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mercredi 14 janvier 2015

France. Le syndrome de Ferguson §2



De la frontière ténue séparant démocraties et dictatures.

Episode 2. Présomption de culpabilité : tout suspect de "terrorisme" sera criblé de balles jusqu'à ce que mort s'ensuive


Article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme


La présomption d'innocence, telle qu'entendue actuellement dans la plupart des pays d'Europe, se fonde sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 de l'ONU qui la formule de la façon suivante :

"Article 11. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis." 

Outre la présomption d'innocence, le premier alinéa fonde les droits de la défense. Le deuxième alinéa fonde le principe de légalité des délits et des peines. Le droit canadien formule cette définition de façon explicite dans son Code criminel et dans sa Charte canadienne des droits et libertés :
« Tout inculpé a le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable. » (source)

Dans sa définition commune, la présomption d’innocence signifie qu’une personne, même suspectée de la commission d’une infraction pénale, ne peut être considérée comme coupable lors d'une procédure d'instruction pénale et avant d’en avoir été déclaré comme tel par des juges suite au terme de cette procédure. 


En tout état de cause, la charge de la preuve de la mise en jeu de la responsabilité pénale incombe à l'accusation, c'est-à-dire au ministère public.

Au cours de la procédure d'instruction, la présomption d'innocence se matérialise par l'examen des preuves à charge et à décharge ainsi que par la possibilité des investigations de la part du juge chargé de l'enquête.

(…)

Selon la règle "In dubio pro reo", le doute joue en faveur du prévenu qui devra être relaxé ou acquitté « au bénéfice du doute », car il vaut mieux absoudre un coupable que de condamner un homme qui est peut-être innocent.

Il est fréquent de constater la publicité donnée à une accusation de personnes dans les organes de presse imprimés ou audiovisuels mais aussi et surtout sur internet.

Le cas échéant, une telle publicité pourra être considérée comme une diffamation.

(…)

L'article 9-1 du code civil dispose que :


« Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence. Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, sans préjudice d'une action en réparation des dommages subis et des autres mesures qui peuvent être prescrites en application du nouveau code de procédure pénale et ce, aux frais de la personne physique ou morale, responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence. »  (source)

Que dire de tout ce qui précède ? Sinon que la France, ce pays grand donneur de leçons de droits de l'Homme aux quatre coins du monde, mais dont le ministre des Affaires étrangères s'est retrouvé au coeur d'un attentat international ayant causé la mort d'un homme, que cette France, donc, se montre volontiers amnésique dès qu'il s'agit d'appliquer à la lettre les principes de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

En voulez-vous une démonstration ?

Quelques images qui rappelleront des choses à certains.

1. Présumés innocents, donc arrêtés vivants et livrés à la Justice


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Pour mémoire, l'arrestation de Rouillan et Ménigon, Rue Pergolèse, à Paris, a donné lieu à une fusillade assez nourrie (je m'en souviens parfaitement, l'information étant tombée en direct à la radio). Rouillan et Ménigon furent pourtant arrêtés vivants.

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Autre suspect célèbre arrêté vivant et livré à la Justice :



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2. Criblés de balles et, de ce fait, jamais jugés
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Entre nous, en rapprochant la liste (1) et la liste (2), vous n'êtes pas frappé(s) par un détail, ou est-ce moi qui ai mauvais esprit ?

Pour mémoire :

1. La peine de mort a été abolie en France en 1981, et cette abolition devrait logiquement profiter à n'importe quel suspect.

2. Présumés innocents de leur vivant, Khaled Kelkal, Mohammed Merah, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly le sont et le restent, a fortiori, après leur mort, et ce à titre perpétuel !

Par voie de conséquence, toute assimilation de ces individus à des criminels et, a fortiori, des terroristes, violerait gravement leur droit - désormais perpétuel - à la présomption d'innocence ainsi que consigné en l'article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

On s'interroge, par conséquent, sur les arguments qui peuvent avoir conduit à la mise en garde à vue de Dieudonné M'bala M'bala, dans la mesure où l'on ne voit pas très bien ce qu'il pourrait y avoir de "terroriste" dans l'action de personnes présumées INNOCENTES, et que M'bala M'bala aurait évoquées dans un message sur sa page Facebook.
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Mais peut-être allons-nous apprendre bientôt que le Code Pénal français a été modifié en catimini, et que l'évocation de la mémoire d'un sujet présumé innocent y est désormais assimilée à de l'"apologie de terrorisme" !

Wait and see!


Cerise sur le gâteau

Il paraît qu'évoquer "Charlie/Charles Coulibaly" sur un tweet ou quelque chose comme ça, c'est de l'ordre de l'apologie de je ne sais trop quoi ! Pour ne rien vous cacher, je me suis presque roulé par terre, de rire, en entendant la nouvelle. Ah les cons !, ai-je pensé spontanément.

Vous voulez savoir pourquoi ? Il m'a fallu trois minutes et des poussières pour réaliser ces deux captures d'écran...
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Comme vous pouvez le voir, dans le staff de Amadou et Mariam, il y a (eu) un Charles Coulibaly.

Sachez, braves gens, que le patronyme "Coulibaly" est très fréquent dans l'Ouest africain, où il est porté majoritairement par des musulmans, ainsi que par quelques chrétiens (Côte d'Ivoire, Burkina Faso). En Afrique, nous connaissons, tous, un Claude Coulibaly, un François Coulibaly, voire un, deux... Charles C.

En tout cas, je connais au moins deux Charles, alias "Charlie" Coulibaly, qui ont dû se rouler par terre, de rire, en apprenant que leur patronyme était assimilé à... quoi déjà...? de l'apologie de terrorisme. Rien que ça ! 

Bandes de nazes, aurait dit l'autre !



P.S.

Lu sur le net le 22 janvier 2015 : l'auteur de ce qui suit est un ancien avocat général, donc représentant du ministère public lors de procès criminels. Et voilà ce qu'un ancien magistrat du siège ose écrire :

(...) 
Ce qui démontrera à quel point ce débat, écartelé entre droit et politique, est complexe sera le procès de Dieudonné bientôt jugé en correctionnelle. Celui-ci avait écrit sur sa page Facebook, le 11 janvier : « Sachez que ce soir je me sens Charlie Coulibaly. »
L’apologie de terrorisme, qui lui est reprochée, n’est pas absurde puisque, réunissant, dans sa phrase, en quelque sorte les premières victimes et l’un des assassins, il peut sembler justifier, avec ce lien indécent, ce comportement criminel. Une autre analyse, cependant, pourra être tentée par la défense de Dieudonné si ce dernier ne décide pas de revendiquer cet écrit.


C'est ici que je ne peux qu'inciter ce brave ex-avocat général qu'est Philippe Bilger de profiter de sa retraite toute neuve pour reprendre le chemin de la Faculté de Droit, histoire d'y (ré)apprendre des choses qu'il a dû oublier depuis.

Lorsqu'il écrit notamment "...réunissant dans sa phrase, en quelque sorte, les premières victimes et l'un des assassins, il peut sembler justifier, avec ce lien indécent...", il va sans dire que la langue de notre ex-magistrat du siège a fourché, puisque je puis affirmer, sans l'ombre d'une hésitation, que l'avocat général Bilger ne se serait jamais permis de traiter quiconque d'assassin au cours d'un procès, les personnes présentes dans le box... comment dit-on déjà ? "Box des accusés" - n'étant encore coupables de rien, le métier de l'accusation étant précisément de prouver la culpabilité des accusés.

On perçoit bien ici le gouffre qui sépare la théorie et la pratique, la France n'étant une république qu'en théorie - liberté, égalité, fraternité, présomption d'innocence, etc. -, les faits montrant un pays impliqué dans une myriade de coups fourrés aux quatre coins du monde : soutien aux pires dictateurs en Afrique, il n'y a pas si longtemps, interventions militaires aux côtés de l'Otan un peu partout, implication dans la déstabilisation de l'Ukraine aux côtés des néo-nazis de Bandera, etc. 


France : le syndrome de Ferguson. The Ferguson syndrom



De la frontière ténue séparant démocraties et dictatures.

Episode 1 : l'exécution extrajudiciaire.


Lu sur Internet sous le titre : L’abolition de la peine de mort reste théorique.

(...)

L’abolition de la peine de mort reste théorique. La vindicte populaire et l’exé­cution extrajudiciaire effectuée par les forces de l’ordre font encore rage.

L’État a reconnu le droit sacré à la vie en signant l’abolition de peine de mort, même s’il faut ratifier encore le second protocole, pour que la peine de mort soit opposable, a avancé Lucien R., directeur des Droits humains et des relations internationales, au sein du ministère de la Justice.  Un membre de la commission des Droits de l’Homme au sein de l’assemblée nationale, a ajouté que les parlements s’apprêtent à valider la proposition de loi de l’abrogation générale de la peine de mort. Mais, quand un membre de la société civile a indiqué hier, lors de la célébration de la journée mondiale contre la peine de mort à Anosy que, l’exécution extrajudiciaire et la vindicte populaire tendent petit à petit à remplacer la peine de mort annoncée par le Tribunal, les responsables sont restés dans l’embarras.

« Le problème est que, l’enquête ne s’ouvre qu’une fois la personne morte. Beaucoup de personnes meurent sans avoir été jugées », se plaint un membre de la société civile. Une parlementaire ne veut pas être ridicule devant ces opinions. « Qu’est ce qu’il faut faire pour que les gens aient confiance en  la Justice et aux forces de l’ordre. Nous sommes sur le point d’adopter cette loi abrogeant la peine de mort, alors que l’exécution extrajudiciaire et la vindicte populaire continuent toujours. », lance la parlementaire. (Source)


Le point de vue du juriste

L'exécution extrajudiciaire est un crime qui viole un des droits les plus fondamentaux de l'homme qui est le droit à la vie. En général, ce crime est exécuté directement par l'ordre de l'État ou bien avec son consentement implicite et quoiqu'il soit toujours condamné par la Communauté internationale. Cependant, le monde entier voit encore le déroulement de ce genre de crime devant ses yeux. Généralement les auteurs de ce crime sont les agents gouvernementaux ou des membres des groupes qui sont sous le contrôle direct ou indirect de l'État. Dans ce cas, les victimes sont parfois disparues avant d'être tuées, et dans certains cas, ce crime se produit lors d'une détention arbitraire. Ces personnes peuvent être également assassinées dans les rues ou même dans leurs propres maisons. Dans les dix dernières années du 20e siècle, le monde a été témoin d'une nouvelle génération de guerre qui est, d'une certaine manière, plus destructrice : la guerre contre le terrorisme. L'exécution extrajudiciaire réapparaît récemment dans les sujets du maintien de la sécurité internationale comme la violation des droits de l'homme pendant la lutte contre le terrorisme, et d'ailleurs, elle expose les multiples modalités d'atteinte à la vie d'un individu ou d'un groupe d'individus dans différents contextes de guerre ou de paix. Or, la protection des victimes contre l'exécution extrajudiciaire et le rôle de la justice pénale internationale sont devenus des sujets très sensibles et il faut apporter une solution à cette violation des droits de l'homme en suggérant quelques mesures juridiques pour éviter les atteintes et protéger les victimes. (Source)


L'ONU

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires est l'un des nombreux rapporteurs et représentants spéciaux des Nations Unies. Pour en savoir plus sur le travail des rapporteurs et des représentants spéciaux. (Source)


La situation en France : abolition (théorique) de la peine de mort en 1981

La peine de mort en France a été abolie en 1981, faisant ainsi de la France le seul pays à avoir procédé à des exécutions capitales tout en étant membre de la Communauté européenne, ancêtre de l'Union européenne.

Contrairement à ce que rapporte souvent la presse, ce n’est pas Christian Ranucci, mais Hamida Djandoubi qui, guillotiné le 10 septembre 1977 à la prison des Baumettes de Marseille, est la dernière personne à avoir subi la peine de mort en France. (Wikipedia)


Conclusion provisoire : comme un symbole, le dernier prisonnier exécuté en France était... maghrébin !


Prochain épisode : la présomption de culpabilité ou tout individu suspect de "terrorisme" sera criblé de balles jusqu'à ce que mort s'ensuive.