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mercredi 15 avril 2015

Un mois de grève à Radio-France ; et pendant ce temps, à la BBC...


Épisode 1

Matin du 15 avril 2015. Comme cela m'arrive souvent, j'écoute la radio. Pour ceux qui ne connaissent pas la France, il existait, autrefois, un certain nombre de radios privées concurrençant les établissements publics (ORTF) ; on les qualifiait de "périphériques", certaines d'entre elles étant basées à l'étranger.

Donc, j'écoute une de ces radios "périphériques" (Europe 1, 8h11), lorsque le préposé de service nous gratifie d'un message triomphant du type : "La dernière enquête vient de tomber et notre radio est celle qui affiche la plus forte progression...".

Je zappe sur la radio d'à côté, et voilà que l'autre préposé de service y va aussi de son annonce triomphale que j'ai pris le temps de noter (8h13) : "L'enquête Médiamétrie portant sur la période janvier-mars vient d'être publiée et, plus que jamais, RTL reste la première radio de France...".

Et moi de penser : "Comme c'est amusant !", et d'imaginer le patron des restaurants MacDonalds qui, trois ou quatre fois par an, publierait des communiqués triomphants du type : "Plus que jamais, MacDonalds est le premier restaurant de France, loin devant les Alleno, Gagnaire, Robuchon, Loiseau, Bocuse...".

Non mais c'est vrai quoi ! En termes de fréquentation, MacDonalds écrase la concurrence. Et pourtant, quelque chose me dit que l'on n'est pas près d'y publier des communiqués comme ceux des deux radios évoquées ci-dessus. Parce qu'il ne sont pas assez stupides, chez MacDo, pour confondre fréquentation et qualité, ni bas de gamme et haut de gamme !

Question : les deux préposés de service, sur les deux radios que j'évoquais, oeuvrent en qualité de journalistes ou de bateleurs de foire chargés de la propagande ?

Au risque de faire de la peine à ces braves bonimenteurs du matin, surtout le dernier (RTL), ces radios-là, je les écoute parfois le matin, en passant, surtout pour savoir le temps qu'il va faire, et puis je tourne le bouton, jusqu'au matin suivant.

Parce que des radios, sur Internet, on en a en pagaille ! (1) Tenez, moi qui suis un adorateur de J. S. Bach, vous n'imaginez pas le temps que ça me prend de dénicher une station en ligne, tant elles se bousculent au portillon ! Vous voulez écouter des pièces d'orgue de Bach ? Vous avez une petite quarantaine de stations disponibles, comme pour la musique de chambre, le clavecin, les cantates... 

Et Radio France dans tout çà ?, allez-vous me demander. Bonne question : quid de Radio France ?

Il faut dire à nos amis vivant à l'étranger, et qui constituent au moins la moitié de mon lectorat (merci les Russes, Chinois, Africains, Nord-Américains, et les autres !), que la radio publique française (Radio France) est en grève depuis maintenant un mois. Je n'ai pas pu le vérifier puisque je ne l'écoute plus depuis des lustres. Donc, je ne sais pas à quoi ressemblent les programmes actuels ; enfin, si, quand même, en souvenir des grèves passées : des bulletins d'information tous les quarts d'heure, ou toutes les demi-heures ou heures, avec plein de musique enregistrée pour meubler.

En tout cas, il y a une chose dont je suis absolument sûr : en ce moment-même, les grévistes de Radio France doivent faire des pieds et des mains pour... - je vous le donne en mille ! - obtenir le paiement des jours de grève.

Vous avez bien lu : après un mois d'arrêt de travail, il ne leur reste plus, pour ne pas sombrer totalement dans le ridicule, qu'à sortir de ce merdier sans trop de casse financière, et je vous garantis qu'ils vont tout faire pour que cette grève ne leur ait rien coûté du tout... Des congés payés en somme, payés par le contribuable...

Et courageux avec ça ! Voila qui me fait toujours penser à Dominique de Villepin au Conseil de Sécurité (2003) et à ce discours plein d'emphase à propos des "armes de destruction massive de Saddam Hussein". Un beau discours, et puis rien, même pas un petit veto, comme aurait fait Poutine, histoire de montrer qu'on a des c... !

Mais ça, c'est la France : beaucoup de bruit pour pas grand chose !


(1) Cf. petite recherche sur Google à partir des mots clés 'radio on the net free' : 361 millions de ressources disponibles.


Épisode 2

Télévision publique française. France 2. Journal de 13 heures du 14 avril 2015. Un sujet est consacré au 80ème anniversaire de la télévision, lorsqu'intervient ce commentaire assorti d'images appropriées : "Regarder la télé sur son smartphone, une révolution impensable il y a soixante-dix ans...".

Ça c'est bien vrai : on ne regarde plus la télévision sur un poste ad hoc mais sur une infinité d'écrans, ceux des téléphones portables, des tablettes informatiques ou des ordinateurs.

 Il est vrai également, ainsi que je le rappelais plus haut, que l'Internet a totalement révolutionné l'accès à la radio, puisqu'on peut désormais écouter des centaines de milliers, voire plus, de radios en ligne, et ce, quel que soit le décalage horaire. Et s'il est un domaine où la mondialisation produit des effets immédiatement palpables, c'est bien celui des canaux de l'information électronique, qu'il s'agisse de textes, d'images et de sons. Vous croyez qu'ils en ont pris conscience dans les milieux autorisés ?

Parce que vous avez encore des nigauds, comme les deux animateurs de radio évoqués plus haut, qui vous bassinent régulièrement à coups de communiqués triomphateurs sur les centaines de milliers ou millions d'auditeurs attirés par leur station de radio, de même que, si l'on écoute certains canaux de désinformation, on a droit - et c'est particulièrement vrai en France, pas dans d'autres pays d'Europe que j'ai pu visiter - à un tonitruant concert matinal de chiffres portant sur ce qu'ils appellent "les audiences" des émissions de télévision de la veille, où l'on nous explique que telle émission aurait attiré 'x' millions de téléspectateurs, telle autre 'y' millions, tandis qu'une troisième aurait perdu 'n' centaines de milliers de téléspectateurs depuis la dernière édition...

Et vous de vous interroger : "mais comment s'y prennent-ils pour accéder à de tels chiffres ?".

Comment ? En bidonnant les chiffres, forcément ! Sinon, par quel sortilège un vulgaire institut de "sondages" s'y prendrait-il pour comptabiliser, à la dizaine près, le nombre de personnes regardant une émission, qui sur son téléviseur, qui sur une tablette dans le bus, qui sur un "smartphone" dans un taxi, qui trois jours plus tard grâce au système de la multidiffusion/rediffusion (en anglais "replay") ?

Revenons d'abord sur ce barbarisme baptisé "audience", terme stupidement importé de l'anglais "the audience", qui est une donnée comptable signifiant l'auditoire, l'affluence (le nombre de personnes présentes à une manifestation ou écoutant un orateur). On l'a, donc, importé en français, en le mettant au pluriel : "les audiences". Et si vous lisez certains journaux ou écoutez certaines émissions, les illettrés qui les animent vous bassineront sur les audiences comparées (toujours !) de telle ou telle chaîne, le tout sur le mode de la concurrence voire de la confrontation.

Il faut dire qu'en France, on ne juge pas une émission de radio, a fortiori, de télévision, sur ses qualités intrinsèques - ce qu'on fait encore au cinéma, où le box office n'a pas encore supplanté le travail de la critique. -, mais plutôt sur le nombre de personnes que l'émission est supposée avoir attirées, les chiffres évoqués relevant, ainsi que je l'ai mentionné plus haut, du bidonnage le plus total. Ce qui fait que les illettrés que j'évoquais plus haut seraient absolument incapables de vous dire, à chaud, que l'émission qu'ils viennent de voir était excellente ou décevante. Pour ça, il leur faut absolument attendre de consulter les statistiques bidonnées du lendemain.

Rappelons en passant qu'en France, puisque c'est la situation française que j'analyse pour le moment, les organismes de sondages sont tenus d'accompagner leurs enquêtes d'une fiche dite technique faisant état de la date du sondage et de l'effectif des personnes consultées, notamment, les résultats étant toujours communiqués sous la forme de pourcentages se rapportant à l'effectif sur lequel a porté le sondage.

Le problème est qu'en France, les prétendues enquêtes sur l'auditoire des stations de radio et de télévision sont réalisées par un organisme unique, de fait, monopolistique (donc, sans concurrence, cela va sans dire !), qui s'est arrogé le droit de s'exonérer des règles de conduite que j'évoquais au paragraphe précédent, ce qui nous vaut d'apprendre que telle émission a été vue, par exemple, par 8 millions de téléspectateurs, le chiffre en question n'étant dû qu'à une projection arithmétique consistant à considérer le panel testé comme un modèle réduit de la population française, auquel cas il suffirait de lui appliquer un coefficient mutiplicateur, procédé éminemment grossier et qui, de surcroît, d'un point de vue scientifique, relève de la plus pure escroquerie !

Dans les faits, l'institut de sondages en question a fait installer sur les téléviseurs de près de 3000 volontaires des mouchards censés enregistrer tous les mouvements effectués par ces volontaires sur leur télécommande. Problème : l'effectif de ce panel n'est jamais révélé nulle part, de manière  à mieux tromper les gogos.

Le problème est que cette escroquerie quotidienne et réitérée depuis une trentaine d'années maintenant n'est rendue possible que par la complicité effective de l'Administration et, singulièrement, des autorités de tutelle de l'audiovisuel, au premier rang desquelles figurent un certain Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ainsi que le ministère de la Culture.

En bonne logique, il y a belle lurette que l'entreprise en question, baptisée Médiamétrie, et que j'ai rebaptisée Merdiamétrie (de "merde" : Scheisse en allemand, shit en anglais) aurait dû être condamnée pour l'ensemble de son oeuvre, à savoir la diffusion quotidienne de fausses informations.

Et s'il n'y avait que cela !

Il faut croire que l'entreprise "Merdiamétrie" bénéficie d'un statut très particulier qui lui permet le tour de force a) d'avoir éradiqué tous ses concurrents potentiels, se forgeant une position de monopole ; b) de bidonner des sondages en violation de la réglementation en vigueur, et ce, en toute impunité et c) de faire largement financer ces forfaits par le contribuable, ce qui relève de l'abus de biens sociaux voire du détournement de fonds publics !

Le plus drôle, si j'ose dire, dans cette affaire, est que face à la crise et aux restrictions budgétaires qui vont avec, les autorités de tutelle de l'audiovisuel public réclament à cors et à cris à ce dernier de... faire des économies !

Entre nous, vous croyez que les couillons de grévistes de Radio France se préoccupent des millions d'euros déversés chaque année, à perte, par leur entreprise, au profit d'escrocs juste capables de bidonner des sondages ?

Et madame la ministre de la Culture, qui demande aux patrons de l'audiovisuel public de faire des économies budgétaires, elle en pense quoi ?

N. B.  Dans la rubrique "Escroc un jour, escroc toujours !", voilà que Merdiamétrie recrute des panelistes pour la tablette, en leur promettant de "gagner un séjour..., des places de cinéma..., etc." 


En fait, il s'agit simplement de participer à un tirage au sort : "démarrez le questionnaire et participez automatiquement au tirage au sort...".

Vous avez compris que les panels de Merdiamétrie étaient majoritairement composés de couillons !



Épisode 3

"À France Télévision, le premier partenaire c'est vous."

Je viens de vous citer une publicité du type auto-promotionnel qui date d'il y a cinq ou six ans. Par "vous", il fallait entendre les téléspectateurs. Bien évidemment, ce message censé carresser les chers z'auditeurs dans le sens du poil relèvait de l'imposture, dans la mesure où l'opinion des téléspectateurs n'a jamais été prise en compte à France Télévision ni plus généralement dans l'audiovisuel français, et ce, malgré les innombrables techniques de communication disponibles permettant de prendre en temps réel le pouls des auditeurs et téléspectateurs.

Mais peut-être me trompé-je !? Il me semble qu'il y avait, autrefois, sur la chaîne dite France 2, un "Hebdo du médiateur", au cours duquel des gens pouvaient intervenir en direct pour émettre tel ou tel avis sur tel ou tel programme. N'étant pas un boulimique de télévision, je ne saurais vous dire si l'émission existe encore. Disons juste que mon petit doigt me fait penser qu'elle n'existe plus. Je prends le pari ! Il se trouve que c'était bien la seule émission du genre en France, via laquelle les téléspectateurs pouvaient avoir à émettre une opinion sur les programmes.

Mais la réalité est qu'en France, on méprise le téléspectateur - le vrai -, lui préférant son clone virtuel fabriqué par l'engeance que j'évoquais dans l'épisode précédent ; vous savez ? Ceux qui vous consultent un panel de 3000 foyers et vous annoncent le lendemain que 8 450 320 téléspectateurs ont regardé telle ou telle émission.

C'est, donc, ce système fondé sur l'escroquerie et le cynisme qui fait croire au téléspectateur lambda que, in fine, c'est lui qui est le maître d'oeuvre en matière de programmes, dès lors que l'audimat (les fameuses "audiences") ne dépend que de lui et de lui seul !

Un tour de passe-passe réalisé par des escrocs !

Et c'est ce tour de passe-passe qui vous explique que jamais il ne soit fait appel aux téléspectateurs pour noter une émission par exemple, ce que le téléphone, la télématique et l'Internet permettent de faire assez facilement ! Les chaînes de radio et de télévision françaises sont de véritables petites républiques bananières dirigées par de petits dictateurs refoulés dont on imagine combien ils produiraient de cadavres tous les jours si, d'aventure, ils ou elles étaient mis(e)s à la tête de pays qui s'appelleraient la Libye, la Syrie ou l'Iraq ! 

Le fait est qu'on consulte très bien le "cher z'auditeur" ! Prenez tous ces concours de chanteurs, l'élection de Miss France et que sais-je encore ! Le public y est abondamment solicité et il ne se prive pas de le faire. Il y aurait ainsi des centaines de milliers de connections pour le soir de l'élection de Miss France.

Mais vous avez encore tous ces questionnaires systématisés par certaines chaînes de télévision. C'est le cas de la chaîne française M6 qui, lors de son journal du soir (19h45), livre généralement une enquête à ses téléspectateurs, invités à donner leur opinion sur tel ou tel sujet de société. Là encore, c'est par dizaines de milliers (autour de 50.000) qu'ils donnent leur avis.

Quant à la radio, une des plus anciennes émissions du service public (France Inter) s'intitule - ou s'intitulait - "Le téléphone sonne", le titre voulant tout dire que les auditeurs  étaient systématiquement sollicités et intervenaient en direct et posaient une question à l'invité ou expert en studio. Autant que je me souvienne, les chers z'auditeurs n'étaient jamais consultés sur les programmes. 

Compte tenu de tout ce qui précède, comment expliquer que nos radios et télévisions considèrent comme nul et non avenu l'avis de leurs usagers sur la qualité des programmes ? C'est ainsi qu'on voit des émissions supprimées purement et simplement, sans qu'à aucun moment, "le premier partenaire" ne soit consulté.

Il y avait sur la chaîne publique France 2 une émission musicale baptisée Taratata et connue dans le monde entier (cf. TV5) en raison des duos plus qu'improbables qu'elle arrivait à mettre sur pied. J'y ai vu Johnny Hallyday chanter "Hey Joe" avec les Foreigners. À part Michael Jackson et Prince, à peu près tous les grands noms de la chanson française, du rock et du Rythm n'Blues sont passés dans Taratata. Pour ma part, je garde un souvenir impérissable d'un duo absolument incroyable - et pourtant, je n'étais pas un fan de la chanteuse, mais je le suis devenu depuis... - réunissant Tina Turner et Al Jarreau. Et je suis sûr que les téléspectateurs s'en souviennent encore.

Et pourtant, cette émission, qui valait à une petite chaîne de télévision française, autant dire inconnue au bataillon, de damer le pion aux CBS, NBC, ABC, NHK et j'en passe, a été rayée de la carte par une espèce de connard, parce qu'à part la connerie, je ne vois pas très bien ce qui a pu motiver cette suppression.

Mais je vous vois venir ; vous allez me dire : "Mais mon brave monsieur, vous oubliez l'audimat, vous savez ? les fameuses "audiences".". Et j'imagine que celles de Taratata, telles que concoctées par Merdiamétrie ne devaient pas être bien reluisantes. Et il s'est donc trouvé un ou plusieurs connards pour sauter sur l'occasion pour régler son compte à l'émission, en réécrivant son propre slogan : "À France Télévision, le dernier partenaire c'est vous !". Soit dit en passant, que Taratata ne soit pas vraiment entrée en conformité avec les canons "merdiamétriques" était plutôt une bonne chose. 

Par parenthèse, France Télévision, ce sont plusieurs canaux autonomes ; c'est dire s'il aurait été très facile de transférer l'émission d'une chaîne vers une autre. Et puis, de tout façon, il y a toutes ces rediffusions, le "podcast", comme ils disent. Mais, surtout, que les plus grands noms de la musique écoutée par les jeunes tiennent à passer dans Taratata ne pouvait être qu'un gage de la confiance qu'ils avaient mise dans le programme.

Sur la télécommande de mon téléviseur il doit y avoir près de 300 chaînes de télévision. C'est dire si j'ai appris très vite à me passer de certaines chaînes. Tenez, à part le fait de jeter un oeil sur l'un ou l'autre journal télévisé, la dernière fois que j'ai posé mes fesses dans un fauteuil pour regarder, dans son intégralité, un programme sur une chaîne française remonte, précisément, à ... Taratata (10 janvier 1993 - 12 juillet 2013).  

Quant à la radio publique, pour ce qui est de la musique, dès lors que l'Internet vous permet, en quelques clics de souris, d'écouter ce que vous voulez - selon votre humeur, du jazz ; non, du piano-jazz ; non, du piano avec orchestre ; non, du dixieland ; non, de grandes formations du type Stan Kenton, Benny Goodman, Count Basie, Duke Ellington... ; non, plutôt de la samba ; non, de la bossa nova ; non, des mariachis ; non, du violon tzigane ; non, plutôt de l'opéra, mais pas trop long, alors Rossini, non, Mozart... - et quand vous le voulez, autant dire que j'ai définitivement cessé  d'écouter cette radio blablateuse qu'est France Musique

Quant à France Inter, jusqu'à la saison dernière, tous les après-midi (sauf le vendredi), y sévissait (quand il n'était pas en grève avec ses amis enfoirés) un vieux de la vieille s'appelant Daniel Mermet (Là-bas si j'y suis). La dernière émission que j'aie écoutée sur France Inter fut aussi la toute dernière de Mermet sur cette radio. Autant dire que c'est pas demain la veille ! 

Lien01   -  Lien02


À suivre... 


mardi 17 mars 2015

John Kerry ou l'art de parler pour ne rien dire ?


Ce blog ne s'intitule-t-il pas "Com' ils disent" ? (avec com' comme "communication", ou l'art de brasser des mots, juste pour noyer le poisson.).

Il se trouve que, sur la Syrie, le ministre des affaires étrangères des Etats-Unis, le ci-devant Secrétaire d'Etat, John Kerry donc, aurait dit des choses.

À vrai dire, on ne sait plus très bien de quel pays Kerry est le secrétaire d'Etat, quand on voit le temps qu'il vient de passer loin de son pays présumé : on l'a vu s'éterniser en Ukraine, on l'a vu traverser les pays de l'Union Européenne, on l'a vu à Genève avec son homologue russe, avec son homologue ukrainien, avec son homologue iranien ; il franchit un fuseau horaire un jour, un autre fuseau horaire le lendemain... C'est à se demander quand diable Kerry et consorts trouvent-ils le temps de s'occuper des affaires de leur pays, les Etats-Unis !

Et qu'est-ce qu'il a dit, John Kerry ?

Qu'il allait bien falloir que les Etats-Unis négocient avec Bachar el Assad.

Et beaucoup de s'en féliciter, d'autres de se désoler, la France - du moins ceux qui sont censés la diriger - déclarant qu'elle était un pays indépendant, donc libre de ses choix.

Ça c'est ben vrai quoi ! La France est un pays indépendant, tandis que la Syrie !

Question : négocier avec Bachar el-Assad ? Mais à quel titre, monsieur Kerry ? Quant à l'impossibilité qu'Assad fasse partie de l'avenir de la Syrie (dixit les dirigeants français et britanniques), on se demande, là encore, qui leur confère le droit d'en décider !

Et pendant ce temps, les journalistes, vous savez, ces perroquets juste bons à répéter, blablater, paraphraser..., remplissent l'espace en brassant du vent.

Nos grands journalistes pourraient pourtant consulter des spécialistes de la question, on les appelle des experts en droit international, discipline enseignée dans toutes les bonnes facultés de droit. Seulement voilà : les médias se fichent éperdument des spécialistes du droit international, leur préférant des consultants en "relations internationales". Vous pouvez vérifier !

Or n'importe quel spécialiste de - voire simple étudiant(e) en - droit international vous dirait que les déclarations des Kerry, Fabius et consorts sur la Syrie constituent autant de violations du principe de la souveraineté des Etats tel qu'il a été sanctuarisé depuis quelques siècles maintenant, et surtout depuis l'établissement d'une charte des Nations Unies ! L'observation vaut, soit dit en passant, pour le programme nucléaire iranien, ce pays étant souverain et pas du tout assujetti  aux désirs des Américains ou des Israéliens !

Mais je n'en ai pas fini avec les termes mêmes de la déclaration de John Kerry, lequel appelait apparemment de ses voeux une négociation des Etats-Unis avec Assad dans le but manifeste de mettre un terme à la crise syrienne.

Ah bon ? Les Américains seraient donc partie prenante dans la crise qui secoue la Syrie depuis quatre ans maintenant ?

Entre nous, est-ce moi qui suis stupide ou John Kerry vient-il de nous faire là un énorme aveu, sur ce qui ne serait qu'un secret de Polichinelle, à savoir que les ennemis que combat Assad dans son pays ne sont que des marionnettes manipulées (donc armées) par les Américains (et leurs alliés ou laquais), puisque ces derniers, et eux seuls, sont apparemment en état de figurer comme interlocuteurs crédibles dans une négociation avec Bachar el-Assad.

Du reste, avez-vous entendu les combattants des réseaux "islamistes" en Syrie contester les prises de  position du secrétaire d'Etat américain ? Leur silence en la matière ne vaut-il pas reconnaissance du fait que c'est bien leur patron (américain) qui décide ?

Et les journalistes dans tout ça ? allez-vous me demander...

Quels journalistes ?


Lecture : soyons honnête, un des rares "journalistes" à être souvent sorti de la niaiserie ambiante, loin des hauts-parleurs du gouvernement que sont la plupart de ses confrères est Dominique Jamet, dont je recommande le (un des) papier(s) sur les déclarations de J. Kerry.

mardi 20 janvier 2015

France, terrorisme, syndrome, Ferguson, ce qu'on apprend de Google


Petit intermède au sein du tohu-bohu ambiant : une courte navigation sur la référence des moteurs de recherche : Google.

Vous avez sans doute observé qu'il n'y avait aucun affichage des "statistiques" des visites de ce blog, parce que c'est le cadet de mes soucis, et parce que, dans le même temps, je suis toujours un peu abasourdi de voir tous ces chiffres mirobolants de "visiteurs connectés" qui s'affichent sur tant de sites, comme si c'était cela le plus important. Parce que, par ailleurs, quand on voit le niveau de niaiserie de certaines contributions d'internautes sur les forums de discussion, on est passablement consterné. Pour ma part, je préfère dix visiteurs intelligents sur mon blog à 100 000 crétins juste capables de s'invectiver et raconter des balivernes. C'est pour cette raison que vous n'avez aucun forum de discussion sur ce blog : ce que j'écris, je l'assume à 100 %.

Donc, l'autre jour, je fais une petite navigation sur ce cher Google, par pure curiosité. Quatre mots clés (france, terrorisme, dieudonné, ferguson) pour voir. Et là, que découvré-je, en page 2 (soit autour de la vingtième place sur 453000 références) ?

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À y regarder de plus près, je constate que mon petit blog se retrouve parmi, non pas des blogs privés, mais des entreprises de presse... pas mal, non ? Voyez la page suivante de Google, ce jour-là (page 3) :


action, coulibaly, death, directe, ferguson, france, google, khelkal, obama, dieudonné, charlie, hebdo, je suis, kouachi, merah, mort, peine, death, penalty

Nouvelle combinaison de mots-clés, et là, ô surprise ! je me retrouve carrément en tête de liste, sur plus de 320 000 références.

action, coulibaly, death, directe, ferguson, france, google, khelkal, obama, dieudonné, charlie, hebdo, je suis, kouachi, merah, mort, peine, death, penalty

Comme aurait dit feu Pierre Desproges : étonnant non ?

Alors, je sais très bien que le "ranking" (classement) sur Google, ça va, ça vient. Mais bon, c'est quand même instructif, d'autant plus que je ne perds pas mon temps à m'occuper de référencement, ce classement n'étant dû qu'aux clics de souris des internautes qui font des recherches sur Google.

Mais ce n'est pas cela le plus important. Sur le fond, je note, en passant, que je suis le seul à rapprocher les événements de Ferguson, aux Etats-Unis, avec ce qui se passe en France depuis quelque temps, à savoir la propension des escadrons spécialisés de la police et de la gendarmerie à récupérer des présumés terroristes VIVANTS quand ils sont blancs, et MORTS quand ils ont la peau sombre ou basanée. Parce que ça, c'est une donnée OBJECTIVE que quiconque peut constater.

C'est cela que j'ai appelé le "syndrome de Ferguson". Et j'attends que quelqu'un ose m'opposer la moindre contradiction !

Le fait est que les activistes d'Action Directe ont, tous, été récupérés vivants, même à la suite d'intenses fusillades. De même qu'il peut être constaté par quiconque qu'une guerrilla indépendantiste sévit depuis des décennies en Corse, avec des centaines de morts à la clé, dont un préfet (Claude Erignac), que des dizaines d'attaques ont été perpétrées en Corse contre des édifices publics, des élus (tués), des casernes de gendarmerie, sans que, jamais, la moindre fusillade ne soit entamée contre des cagoulards du FLNC !

Le fait est qu'en Corse, il y a eu quelque chose comme zéro "terroriste" tué par la gendarmerie au cours d'une opération comme celles conduites, sur le continent, contre les dénommés Khaled Kelkal, Mohammed Merah, Amédy Coulibaly, Saïd et Chérif Kouachi, sans oublier les preneurs d'otages d'un Airbus bloqué sur le tarmac de l'aéroport de Marseille : à chaque fois, l'intervention des sections d'assaut de la police et de la gendarmerie a conduit à des exécutions extrajudiciaires, avec zéro survivant parmi les activistes présumés.

Et c'est aussi un des autres aspects de mon analyse, à savoir ce recours un peu facile (!) à l'élimination physique, dans un pays qui se targue d'avoir aboli la peine de mort !

Par parenthèse, je rappelle et maintiens - tout en défiant quiconque de soutenir le contraire - que, faute d'un procès en bonne et due forme, tous les quidams liquidés par les sections spéciales de la police et de la gendarmerie restent présumés INNOCENTS...

Alors, face aux analyses approximatives de certains pseudo-experts de la grande presse, je conçois que des internautes exigeants et futés apprécient l'éclairage un peu plus original et rigoureux que j'essaie d'apporter sur ces questions, et c'est cela qui m'importe le plus bien plus que les statistiques sur le nombre de visiteurs par heure, jour, semaine...

Par parenthèse, je remercie vivement tous les internautes qui me font l'honneur de visiter régulièrement ce modeste blog. J'y suis d'autant plus sensible qu'il m'est souvent arrivé de passer des mois (!) sans écrire une seule ligne...

Cela dit, n'en rajoutons pas dans la modestie ; cela pourrait paraître suspect ! 


Lectures : Quand un général français se lâche  -   La France sous influence

Lire également :

Representatives of Jews from across the world gathered for a meeting entitled "We All Stand United Against Anti-Semitism" at a special meeting of the United Nations General Assembly. But they were confronted by Orthodox Jews United Against Zionism, known as Neturei Karta. A group of Jews from Neturei Karta International gathered outside the United Nations to raise awareness about what they say is one of the leading causes of Anti-Semitism around the world, Israel.

According to Yisroel Dovid Wiess, prior to the creation of Israel, many Jews lived in peace with Muslims. Weiss says that Israel's existence violates the Jewish law. Dovid Feldman declared Zionism misrepresents itself, and has nothing to do with Judaism. He went on to say that Israel is creating hatred and distrust for Jews around the world.

The Anti-Israeli Jews said they will continue their efforts, but expressed frustration that the US media seem to be ignoring them, and promoting the Israeli narrative instead.

Caleb Maupin
Press TV, New York



dimanche 18 janvier 2015

France. Le syndrome de Ferguson §4


De la frontière ténue entre démocraties et dictatures.


Episode 4 : cette Déclaration Universelle des Droits de l'Homme allègrement violée par les plus grandes démocraties (*)



Je tombe, l'autre jour, sur le blog "allainjules", sur une fort intéressante contribution sur la question de l'apologie de terrorisme, contribution d'autant plus intéressante que l'auteur est docteur en droit. J'y retrouve exactement les questions que je me posais moi-même et c'est cela qui m'incite à la reproduire ici, in extenso.

Le vendredi 9 janvier 2015, à 18h47, près d’une heure trente après que les frères Kouachi, soupçonnés de l’attentat du mercredi précédent à Charlie Hebdo, sont tombés dans une scène digne de Butch Cassidy et le Kid, Othman Dahouk, 16 ans, fait figurer sur son compte Facebook l’image « Je suis Kouachi ».

Mauvaise idée. Le mardi 13, il est entendu par un officier de police judiciaire. À ce dernier, qui l’invite à parler et qui lui dit qu’il est dans un pays libre où il peut s’exprimer, il répond : « Je mets un truc sur Facebook, et je suis en garde à vue. Vous trouvez que je suis libre ? »

Le lendemain il est conduit, menotté et sous escorte, devant un juge des enfants, dans la perspective de sa mise en examen du chef d’apologie de terrorisme.

Il garde le silence. Son avocat prend la parole. Il en appelle à la raison, il rappelle au magistrat que dans le contexte de démence collective qui saisit une bonne partie de la population en France, démence dont sont saisies les plus hautes autorités de l’État, il est de son devoir, à lui, magistrat, dernier rempart des libertés, de rester serein et de prononcer ce qui naturellement s’impose devant pareil cas : une ordonnance de non-lieu.

Comment peut-on, dans le contexte malsain d’une idéologie hostile à l’islam, alors que gouvernement et médias nourrissent une psychose collective, « inculper » (comme jadis l’on disait) un gamin de 16 ans pour une pancarte « Je suis Kouachi » ? Alors que dans le même temps on prétend défendre la liberté d’expression, et en particulier le droit de moquer, de railler et de tourner en ridicule ? N’encourage-t-on pas, au contraire, à dire « Je suis Kouachi » ? N’a-t-on pas le droit de tourner en ridicule ce mouvement de foule et son slogan « Je suis Charlie » ?

Il semblerait que non.

Othman Dahouk, 16 ans, a été mis en examen pour apologie de terrorisme. Il encourt cinq ans d’emprisonnement pour une pancarte sur son Facebook (sept ans, même, si l’on tient compte de la circonstance aggravante). Et le magistrat l’a astreint à se soumettre, lui, à une obligation de soins psychologiques !

Sur quoi il convient de faire d’abord remarquer que si la loi doit être claire et précise de manière à ce que l’on puisse prévoir si ce que l’on s’apprête à faire est ou non punissable, cette loi qui incrimine « l’apologie de terrorisme » ne l’est guère, tout simplement parce qu’un élément de cette formule ne l’est pas.

« Apologie »

Le mot apologie, selon le dictionnaire Bloch et Warturg, est emprunté au latin ecclésiastique apologia et provient du grec apologia, qui signifie « défense », dérivé du mot apologos, qui au sens propre signifie « récit », « narration ». Il est vrai que toute défense, en droit pénal, commence par raconter ce qui s’est passé. Le Robert parle de « discours écrit visant à défendre, à justifier », c’est un plaidoyer.

Même si on pressent qu’il y a quelque abus à voir dans trois mots l’expression d’un plaidoyer (la plaidoirie la plus brève qu’il m’ait été donné de tenir jusqu’à présent en comportait quatre), le sens du terme est suffisamment précis pour répondre au principe de légalité.

« Terrorisme »

Il en va autrement avec le mot « terrorisme ». Notons d’abord que la même réalité peut recevoir des termes synonymes : partisan, résistant, guérillero, franc-tireur, rebelle, insurgé, membre d’un corps franc, milicien ou… terroriste. Tout dépend de l’endroit et du moment d’où l’on perçoit le phénomène. Le « terrorisme » n’est pas une infraction en soi, mais englobe de nombreuses choses qui peuvent être des infractions, lorsqu’elles ne sont pas légitimées par le pouvoir en place, ou même n’en être pas (comme de simplement parler, écrire, dessiner faire un geste, etc.).

Par exemple, on va prochainement (mai 2015) faire entrer au Panthéon, pour les donner en exemple à la Nation, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay, quatre « résistants » qui par leurs actes et mêmes leurs pensées étaient perçus comme des terroristes par les autorités et par la population de 1942 à 1944.

Et le Président Sarkozy n’avait-il pas ordonné que l’on lise à la jeunesse des écoles la lettre « d’adieu à ma petite maman », de Guy Môquet ? Et dans un autre registre, n’a-t-on pas fait de Che Guevarra une icône marketing ?

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, n’a-t-il pas dit que le Front Al-Nosra faisait « du bon boulot » ? Il s’agit pourtant d’une organisation terroriste, qui opère en Syrie et qui s’y livre à des horreurs autrement plus graves que ce qui est arrivé à Paris le 7 janvier 2015. Le tribunal administratif de Paris a même reconnu que de tels propos relevaient de la politique internationale de la France.

Le phénomène est donc extrêmement difficile à appréhender. Combattant glorieux pour les uns, criminel odieux pour les autres, le terroriste n’est vraisemblablement ni l’un ni l’autre. Seulement il se trouve que le cadre juridique ne comprend que deux catégories, et qu’il faut bien l’y faire rentrer.

Sans faire de la sociologie juridique d’avant-garde à l’américaine, il est évident que la décision du juge va dépendre du pouvoir en place. Selon que vous êtes appréhendé sous un régime libéral et libertaire du genre de n’importe quel État occidental, ou que vous êtes arrêté pour les mêmes faits sous un califat dans le style État islamique, votre sort ne sera pas le même. Pour les uns vous êtes un criminel impardonnable ou un fou, tandis que pour les autres vous êtes le saint et le héros qui a exécuté la fatwa.

Tout dépend aussi de l’endroit où vous opérez. Sur sol syrien ou irakien vous pouvez décapiter, violer, torturer à loisir (à condition toutefois de ne pas toucher aux journalistes occidentaux). En France en revanche, c’est « tolérance zéro » : le voile pour les femmes, la barbe pour les hommes, suffisent à vous rendre suspects.

Et même sous un régime libéral et libertaire, tout va dépendre, à quelques jours, parfois à quelques heures près, des degrés de pression politique, de propagande et de mobilisation de l’opinion publique. En période de calme relatif il ne vous arrivera rien. Mais gare si vous n’avez pas senti le vent tourner, même si le vent tourne après, bien après que vous ayez dit ce que vous avez dit.

Par conséquent, il est extrêmement dangereux de faire figurer dans la loi pénale ce terme obscur et vague de « terrorisme ». C’est laisser à l’arbitraire du magistrat le choix de condamner ou de relaxer, sans que l’on puisse prévoir à l’avance sa réaction. Cela crée une atmosphère extrêmement malsaine. L’emploi du mot, en réalité, est le signal de la guerre civile. Il n’a pas à figurer dans la loi.

Damien Viguier
Avocat – Docteur en Droit

Fin de citation (source)


J'ai bien failli accepter l'analyse de ce brillant juriste dans son intégralité, mais après réflexion, je dois bien y apporter quelques commentaires, à commencer par le regret que notre juriste n'évoque jamais l'autre versant de la problématique qu'il pose : à partir de quand la société doit-elle vous considérer comme étant un terroriste ?

Ma réponse : à partir du moment où un tribunal vous a expressément condamné pour ce faire et que la décision est devenue définitive. Et c'est bien ce que je reprocherais volontiers à notre juriste de ne pas avoir précisé. À ce jour, dans l'affaire Charlie Hebdo (et cela vaut également pour l'Hyper Casher), personne n'a encore été condamné pour terrorisme, pas même pour crime...

Et si personne n'a encore été condamné..., où est le problème ?

Résumons

Othman Dahouk, 16 ans, a été mis en examen pour apologie de terrorisme. Il encourt cinq ans d’emprisonnement pour une pancarte sur son Facebook (sept ans, même, si l’on tient compte de la circonstance aggravante). Et le magistrat l’a astreint à se soumettre, lui, à une obligation de soins psychologiques !

Ce garçon a écrit "Je suis Kouachi" sur sa page Facebook. C'est bien cela qui lui vaut de se retrouver devant un juge ?

Je pense aussi que le terme fluctuant de "terrorisme" n'a rien à faire dans un code pénal. Mais il y a plus grave, et notre juriste n'insiste pas suffisamment dessus. Cela tient en une question : 

Question : avez-vous entendu un seul représentant de la magistrature française déclarer que les frères Kouachi et Amédy Coulibaly étaient des terroristes ?

Imaginons, une seconde, que ces garçons - à l'instar des Merah, Kelkal... - aient été livrés vivants à la Justice. Quel serait leur statut aujourd'hui ? Mis en examen ? Placés en détention provisoire ?

Veut-on nous faire croire que "mis en examen" ou "placé en détention provisoire" signifie "coupable" ? 

Que la rumeur publique et de mauvais journalistes affirment que les frères Kouachi sont les tueurs de Charlie Hebdo et que Amédy Coulibaly est le tueur de l'Hyper Casher de la Porte de Vincennes, on mettra cela sur le compte de la méconnaissance du droit, voire tout simplement de la stupidité.

Mais un magistrat ! Qui sait, mieux que personne, ce que "présomption d'innocence" veut dire ! Qui sait, mieux que quiconque, que cette présomption est garantie par rien moins que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme !

Dans les décisions de justice à venir, dont j'ai cru comprendre qu'il y en avait un certain nombre, notamment celles concernant Dieudonné M'bala M'bala ("je me sens Charlie Coulibaly") et le jeune Dahouk ("je suis Kouachi"), pour prononcer quelque condamnation que ce soit, les juges vont devoir préalablement coucher sur le papier l'équation :

Kouachi ou Coulibaly = terrorisme

C'est ici que je vais oser un pronostic : je ne vois pas un juge digne de ce nom (je ne parle pas ici d'un fonctionnaire, d'un journaliste ou d'un politicien ; je parle de gens dont le métier est de rendre la justice.) prononcer une condamnation post-mortem à l'égard des dénommés Kouachi et Coulibaly.

Et partant, je ne vois pas très bien comment au moins une de ces procédures - je n'évoque ici que les messages ayant éventuellement exprimé de l'empathie voire de la sympathie pour des sujets présumés innocents - ne déboucherait pas, in fine, sur un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, à laquelle il reviendra de déclarer caduque - ou non - l'article 11 de la fameuse Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (de 1948).


Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Article 11. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis. »

(*) Je connais l'argumentation des technocrates du "Droit" (majuscule ou minuscule ?), à savoir que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme n'a aucun caractère contraignant et ne relève, donc, pas du "Droit positif" (celui que les juridictions sont censées appliquer. Sur la question de la présomption d'i'nnocence, il existe bien une loi dite Guigou). Cette bonne blague ! Parce que, quel est précisément l'argument sur lequel se fondent les propagandistes de la "supériorité" des démocraties sur les dictatures,  et de quoi pérorent-ils à profusion au sujet du prétendu "choc des civilisations" ? Sinon, précisément, le respect de certaines valeurs, dont les droits de l'Homme ? Par ailleurs, nos technocrates du droit oublient que, dans les sources du droit, il y a notamment la coutume, les principes généraux du droit, etc. J'attends, donc, d'entendre une autorité politique française déclarer solennellement que la France ne se sent aucunement concernée par l'article 11 précité.

Par ailleurs, la Cour Européenne des Droits de l'Homme, agissant en qualité de Super Cour de Cassation européenne, dispose de ses propres critères pour émettre des arrêts qui, eux, sont bel et bien contraignants pour les tribunaux nationaux. N'est-ce pas cela le plus important ?

samedi 17 janvier 2015

Terrorisme : concept à géométrie variable. La version de François H.


Dans notre série : vérité en-deçà, erreur au-delà, ou l'inverse...

Tarnac, ça vous rappelle quelque chose ? Des sabotages sur des installations de la SNCF. L'affaire n'a toujours pas été jugée.

Elle n'en a pas moins suscité des commentaires intéressants de la part du "premier secrétaire du parti socialiste à l'époque" (sic), formule que j'emprunte à l'intéressé lui-même, tel qu'il s'est désigné en marge de l'affaire Tristane Banon/Dominique Strauss-Kahn.

Voilà, donc, qui a inspiré le premier secrétaire... de l'époque à s'épancher au micro de John-Paul Lepers au sujet de l'exploitation par certain pouvoir du concept de terrorisme, aux fins de camoufler ses échecs sur le plan économique et social. Document audio transcrit par mes soins. (Source)


Q.: John-Paul Lepers
R.: François Hollande

Q. Est-ce que aujourd’hui, dans notre pays, vous François Hollande, vous trouvez que les choses sur les libertés sont en danger ?
R. Je crois qu’au nom d’une cause qui est juste, nécessaire – lutter contre le terrorisme – on est en train de faire des amalgames et des confusions, c’est-à-dire que celui qui n’est plus dans la norme, qui peut avoir un comportement déviant, qui peut parfois même être au-delà de la loi peut être assimilé à un terroriste, ce qui là est une atteinte grave aux libertés.
Q. Pourquoi on fait ça ? Pourquoi le pouvoir politique fait ça selon vous ?
R. Je crois qu’il y a d’abord une espèce de, de… de mouvement euh… politique, c’est-à-dire de donner le sentiment que… il y a une menace et que le pouvoir y répond ; donc il y  a une intention politique, qui est…
Q. Ils inventeraient la menace alors ?
R. Non, je crois qu’ils ne l’inventent pas ; il y a quand même des actes qui se sont produits, euh, des caténaires, mais on lui donne un sens qui n’est pas le bon, on lui donne une portée, on en fait un acte terroriste comme pour justifier l’intervention sécuritaire du pouvoir et son efficacité. Et puis deuxièmement, et deuxièmement il y a une forme de, de dérive sécuritaire qui justifie des lois sans cesse plus répressives au nom d’une menace qui parfois est réelle, et parfois, on le voit bien, est virtuelle voire même inexistante.
Q. Vous avez quand même dit que, d’une certaine manière, le pouvoir politique pourrait favoriser la qualification d’actes répréhensibles en… en  actes terroristes, pourquoi, pour que la population se sente en sécurité avec ce, avec ce gouvernement ?
R. Je crois qu’on a suffisamment affaire avec le terrorisme réel pour qu’on n’aille pas en inventer un qui n’existe pas, qui relève peut-être d’autres procédures. Donc…
Q. Mais pourquoi il l’invente, le pouvoir alors ?
R. Peut-être pour montrer une efficacité qui sur d’autres terrains, notamment économiques et sociaux, n’est pas forcément au rendez-vous.
Q. C’est grave vos accusations, monsieur Hollande là.
R.    Je pense que c’est grave, enfin mettre en cause des hommes et des femmes, les priver de liberté, les accuser de terrorisme, c’est grave ! L’erreur à mon avis qui a été commise par la ministre de l’Intérieur a été de théoriser, à partir de je ne sais quel livre, de je ne sais quel comportement ou de réseau supposé, de théoriser l’existence d’une gauche, ultragauche dont il faudrait absolument, euh… mettre hors d’état de nuire ses prétendus doctrinaires ou exécutants. Je crois qu’avant de porter une telle accusation, je ne dis pas qu’il n’y a pas à un moment des surveillances à observer ; y a sûrement des surveillances à observer, et même des répressions à exercer quand il y a des mises en causes, des matériels ou des biens qui appartiennent à l’Etat ou qui appartiennent à une entreprise publique. Il faut que les choses se fassent, mais de là à imaginer un scénario où le terrorisme serait là, présent, euh, dans le cœur même de nos villages, je  pense que là il y a eu, il y a eu une dérive. Alors, la ministre de l’Intérieur, si maintenant les procédures démontrent que ces jeunes ne sont pour rien, y compris pour les actes dont on les a supposés coupables, alors là, je pense qu’il faudra des excuses de la part du ministre de l’Intérieur. Si maintenant on lit les livres et on recherche leurs auteurs et on interprète leurs textes et on va les chercher manu militari, y compris dans ma (?) Corrèze pour les mettre sous les verrous, c’est vrai que c’est inquiétant. Faites attention à ce que vous allez imprimer, diffuser, on ne sait jamais, vous pouvez y passer aussi. C’est ça d’ailleurs qui est troublant dans cette affaire de Tarnac, c’est qu’on se dit
Q. Vous êtes inquiet vous, parce que… ?
R. On ne sait jamais qu’est-ce qui peut se produire, euh, je ne crois pas que mes textes encore m’exposent, mais quelqu’un qui, la littérature est pleine de quelques fois de délires d’ailleurs ; on commence à lire ces textes, à supposer que cette fiction devienne peut-être une incitation au passage à l’acte, enfin, et qu’on peut se retrouver comme ça, mis aux fers, c’est vrai que c’est assez troublant.
Q. Ben vous avez l’air en forme, vous êtes souriant, et puis vous êtes clair ce soir ; je vous remercie monsieur Hollande.
R. Plus que le parti socialiste, vous voulez dire ?