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lundi 4 avril 2022

Massacre de Bucha (Ukraine). Ou quand les boute-feux occidentaux feraient bien de réfléchir un peu...

(Révision en cours)

 

Il m'a fallu un peu de temps pour traduire ce gros "papier" de 2220 mots, 14800 signes, qui devrait faire réfléchir tous nos guignols de l'ex-presse-mainstream, qui n'en finit pas de se noyer jour après jour, face à cette machine à dé-désinformer qu'est devenu l'Internet 2.0.

Le fait est qu'une analyse fine des images en provenance de Bucha, cette localité ukrainienne près de Kiev, aurait dû susciter au minimum un peu de circonspection de la part des observateurs les plus lucides. Manque de pot, toute la cohorte de ceux que j'appelle des "éjaculateurs précoces" y est allée de ses accusations infondées contre la Russie.

Sauf que là, la ficelle était un peu (trop) grosse !

Par parenthèse, avant de vous présenter ma traduction du papier de Dagmar Henn, voici des images de Butcha/Bucha, en Ukraine, inspectée par une unité de la police locale au 2 avril 2022 ! (Source : Police Ukrainienne)

Voici une traduction du texte figurant au-dessous de la première image :

Aujourd'hui, le 2 avril, dans la ville libérée de Bucha, Oblast de Kiev, des sections spéciales de la police nationale de l'Ukraine ont entamé l'élimination du territoire de tous les saboteurs et complices des troupes russes. Les spécialistes du service des explosifs répertorient les crimes de guerre de la Fédération de Russie et s'assurent de la suppression d'engins explosifs et de munitions non désactivées.

 Quelques mots sur Bucha, par Dagmar Henn (source)

L'Occident est déjà unanime dans l'appréciation des images provenant de Bucha. Mais les choses sont-elles vraiment si évidentes ? Surtout dans une guerre, il est difficile de découvrir la vérité. L'indignation spontanée est souvent trompeuse. Les photos des morts ne sont pas, à elles seules, la preuve d'un crime ni une indication de ses auteurs.

D'un coup, la guerre en Ukraine fait à nouveau la une des journaux et la classe politique en fait trop avec de nouvelles demandes de sanctions. "Les images de Bucha sont insupportables" a, par exemple, déclaré la ministre des Affaires étrangères Baerbock, qui a immédiatement appelé à de nouvelles sanctions contre la Russie. Les images de cette localité, près de Kiev, ont été immédiatement "cataloguées" - il ne peut s'agir que d'un massacre russe de civils ukrainiens innocents, un crime de guerre odieux.

Désormais, la couverture de toutes les guerres en Occident, depuis le Vietnam, est devenue plus sourde. Parce que la visibilité de la misère à l’époque a déclenché une forte aversion pour cette guerre dans le monde entier, ce qui fait que les images des zones de guerre ne sont administrées qu'à doses homéopathiques. Cela nie déjà le premier fait fondamental : la guerre est une entreprise collective de groupes humains, dont le premier résultat est de transformer d'autres vivants en morts. C'est un fait technique. La seule chose dont les guerres ne manquent jamais, ce sont les cadavres.

Le deuxième point que l'on oublie facilement est le fait que si les Conventions de Genève sont le critère juridique par lequel les crimes de guerre sont mesurés, depuis leur établissement, peu après la Seconde Guerre mondiale, il ne devrait pas y avoir eu une seule guerre dès lors que les deux parties (belligérantes) – voire une seule - y ont immédiatement adhéré. Les soldats sont aussi des humains ; ils commettent des erreurs, ils ont peur et ils réagissent mal. Les artilleurs peuvent mal calculer et manquer la cible réelle. Après tout, la guerre est une condition qui n'est pas destinée à la psyché humaine. L'interdiction normalement forte de tuer doit être brisée pour pouvoir même mener une guerre, et il est néanmoins difficile de la réglementer. Il est dans la nature des choses que ce ne soit pas toujours possible.

Ainsi, même dans les images de décès de civils, il n'y a en fait rien qui doive surprendre. À la guerre comme à la guerre. Savoir si l'indignation est justifiée et s'il y a une culpabilité particulière - et si oui, à qui la faute - demande à y regarder de plus près et, si possible, avec la tête froide plutôt qu'avec une excitation spontanée. (Bien sûr, les reportages homéopathiques ont aussi pour effet que les quelques photos qui sont montrées sont particulièrement choquantes ; mais j'avoue avoir vu tellement de telles photos du seul Donbass au cours des années, depuis 2014, que la simple vue des morts ne déclenche plus un choc spontané en moi).

Annalena Baerbock semble affirmer qu'il s'agit d'un crime de guerre commis par l'armée russe. Ceci serait prouvé uniquement par lesdites photos du village de Butscha. Maintenant, au mieux, les enregistrements montrent simplement des morts ; il y a un extrait vidéo dans lequel l'un des corps montrés précédemment apparaît dans le rétroviseur du véhicule en train de se rasseoir ; il n'est donc même pas certain que toutes les personnes représentées soient réellement mortes. Mais même si - alors des questions subsistaient : qui les a tuées, quand et pourquoi ? Et ce n'est que la dernière des questions "pourquoi", qui voit la notion même de crime de guerre entrer en jeu.

Soit dit en passant, cette affaire diffère très clairement de la vidéo récemment apparue sur les mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre russes par les Ukrainiens : dans cette dernière, on reconnaît clairement qui étaient les auteurs, et qui plus est, l'enregistrement lui-même est finalement le leur. Mais, là aussi, il y a encore du flou : The Intercept a publié une photo montrant plusieurs corps carbonisés au même endroit ; il se peut donc que nous ne parlions pas seulement d'abus ici, nous parlons de meurtre, mais ce n'est pas aussi clair que ladite vidéo d'abus.

Mais il n'y a en aucun cas des enregistrements de Butscha qui clarifient la question de savoir qui y a agi. Les images des rues du village sont apparues dans l'après-midi du 2 avril. L'endroit avait été abandonné par les troupes russes quelques jours plus tôt. Dès le 31 mars, le maire de la ville a filmé une vidéo annonçant que Bucha était de nouveau ukrainien. La commune de Butscha compte moins de 30 000 habitants, on peut supposer que le maire est au courant de tout ce qui s'est passé ce jour-là. Mais il a toujours l'air détendu et joyeux devant la caméra, pas en colère ou indigné.

En tout cas, le 2 avril, la première vidéo montrant les morts montre aussi des soldats ukrainiens avec des brassards bleus. Ces brassards bleus ont souvent été vus sur des images de Marioupol, identifiant les combattants d'Azov.

Si vous prenez cette information, le mort filmé devait être allongé dans la rue depuis trois jours. Malheureusement, il n'y a qu'un seul plan, celui d'un homme dans un conduit d'égout, qui permet d’y regarder de plus près, et une ou deux taches sur les images où l'on peut voir la couleur de la peau. Cette image provient d'un tweet de Dmitry Kuleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, qui l'a publiée dans une série avec d'autres images de la localité et a écrit que les Russes auraient voulu tuer autant d'Ukrainiens que possible.

Au bout de trois jours, les cadavres sont très cireux. La teneur en eau du corps diminue, provoquant l'affaissement des traits du visage. Le sang qui rosit le teint de la peau chez les vivants (oui, même les Noirs deviennent gris) s'est, depuis longtemps, accumulé au point le plus bas du corps et y a formé des stigmates cadavériques. 

Au bout de trois jours les cadavres ont un aspect cireux...

L'homme dans les égouts ne doit pas être allongé là depuis trois jours. Il est trop rose et les bleus sont trop rouges ; (sur un cadavre) l'hémoglobine qui donne la couleur rouge doit s'être au moins partiellement décomposée et avoir viré au brunâtre. Plus irritant encore est le ruban de tissu posé sur le corps car il ressemble (vraisemblablement sans en être forcément une) à une marque de fabrique : le ruban "Georgs", que les opposants à l'Euro-Maidan utilisaient pour afficher leurs sentiments antifascistes, et ces rubans sont aujourd’hui portés par les armées du Donbass ou de Tchétchénie à Marioupol pour s’identifier.

Même s’il ne s’agit pas du même objet, un membre des troupes russes décorerait-il quelqu'un qu'il mettrait dans une bouche d'égout avec quelque chose d'au moins très similaire à son propre symbole ? Bien sûr, vous ne pouvez pas tout exclure, dans une guerre, mais la chose est fort  peu probable. Mais il y a des acteurs sur scène qui utiliseraient une telle bande précisément de cette façon, d'une part parce qu'ils n'auraient peut-être pas accès à l'original et, d'autre part, parce que cela soulignerait le caractère moqueur des acteurs. Ce sont les troupes d'Azov, ces messieurs aux brassards bleus, dont la présence à Bucha est clairement confirmée   par les vidéos. Dans leur code, un tel ruban signalerait un adversaire, un Colorado, ou « coléoptère de la pomme de terre », comme les appelaient les manifestants pro-russes anti-Maidan à cause du ruban rayé orange et noir des bandes Georgs. Bien sûr, à la guerre, tout le monde ment autant qu'il peut, et cela pourrait aussi être des meurtres faussement attribués à Azov, mais la vérité simple nous dit que ces morts n’ont pas pu intervenir trois jours auparavant, de même qu’à ce moment, il n'y avait plus de  troupes russes sur zone.

Mais au fait : trois jours ? Et personne n'a même étalé un drap sur les morts jusque-là ? On n’a même pas essayé de les mettre au moins sur le trottoir ? Cela aussi est particulier. Même dans les zones de Marioupol qui étaient plus ou moins constamment sous le feu, les victimes étaient couvertes dès que possible et, souvent, quand il n'y avait pas d'autre option, enterrées dans un espace vert entre les maisons. Mais le fait qu’ici, personne ne s'en soucie pendant trois jours contredit tout ce que j'ai vu jusqu'à présent. Ce que j'ai vu en Ukraine pendant huit ans. Non seulement les images des combats actuels, mais aussi celles des dernières années du Donbass, montrent que les morts d’un camp ou du camp ennemi sont généralement traités avec respect. Du côté ukrainien, cependant, ce n'est pas si sûr. Il existe d'innombrables rapports selon lesquels ses propres morts n'ont pas été retrouvés, et souvent même pas récupérés lorsqu’ils étaient rapportés par la partie adverse. 

Contrairement aux autres photos de corps, celui-ci a été recouvert : un civil mort dans une forêt près de Bucha (2 avril 2022)

Bien sûr, la raison pourrait être que ces morts ont été victimes d'un bombardement soudain, qui s'est ensuite poursuivi sans relâche, de sorte que personne ne s'est aventuré hors des caves pour même les couvrir. Après le retrait de la partie russe, ces bombardements auraient dû provenir des troupes ukrainiennes. Cependant, les éclats d'obus dans la rue manquent, et les blessures visibles et brutales causées par l'explosion des obus manquent aussi. Personne n'a eu une jambe ou un bras arraché. Les taches de sang sont également maintenues dans des limites modestes.

La prochaine possibilité serait qu'ils aient été victimes de tireurs d'élite. Ce serait plus conforme à ce que l'on peut deviner au niveau des blessures. Ici aussi, il serait plus probable que le feu provienne du côté ukrainien. Quoi qu'il en soit, cela n'a aucun sens de laisser des tireurs isolés derrière quand les troupes (russes) dégagent. Leur tâche est de fournir une couverture militaire aux troupes contre les tireurs d'élite ennemis. Même en supposant qu'ils aient été chargés de terroriser les civils comme ceux d'Azov l'ont fait à Marioupol, ils restent généralement à quelques kilomètres au maximum de la force principale, et non à des dizaines. L'activité constante des tireurs d'élite fournirait également une raison pour laquelle personne ne se serait occupé des morts, mais il s’agirait là d’un crime de guerre ukrainien, pas russe.

La dernière option concerne les troupes aux brassards bleus. Depuis les lieux du Donbass occupés par les troupes ukrainiennes à l'été 2014, on sait que les troupes à vocation idéologique, comme le bataillon Azov, y traquaient carrément toute personne considérée comme pro-russe. Et si cela arrivait aussi à Bucha ? C'est le mort dans les égouts qui met en jeu cette pensée. Et si cela se répétait ? Après tout, les troupes russes étaient dans la région depuis longtemps. D'ailleurs, certains des morts portent des bandages blancs sur les bras ; certaines des troupes russes sont marquées de la même manière, et ces bandes auraient été utilisées pour signaler des gens de leur "propre camp", qui seraient alors, bien sûr, les "autres" pour la partie ukrainienne.

Le journaliste de guerre russe Alexander Koz, qui écrit pour Komsomolskaya Pravda et a suivi la guerre dans le Donbass depuis le début, arrive exactement à cette conclusion. Selon ses propres déclarations, il était également à Bucha, au moins pour une courte période, mais écrit : "Pendant ce mois et demi, les troupes russes n'ont pas pu complètement contrôler cet endroit durant une seule journée. Et la situation n'y était pas favorable pour une communication "continue" avec les habitants. Combats constants, bombardements, affrontements directs." Et il poursuit en écrivant : "En vérité, les troupes russes ont quitté Bucha et se sont regroupées quelques jours avant la découverte des 'victimes de l'occupation'. Les forces armées ukrainiennes ne s'en sont pas aperçues au début et ont couvert la ville d'artillerie pendant trois autres jours, les civils ont peut-être été victimes de ces bombardements. Et lorsqu'ils ont repris leurs esprits, ils ont commencé, comme d'habitude, une «chasse aux sorcières» à la recherche de ceux qu'ils croyaient avoir coopéré avec les forces «d'occupation»." Il note également que la condition des morts ne correspond pas à celle de ceux qui sont morts il y a quelques jours. Et il nomme même une option envisageable pour clarifier objectivement la responsabilité : « Il suffit de mener une enquête qui détermine l'heure de la mort de ces malheureux. Et de comparer cela avec les données objectives de l'OTAN (par lesquelles il entend la surveillance par satellite, etc.), qui déterminent quand les troupes russes se sont retirées. Mais, ajoute-t-il avec scepticisme, c'est ce que vous faites quand vous cherchez la vérité. Et qui en a besoin en Occident ?"

Bien sûr, il y a aussi des appels à une "enquête indépendante" dans les médias locaux. Le problème avec cela, cependant, est que des organisations telles que Human Rights Watch, qui sont tout sauf "indépendantes", sont ainsi labellisées, car dans ce cas, "indépendant" signifierait la mise en place d'une autorité qui serait reconnue par les deux parties belligérantes. Une telle autorité n'existe plus ; ces dernières années, pratiquement toutes les organisations internationales ont été tellement instrumentalisées par l'Occident d'une manière ou d'une autre qu'elles ont perdu leur crédibilité, du moins en dehors de cette petite bulle occidentale qui aime à s'appeler la "communauté internationale". Publier les informations dont dispose l'OTAN pour clarifier qui a réellement tué des civils à Bucha ? Les informations de l'OTAN sur le MH17 restent classifiées à ce jour. Koz devrait avoir raison avec son hypothèse.

Mais même en mettant de côté tous ces points qui soulèvent des doutes quant à l'interprétation hâtive et commode de l'Occident, et en supposant que, pour l'une des raisons énumérées au tout début, il s'agissait en fait de troupes russes, ce n'est pas une raison pour justifier les réactions actuelles. Car il faudrait parfaitement préciser qu'il ne s'agissait ni d'un accident ni d'un oubli ou d'une erreur humaine. Un crime de guerre nécessite une intention. Et les criminels de guerre vraiment dangereux, comme les troupes de l'Empire nazi, ont autre chose qui les distingue : ils sont fiers de leurs actes. Ils s'en vantent. Comme ceux qui ont filmé la maltraitance des prisonniers de guerre. Ou le massacre d'Odessa en 2014.

Et d'abord, ce serait l'action d'une entité spécifique. En aucun cas celle de tout un peuple. Le maire de Dnepropetrovsk, Boris Filatow, voit les choses différemment. Il écrit sur sa page Facebook : "Maintenant, nous avons le droit moral de tuer tranquillement et avec bonne conscience ces non-humains à travers le monde, indéfiniment et dans la plus grande quantité possible." Il veut dire "les Russes". Tous les Russes. "Non-humains" ? Ce genre de déclaration doit sembler bien familière à certains.

 

dimanche 13 mars 2022

Une passionnante conversation entre une jeune Ukrainienne et Sir Roger Waters

En visitant le compte Twitter de Roger Waters, je suis tombé sur un courrier à lui adressé par une jeune Ukrainienne. Je l'ai trouvé suffisamment passionnant pour le traduire en français, pour les besoins des non-anglophones. Du coup, il va pouvoir être lu dans le monde entier dans d'autres langues que l'anglais, et ce, grâce au traducteur intégré visible ci-dessus. Je me suis tout de même permis d'ajouter mon grain de sel au courrier de cette jeune fille, sous la forme d'annotations en fin de texte.

(Source)

Je m'appelle A.M. et je vis en Ukraine. Aujourd'hui, mon pays résiste à cette invasion russe et une véritable guerre a été déclenchée par le président russe et menée par son armée. Je suis une grand fan de Pink Floyd et de Roger Waters et il était important pour moi d'entendre l'opinion de Roger sur toute la situation actuelle, laquelle pourrait paraître moins urgente dès lors que cette guerre ne pourrait être considérée que comme "notre seul problème", mais malheureusement elle devient rapidement une catastrophe pour l'Europe et le monde entier.

La guerre a commencé il y a onze jours (1), et chaque jour nous entendons les sirènes qui avertissent des bombes lancées par les occupants russes. L'agression de la Russie détruit MON pays, tue des centaines d'adultes et d'enfants innocents dans MON pays et je ne peux pas expliquer combien d'Ukrainiens sont obligés de quitter leurs maisons et de fuir cette folie. Les villes de l'est de l'Ukraine sont détruites par l'armée russe (2). Des centaines de milliers de personnes évacuent et deviennent des réfugiés et leur nombre augmente chaque minute. Je souffre, comme beaucoup d'autres Ukrainiens, car cela fait très mal de voir comment MON pays devient une cible militaire pour la Russie et son dirigeant fou, lequel est convaincu qu'il y a des "néo-nazis", qui doivent être éliminés. C'est absolument faux, parce que je vis ici, et je peux dire à 200% qu'il n'y a pas de telles personnes chez nous. (3)

Je demande à Roger de s’exprimer publiquement sur cette guerre, car je n'arrive toujours pas à comprendre comment une personne qui a écrit un nombre important de textes anti-guerre n'a pas encore parlé de cette tragédie. En outre, je comprends parfaitement que le point de vue de Roger puisse être différent du mien, mais je lui demande juste de livrer sa propre opinion sur cette guerre. C'est mieux que de se taire, car dans cette situation, le silence est l'un des pires ennemis - il est impossible de construire un mur dans cette situation et de rester isolé face à ce problème.

Je suis sûre à 95% que cette lettre ne sera pas remise directement à Roger, et ce serait un miracle si j'avais une réponse.

Cependant, un homme qui parle des risques de catastrophe nucléaire et de l'absurdité de la guerre ne peut pas rester silencieux dans cette situation. Faites connaître votre position au monde entier !

Salutations cordiales depuis l’Ukraine.

A.M.

 

Réponse de Roger Waters

Chère Alina, j'ai lu ta lettre, je ressens ta douleur, je suis dégoûté par l'invasion de l'Ukraine par Poutine ; c'est une faute criminelle à mon avis, l'acte d'un gangster ; il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat. Je regrette que les gouvernements occidentaux alimentent le brasier qui va détruire votre beau pays en déversant des armes en Ukraine, au lieu d'engager les ressorts diplomatiques nécessaires à l’arrêt des massacres. Sois assurée que si tous nos dirigeants ne baissent pas d’un ton et ne s'engagent pas dans des négociations diplomatiques, il ne restera pas grand-chose de l'Ukraine à la fin des combats. Une insurrection de longue haleine en Ukraine serait une aubaine pour les faucons gangsters de Washington ; c'est ce dont ils rêvent : "jouer le jeu" comme ils le font, avec le sentiment courageux d’être "hors d’atteinte". J'espère désespérément que votre président n'est pas un gangster lui aussi, qu'il fera ce qui est le mieux pour son peuple et qu'il exigera des Américains qu'ils viennent à la table des négociations. Mais, malheureusement, de nombreux dirigeants du monde ne sont que des gangsters et mon dégoût pour les gangsters de la politique n'a pas commencé la semaine dernière avec Poutine. J'ai été dégoûté par les gangsters Bush et Blair lorsqu'ils ont envahi l'Irak en 2003, j'ai été et je suis toujours dégoûté par l'invasion de la Palestine par le gouvernement de gangsters d'Israël en 1967 et par l'instauration subséquente sur  cette terre d’un apartheid qui dure maintenant depuis plus de cinquante ans. J'ai été dégoûté par les gangsters Obama et Clinton, qui ont ordonné les bombardements illégaux de l'OTAN en Libye et en Serbie. Je suis dégoûté par la destruction massive de la Syrie, initiée, comme on le sait depuis, en 2011 par une ingérence extérieure visant à un changement de régime. J'ai été dégoûté par l'invasion du Liban en 1982, lorsque le gangster Shimon Peres, de connivence avec les milices phalangistes chrétiennes, a permis l’assassinat de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, dans le sud du pays.

Je compatis avec toi, Alina, ainsi qu'avec tes parents, tes oncles, tes tantes, tes frères, tes sœurs et tes cousins. J'ai perdu aussi bien mon père, Eric Fletcher Waters que mon grand-père, George Henry Waters dans des guerres contre les Allemands.

Crois-moi quand je te dis que je crois en la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme signée à Paris en 1948. Je me suis battu de toutes mes forces pour promouvoir et soutenir les droits de l'Homme pour tous mes frères et sœurs dans le monde entier, aussi loin que je me souvienne, et je te soutiens, toi et les tiens, de tout mon cœur.

En parlant de gangsters, je dois te contredire sur un point de ta lettre : ta conviction "à 200 %" qu'il n'y a pas de néonazis dans ton pays est presque à coup sûr  erronée. Tant le bataillon Azov de votre armée, que la Milice nationale et le C14, sont des groupes néo-nazis autoproclamés bien connus. Ce sont aussi des gangsters.

Par ailleurs, je n'ai pas été silencieux sur l'Ukraine ; j'ai écrit un article qui a été distribué la semaine dernière par Globetrotter, je vais l'annexer à ce billet.

Quoi d'autre, Alina ? Eh bien, nous, le peuple, chacun d'entre nous dans tous les pays du monde, y compris en Ukraine et en Russie, pouvons combattre les gangsters ; nous pouvons leur dire que nous ne participerons pas à leurs guerres obscènes et mortelles pour s'approprier le pouvoir et les richesses aux dépens des autres humains ; nous pouvons leur dire que nos familles, en fait toutes les familles du monde entier, comptent plus pour nous que tout le pouvoir et l'argent du monde.

Là où je vis, aux États-Unis, nous pouvons nous joindre à Black Lives Matter, Code Pink, BDS, Les Vétérans (de guerre) pour la Paix ou une myriade d'autres organisations anti-guerre, légalistes, pro-liberté et pro-droits de l'Homme.

Je ferai tout mon possible pour aider à mettre fin à cette horrible guerre dans ton pays, toutes choses ne consistant pas (bêtement) à agiter un drapeau pour encourager un massacre. Car c’est cela que veulent les gangsters. Ils veulent que nous ayons des drapeaux. C'est comme ça qu'ils nous divisent et nous contrôlent, en encourageant l'agitation de banderoles pour créer un écran de fumée d'inimitié dans le but de nous aveugler sur notre capacité innée d'empathie les uns envers les autres, pendant qu'eux-mêmes seraient occupés à piller et violer notre fragile planète. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour contribuer à ramener la paix pour toi, ta famille et ton beau pays. La longue guerre/insurrection lancinante qu'encouragent Hillary Clinton, Condoleeza Rice et le reste des gangsters de Washington n'est pas dans votre intérêt ni dans celui de l'Ukraine. Je te souhaite le meilleur Alina.

Merci pour ta lettre et si tu décides d'envoyer une réponse à mon courrier, je la publierai. Promis.

 

Observations

(1) La guerre qui secoue l'Ukraine en ce moment n'a pas débuté "il y a onze jours", tel que déclaré par cette jeune fille. Enfin, quand même ! Et là, je dois battre ma propre coulpe, n'ayant quasiment été jamais "aware" (conscient) de ce qui se passait dans le Donbass depuis la prétendue "révolution" du Maïdan, pilotée de bout en bout par les États-Unis et leur Deep-State [État profond, une mafia composée de vrais oligarques, ceux-là, détenteurs du vrai pouvoir, qu'ils se contentent de déléguer pour la façade aux occupants de la Maison Blanche, et parfaitement identifiés par le mouvement Occupy Wall Street]. Il a fallu, en ce qui me concerne, que Vladimir Poutine lance l'opération spéciale que l'on sait, pour que, dans la foulée, je découvre le travail effectué par les reporters de RT ainsi que par la Française Anne-Laure Bonnel (voyez mes articles précédents sur ce blog).

Et c'est là qu'on mesure l'exceptionnelle nocivité de ceux que Waters appelle des "gangsters", des gens sans foi ni loi. De fait, les atrocités dans le Donbass, commises par Porochenko, la marionnette installée aux affaires par le Deep State, et ses sbires, ne vont prendre ce tournant que parce que le nouveau pouvoir ukrainien et les milices qui l'assistent ont été adoubés par de puissants parrains... à l'Ouest ! Et comment ne pas citer, ici, cette figure de femme absolument fatale qu'est Victoria Nuland ?

(2) Euh, là je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. Par "Est de l'Ukraine" elle veut dire "Donbass" ou considère-t-elle que le Donbass ne fait pas/plus partie de l'Ukraine ? Il me semble, au vu des innombrables destructions, que celles intervenues dans le Donbass - soit bel et bien "à l'Est de l'Ukraine", sauf à entériner la décision des autorités des deux entités séparatistes - seraient difficiles à attribuer à l'armée russe !

(3) Roger Waters y a répondu succinctement : il y a bien des Néo-Nazis en Ukraine, notamment dans les arcanes du pouvoir. Et la meilleure façon de l'illustrer est de s'appuyer sur des archives fiables. Suivez les liens plus bas...

Plus généralement,  Roger Waters pense ce qu'il veut de Vladimir Poutine. Pour ma part, j'estime que le président russe a fait preuve d'une exceptionnelle patience, de même qu'il ne manque pas d'intuition, sans parler de l'efficacité de ses services secrets, dès lors que l'on découvre maintenant que, malgré toutes les promesses faites à Gorbachev et à Eltsine, les Occidentaux regroupés au sein de l'OTAN ont montré qu'ils n'avaient aucune parole, puisqu'il se confirme désormais que l'OTAN avait déjà un pied dans l'Ukraine. C'est dire si l'entrée officielle du pays au sein du gang criminel international était imminente !

Le plus incroyable est que le Deep State qui pilote toute cette mafia internationale ait été prévenu par Poutine via le retour de la Crimée à la Russie. Mais, apparemment, l'avertissement n'a pas suffi !

Tout aussi ahurissant est de voir que, malgré la bonne volonté mise par Russes et Chinois dans le dossier iranien, qui les a vus s'asseoir aux côtés des occidentaux face au régime des mollahs, les Américains et leurs laquais n'en ont pas moins persévéré dans les coups fourrés anti-russes et anti-chinois, comme le montre leur obsession à vouloir encercler militairement la Russie, tout en maintenant leur comportement de pyromanes du côté de Taïwan. 

Imaginez, une seconde, la rétorsion qui pourrait venir tant de la Chine que de la Russie dans les négociations sur le nucléaire iranien, ces deux pays décidant de quitter le navire. Le Deep State américain et ses laquais se retrouveraient Gros-jean comme devant ! C'est vraiment à se demander QUI dirige réellement ces pays ! Je sais : la question ne devrait plus se poser maintenant !

Pour mémoire, en 2014, il y avait déjà des atrocités commises dans le Donbass, mais là, zéro préoccupation "humanitaire" de la part de la pourriture internationale à laquelle on donne du "Mister/Mrs President/Prime Minister", zéro intervention de l'ONU, de la Cour Pénale Internationale, de la Croix Rouge, du Pape... Sinon, à votre avis, si ce ne sont pas les séparatistes du Donbass qui ont tiré sur leurs propres concitoyens et détruit leurs propres habitations et infrastructures (2014), alors qui ? (Source)


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