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mercredi 22 juin 2022

Les Français sont obsédés par le burkini - et tout cela devient franchement gênant

Ceci est la traduction par mes soins d'un article de Arwa Mahdawi, paru sur le site du Guardian. (Source)

Relecture en cours

La planète brûle et la France en est à se demander si les femmes doivent ou non porter des manches longues pour se baigner – une agitation qui a visiblement ses racines dans la profonde islamophobie du pays.

Bonjour et bienvenue au prix "Get A Grip" (1)(Ressaisissez-vous !"), que je viens d'inventer. Le prix GAG est décerné au cas par cas à un pays qui déploie une formidable énergie dans le seul but de s'humilier sur la scène mondiale en se concentrant sur quelque chose de ridicule pendant que le feu couve. Le prix rend hommage à ceux qui semblent avoir perdu tout sens de la perspective et les exhorte gentiment à essayer de s'inquiéter de quelque chose de plus important.

Il y a beaucoup de prétendants au prix inaugural du GAG, mais j'ai décidé de commencer avec la France. Il se passe beaucoup de choses en France, mais d'énormes pans de la population déploient toujours une énergie embarrassante pour se disputer sur la quantité de chair que vous devez montrer pour mettre les pieds dans une piscine ou un équipement public. Les Français sont obsédés (oui, OBSÉDÉS !) par le débat sur la question des maillots de bain appropriés et ça fait sérieusement grincer les dents.

Plus précisément, les Français font une fixation (2) sur les burkinis. Le maillot de bain couvrant le corps de la tête aux pieds, le plus souvent associé aux femmes musulmanes, a été interdit dans plusieurs villes françaises il y a plusieurs années. Cette interdiction a été strictement appliquée et semble avoir été étendue à toute personne portant plus de vêtements que l'État ne juge strictement nécessaire. En 2016, par exemple, des policiers français armés ont fait la Une des journaux lorsqu'ils ont forcé une femme musulmane, sur la plage de Nice, à retirer certains de ses vêtements et lui ont délivré une contravention indiquant qu'elle ne portait pas "une tenue respectant les bonnes mœurs et la laïcité". Comme tout bon laïc le sait, la façon dont vous faites preuve de bonnes mœurs se fait avec un bout de nichons qui dépasse (3).

Les Burkinis ont un peu disparu des gros titres en raison de problèmes plus urgents tels que la pandémie mondiale et la guerre en Ukraine. J'ai le regret de vous annoncer qu'ils sont de retour dans l'actualité car, le mois dernier, la ville de Grenoble a décidé d'autoriser les usagers à se baigner en burkinis (4). Un contrecoup a suivi cette décision de bon sens. La dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen a déclaré que le feu vert au burkini était "la façon dont les fondamentalistes islamistes prennent le pouvoir". (Je dois tenir ces fondamentalistes à distance en persécutant toute femme qui veut porter des manches longues pour se baigner.) Pendant ce temps, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a qualifié la politique de la mairie de Grenoble de "provocation inacceptable". S'adressant, la semaine dernière, à la National Public Radio aux États-Unis, le maire de Grenoble a noté que la décision d'autoriser le burkini "a suscité une vive émotion (réprobation) chez certaines personnes". Avec tout mon respect, ces personnes devraient trouver un thérapeute pour gérer cette intense émotion. Si vous êtes dérangé par une femme qui ne montre pas ses jambes nues en public, le problème n'est pas l'Islam, c'est vous.

Le recul de Grenoble sur les burkinis n'a pas seulement déclenché des émotions intenses ; cela a aussi déclenché une bataille juridique. La plus haute juridiction administrative de France doit rendre incessamment une décision sur le type de maillot de bain légalement acceptable. Entre nous, quelle merveilleuse utilisation des impôts  des contribuables.

Bien qu'il puisse être habillé d'arguments sur la laïcité, le retour de bâton contre les burkinis a des racines évidentes dans l'islamophobie profonde de la France. Cependant, pour être juste, il y a plus que la simple haine des musulmans ; il y a aussi des idées bizarres sur l'hygiène. La police française de la mode n'est pas seulement occupée à surveiller ce que portent les femmes, elle milite également en exigeant que les hommes portent des maillots de bain moulants dans les piscines publiques. Une loi interdisant les shorts de style boxer dans les piscines est en place depuis 1903. Les "moule-burnes" australiens (5) sont plus propres que les caleçons amples, car ils ne peuvent pas être portés pendant des heures avant la baignade, selon l'argument. Je suppose que c'est logique. Mais il semble étrange de se focaliser dessus, étant donné que les piscines sont généralement remplies de chlore. Je suggère à la France de s'en tenir à ce qu'elle fait le mieux. S'il vous plaît, les amis : mangez du fromage !

Arwa Mahdawi est une chroniqueuse du Guardian

 

Notes du traducteur

 (1) L'acronyme G.A.G. se retrouve dans diverses occurrences :

- It's time to stop panicking and get a grip. He's too nervous; he needs to get a grip. Il est temps d'arrêter de paniquer et de se ressaisir. Il est trop nerveux, il doit se ressaisir.

- I just think he ought to get a grip on himself - he's behaving like a child.  Je pense juste qu'il devrait se ressaisir - il se comporte comme un enfant. 

(2) To get their knickers  in a twist

- If someone is getting their knickers in a twist about something, they are getting annoyed or upset about it without good reason. Si quelqu'un s'énerve pour quelque chose, c'est qu'il est agacé ou contrarié sans raison valable. 

(3) Sideboob

Il faut comprendre ici que l'auteur suggère ironiquement que la laïcité à la française consiste à laisser dépasser de ses vêtements l'un ou l'autre bout de sein ou de ventre. 

(4) Burkini : il s'agit d'une marque déposée, comme Ray Ban ou Rolls Royce. Toutes les tenues de bain pour femmes ne sont donc pas des burkinis, pas plus que tous les réfrigérateurs ne sont des frigidaires ! Raison pour laquelle je doute fort que la ville de Grenoble ait fait figurer "burkini" dans son arrêté !

(5) Budgie smugglers (toujours au pluriel) : Australie et Nouvelle-Zélande. Style de maillot de bain masculin ajusté, coupé comme un slip, et qui recouvre les fesses et l'aine mais pas les jambes et révèle le renflement des organes génitaux ; particulièrement porté dans le cadre du sauvetage en mer et des compétitions de natation. 

 

En Droit

Il se trouve que la ville de Rennes n'interdit nullement les tenues de bains couvrantes dans ses piscines publiques, pour peu qu'elles soient adaptées au bain, le tout sans aucune connotation religieuse. Le moins qu'on puisse dire est que la dernière décision du Conseil d'État, invalidant la délibération grenobloise libéralisant les tenues de bains dans les piscines municipales, crée un hiatus juridiquement incompréhensible, que cette haute juridiction devrait régler tôt ou tard, à moins que la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne soit saisie de la question et mette tout le monde d'accord.

Pour ma part, tant qu'une personne n'a pas explicitement exprimé sa religion en public, nul n'est habilité à lui en attribuer une, ce qui relèverait du délit de faciès. Et, là encore, on ne comprend pas très bien d'où le Conseil d'État déduit que les femmes en tenues couvrantes de Grenoble soient toutes mues par des contingences religieuses ! 

 

 


jeudi 16 juin 2022

Ukraine. Quand les armes françaises tuent des civils dans le Donbass

Traduction par mes soins d'un papier paru sur le site Donbass Insider (Source)

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