elle - ? Sinon, lors des débats télévisés, il a paru bien emprunté, le plus étonnant étant quand même le choix fait par le Parti Socialiste, malgré les récriminations de quelques ténors du parti. Et puis, comment comprendre la sortie de Glucksman à propos du rôle de François Mitterrand au Rwanda ? Même à supposer qu'il ait raison, le timing avait de quoi surprendre - même s'il semble que les média aient déterré une ancienne prise de position, mais bon, voyez l'adage déjà cité : "Gouverner c'est prévoir" ! -, en pleine campagne électorale ? Suicidaire ? Va savoir ! (Source)
Bellamy ? Le troisième prof avec Arthaud et Brossat. Enfin, prof, c'est vite dit : en activité ou en disponibilité ? "Übung macht den Meister!" disent les Allemands : "c'est en forgeant qu'on devient forgeron !". Du coup, je me méfie de ces profs qui désertent les salles de classe. Mais il me semble que l'on peut être adjoint au maire (Versailles) tout en conservant son métier d'origine. Le fait est que Bellamy n'a pas été mauvais. Par ailleurs, on peut raisonnablement s'interroger sur l'avenir des anciens "Républicains" de la coalition LREM (Le Maire, Darmanin, Raffarin...) si, d'aventure, l'expérience "macroniste" faisait long feu : imagine-t-on qu'ils reviennent au bercail ? Toujours est-il que, contrairement aux spéculations sondagières, c'est le camp de Bellamy qui risque de se retrouver de nouveau en tête au Parlement Européen. Et il semble que les conservateurs européens soient rompus à l'exercice de la "combinatione", du compromis avec d'autres, notamment les sociodémocrates. Alors, du coup, tout ce blablabli-blablabla des politocrates pour opposer les uns et les autres dans un cadre strictement franco-français a quelque chose de dérisoire !
Bardella ? Jeune loup aux dents longues et très propre sur lui. Personnellement, je l'aurais préféré de gauche, mais bon ! Le fait est qu'il a assuré, comme on dit, à l'instar des Aubry, Bellamy, Brossat. Et c'est là que les politocrates se perdent en conjectures, qui nous avaient prédit l'effondrement de Marine Le Pen à l'issue d'un certain débat d'entre les deux tours de la présidentielle, chose que j'ai toujours contestée (voir les archives de ce blog). Du coup, si, d'aventure, le Rassemblement National devait de nouveau virer en tête à l'issue de ce scrutin européen, alors je connais quelques politocrates qui devraient avaler leur chapeau et changer de métier dans la foulée ! On verra bien !
Aubry ? Très bonne candidate, malgré sa jeunesse. Et c'est là qu'on mesure toute la différence entre quelqu'un d'expérimenté au sein d'un parti politique (Bellamy, Bardella, Brossat) ou d'une ONG et quelqu'un qui s'improvise candidat au tout dernier moment (Glucksman). Mon problème avec Manon Aubry s'appelle Jean-Luc Mélenchon, un quidam tout sauf fiable (voir les archives de ce blog) ! Par ailleurs, le Front de Gauche de 2014 a explosé en plusieurs morceaux, et la Gauche française, au total, est bien partie pour perdre encore des plumes, le tout - entre autres raisons - à cause du caractère éminemment bonapartiste des partis qui la composent, ce qui leur fait préférer les guéguerres de personnes à la défense de grandes idées fédératrices. Autre chose : les Insoumis vont se retrouver au Parlement Européen, mais pour y siéger aux côtés de qui ?
3. Le cas Loiseau
Le moins qu'on puisse dire est que rien ne lui aura été épargné, entre le supposé manque de charisme et l'une ou l'autre bévue présumée commise par l'étudiante de Science Po'. Et au risque de surprendre, j'affirme ici que c'est pourtant, et de loin, la plus capée des têtes de liste de ce scrutin européen. Et pour avoir souvent critiqué le "Roi Macron", qui n'a toujours pas compris que la Cinquième République était à bout de souffle, je me dois de reconnaître que Nathalie Loiseau a le parfait profil pour conduire une liste au Parlement Européen, cette institution où l'on débat et négocie énormément, dès lors que l'on n'a pas, comme dans cette république bonapartiste qu'est la France, ces subterfuges anti-démocratiques transformant un 24 % de voix au premier tour en 66 % au second tour d'une élection !
Par ailleurs, bien des politocrates, obnubilés qu'ils sont par les sondages - et ce ne furent pas les seuls dans ce cas ! - semblent avoir voulu confondre le Parlement européen avec les Folies Bergères et je ne sais quel cabaret de strip-tease ! Le fait est que l'ex-ministre chargée des affaires européennes - à qui personne ne demande de danser à moitié nue sur une estrade - détient sans aucun doute la capacité technique et probablement humaine et de négociatrice pour jouer un rôle moteur au sein des cadors de ce Parlement européen, dont je rappelais (voir le papier sur Ingrid Levavasseur) que ses principaux animateurs (Barnier, Alliot-Marie, Hortefeux, Lamassoure, Verhofstadt... sans oublier les Junckers, Delors, Veil, etc.) sont/furent souvent d'anciens ministres affichant pas mal d'heures de vol.
Il reste maintenant à tout ce petit monde à faire des progrès en matière de pédagogie, histoire d'amener le maximum de citoyens à croire en l'avenir de cette usine à gaz qui n'en finit pas de susciter la méfiance des Européens, à commencer par les plus jeunes. Et ça, c'est pas gagné !
Et pourtant, tout semble avoir été fait pour doper le sentiment d'appartenance de la jeunesse à la grande famille européenne : il y eut l'ouverture des frontières et la libre circulation, l'intégration progressive de pays autrefois périphériques (Espagne, Portugal, Grèce) et de piliers du défunt Pacte de Varsovie (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie), sans oublier la réunification allemande. Et avec tout ce mouvement politique, vous aviez des innovations pratiques comme le programme Erasmus, la fédération internationale des auberges de jeunesse, la carte Interrail, grâce à laquelle les jeunes de moins de vingt-six ans pouvaient sillonner l'Europe en train et sans limitation durant quelques semaines, etc., toutes choses qui auraient dû se traduire par un renforcement des liens entre citoyens européens, et ce, d'autant plus que tout ce brassage de populations a induit de nombreux mariages.
Las ! Des jeunes n'ayant connu aucune guerre entre pays européens car nés autour de 1989, voire longtemps après l'effondrement du mur de Berlin - donc, aujourd'hui trentenaires, pour les plus âgés -, ne semblent pas plus concernés que ça par l'idéal des Monet, Adenauer, Brandt et autres Schumann. Comme preuve que la pédagogie, c'est un métier !
Et il n'y a pas que les politiques. Voyez le journal reproduit plus haut !
Pour avoir lu quelques articles par-ci, par-là et suivi l'un ou l'autre débat à la radio et à la télévision, je suis toujours surpris de voir à quel point l'homo mediaticus ou journalisticus manque d'imagination, l'industrie sondagière tenant lieu de vademecum chez l'ensemble des journalistes et autres politologues ou politocrates.
C'est ainsi qu'on a passé son temps à épiloguer sur "quelle liste arriverait en tête au soir du 26 mai", comme si c'était la chose la plus importante, alors même que l'essentiel était ailleurs.
751 députés européens, soit une majorité absolue à 376 parlementaires. Huit groupes, dont le plus important, à ce jour (PPE), cumulait 222 eurodéputés, effectif à doubler quasiment pour disposer d'une majorité confortable lors d'un vote final. Vous avez compris que le Parlement Européen était le royaume de la négociation et du compromis ?
Voilà qui amène - ou aurait dû amener - quelques questions que personne ne s'est vraiment posées.
I. Trente-quatre listes sont en présence en France, qui vont devoir se positionner par rapport aux huit groupes déjà présents au Parlement européen. Or, lors des nombreux débats intervenus dans les média (un médium, des média), personne ne s'est interrogé sur l'avenir, au sein du Parlement, d'au moins vingt-six des listes en présence en France.
II. Le positionnement relatif du Rassemblement National et de la coalition LREM ? J'ai déjà évoqué cette question ici même en la jugeant sans intérêt. Et pourtant ! Tout a été fait pour faire croire aux électeurs que c'était là l'enjeu principal du scrutin, alors même que le mouvement LREM n'a aucune existence au Parlement Européen, contrairement à l'ex-Front National ! Par ailleurs, conservateurs et sociaux-démocrates étant les deux groupes les plus importants du Parlement, il va sans dire que RN et LREM ne pourraient y jouer qu'un rôle marginal si, d'aventure, ils ne sont pas assez consistants pour y constituer au moins une minorité de blocage.
III. Autre problème : compte tenu de la composition de la coalition LREM, regroupant socialistes, centristes, écologistes et anciens du Parti républicain, on est en droit de s'interroger sur le positionnement respectif de ces diverses composantes par rapport aux trois groupes principaux (PPE, Sociaux-démocrates, Verts) : par exemple, comment vont voter les ex-socialistes français de la liste LREM par rapport à leurs ex-collègues sociaux-démocrates, ou les ex-Républicains par rapport à leurs ex-collègues du PPE, ou les ex-EELV par rapport à leurs ex-collègues du mouvement écologiste européen, etc. ? Voilà des questions que je n'ai entendu formuler nulle part !
IV. Découlant de ce qui précède, il se trouve que la totalité des États de l'Union européenne, à une exception près, sont des régimes de type strictement parlementaire, un style d'organisation imposant généralement la mise en place d'une combinaison de forces. C'est dire si ces États (voyez l'Allemagne, l'Autriche ou l'Italie) fonctionnent sur la base de la coalition, autant dire de la négociation et du compromis entre des forces pouvant être antagonistes à la base, tout le contraire du seul régime autocratique de l'Union Européenne : la France, dans lequel un homme seul décide quasiment de tout ! Question : comment vont pouvoir se comporter des élus LREM censés appliquer "la politique voulue par le roi, pardon ! par le président", lorsqu'il s'agira de trouver des compromis, dans le but d'atteindre la barre fatidique des 376 eurodéputés ?
Et comme les politocrates ne sont doués que pour le commentaire de sondages, voyons ce qu'avec un peu de talent et de jugeote, on pourrait dire (écrire) sur les principales listes en présence lors de ce scrutin européen.
1. Les petites listes ? Why not? Warum nicht? Et pourquoi pas ? Dès lors que le scrutin semblait abordable (un seul tour, proportionnelle intégrale), tout le monde pouvait tenter sa chance. Et pourtant ! (Source)
Fort de ce que j'ai pu écrire tantôt à propos des projets (avortés) du Gilet Jaune (canal historique) Ingrid Levavasseur, je constate simplement que de nombreux panneaux électoraux sont restés vierges de toute affiche, les candidats s'étant découverts fauchés comme les blés, ce qui n'est pas très glorieux, mais surtout, est de nature à déprimer leurs plus fidèles supporters. Autant dire que le Gilet Jaune Levavasseur l'a échappé belle !
Je profite de l'occasion pour féliciter Ingrid Levavasseur d'avoir eu l'intelligence de se désister à temps et de ne pas être allée ruiner ses maigres économies et celles de ses amis proches dans cette galère, à l'instar de quelques quidams imprudents.
Comme dirait l'autre : il y eut beaucoup d'épelés et peu de lus !
Que dire de Francis Lalanne ? Je l'ai écouté lors de l'un ou l'autre débat télévisé. Je l'ai trouvé assez drôle et pas inintéressant, mais surtout drôle ! Pour le reste, sans être un Gilet jaune "canal historique", il s'est bien inutilement fourvoyé dans une galère qui risque de jeter le discrédit sur l'ensemble du mouvement. Fort heureusement pour eux, les Gilets Jaunes ont clairement affiché la couleur en ne soutenant aucune liste pour les élections européennes.
Phillipot ? J'ai déjà eu l'occasion d'écrire (cf. la série "Marine Le Pen et le plafond de verre") ce que je pensais de cet individu flou et louvoyant. Député européen sur une liste Front National, sa carrière politique semble sur le point de prendre fin un peu brutalement, et ça, il ne l'aura pas volé ! Quant à sa tentative d'OPA sur la marque "Gilet Jaune", disons qu'elle en dit long sur son désarroi face aux mauvais sondages. Cela dit, je reste persuadé qu'il finira par atterrir chez Les Républicains. Wait and see!
Dupont-Aignan ? Lors de la dernière campagne présidentielle, il claironnait partout qu'on le retrouverait au second tour. Cette fois, on l'a entendu claironner partout qu'il y aurait dix élus de son mouvement au Parlement Européen. Lui aussi sait être drôle, mais pas autant que Francis Lalanne !
Arthaud ? Je la trouve sympathique, quoique pas mal intégriste ! Cette fille est professeur d'économie, donc, au minimum, titulaire d'un CAPES. C'est dire si elle ne raconte pas de conneries, contrairement à pas mal d'autres. Problème : pourquoi la mayonnaise ne prend-elle pas avec les couches populaires ? Pour être prof, il faut être un peu - et même beaucoup - pédagogue, non ? Alors, Nathalie, pourquoi ça coince ?
Hamon ? Il paraît qu'il risque de prendre une grave décision s'il se plantait de nouveau dans une élection. Pauvre Benoît Hamon ! Encore un qui n'a rien compris à la politique, qui préfère créer une petite officine pour en être le chef incontesté, plutôt que de travailler à la "remontada" de son camp socialiste après une tuile (2017) qui n'était probablement que conjoncturelle !
Brossat ? Encore un prof (ça en faisait trois, avec Arthaud et Bellamy). Donc, bon pédagogue ? Le problème du Parti Communiste ne serait-il pas son positionnement en Europe, face à la disparition quasi totale des partis frères en Italie, Portugal et ailleurs, sans parler des anciennes Démocraties populaires ? Que Brossat ait été un bon candidat est une chose, que le PCF trouve sa place au sein du Parlement Européen sera une autre paire de manches !
2. Les mouvements déjà présents au Parlement Européen
Jadot ? Le candidat idéal pour vous dégoûter de l'écologie ! Je l'entends encore, au hasard d'une intervention télévisée, proclamant la nécessité d'en finir avec "le diesel", tout en affirmant plus loin qu'il fallait aussi en finir avec les énergies fossiles. Mais personne ne lui a demandé en quoi les agro-carburants entraient dans la catégorie "énergies fossiles". Incohérent un jour, incohérent toujours.
Glucksman ? Dans la catégorie "Imbu de soi-même", en voilà un qui mériterait d'être sur le podium. "Gouverner c'est prévoir" dit l'adage. Sauf que l'inventeur de "Place Publique" n'est pas du genre prévoyant, ou alors ce n'est qu'un cynique ! Le fait est que son entrée en politique a eu pour effet automatique de pousser sa dulcinée - journaliste politique ! - vers deux mois de chômage technique. "Je suis bouleversé !" aurait déclaré notre branquignol. Parce qu'en plus, lui et sa dulcinée ne se parlent pas et n'ont pas discuté en temps et en heure des risques que ses ambitions politiques - à lui - faisaient courir à sa carrière - à elle - ? Sinon, lors des débats télévisés, il a paru bien emprunté, le plus étonnant étant quand même le choix fait par le Parti Socialiste, malgré les récriminations de quelques ténors du parti. Et puis, comment comprendre la sortie de Glucksman à propos du rôle de François Mitterrand au Rwanda ? Même à supposer qu'il ait raison, le timing avait de quoi surprendre - même s'il semble que les média aient déterré une ancienne prise de position, mais bon, voyez l'adage déjà cité : "Gouverner c'est prévoir" ! -, en pleine campagne électorale ? Suicidaire ? Va savoir ! (Source)
Bellamy ? Le troisième prof avec Arthaud et Brossat. Enfin, prof, c'est vite dit : en activité ou en disponibilité ? "Übung macht den Meister!" disent les Allemands : "c'est en forgeant qu'on devient forgeron !". Du coup, je me méfie de ces profs qui désertent les salles de classe. Mais il me semble que l'on peut être adjoint au maire (Versailles) tout en conservant son métier d'origine. Le fait est que Bellamy n'a pas été mauvais. Par ailleurs, on peut raisonnablement s'interroger sur l'avenir des anciens "Républicains" de la coalition LREM (Le Maire, Darmanin, Raffarin...) si, d'aventure, l'expérience "macroniste" faisait long feu : imagine-t-on qu'ils reviennent au bercail ? Toujours est-il que, contrairement aux spéculations sondagières, c'est le camp de Bellamy qui risque de se retrouver de nouveau en tête au Parlement Européen. Et il semble que les conservateurs européens soient rompus à l'exercice de la "combinatione", du compromis avec d'autres, notamment les sociodémocrates. Alors, du coup, tout ce blablabli-blablabla des politocrates pour opposer les uns et les autres dans un cadre strictement franco-français a quelque chose de dérisoire !
Bardella ? Jeune loup aux dents longues et très propre sur lui. Personnellement, je l'aurais préféré de gauche, mais bon ! Le fait est qu'il a assuré, comme on dit, à l'instar des Aubry, Bellamy, Brossat. Et c'est là que les politocrates se perdent en conjectures, qui nous avaient prédit l'effondrement de Marine Le Pen à l'issue d'un certain débat d'entre les deux tours de la présidentielle, chose que j'ai toujours contestée (voir les archives de ce blog). Du coup, si, d'aventure, le Rassemblement National devait de nouveau virer en tête à l'issue de ce scrutin européen, alors je connais quelques politocrates qui devraient avaler leur chapeau et changer de métier dans la foulée ! On verra bien !
Aubry ? Très bonne candidate, malgré sa jeunesse. Et c'est là qu'on mesure toute la différence entre quelqu'un d'expérimenté au sein d'un parti politique (Bellamy, Bardella, Brossat) ou d'une ONG et quelqu'un qui s'improvise candidat au tout dernier moment (Glucksman). Mon problème avec Manon Aubry s'appelle Jean-Luc Mélenchon, un quidam tout sauf fiable (voir les archives de ce blog) ! Par ailleurs, le Front de Gauche de 2014 a explosé en plusieurs morceaux, et la Gauche française, au total, est bien partie pour perdre encore des plumes, le tout - entre autres raisons - à cause du caractère éminemment bonapartiste des partis qui la composent, ce qui leur fait préférer les guéguerres de personnes à la défense de grandes idées fédératrices. Autre chose : les Insoumis vont se retrouver au Parlement Européen, mais pour y siéger aux côtés de qui ?
3. Le cas Loiseau
Le moins qu'on puisse dire est que rien ne lui aura été épargné, entre le supposé manque de charisme et l'une ou l'autre bévue présumée commise par l'étudiante de Science Po'. Et au risque de surprendre, j'affirme ici que c'est pourtant, et de loin, la plus capée des têtes de liste de ce scrutin européen. Et pour avoir souvent critiqué le "Roi Macron", qui n'a toujours pas compris que la Cinquième République était à bout de souffle, je me dois de reconnaître que Nathalie Loiseau a le parfait profil pour conduire une liste au Parlement Européen, cette institution où l'on débat et négocie énormément, dès lors que l'on n'a pas, comme dans cette république bonapartiste qu'est la France, ces subterfuges anti-démocratiques transformant un 24 % de voix au premier tour en 66 % au second tour d'une élection !
Par ailleurs, bien des politocrates, obnubilés qu'ils sont par les sondages - et ce ne furent pas les seuls dans ce cas ! - semblent avoir voulu confondre le Parlement européen avec les Folies Bergères et je ne sais quel cabaret de strip-tease ! Le fait est que l'ex-ministre chargée des affaires européennes - à qui personne ne demande de danser à moitié nue sur une estrade - détient sans aucun doute la capacité technique et probablement humaine et de négociatrice pour jouer un rôle moteur au sein des cadors de ce Parlement européen, dont je rappelais (voir le papier sur Ingrid Levavasseur) que ses principaux animateurs (Barnier, Alliot-Marie, Hortefeux, Lamassoure, Verhofstadt... sans oublier les Junckers, Delors, Veil, etc.) sont/furent souvent d'anciens ministres affichant pas mal d'heures de vol.
Il reste maintenant à tout ce petit monde à faire des progrès en matière de pédagogie, histoire d'amener le maximum de citoyens à croire en l'avenir de cette usine à gaz qui n'en finit pas de susciter la méfiance des Européens, à commencer par les plus jeunes. Et ça, c'est pas gagné !