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jeudi 21 avril 2011

Nouvelles brèves : Al Qaeda et les Harkis de Benghazi

Avertissement : le document qui suit était également visible sur le site lepost.fr, d'où il a été supprimé, selon une technique bien connue dans les "démocraties populaires", je veux dire via la censure, parce qu'il s'agit bien d'une censure.

En voici la preuve :



Officiellement, il s'agissait de "non conformité du document avec la charte du Post", parce qu'ils ont une charte, bricolée par je ne sais qui, en tout cas par quelqu'un qui n'a jamais consulté aucun Code Civil ni Pénal ! 


Maintenant, je vous invite à bien consulter ce qui suit, et à vous demander ce qui a bien pu justifier une censure sur un site Internet pas chinois, pas nord-coréen, pas zimbabwéen, mais bien français !


Jeudi 21 avril 2011. 

Voici une capture d'écran réalisée, ce jour, sur le site lefigaro.fr.


libya

"About fifty French soldiers killed in Afghanistan since the start of the Allied military intervention in late 2001.  France has deployed some 4,000 troops on Afghan soil." (English text below)

Extrait de l'article du figaro.fr : "Une cinquantaine de militaires français ont été tués en Afghanistan depuis le début de l'intervention militaire alliée, fin 2001. La France a déployé quelque 4.000 hommes sur le sol afghan."

Une cinquantaine de tués ? Voilà qui est fort vague, non ? À moins que d'aucuns ne pensent, précisément, que ce "flou" va permettre de gommer la dureté de la statistique, dès lors que "cinquantaine" couvre le champ allant de 50 à 59 !

Mais pour connaître la bonne statistique, il suffit d'aller chercher l'info ailleurs :

Au total 56 soldats français sont morts en Afghanistan depuis décembre 2001. (France Inter, 21.04.11, 10h02)

Et, pendant ce temps, on reçoit à Paris. Source : le site liberation.fr.  

Regardez bien cette image ! Please look at this picture! 

harki

Ce que cette image m'inspire ? D'abord une petite pensée pour feu Georges Chetochine, cet expert connu de tous les téléspectateurs français, et spécialisé dans l'analyse des attitudes et des postures humaines.

Une poignée de mains sur le perron du palais de l'Elysée, ou l'art de se serrer la main sans se regarder... Pour être plus précis, il y en a un des deux qui regarde l'autre, et l'autre qui pense d'abord à regarder où sont les photographes ! Quel geste de mépris pour son interlocuteur : un pur produit du régime qu'il prétend combattre, et dont on se demande s'il est moins, aussi, ou plus sincère aujourd'hui qu'il ne l'était hier, au sein du régime politique qu'il a choisi de trahir ! 

Pour être honnête, quand je dis que l'homme de droite regarde l'autre, en fait, le regard glisse de manière oblique vers le bas ; les deux visages sont à la même hauteur, mais l'on voit bien que l'homme situé à la droite de l'image baisse ostensiblement la tête, ce qui nous vaut un double réflexe d'évitement particulièrement spectaculaire et lourd de sens !

Le fait est que, dans ce double réflexe d'"évitement", comme on dit chez les comportementalistes, il y a la traduction du mépris, de la gêne, de la défiance, voire des arrières-pensées et de la crainte d'etre démasqué par l'autre.

Le mépris : celui qui reçoit a l'air de dire aux photographes, ses vrais interlocuteurs (!) : "Non mais vous n'imaginez quand même pas que je vais croire un traître (!) mot de ce harki manipulé par Al Qaïda !"

La gêne : ben oui,  médiatisation oblige : tout ça se passe devant une petite forêt d'objectifs photographiques et de caméras. Donc, on se redresse et l'on se dit : "attention, les gens nous regardent ! Essayons de faire bonne figure.". Mais seulement voilà : compte tenu de tout ce que nous savons sur la manipulation onusienne, la confiance ne règne pas du tout ! Nous savons fort bien que le visiteur n'est pas là pour obtenir la protection des populations civiles de Libye, mais pour tout autre chose.

La défiance : le maître des lieux sait qui est son hôte : un ancien du régime libyen qui a tourné casaque. Le visiteur sait qui est son hôte : celui-là même qui déroulait le tapis rouge au dirigeant libyen, il n'y a pas si longtemps. Quant au grand public, il se pose évidemment des questions, surtout s'il a accès à l'Internet !

Les arrières-pensées : tout le monde sait ce qu'il en est advenu des harkis algériens, massacrés pour la plupart, exfiltrés vers la France pour les autres, pour être parqués dans du préfabriqué, de même que  l'on se rappelle encore, un peu plus récemment, de l'Armée du Liban Sud, ces supplétifs chrétiens qui ont choisi de collaborer avec l'occupant, et qu'on a vu détaler dans un grand désordre et quitter leur pays le jour où leur mentor a décidé de mettre fin à l'occupation du Sud-Liban. Le Libyen sait tout cela, ce qui explique qu'il baisse les yeux, trop conscient de ce qui l'attend en cas d'échec de sa trahison, accroché qu'il est, tel un naufragé à une bouée de sauvetage, à un pouvoir français auquel il doit presque tout, et dont le représentant, par parenthèse, est l'objet d'un véritable désamour de la part de concitoyens auxquels il a tant et tant promis, le tout à une petite année d'une élection cruciale... En clair, notre Harki libyen doit se dire "si ce type coule, je coule avec lui !".

Question : que pensent les familles des soldats français basés en Afghanistan, et dont "une cinquantaine" sont passés de vie à trépas, sans compter les mutilés physiques, les estropiés du cerveau, condamnés à consommer des tonnes d'antidépresseurs, la torture endurée par les familles, et sans oublier non plus les otages des Talibans ou d'Aqmi, bref, que pensent toutes ces familles de cette étrange poignée de mains ainsi que de la danse du ventre exécutée par leur pays, la France, devant l'étrange coalition des Harkis de Benghazi ? Curieusement, aucun(e) journaliste n'a pensé à leur poser la question !



Concerning the picture above:

What does this picture mean to me? (…) 

A handshake on the steps of the Elysee Palace, or the art of shaking hands without looking at eachother! Isn't it strange? In other words, the first one (on the right) seems to look at the other one but apparently this one is only interested by the photographers! The guy is actually filled with contempt for his visitor, and is surely thinking: "this one is nobody else as a pure product of the regime he claims to be fighting, and one wonders whether he is less honest, as honest, or more honest today as he used do be in former times, as he acted as an executive in the political system he has chosen to betray.".


To be honest, saying that the man on the right is looking at his partner is not quite right. In  fact, he is averting his gaze and moving it obliquely downward; the two faces are almost at the same level, but it is clear that the visitor ostensibly lowers his head, while his partner is turning his face away, twisting his spine to the right, so that we have got here an incredible double reflex of avoidance. And they should be friends!

Most of the behaviorists would say that this double reflex of "avoidance" is the translation of contempt, embarrassment, mistrust, or even ulterior motives and fear of being unmasked by the partner.


Contempt. He who receives seems to tell the photographers – his actual interlocutors (!) –: "Hey, I hope that you are not thinking that I am going to believe a single word of this guy, who is surely  manipulated by Al Qaeda!".


Embarrassment. Of course, the (mass) media are the ruling power! All this happens in front of a forest of cameras. Indeed, everybody tries to straighten itself and thinks: "Watch out! people are looking at us! Let's look contented!". But the problem is that given everything we know about the UN manipulation, there should be trust for everybody! We do know that the visitor is not here in order to insure the protection of any civilians in Libya, but for everything else.


Distrust. The host knows who is his guest: a former member of the Libyan regime who has turned and run. The visitor knows who his host is: the very man who rolled out the red carpet for the Libyan leader when he came to Paris, three years ago. As for the audience, people obviously raise a lot of questions, especially those who have access to the Internet!


Ulterior motives. Everyone knows what happened to the Algerian harkis: most of them got slaughtered, the rest sent off to France, to be herded in uncomfortable prefabs. We remember also  the Army of South Lebanon, surrogate Christian forces who had chosen to collaborate with the occupier of their country, and who got into a big mess, scampering and leaving their country in a hurry as the Israelian occupier decided to end the occupation of Southern Lebanon. The Libyan visitor knows all that, which explains why he looks down, being too aware of what would happen if his treachery should fail. He must feel himself as hung as a castaway on a lifeline, realizing that he is so much dependent on a French power which can decide whether he lives or dies, and the big boss of which is incidentally the subject of a real disenchantment from most of his citizens, whom he  promised so many things during the last campaign… The problem is that he has not got much time until the next (crucial) election… Of course, our Libyan Harki should have said to himself: "if this one gets drowned, then it will be all about me!".





dimanche 17 avril 2011

Obama and Co : Kadhafi doit partir !? Kadhafi (to) go now!?

Une semaine ou presque sans écrire une ligne !

Et pourtant, j'en ai saisies, des lignes de texte, cette semaine. Mais pas pour l'Internet. Parce qu'il n'y a pas que l'Internet dans la vie. Savoir décrocher, ne pas tomber dans la dépendance ! Donc, je m'aménage des breaks. Et ça peut prendre des jours, voire des semaines.

Mais j'ai une bonne excuse : ces derniers jours, je me suis abreuvé de Wagner, de Strauss (Richard) et de Mozart.

Tiens, Kirsten Flagstad, ça vous dit quelque chose ? Et Birgit Nilsson ? Et Shirley Verrett ? Et Leontyne Price ? Et Grace Bumbry ? Et Christa Ludwig ? Et Janet Baker ? Et Jessye Norman ?...

Si vous ne connaissez pas ces femmes, allez sur votre moteur de recherche favori, tapez 'youtube' et 'liebestod', par exemple. Mais bien évidemement, si vous n'aimez pas Wagner, alors, je ne peux rien pour vous !

C'était juste pour dire que j'ai passé des soirées exceptionnelles à voir, revoir et réécouter cet extraordinaire pianíssimo de Birgit Nilsson à la toute fin du Liebestod (La Mort d'Isolde, cf. Tristan und Isolde de Richard Wagner) : ... versinken... unbewusst... höchste... Lu........st ! Mais le Liebestod de Jessye Norman n'est pas mal non plus. Non mais qu'est-ce que je raconte ? Je vous défie de trouver voix plus veloutée (ni plus puissante) que celle de Jessye Norman. Et pour vous en convaincre, appréciez donc son Liebstod du festival de Salzburg (Autriche), qui sera aussi le dernier de Karajan. Aux côtés d'Eliette, sa femme, le maestro a l'air bien fatigué ; mais regardez-le revivre sur scène ! Comme on dit en anglais : "Enjoy!" !

Mais ce n'est pas de cela que je voulais vous parler.

Cette dernière semaine, j'ai acheté le journal. Enfin, j'en suis autour d'une soixantaine d'euros de presse écrite par semaine. Sauf que ce journal-là, je ne l'achète quasiment jamais !

Ce journal, c'est Le Figaro, la "danseuse" de Monsieur Dassault. Comment dire : ringard, vieillot ? C'est ça : ringard et vieillot. Du coup, je ne l'achète jamais, sauf ce dernier vendredi, où il affichait en Une trois "grands de ce monde", avec ce gros titre : "Kadhafi doit partir".

obama


Et moi de me demander : "Ah bon ? C'était dans la résolution 1973 ?"

Bien entendu, j'ai lu le papier produit par nos trois grands dirigeants, qui ont, visiblement, assez de temps libre pour s'occuper à écrire des éditoriaux dans la presse ! Et je suis tombé des nues... Et puis je suis allé vite fait sur l'Internet pour consulter la version anglaise du document, notamment sur le site du New York Times. Et là, je retombe des nues.

Autant dire les choses simplement : j'ai rarement lu pareil tissu d'inepties dans un journal, et signé par trois personnages de ce calibre.

On en reparlera, parce qu'il y aurait des tonnes de commentaires à faire sur ce papier !

Autre chose ?

Toujours dans le même journal, je tombe sur ça : trois scénarii (un scénario, des scénarii) possibles pour les primaires du PS. 




Sur la même page, on trouve, écrit tout petit (au point qu'il faudrait une grosse loupe pour déchiffrer la fiche technique) la référence à l'organisme de sondages "Opinion Way". J'ai numérisé le papier pour le ressortir, le jour venu, je veux dire à la fin des primaires socialistes. Juste pour rire ! Parce que les politocrates français sont en train de nous expliquer que, pour courir un marathon, celui qui n'a jamais parcouru 42,195 kilomètres a plus de chance d'aller au bout que celui/celle qui a déjà l'expérience du marathon. En clair, à en croire les sondologues et autres sondocrates, Ségolène Royal, qui a l'expérience d'une élection présidentielle, aurait moins de chance d'y arriver, cette fois-ci, que des gens qui n'ont jamais couru, ne serait-ce qu'un 10 000 mètres !

Où l'on voit que la France manque cruellement de politologues et d'analystes politiques ; rien que des commentateurs de sondages !

Mais nous en reparlerons aussi. Pour l'heure, je continue de me faire plaisir. Au fait : connaissez-vous l'Ave Verum Corpus de Mozart ? Non ? Comme je vous plains !

mercredi 6 avril 2011

Les armes de désinformation... 5/7. Quand la "communauté internationale" parraine des pogroms... Sponsored pogroms in Libya.



Avant-propos

Un certain nombre des documents présentés ici figuraient déjà sur un texte précédent consacré à Obama (volant au secours des massacreurs de nègres...). Le moins qu'on puisse dire est que la presse libre, comme on est en droit de l'appeler, n'a pas été d'une grande curiosité face à ce qui a bel et bien ressemblé à une vague de racisme et de xénophobie parmi les "révolutionnaires" libyens. Mais peut-être devons-nous certains (changements de) comportements aux premiers articles et reportages parus sur la question, qui ont alerté certains "révolutionnaires" libyens que certaines choses risquaient fort de se savoir et de ruiner leur image à l'étranger ?

Toujours est-il qu'en France même, on ne fut pas loin du silence radio dans la grande presse, à une poignée d'exceptions près.  Mais bien évidemment, la communauté noire s'est émue de la chose, et pas qu'en Afrique. Est-ce là la raison  du brusque repli tactique ou stratégique de Barack Obama dans son soutien en faveur de l'agression contre la Libye ? Ou n'a-t-il pas voulu empoisonner son entrée en campagne par une sordide croisade qui risquait de faire pas mal de "dégâts collatéraux", ce qui n'est jamais très bon pour l'image d'un "Prix Nobel de la paix" ?






Foreword

Some documents presented below belong to a previous file that I devoted to Barack Obama (rushing to negroes' slaughterers' aid in Libya.). The least I would say about this issue is that our so called "free and democratic press" didn't seem to be very concerned by what  actually looked like a growing wave of racism and xenophobia among the so called "revolutionary Libyans". Anyway, some important changes have been reported, given the huge amount of 'Western' reporters and journalists in Eastern Libya. And perhaps could we explain those changes by the fact that some articles and reports would have alerted the so "sympathetic revolutionary Libyans" to the fact that the raging campaign of racism against dark skinned people was likely to ruin their image abroad...

Nevertheless, in France for instance, the campaign of racism in "Free Libya" has been as well as hardly reported: a sort of "blackout" (France - I mean the elected king of the country! - having been one of the very few countries to recognize the Revolutionary group as the unique representative of the Republic of Libya.) among the press, except for very few outsiders. But obviously the black community felt upset, in Africa and elsewhere in the world. Should that be the reason of the sudden tactical or strategic withdrawal of Barack Obama and of the U.S. armada from the Libyan mess? Or is our so smart Barack not willing to poison his second presidential campaign with a sordid crusade that surely would much "collateral damage", which cannot be considered as beneficial to the prestige of a Nobel Prize Winner?


(N. BI just haven't got enough time to translate the French part into English. But why wouldn't you try a 'web translator'? Of course, it doesn't work as  well as a professional translator, but it helps you understand most of documents in a foreign language, and there are so many languages to read on the net! Just try! Otherwise that could be a good opportunity for you to learn French!)




Épisode 5 : Pogroms 



Pogrom (Cf. Le Trésor de la Langue Française)
Ces Juifs, un peu déclamatoires, ne sont pas les premiers à venir en Palestine, pour y reprendre avec le sol une intimité suspendue depuis bientôt deux mille ans. Il y a une quarantaine d'années, quelques familles de Juifs russes, terrifiées par les pogroms qui suivirent l'assassinat du tzar Alexandre II, avaient demandé un refuge à cette terre d'une éternelle espérance. THARAUDAn prochain, 1924, p.141.


libya

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Libyan "revolution" attacks Black workers. No Tahrir in Benghazi: A Racist Pogrom Rages On against Black Africans in Libya
(...)
American progressives and peace forces have been in a state of joyous delirium in recent weeks as they experienced vicarious, televised popular victories in Tunisia and Egypt. Watching unarmed crowds achieve tentative victories against entrenched, U.S.- backed regimes produced a kind of giddiness on this side of the ocean - an otherworldly feeling that, somehow, the foreign outposts of the U.S. empire might suddenly disintegrate by popular demand. But now, the U.S. naval war machine lies off the coast of Libya, and it is time for the American anti-war movement - such as it is - to remember who is the biggest enemy of peace on planet Earth: U.S. imperialism.
(...)
It is also becoming clearer by the day that a vicious, racist pogrom is raging against the 1.5 million sub-Saharan Black African migrant workers who do the hard jobs in Libya, work that is rejected by the relatively prosperous Libyans. Hundreds of Black migrant workers have already been killed by anti-Khadafi forces -- yet the U.S. corporate media express absolutely no concern for their safety. One Western report noted that large numbers of Black Africans were seized in Benghazi and were assumed to have been hanged. That is a war crime, whether these men were soldiers or migrant workers, but the Western correspondent seemed unconcerned. One suspects there are many atrocities occurring in the rebel-held areas of Libya, especially against people that are not members of the locally dominant tribe. Benghazi is not Tahrir Square in Cairo.
(...)
American United Nations Ambassador Susan Rice, who is at least as warlike as Condoleezza Rice, is visibly eager to invade Libya under humanitarian pretexts. The U.S. is the last country in a moral position to criticize Khadafi for his treatment of Arab civilians. Remember Fallujah, the Iraqi city of a quarter million people that the U.S. leveled after first bombing its hospitals, inflicting many thousands of casualties. If most Americans don't remember Fallujah, the Arab world certainly does.


Les "révolutionnaires" libyens s'en prennent aux travailleurs noirs. Aucune Place  Tahrir à Benghazi: Un Pogrom raciste s'est déclenché contre les négro-africains noirs de Libye. 
(...)
Les mouvements progressistes et pacifistes américains se sont retrouvés, ces dernières semaines, dans un état de joyeux délire en expérimentant, par personne interposée et via la télévision, des victoires populaires en Tunisie et en Egypte. Le fait de pouvoir contempler des foules sans armes réussissant enfin à venir à bout de régimes solidement enracinés  et soutenus par les Etats-Unis a déclenché chez nous comme une sorte de vertige - un sentiment venu d'ailleurs et selon lequel, d'une certaine manière, les postes avancés, basés à l'étranger, de l'empire américain, pouvaient tout à coup se désintégrer sous la pression des peuples. Le problème est que, maintenant, la machinerie de la marine de guerre américaine  se situe au large des côtes de la Libye, et il est temps pour le mouvement pacifiste américain – ainsi qu'il se considère - de se remettre en mémoire quel est le plus grand ennemi de la paix sur la planète Terre : l'impérialisme américain.
(...)
Il s'avère de plus en plus clairement, maintenant, qu'un  pogrom cruel et raciste est en cours, avec pour victimes les 1,5 million d'Africains sub-sahariens  présents en Libye comme travailleurs migrants et assumant tous les travaux rejetés par des Libyens relativement plus prospères que les immigrés. Des centaines de travailleurs noirs ont déjà été tués par les forces anti-Khadafi – néanmoins, la corporation des médias américains ayant pignon sur rue ne semble manifester aucune inquiétude pour leur sécurité. Un rapport occidental relève qu'un grand nombre d'Africains noirs ont été enlevés à Benghazi et que, selon toute probabilité, ils auraient été pendus. Il s'agit là d'un crime de guerre, que ces hommes fussent  des soldats ou de simples travailleurs migrants, mais le journaliste occidental ne semble pas avoir été préoccupé par cette contingence. On pense généralement que de nombreuses atrocités se produisent dans les zones tenues par les rebelles libyens, en particulier contre les personnes qui n'appartiennent pas à la tribu locale dominante. Benghazi n'est pas la place Tahrir au Caire.
(...)
L'ambassadrice américaine auprès des Nations Unies Susan Rice, qui est au moins aussi belliqueuse que le fut Condoleezza Rice, est visiblement désireuse d'envahir la Libye sous des prétextes humanitaires. Néanmoins, les États-Unis sont le dernier pays pouvant se permettre d'afficher une position morale critique à l'égard de Khadafi dans son traitement des civils arabes. Souvenons-nous de Falloudjah, cette ville irakienne d'un quart de million d'habitants, que les Etats-Unis ont rasée, après avoir commencé par en bombarder les hôpitaux, faisant des milliers de victimes. Si la plupart des Américains ne se souviennent pas de Falloudjah, le monde arabe, lui, n'a certainement pas oublié.




Fears of ethnic cleansing rise as the Libyan Revolution unfolds. As we and the international community continue to give understandable solidarity to the self-proclaimed revolutionaries of Libya, it is also important that we give equal weight to the condemnation of reported atrocities now surfacing against dark-skinned people (Black Africans) by the revolutionaries, or by those acting in the name of the revolution. 
(...)
These practices should end. There is no place in revolution for ethnic cleansing. Revolution is about positive change. It is about constructing deeper humanity and bonds among people.
(...)
I write this letter to bring attention to the under-reported but troubling issue of possible ethnic cleansing in Libya. As the Libyan Revolution unfolds, fears of possible ethnic cleansing are gripping the more than 1.5 million migrant workers from sub-Saharan (Black Africa) now working as low-waged workers in the oil industry, as domestic servants, and as general labourers in Libyan society. 


Les craintes de voir naître un nettoyage ethnique augmentent à mesure que la Révolution libyenne se déroule. Dès lors que nous tous, ainsi que la communauté internationale continuerons de manifester une solidarité tout à fait compréhensible pour les révolutionnaires auto-proclamés de Libye, il s'avère tout aussi important que nous accordions un poids égal à la condamnation des atrocités qui se sont fait jour contre les personnes à peau foncée d'Afrique et qui sont menées par les révolutionnaires, ou par des personnes agissant au nom de la révolution.
(...)
Ces pratiques devraient prendre fin. Il n'y a pas de place dans un mouvement révolutionnaire pour le nettoyage ethnique. La révolution engage des changements positifs. Il s'agit de bâtir une humanité plus profonde et d'établir des liens plus étroits entre les Hommes.
(...)
J'écris ce texte pour attirer l'attention sur la question escamotée, mais dérangeante, d'un possible nettoyage ethnique en Libye. Au fur et à mesure que la Révolution libyenne prend de l'ampleur, les craintes d'un nettoyage ethnique envahissent les plus de 1,5 million de travailleurs migrants d'Afrique sub-saharienne employés actuellement comme main d'œuvre subalterne dans l'industrie pétrolière mais aussi comme domestiques et comme ouvriers peu qualifiés au sein de la société libyenne.



As nations evacuate their citizens from the violence gripping Libya, many African migrant workers are targeted because they are suspected of being mercenaries hired by Muammar Gaddafi, the Libyan leader.
(...)
Dozens of workers from sub-Saharan Africa are feared killed, and hundreds are in hiding, as angry mobs of anti-government protesters hunt down "black African mercenaries," according to witnesses.
(...)
About 90 Kenyans and another 64 citizens from South Sudan, Uganda, Zimbabwe, Lesotho, Zambia, Rwanda, South Africa, Tanzania, Democratic Republic of Congo, Sierra Leone and Burundi landed in Nairobi on Monday, according to officials.
(...)
"We were being attacked by local people who said that we were mercenaries killing people. Let me say that they did not want to see black people," Julius Kiluu, a 60-year-old building supervisor, told Reuters.
(...)
"Our camp was burnt down, and we were assisted by the Kenyan embassy and our company to get to the airport," he said.
(...)
Rights organisations say that thousands of workers are stranded in camps and private homes, protected by their colleagues as their governments fail to evacuate them from the chaos.


Tandis que des pays évacuent leurs citoyens pour les faire échapper de la violence qui s'est emparée de  la Libye, de nombreux travailleurs migrants africains sont ciblés parce que soupçonnés d'être des mercenaires engagés par Mouammar Kadhafi, le dirigeant libyen.



Des dizaines de travailleurs d'Afrique subsaharienne craignent pour leur vie et des centaines d'entre eux sont entrés en clandestinité devant les foules en colère de manifestants anti-gouvernementaux, traquant les "mercenaires noirs africains", selon certains témoins.
(...)
Environ 90 Kenyans et 64 autres citoyens d'Afrique sub-saharienne : Sud-Soudan, Ouganda, Zimbabwe, Lesotho, Zambie, Rwanda,  Afrique du Sud, Tanzanie, République démocratique du Congo, Sierra Leone et Burundi ont atterri à Nairobi ce lundi, selon des responsables.
(...)
"Nous avons été attaqués par la population locale qui nous a accusés d'être des mercenaires chargés de tuer des gens. Permettez-moi de dire qu'ils ne voulaient pas voir de personnes à peau noire", a déclaré à Reuters Julius Kiluu, un contremaître en bâtiment de 60 ans.
(...)
"Notre camp a été brûlé et nous avons été aidés par l'ambassade du Kenya et par notre société pour nous faire gagner l'aéroport", a-t-il ajouté.
(...)
Des organisations de défense des droits humains estiment que des milliers de travailleurs sont coincés dans des camps et dans des demeures privées, protégés par leurs collègues, face à la défaillance de leur gouvernement pour les faire sortir du chaos.


18 mars 2011 : un très beau portfolio dans le Monde Magazine sur les travailleurs négro-africains de Libye. Le reportage revient sur les conditions de vie plus que sordides de ces travailleurs, dont beaucoup de clandestins, qui se sont retrouvés coïncés dès lors que l'on risquait de les confondre avec des mercenaires de l'armée libyenne.


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Mais je dois dire que le premier reportage qu'il m'ait été donné de voir sur la question est dû à l'excellente Memona Hintermann.

Hinterman Affejee..., c'est une native de l'Océan Indien, ce formidable melting pot de races et de religions ; mais c'est aussi un regard - au propre comme au figuré - qui passe très bien à la télévision, mais c'est surtout une personnalité rare. Disons qu'il y a les reporters, les grands reporters, et il y a Memona Hintermann. Je pense tout particulièrement à certain été de l'année 199... ou pas loin. Le président de la République s'appelle Jacques Chirac et son premier ministre (de cohabitation) s'appelle Lionel Jospin. Ce jour-là, l'occupant israélien a décidé d'éliminer un de ses plus farouches opposants palestiniens. Seulement voilà, l'homme est marié et a des enfants. Qu'à cela ne tienne, se disent nos barbouzes israéliennes, on va bombarder la maison. Toute la maison. La bombe devait peser une tonne et demie ou pas loin. Et bien entendu, toute la famille a été exterminée.

Je revois encore le reportage de Memona Hintermann dans le journal du soir de France 3. Ses yeux lançaient des éclairs devant l'ignominie qui venait de se produire, avec ces ruines encore fumantes ; et il n'y avait pas que les yeux :   il y avait aussi la voix, qui demandait où était passée la communauté internationale et où étaient passés les dirigeants de la France ! Il faut dire que ce massacre ignoble n'a donné lieu à aucune protestation d'aucune sorte de ce qu'il est convenu d'appeler la communauté internationale !

Donc, le 6 mars 2011, soit deux semaines avant la parution du reportage du Monde Magazine, Memona Hintermann est en reportage en Libye pour le journal du soir de France 3. Petite parenthèse, il se trouve que Mme Hintermann a une connection toute particulière avec Mouammar Kadhafi, qui l'aurait approchée, un jour, de très près. L'épisode est assez scabreux, à la limite du sordide, mais je dois dire que le récit qu'en a fait Hintermann, un jour, était presque drôle. Disons qu'elle a fait preuve d'un réel esprit d'initiative pour se tirer d'un mauvais pas.

Retour au 6 mars 2011. Hintermann se trouve dans la région de Benghazi, ce que Bernard-Henri Lévy appelle la Libye libre. Et là, on tombe des nues : des noirs africains se font pourchasser comme des rats par les "révolutionnaires libyens", qui les accusent de servir comme mercenaires au sein de l'armée de Kadhafi. Les plus chanceux ont réussi à gagner des camps de réfugiés. Mais les plus nombreux sont encore coïncés et éparpillés en pleine nature.


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Alors, évidemment, on cherche à en savoir un peu plus, et heureusement qu'il y a l'Internet !

Oboun Maabi est ghanéen. Il travaillait dans le secteur de la construction à Zouara, une ville de l'ouest de la Libye tombée aux mains des rebelles. Depuis, les migrants originaires de l'Afrique subsaharienne n'y sont plus en sécurité. « Tous les opposants pensent que nous sommes des mercenaires de Kadhafi. Aujourd'hui, si on est noir à Zouara, on est mort ». Le Ghanéen a passé deux jours aux portes de la Tunisie, entouré de milliers d'autres travailleurs, surtout égyptiens, fuyant aussi les violences. Mais de jeunes Tunisiens, qui se sont improvisés garde-frontières au poste de Ras Jdir, ne laissaient pas entrer les Africains. « Les Noirs sont laissés pour compte. Beaucoup ont dû rebrousser le chemin ».

Bien évidemment, on va me dire que les mercenaires de Kadhafi sont des sauvages (ben voyons, des nègres !), qu'ils commettent des actes horribles... Parce qu'avant l'invasion occidentale Kadhafi faisait terroriser sa population par des mercenaires importés d'Afrique Noire ? Par ailleurs, l'ONU est là pour protégér les civils, non ?

Et dire que, du côté de la C.P.I. (Cour Pénale Internationale), il était question de "crimes contre l'humanité" qu'aurait commis le régime libyen contre son propre peuple... Quel dommage que la CPI soit aussi sélective ! Et puis, comment les dirigeants de la coalition allaient-ils pouvoir expliquer à leurs peuples, que l'Occident avait décidé de voler au secours de massacreurs de nègres !

Notons tout de même que la présence massive de journalistes de toutes obédiences et, notamment, la multitude de chaînes de télévision présentes dans l'Est de la Libye, avec les possibilités de mettre l'information en ligne presque instantanément, tout cela a dû contribuer à sauver les travailleurs noirs du désastre, même si l'on ne peut pas exclure que, loin des caméras et dans tel bled paumé, les massacres se soient poursuivis. J'observe tout simplement que la chasse à l'homme noir n'a plus été un sujet d'actualité, nos "révolutionnaires" ayant dû être soigneusement "briefés" par leurs conseillers, histoire de ne pas ruiner leur crédit à l'étranger. En attendant, le grand frère "noir" des Amériques est parti sur la pointe des pieds, et entre nous, je vois mal un seul pays de l'Afrique sub-saharienne reconnaître la clique de Benghazi. Pour preuve, leur absence au sommet de l'Union Africaine d'Addis Abbeba, où ils auraient probablement dû faire face à la vindicte populaire. Autant dire que les affaires commencent plutôt mal pour les amis de Bernard-Henri Lévy !

Il s'est quand même trouvé trois pays africains pour voter en faveur de la résolution 1973 : Gabon, Afrique du Sud et Nigeria, trois pays dont les dirigeants doivent se moquer comme d'une guigne du sort de leurs ressortissants en Libye !

Mais ce qui ne manque pas de sel c'est le résultat obtenu lorsque l'on  rapproche les dates, car, au moins dès le 6 mars 2011, on (la France en tout cas, grâce à Memona Affejee-Hintermann) savait qu'il y avait des progroms anti-noirs en "Libye libre". Or la résolution 1973 est adoptée le 18 mars 2011. Autant dire que les membres du Conseil de sécurité savent, lorsqu'ils passent au vote, que l'intervention militaire en faveur des belligérants de Benghazi revient à leur offrir un blanc-seing dans leur croisade raciste.

Une croisade raciste soutenue, donc, par dix pays (France, Royaume-Uni, États-Unis, Bosnie-Herzégovine, Portugal, Colombie, Liban, Gabon, Afrique du Sud, Nigeria), avec l'abstention complaisante voire complice de cinq autres (Allemagne, Fédération de Russie, Chine, Brésil, Inde). C'est dire si la prétendue protection des populations civiles ("to protect civilians") n'était que broutilles et attrape-nigauds !

Et en ce qui les concerne, les nègres de France, qui s'apprêtent à voter en 2012, devront se rappeler que leur pays s'en est allé bombarder la Libye, dans le but de protéger des pogroms anti-nègres dans l'Est du pays, tout comme ils se remémoreront, le moment venu, la liste des partis politiques ayant soutenu cette ignominie.

Il n'en demeure pas moins que, face à l'agression coloniale et raciste,  parée des oripeaux du droit international, rarement continent aura été aussi soudé que l'Afrique face à la croisade occidentale en Libye, soutenue en cela par l'Amérique latine et l'Asie. Mais la tempérance du Tiers-monde et sa massive non-intervention dans l'agression contre la Libye ont certainement une raison, quand on considère la multitude d'insurrections qui ont miné et minent encore l'équilibre politique de tant de pays sortis du colonialisme, en Afrique et ailleurs. 



Prochain épisode : Jurisprudence de l'insurrection


Lectures :


jeudi 31 mars 2011

Libye. Le dossier Wikileaks (Libya. The Wikileaks files)




Avant-propos 


Gouverner c'est prévoir !, dit la sagesse populaire ! Et ça serait quoi, le contraire de la sagesse ?

Bien évidemment, il était difficile de faire l'impasse sur les télégrammes rapportés par Wikileaks sur la Libye, où l'on constate que les diplomates américains ont bien fait leur travail, en relayant les informations collectées par leurs informateurs sur le terrain, notamment dans cette fameuse région de la Cyrénaïque, dont le centre est Benghazi.

Ces documents ont quelque chose à la fois de banal et d'impressionnant. Ce qu'ils révèlent, en tout cas, c'est que l'Administration américaine savait quasiment tout, à savoir que la région de Benghazi était un pôle de recrutement de jeunes Libyens pour le Djihad, notamment en Irak. Des jeunes naturellement farouchement anti-américains !

Sur un plan plus prosaïque, je suis allé sur le site natif de Wikileaks et ai récupéré ces fiches, qui se présentent sous la forme de quinze chapitres dont le premier (présenté ci-dessous sous la forme originale.) résume l'ensemble. C'est cet ensemble que je vous présente ci-dessous, tel que traduit par mes soins.

Important : ma conception de l'Internet est telle que je considère que  le réseau mondial est le lieu majuscule de la gratuité, de la convivialité et du partage. Par conséquent, je suis un chaud partisan du libre accès des documents librement postés par leurs auteurs sur le web, et ce, à une réserve près, que l'on s'impose la discipline élémentaire consistant à citer ses sources (par exemple en insérant un lien de renvoi), comme je m'attache à le faire moi-même. Simple question de bienséance.

Ah, j'oubliais : par "xxxxx", il faut entendre les noms des informateurs, nécessairement masqués pour garantir leur anonymat. Par ailleurs, dans le texte original, la formule GOL revient souvent, dont j'ai déduit qu'elle ne pouvait se comprendre que par "Government Of Libya" (gouvernement de Libye).





15 items. Présentation de l'original de l'item 1. (Summary/Résumé) suivie de la traduction en français de la totalité des 15 items. Sans commentaire.


1. (C) Summary: A U.S.-Libyan dual national who regularly visits family members in eastern Libya recently described for us social, political and economic factors that have contributed to and facilitated participation by a disproportionately large number of eastern Libya's native sons in "martyrdom acts" and other insurgency operations in Libya and Iraq. A reportedly deliberate GOL policy to keep the east poor as a means by which to limit the potential political threat to Qadhafi's regime has helped fuel the perception among many young eastern Libyan men that they have nothing to lose by participating in extremist violence at home and in Iraq. The prospect of financial compensation for their impoverished families motivates some, but local pride in eastern Libya's historical role as a locus of opposition to occupying forces of various stripes is also an important factor. The fact that eastern Libyan mosques are more numerous and remote, together with tight local social networks, has reportedly circumscribed the ability of GOL security organizations to monitor and control the activities of radical imams as effectively as elsewhere in Libya. Unlike the rest of the country, sermons in eastern Libyan mosques are laced with phraseology urging worshippers to support jihad in Iraq and elsewhere through direct participation or financial contributions. While senior regime figures, including Saif al-Islam al-Qadhafi, appear to have recognized that the east merits more attention and investment, the reported ability of radical imams to propagate messages urging support for and participation in jihad despite GOL security organizations' efforts suggests that claims by senior GOL officials that the east is under control may be overstated. End of summary


1. Résumé : Un témoin détenant la double nationalité américano-libyenne, qui visite régulièrement les membres de sa famille dans l'Est de la Libye, a récemment décrit pour nous les facteurs sociaux, politiques et économiques qui ont contribué à accroître la participation d'un nombre anormalement élevé de ressortissants originaires de l'Est de la Libye dans des "actes de martyre" ou d'autres opérations insurrectionnelles en Libye et en Irak. Une politique délibérée du gouvernement libyen, visant à maintenir l'Est du pays dans un état de pauvreté, de manière à restreindre les risques potentiels de voir s'y développer toute contestation politique dirigée contre le régime de Kadhafi, a contribué à entretenir le sentiment, parmi de nombreux jeunes de l'Est, qu'ils n'avaient rien à perdre en participant à des actes de violence extrémiste tant dans le pays qu'en Irak. La perspective d'une compensation financière pour les familles paupérisées (des martyrs) peut être une motivation, mais la fierté locale tenant au rôle historique de la Libye, notamment de l'Est, comme foyer de l'opposition aux forces d'occupation de toutes sortes est également un facteur important. Le fait que les mosquées de l'Est du pays sont plus nombreuses et plus éloignées (des centres névralgiques de l'Ouest ?), de même que des réseaux sociaux locaux assez denses, peuvent expliquer la difficulté, pour les services de sécurité gouvernementaux, de surveiller et contrôler les activités des imams radicaux aussi efficacement que dans d'autres parties du pays. Contrairement au reste du pays, les sermons des mosquées dans l'est de la Libye sont truffés d'une phraséologie exhortant les fidèles à soutenir le djihad en Irak et ailleurs par le biais d'une participation directe ou de contributions financières. Alors que des personnalités importantes du régime, y compris Saif al-Islam al-Kadhafi, semblent avoir reconnu que l'Est mériterait une attention accrue ainsi que plus d'investissements, la capacité manifestée par des imams radicaux, aux dires des témoins, pour propager des messages invitant la population à soutenir et à participer au , et ce, en dépit des efforts des organes de sécurité gouvernementaux, suggère que les affirmations de hauts fonctionnaires gouvernementaux, selon lesquels l'Est du pays serait sous contrôle, seraient manifestement exagérées. Fin du résumé


2. Lors d'une réunion tenue le 5 février, le citoyen xxxx, détenteur de la double nationalité américano-libyenne (anonymat strictement protégé) a dit au chef du P/E (?) que l'Est de la Libye restait un lieu d'activité extrémiste sur lequel les services de sécurité du gouvernement n'avaient que peu de contrôle.


3. Le gouvernement lybien maintient l'Est du pays dans la pauvreté de manière à le conserver dans un état de soumission politique

xxxxx déclare que l'Est de la Libye souffre d'un niveau anormalement élevé de chômage, en particulier pour les jeunes hommes âgés de 18 à 34 ans. "Au moins la moitié" des jeunes hommes de cette tranche d'âge sont au chômage ou employés intérimaires. La situation s'explique en partie par la conviction du régime de Kadhafi que s'il maintient la région dans un état de pauvreté constante, cette dernière sera incapable de susciter une opposition politique sérieuse au régime. Expliquant cet état de fait, il a cité un proverbe libyen : "Si vous les traitez comme des chiens, ils vous suivront comme des chiens".


4. Mais la violence récente suggère un point de vue gouvernemental erroné

xxxxx dit que les événements récents survenus à Benghazi et Derna suggèrent que les spéculations du gouvernement sont erronées. Des membres de la famille avec lesquels il est en contact régulier lui ont dit lors de sa dernière visite qu'il y a eu des affrontements violents entre extrémistes locaux et représentants du gouvernement à la fin de l'année dernière. Lors d'un de ces incidents, les extrémistes ont ouvert le feu à proximité d'un hôpital de Benghazi, lors d'une tentative visant à  obtenir de l'aide médicale pour un de leurs camarades malade ou blessé. Il y a eu aussi une explosion ou un échange de tirs (les avis divergent) à un rond-point dans un faubourg de Benghazi alors qu'un agent de police tentait d'arrêter un véhicule utilisé par les extrémistes. (Note: Les deux incidents ont été signalés l'année dernière via d'autres canaux C'est la première fois que nous avons entendu parler de ces événements à partir d'autres sources. Note de fin...)  xxxxx a également évoqué allusivement des attaques menées par des extrémistes qui semblent avoir été des membres du Groupe islamique combattant libyen ; ces attaques visaient la police et des installations militaires dans le but de se procurer des armes.


5. "Rien à perdre"

Citant des conversations qu'il a eues avec des parents, xxxxxx dit que les chômeurs, les jeunes gens privés de leurs droits, à l'Est du pays, "n'ont rien à perdre" et sont donc "prêts à se sacrifier" pour quelque chose de plus grand qu'eux, en se livrant à Tripoli à des actes extrémistes au nom de la religion. "Leurs vies ne veulent rien dire et ils le savent, alors ils cherchent à donner un sens à leur existence à travers leur mort", a-t-il déclaré. Le manque de travail et les faibles perspectives d'emploi, ainsi que l'augmentation du coût de la vie, font que de nombreux jeunes gens n'ont pas les moyens de se marier, ce qui les voit privés de tout accès à un statut social et les prive de stabilité dans ce qui reste une société traditionnelle. Comme dans certaines parties de l'Egypte voisine, l'âge moyen auquel les hommes se marient a augmenté dans de nombreuses régions de l'Est de la Libye. Beaucoup se marient aujourd'hui au début voire à la moitié de la trentaine, ce qui aurait été considéré comme un âge déjà avancé dans un passé pas si lointain.


6. Indemnisation des familles des martyrs considérée comme incitatrice aux yeux de certains

xxxxx a carrément déclaré que certains jeunes gens, en particulier ceux des clans les plus pauvres, sont motivés par la promesse d'une compensation financière à long terme pour leurs familles s'ils commettaient des "actes de martyre" en Irak ou ailleurs. Notant que les revenus des habitants de l'Est sont faibles, il a fait entendre que les réseaux extrémistes sont capables d'inciter les jeunes hommes de se tuer en offrant des sommes relativement modestes de 150-200 dinars libyens par mois (environ 120-160 $/mois) aux familles des "martyrs". (Note : Comme élément de référence, la plupart des salaires gouvernementaux vont de 250 à 330 dinars libyens par mois. Note de fin..)


7. Une "fierté perverse" comme lieu géographique de la résistance, génère de l'attrait pour d'autres personnes

Le fait que l'Est ait été relativement démuni, conjointement à son rôle historique en tant que foyer de l'opposition à l'Empire ottoman et à l'occupation italienne, contribue à un "sentiment de fierté perverse" parmi les Libyens de la région dans leur rôle de principaux fournisseurs d'hommes jeunes enrôlés pour le djihad en Irak et ailleurs, xxxxxxx a rendu compte d'un grand dîner à Derna, chez un ami de la famille, et qui s'est tenu à l'été 2007. Les conversations entre les hommes, la plupart d'âge mûr, qui se trouvaient là, étaient axées sur les nouvelles selon lesquelles deux jeunes hommes de Derna avaient été récemment impliqués dans des attentats suicide en Irak. Des invités au dîner ont adressé à la fois des condoléances ainsi que des félicitations aux parents des deux jeunes hommes.


8. xxxxxx dit avoir été frappé par la forte réprobation contre les forces de la coalition en Irak, et par la fierté évidente des convives dans le fait que deux des fils du pays avaient "porté un coup" aux "forces d'occupation des Croisés en Irak". Il a souligné que ce dîner fut l'une de ces circonstances relativement rares, en Libye, où il s'est senti mal à l'aise du fait de sa citoyenneté américaine. De son point de vue, les Libyens de l'Est ne sont pas nécessairement anti-américains, mais sont fortement opposés à une présence militaire américaine en Irak ou dans tout autre pays musulman. Dans les années 1980, ce rejet visait l'occupation soviétique en Afghanistan, et maintenant, il s'est tourné vers  la présence américaine en Irak.


9. Notant que le chef de la résistance libyenne contre l'occupation italienne, au début du 20e siècle, le héros national Omar Mukhtar, venait du village de Janzour, situé à l'Est du pays, xxxxxx a averti que ce serait une erreur de penser que les jeunes gens de Derna étaient motivés par des opérations suicide en Irak uniquement en raison du chômage et dans l'espoir d'obtenir une compensation financière pour leurs familles. La région a une longue histoire, empreinte de fierté, qui l'a vue s'opposer à des forces d'occupation de toute obédience. Ses habitants sont fiers de leur volonté de "lutter pour la justice et pour leur foi religieuse", et ce, malgré leur pauvreté relative.


10. L'Irak considéré comme un enjeu "local" par les jeunes Libyens de l'Est

xxxxx a noté que pour de nombreux jeunes hommes de l'Est, le jihad en Irak est perçu comme un problème local. Parmi les facteurs qui alimentent cette perception, il a souligné l'impact du prosélytisme pratiqué par des Libyens ayant combattu en Afghanistan et qui, désormais, recrutaient de jeunes Libyens de l'Est pour des opérations en Irak, ainsi que l'influence des programmes de télévision par satellite et en langue arabe, l'utilisation de l'Internet pour échanger des informations et coordonner la logistique, et la facilité relative de voyage vers/de l'Irak. Au cours de sa dernière visite dans l'Est du pays, des parents et des amis lui ont fait part de reportages dans les médias, selon lesquels des Libyens, la plupart d'entre eux venant de Derna et de l'Est, représentaient le deuxième contingent le plus important de combattants étrangers identifiés dans des documents saisis au cours de la dernière opération "Massey" intervenue à la frontière syro-irakienne. xxxxx a noté que la majorité de ceux de Derna qui évoquaient ce problème semblaient être fiers du fait que leur petite ville ait contribué de façon disproportionnée au djihad contre les forces de la coalition en Irak. 


11. Des sermons "codés" dans les mosquées les plus radicales à l'Est

xxxxxx attribuait en partie l'état d'esprit farouche des gens de Benghazi et de Derna aux messages prêchés par les imams des mosquées dans cette partie du pays, dont il disait qu'ils étaient nettement plus radicaux que ceux entendus dans d'autres parties du pays. xxxxx insiste sur la fréquentation des mosquées, à chacune de ses visites en Libye comme un moyen de communiquer avec les voisins et les parents et de prendre le pouls politique de la situation. Les sermons tenus dans les mosquées de l'Est, en particulier la "khotba" du vendredi, sont truffés de "formules codées", invitant les fidèles à soutenir le djihad en Irak et ailleurs soit par une participation directe ou par des contributions financières. La langue est souvent assez ambiguë pour être raisonnablement qualifiée de suspecte, dit-il, mais pour les musulmans pieux, le discours est clairement incendiaire et sans ambiguïté en faveur du djihad. Les références directes ou  indirectes à des "opérations de martyre" n'étaient pas rares. Contrairement aux mosquées de Tripoli et du reste du pays, où les références au djihad sont extrêmement rares, à Benghazi et Derna, ce sont des sujets (de prêche) assez fréquents.


12. L'architecture et la géographie compliquent le contrôle des mosquées de l'Est par le gouvernement

Une partie de la difficulté pour les autorités, dans le contrôle des mosquées de l'Est, tient au fait que les imams les plus zélés ont tendance à prêcher dans de petites mosquées suburbaines (dans des zones périphériques) et rurales. Notre informateur/trice a mentionné l'atmosphère presque festive d'un voyage, à l'occasion duquel la famille s'est rassemblée pour un voyage vers une mosquée rurale éloignée, afin d'y entendre le sermon d'un imam "controversé". Contrairement à Tripoli, les mosquées de l'Est ont tendance à être plus petites et plus nombreuses, ce qui les rend plus difficiles à surveiller. L'architecture et les traditions locales  jouent également leur rôle : de nombreuses mosquées de l'Est du pays ne ressemblent pas, physiquement, à des mosquées traditionnelles telles qu'on en trouve ailleurs dans le pays, reflétant en partie la tradition "pseudo-secrète" des confréries Sanussi qui ont évolué dans l'Est de la Libye au milieu du 19e siècle. Le fait que de nombreuses mosquées de l'Est soient moins facilement identifiables complique la tâche des organes de sécurité gouvernementaux et explique qu'il soit plus facile d'y tenir des réunions et des sermons échappant à toute surveillance. (…) xxxx  a déclaré qu'il était "de notoriété publique" que, dans l'Est du pays, les mosquées situées dans les centres urbains fussent plus étroitement surveillées par les organes de sécurité gouvernementaux, mais qu'il était (donc) plus difficile pour ces mêmes organes de sécurité de surveiller des mosquées plus petites et isolées dans des bourgades et des patelins dispersés autour de Benghazi et de Derna.


13. Comment les cercles sociaux fonctionnent comme des familles très unies

Citant des conversations qu'il a eues avec sa famille, xxxxx dit qu'il est "de notoriété publique" que les organes de sécurité gouvernementaux surveillent les sermons et les activités survenant dans les mosquées, en particulier les sermons de la "khotba" du vendredi. (Note: à Tripoli et dans d'autres parties du pays, le texte des prêches de la "khotba", validés par les autorités, était distribué dans les mosquées, souvent sous la forme de photocopies.) Outre la prolifération de petites mosquées moins visibles, la capacité des organes de sécurité de surveiller efficacement les mosquées de l'Est du pays est limitée par la structure sociale et familiale relativement étanche. Les communautés orientales (de l'Est du pays) ont tendance à être plus petites et plus soudées ; les étrangers y sont plus faciles à repérer et les familles "font attention" à ceux de leurs membres qui pourraient avoir été enrôlés au sein des organes de sécurité du gouvernement pour espionner les activités de leurs parents et voisins.


14. xxxxxx a raconté l'histoire d'un jeune homme de Derna, qui a récemment été soupçonné de rapporter aux organes de sécurité gouvernementaux ce qui se disait dans la mosquée locale et qui fréquentait l'établissement. L'informateur présumé s'est retrouvé ostracisé par ses compagnons, les habitants de la ville voire par les membres de sa propre famille. Après avoir perdu son emploi, en partie à cause de sa "trahison", il a fui en Egypte et n'a pas été revu depuis.


15. xxxxxxx nous livre une description d'un rare intérêt car effectuée de l'intérieur (insider's look) sur les facteurs sociaux et économiques régnant dans l'Est de la Libye, et qui ont aidé et facilité la participation d'un nombre disproportionné des enfants du pays à des "actes de martyre" et à d'autres mouvements d'insurrection en Irak. L'opinion générale voudrait que l'Est soit plus pauvre et plus défavorisé, en partie de manière délibérée, mais, par ailleurs, de hauts responsables gouvernementaux ont récemment initié des changements visant à consacrer plus de temps à ces régions et d'y investir plus de moyens. Saif al-Islam al-Kadhafi, la personnalité la plus emblématique du régime, dans sa composante réformatrice sur le plan politique et économique, a choisi de tenir les première et deuxième réunions de son Forum annuel sur la jeunesse à Benghazi, en 2006 et 2007, et il est allé à la rencontre de foules importantes dans la région. Dans la perspective de ces deux événements, il a passé beaucoup de temps dans et autour de Benghazi, en vue d'y assurer la promotion de projets de développement économique et social sous l'égide de la fameuse organisation non-gouvernementale dite Fondation Kadhafi pour le développement, dont il est le dirigeant. Parmi les projets, on peut citer un projet "vert" de plus d'un milliard de dollars, consacré au  développement d'un tourisme respectueux de l'environnement ainsi que l'implantation de quartiers d'affaires, le tout se situant non loin des ruines gréco-romaines de Cyrène, près de Benghazi. Par ailleurs, des travaux sont en cours, visant à  une vaste rénovation du port de Benghazi, dans le but de le moderniser et d'en accroître le volume de fret tout en y créant des emplois. L'aspect le plus troublant et le plus problématique dans les comptes-rendus de xxxxxx tient dans l'orgueil que de nombreux Libyens de l'Est, en particulier dans et autour de Derna, semblent manifester dans le rôle assumé par leurs enfants dans l'insurrection en Irak. La capacité évoquée des imams radicaux, dans la  propagation de messages de soutien exhortant au djihad, en dépit des efforts des organes de sécurité gouvernementaux, suggère que les affirmations de certains hauts fonctionnaires gouvernementaux, selon lesquels l'Est du pays serait sous contrôle, semblent être des plus optimistes.


Observation : dans la rubrique "pan sur le bec !", chère au Canard Enchaîné, j'avais promis de ne pas faire de commentaire, mais quand même. Voyez ce chapitre 15. On y découvre que l'Est de la Libye avait été régulièrement et systématiquement maltraité par le régime de Tripoli, conformément à cet adage qui dit que "si tu les traites comme des chiens, alors ils te suivront comme des chiens.". Seulement voilà, un des fils du "dictateur" réalise manifestement le danger de cette politique, et entreprend de la corriger, par de grands travaux et des investissements importants (pesant des milliards de dollars américains). Et c'est précisément à ce moment-là que la révolte, je veux dire l'insurrection démarre. Vous avez dit bizarre ? Et l'on va nous dire que le régime de Kadhafi, ce n'est qu'une dictature sanguinaire ? Cette révolte libyenne me fait furieusement penser à ce qui s'est produit en Côte d'Ivoire en 2002, avec la volonté manifeste de Gbagbo d'ouvrir le pays à "l'Orient arabe" (ce sont ses propres termes), par le biais de la diplomatie, des échanges commerciaux avec les pays arabes, ainsi que par l'inauguration, à l'Université d'Abidjan, d'une chaire d'arabe. Et c'est précisément à ce moment-là que démarre un soi-disant soulèvement des musulmans du Nord. Vous avez (encore) dit bizarre ?


Tiens, by the way, soit dit en passant, faites donc une petite recherche sur l'affaire "Al Qaeda" ou "Al Qaïda" : des pages par millions, et avec ça, une impression de "silence radio" sur les grands médias français. Étonnant non ?!





N. B. Cette traduction est encore toute fraîche, elle peut encore être améliorée ; j'y travaille.