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samedi 7 septembre 2013

François Hollande et le syndrome marseillais


Chers amis internautes qui ne connaissez pas la France, sachez que Marseille, la deuxième ville du pays, connaît en ce moment une véritable épidémie de meurtres - on en est à quinze depuis le début de l'année - touchant généralement des hommes jeunes à très jeunes. Le dernier en date - au moment où j'écris ces lignes - n'est autre que le fils du manager de l'équipe de football locale.

Imaginez le fils du manager du principal club de football de...  Liverpool, Hamburg, Bologna, Bilbao se faisant tirer comme un lapin par des gangsters !

Mais il n'y a pas que ça : une des dernières attaques survenues à Marseille concernait un jeune homme massacré par un groupe d'autres jeunes, dont l'un a dû se blesser dans la bagarre est est allé se faire soigner dans un hôpital, dont le groupe n'a pas hésité à agresser le personnel soignant qui avait commis l'inimaginable bourde de leur demander leurs papiers !

Ben oui, quoi, pour consulter un médecin ou acheter des médicaments dans une pharmacie, on vous demande votre carte d'affilié à la sécurité sociale. Enfin, c'était le cas jusqu'à présent !

Mais il y a eu aussi, et pas qu'à Marseille, des jeunes sortant d'une discothèque et furieux du traitement qu'ils y avaient subi, qui sont rentrés chez eux pour revenir à la discothèque avec une kalashnikov...

Il arrive assez souvent, à Marseille et ailleurs, que des bandes rivales se massacrent littéralement pour un regard de travers, ou à cause d'une histoire de filles. Un véritable massacre de ce type a eu lieu il y a quelques mois dans une banlieue de Grenoble. Pour ceux que ça intéresse, c'est non loin des stations de ski de Chamonix ou Val d'Isère.

Vous vous demandez sans doute ce qui m'a inspiré le titre ?

Ben c'est tout simple : à l'instar de nos jeunes loubards des quartiers chauds, capables de se tirer une balle dans le coeur ou la tête juste à cause d'un mauvais regard, nous avons là un Président de la République, qui nous parle d'aller "punir" Assad, et qui ne connaît apparemment rien d'autre en matière de règlement des litiges que les canons et les missiles.

À cela, les férus d'histoire internationale me feront observer que ce n'est pas vraiment nouveau.

Pensez aux guerres de l'Opium, qui ont vu l'empereur de Chine arraisonner des cargaisons d'opium importées depuis l'Inde par des narcotrafiquants soutenus par la couronne britannique. Eh ben, la France et l'Angleterre ayant décidé de faire de la Chine une zone de libre distribution de l'opium ont volé au secours des narcotrafiquants, ce qui s'est traduit par la destruction, entre autres - il y eut plusieurs "guerres de l'opium" !, du palais d'été de l'empereur, et a débouché sur le fameux traité de Nankin, qui vit Hong Kong passer sous contrôle britannique pour plus d'un siècle (à l'origine, il était question de perpétuité !).

The Government of Her Britannic Majesty having been obliged to send out an expedition to demand and obtain redress for the violent and unjust proceedings of the Chinese High Authorities towards Her Britannic Majesty's officer and subjects, the Emperor of China agrees to pay the sum of Twelve Millions of dollars, on account of the expenses incurred; and Her Britannic Majesty's Plenipotentiary voluntarily agrees, on behalf of Her Majesty, to deduct from the said amount of Twelve Millions of dollars, any sums which may have been received by Her Majesty's combined forces, as ransom for cities and towns in China, subsequent to the 1st day of August, 1841.

Nous croyions être définitivement débarrassés de ces moeurs impérialistes relevant de régimes qu'on qualifiait autrefois de coloniaux.

Et voilà que des agités, des apprentis dirigeants, de soi-disant "grands de ce monde", à qui on donne du "Monsieur le Président", voudraient nous ramener quelques décennies voire siècles en arrière : l'agression en Syrie ne sera finalement que la cinquième expédition "punitive" à laquelle seraient mêlés des soldats français au cours de la dernière décennie, avec l'Afghanistan, la Côte d'Ivoire, la Libye et le Mali.

Nous avons là une forme de psychopathie qui ne dit pas son nom, et qui voit des gens à qui on donne du "Monsieur le Président" passer le clair de leur temps à envoyer des soldats envahir le territoire des autres.

Pour mémoire, la France n'a été envahie ces derniers temps par aucun soldat afghan, ni ivoirien, ni libyen, et que je sache, aucun obus syrien ne s'est jamais abattu sur le sol français.

Le fait est qu'avant d'aller expliquer aux loubards de Marseille et d'ailleurs que ce n'est pas bien de se massacrer à coups de Kalashnikov juste pour un mauvais regard ou pour un refus de cigarette, certains "Monsieur le Président" seraient bien inspirés de donner l'exemple !

Pour finir, je rappellerais volontiers à quelques "présidents stagiaires" que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les gros bras occidentaux ont mené une multitude de guerres au sein du Tiers-monde, qu'ils ont toutes perdues politiquement, et ce, malgré la supériorité des armes. Demandez donc aux responsables de l'armée américano-israélienne qui occupe actuellement la Palestine et le Golan combien ils ont perdu d'officiers supérieurs au Sud Liban (je ne parle pas des soldats, seulement des officiers supérieurs !). Quant à la France, il faut croire que certains guignols ont déjà oublié la fameuse cuvette de Diên Biên Phu ou le retour  en catastrophe des Pieds Noirs d'Algérie !


N.B. Pour mémoire, à l'époque de l'expédition criminelle franco-britannique vers la Chine, il s'est trouvé un homme pour dénoncer l'ignominie : Victor Hugo, dont le "J'accuse"  reste un des plus grands pamphlets de l'histoire politique.

Vous savez quoi ? La France manque cruellement de personnalités de la trempe de "Victor Hugo" !



lundi 19 septembre 2011

Victor Hugo ou quand la France avait encore de grands Hommes. Cuando Francia tenía todavía grandes personalidades. Anno dazumal, als Frankreich noch grosse Persönlichkeiten hatte. As France still had got great people


(English version available ; link below. Deutsche Uebersetzung, siehe Bindung unten. Traducción en castellano: enlace abajo)


Ce qui suit a déjà été publié ailleurs (ben oui, j'anime une petite flopée de blogs !). Et, pour une fois, il ne sera pas question de la Libye, quoique... Il est question de barbarie, d'une barbarie à laquelle la France a prêté son concours. Tiens, en passant (rajouté au 22.09.11), le texte de Victor Hugo en a secoué plus d'un(e), si j'en juge par l'explosion du nombre de lecteurs un peu partout. Il faut dire que le grand public connaît le poète, romancier et dramaturge, moins le polémiste, et ce texte est assez rare, voire moins connu que le "J'accuse !" de Zola... Voilà, je ne suis pas mécontent de vous l'avoir fait connaître. Et je suis bien sensible au fait que l'immense majorité de mon lectorat est fait de personnes intelligentes, qui veulent lire des choses chargées de sens, à une époque où l'Internet se remplit malheureusement de tant de blabla !

Voilà qui va nous rappeler ces temps pas si anciens que ça, où la France comptait encore de grands hommes, à l'image de Victor Hugo ou d'Emile Zola... Mais, plus près de nous, il y eut Albert Schweitzer, Théodor Monod et des tas d'autres avant eux : Jean Moulin, Pierre-Brossolette, le colonel Rol-Tanguy et tous ces courageux résistants de la période 1940-1944.

Aujourd'hui, la France se lance dans une entreprise criminelle dans un pays peuplé d'à peine six millions d'habitants, le tout  au vu et au su de tout le monde, et personne ne bouge, je veux dire personne ayant un nom : aucun "responsable politique", hormis Marine Le Pen, qui ne manque pas de panache en l'occurrence. Mais à gauche, rien ! Ne parlons pas du monde de nos stars médiatiques...

Pauvre Victor Hugo, pauvre Emile Zola, pauvre Albert Schweitzer, pauvre Théodor Monod..., pauvres héros de la résistance contre le nazisme. Votre pays n'est visiblement plus peuplé que d'un ramassis de veaux et de nouilles !


"Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m'en donner l'occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais." (Victor Hugo)  

L'empereur Xianfeng est en fuite. Il a abandonné Pékin aux troupes anglo-françaises qui, le 6 octobre 1860, envahissent sa résidence d'été, d'une beauté exceptionnelle, la saccagent, la dévastent. Ce pillage, qui marquera la seconde guerre de l'opium, indigne certains témoins occidentaux. Victor Hugo, lui, ne connaît cette « merveille du monde » qu'à travers le récit des voyageurs, mais, d'emblée, il prend le parti des civilisés, les Chinois, contre les barbares. 


Hauteville House, 25 novembre 1861 

Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l'expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle, et vous êtes assez bon pour attacher quelque prix à mon sentiment ; selon vous, l'expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l'empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l'Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d'approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française. 

Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici : 

ll y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s'appelait le Palais d'été. L'art a deux principes, l'Idée qui produit l'art européen, et la Chimère qui produit l'art oriental. Le Palais d'été était à l'art chimérique ce que le Parthénon est à l'art idéal. Tout ce que peut enfanter l'imagination d'un peuple presque extra-humain était là. Ce n'était pas, comme le Parthénon, une œuvre rare et unique ; c'était une sorte d'énorme modèle de la chimère, si la chimère peut avoir un modèle. 

Imaginez on ne sait quelle construction inexprimable, quelque chose comme un édifice lunaire, et vous aurez le Palais d'été. Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes les mille et un rêves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d'eau et d'écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot une sorte d'éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c'était là ce monument. Il avait fallu, pour le créer, le lent travail de deux générations. Cet édifice, qui avait l'énormité d'une ville, avait été bâti par les siècles, pour qui ? pour les peuples. Car ce que fait le temps appartient à l'homme. Les artistes, les poètes, les philosophes, connaissaient le Palais d'été ; Voltaire en parle. On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Egypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d'été en Orient. Si on ne le voyait pas, on le rêvait. C'était une sorte d'effrayant chef-d'œuvre inconnu entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule, comme une silhouette de la civilisation d'Asie sur l'horizon de la civilisation d'Europe. 

Cette merveille a disparu. 

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d'été . L'un a pillé, l'autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu'il paraît. Une dévastation en grand du Palais d'été s'est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d'Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu'on avait fait au Parthénon, on l'a fait au Palais d'été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n'égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l'orient. Il n'y avait pas seulement là des chefs-d'œuvre d'art, il y avait un entassement d'orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres ; et l'on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l'histoire des deux bandits. 

Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie. 

Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m'en donner l'occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais. 

L'empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd'hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du Palais d'été . 

J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée. 

En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate. 

Telle est, monsieur, la quantité d'approbation que je donne à l'expédition.


Victor Hugo 



Je dois vous avouer que ce texte magistral me fait penser à un grand Antillais, je veux dire, un grand homme, un grand écrivain au style aussi flamboyant que celui de Hugo : j'ai nommé le regretté Aimé Césaire !

Observation : "... les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais.". Ouais ! Ça se discute ! Parce que Victor Hugo écrit depuis son exil dans les Îles anglo-normandes (Guernesey), et la France vit sous la dictature de Napoléon... Le Petit. L'irresponsabilité des peuples évoquée par Hugo ne vaut, donc, qu'en régime de dictature. Aujourd'hui, les pays du monde dit civilisé sont des démocraties, avec pouvoir au peuple. Ce dernier est donc responsable et co-comptable des crimes commis par ses dirigeants en son nom.

En attendant, une agression coloniale particulièrement sordide car directement inspirée du travail des Einsatzgruppen nazis dans l'est de l'Europe (1941-1944) se poursuit en Libye, dans le silence de ce qu'en France et en Occident on appelle "l'intelligensia". Pauvre intelligentsia ! 

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