(Révision en cours)
Il m'a fallu un peu de temps pour traduire ce gros "papier" de 2220 mots, 14800 signes, qui devrait faire réfléchir tous nos guignols de l'ex-presse-mainstream, qui n'en finit pas de se noyer jour après jour, face à cette machine à dé-désinformer qu'est devenu l'Internet 2.0.
Le fait est qu'une analyse fine des images en provenance de Bucha, cette localité ukrainienne près de Kiev, aurait dû susciter au minimum un peu de circonspection de la part des observateurs les plus lucides. Manque de pot, toute la cohorte de ceux que j'appelle des "éjaculateurs précoces" y est allée de ses accusations infondées contre la Russie.
Sauf que là, la ficelle était un peu (trop) grosse !
Par parenthèse, avant de vous présenter ma traduction du papier de Dagmar Henn, voici des images de Butcha/Bucha, en Ukraine, inspectée par une unité de la police locale au 2 avril 2022 ! (Source : Police Ukrainienne)
Voici une traduction du texte figurant au-dessous de la première image :
Aujourd'hui, le 2 avril, dans la ville libérée
de Bucha, Oblast de Kiev, des sections spéciales de la police nationale
de l'Ukraine ont entamé l'élimination du territoire de tous les
saboteurs et complices des troupes russes. Les spécialistes du service des
explosifs répertorient les crimes de guerre de la Fédération de Russie et
s'assurent de la suppression d'engins explosifs et de munitions non
désactivées.
Quelques
mots sur Bucha, par
Dagmar Henn (source)
L'Occident
est déjà unanime dans l'appréciation des images provenant de Bucha. Mais les choses sont-elles vraiment
si évidentes ? Surtout dans une guerre, il est difficile de découvrir la
vérité. L'indignation spontanée est souvent trompeuse. Les photos des morts ne
sont pas, à elles seules, la preuve d'un crime ni une indication de ses auteurs.
D'un
coup, la guerre en Ukraine fait à nouveau la une des journaux et la classe
politique en fait trop avec de nouvelles demandes de sanctions. "Les
images de Bucha sont insupportables" a, par exemple, déclaré la ministre
des Affaires étrangères Baerbock, qui a immédiatement appelé à de nouvelles
sanctions contre la Russie. Les images de cette localité, près de Kiev, ont été
immédiatement "cataloguées" - il ne peut s'agir que d'un massacre
russe de civils ukrainiens innocents, un crime de guerre odieux.
Désormais,
la couverture de toutes les guerres en Occident, depuis le Vietnam, est devenue
plus sourde. Parce que la visibilité de la misère à l’époque a déclenché une
forte aversion pour cette guerre dans le monde entier, ce qui fait que les
images des zones de guerre ne sont administrées qu'à doses homéopathiques. Cela
nie déjà le premier fait fondamental : la guerre est une entreprise collective
de groupes humains, dont le premier résultat est de transformer d'autres
vivants en morts. C'est un fait technique. La seule chose dont les guerres ne
manquent jamais, ce sont les cadavres.
Le
deuxième point que l'on oublie facilement est le fait que si les Conventions de
Genève sont le critère juridique par lequel les crimes de guerre sont mesurés, depuis
leur établissement, peu après la Seconde Guerre mondiale, il ne devrait pas y
avoir eu une seule guerre dès lors que les deux parties (belligérantes) – voire
une seule - y ont immédiatement adhéré. Les soldats sont aussi des humains ;
ils commettent des erreurs, ils ont peur et ils réagissent mal. Les artilleurs
peuvent mal calculer et manquer la cible réelle. Après tout, la guerre est une
condition qui n'est pas destinée à la psyché humaine. L'interdiction
normalement forte de tuer doit être brisée pour pouvoir même mener une guerre,
et il est néanmoins difficile de la réglementer. Il est dans la nature des
choses que ce ne soit pas toujours possible.
Ainsi,
même dans les images de décès de civils, il n'y a en fait rien qui doive
surprendre. À la guerre comme à la guerre. Savoir si l'indignation est
justifiée et s'il y a une culpabilité particulière - et si oui, à qui la faute
- demande à y regarder de plus près et, si possible, avec la tête froide plutôt
qu'avec une excitation spontanée. (Bien sûr, les reportages homéopathiques ont
aussi pour effet que les quelques photos qui sont montrées sont
particulièrement choquantes ; mais j'avoue avoir vu tellement de telles photos
du seul Donbass au cours des années, depuis 2014, que la simple vue des morts ne
déclenche plus un choc spontané en moi).
Annalena
Baerbock semble affirmer qu'il s'agit d'un crime de guerre commis par l'armée
russe. Ceci serait prouvé uniquement par lesdites photos du village de Butscha.
Maintenant, au mieux, les enregistrements montrent simplement des morts ; il y
a un extrait vidéo dans lequel l'un des corps montrés précédemment apparaît dans
le rétroviseur du véhicule en train de se rasseoir ; il n'est donc même pas
certain que toutes les personnes représentées soient réellement mortes. Mais
même si - alors des questions subsistaient : qui les a tuées, quand et pourquoi
? Et ce n'est que la dernière des questions "pourquoi", qui voit la
notion même de crime de guerre entrer en jeu.
Soit
dit en passant, cette affaire diffère très clairement de la vidéo récemment
apparue sur les mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre russes
par les Ukrainiens : dans cette dernière, on reconnaît clairement qui étaient
les auteurs, et qui plus est, l'enregistrement lui-même est finalement le leur.
Mais, là aussi, il y a encore du flou : The Intercept a publié une photo
montrant plusieurs corps carbonisés au même endroit ; il se peut donc que
nous ne parlions pas seulement d'abus ici, nous parlons de meurtre, mais ce
n'est pas aussi clair que ladite vidéo d'abus.
Mais
il n'y a en aucun cas des enregistrements de Butscha qui clarifient la question
de savoir qui y a agi. Les images des rues du village sont apparues dans
l'après-midi du 2 avril. L'endroit avait été abandonné par les troupes russes
quelques jours plus tôt. Dès le 31 mars, le maire de la ville a filmé une vidéo
annonçant que Bucha était de nouveau ukrainien. La commune de Butscha compte
moins de 30 000 habitants, on peut supposer que le maire est au courant de tout
ce qui s'est passé ce jour-là. Mais il a toujours l'air détendu et joyeux
devant la caméra, pas en colère ou indigné.
En
tout cas, le 2 avril, la première vidéo montrant les morts montre aussi des
soldats ukrainiens avec des brassards bleus. Ces brassards bleus ont souvent
été vus sur des images de Marioupol, identifiant les combattants d'Azov.
Si
vous prenez cette information, le mort filmé devait être allongé dans la rue
depuis trois jours. Malheureusement, il n'y a qu'un seul plan, celui d'un homme
dans un conduit d'égout, qui permet d’y regarder de plus près, et une ou deux
taches sur les images où l'on peut voir la couleur de la peau. Cette image
provient d'un tweet de Dmitry Kuleba, ministre ukrainien des Affaires
étrangères, qui l'a publiée dans une série avec d'autres images de la localité
et a écrit que les Russes auraient voulu tuer autant d'Ukrainiens que possible.
Au
bout de trois jours, les cadavres sont très cireux. La teneur en eau du corps
diminue, provoquant l'affaissement des traits du visage. Le sang qui rosit le
teint de la peau chez les vivants (oui, même les Noirs deviennent gris) s'est,
depuis longtemps, accumulé au point le plus bas du corps et y a formé des
stigmates cadavériques.
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Au bout de trois jours les cadavres ont un aspect cireux...
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L'homme
dans les égouts ne doit pas être allongé là depuis trois jours. Il est trop
rose et les bleus sont trop rouges ; (sur un cadavre) l'hémoglobine qui donne
la couleur rouge doit s'être au moins partiellement décomposée et avoir viré au
brunâtre. Plus irritant encore est le ruban de tissu posé sur le corps car il
ressemble (vraisemblablement sans en être forcément une) à une marque de fabrique : le
ruban "Georgs", que les opposants à l'Euro-Maidan utilisaient pour afficher leurs
sentiments antifascistes, et ces rubans sont aujourd’hui portés par les armées du
Donbass ou de Tchétchénie à Marioupol pour s’identifier.
Même
s’il ne s’agit pas du même objet, un membre des troupes russes décorerait-il
quelqu'un qu'il mettrait dans une bouche d'égout avec quelque chose d'au moins
très similaire à son propre symbole ? Bien sûr, vous ne pouvez pas tout exclure,
dans une guerre, mais la chose est fort peu probable. Mais il y a des acteurs sur
scène qui utiliseraient une telle bande précisément de cette façon, d'une part
parce qu'ils n'auraient peut-être pas accès à l'original et, d'autre part,
parce que cela soulignerait le caractère moqueur des acteurs. Ce sont les
troupes d'Azov, ces messieurs aux brassards bleus, dont la présence à Bucha est
clairement confirmée par les vidéos. Dans leur code, un tel ruban signalerait
un adversaire, un Colorado, ou « coléoptère de la pomme de terre », comme
les appelaient les manifestants pro-russes anti-Maidan à cause du ruban rayé
orange et noir des bandes Georgs. Bien sûr, à la guerre, tout le monde ment
autant qu'il peut, et cela pourrait aussi être des meurtres faussement
attribués à Azov, mais la vérité simple nous dit que ces morts n’ont pas pu
intervenir trois jours auparavant, de même qu’à ce moment, il n'y avait plus de
troupes russes sur zone.
Mais
au fait : trois jours ? Et personne n'a même étalé un drap sur les morts
jusque-là ? On n’a même pas essayé de les mettre au moins sur le trottoir ?
Cela aussi est particulier. Même dans les zones de Marioupol qui étaient plus
ou moins constamment sous le feu, les victimes étaient couvertes dès que
possible et, souvent, quand il n'y avait pas d'autre option, enterrées dans un espace
vert entre les maisons. Mais le fait qu’ici, personne ne s'en soucie pendant
trois jours contredit tout ce que j'ai vu jusqu'à présent. Ce que j'ai vu en
Ukraine pendant huit ans. Non seulement les images des combats actuels, mais
aussi celles des dernières années du Donbass, montrent que les morts d’un camp
ou du camp ennemi sont généralement traités avec respect. Du côté ukrainien,
cependant, ce n'est pas si sûr. Il existe d'innombrables rapports selon
lesquels ses propres morts n'ont pas été retrouvés, et souvent même pas récupérés
lorsqu’ils étaient rapportés par la partie adverse.
|
Contrairement aux autres photos de corps, celui-ci a été recouvert : un civil mort dans une forêt près de Bucha (2 avril 2022) |
Bien
sûr, la raison pourrait être que ces morts ont été victimes d'un bombardement
soudain, qui s'est ensuite poursuivi sans relâche, de sorte que personne ne
s'est aventuré hors des caves pour même les couvrir. Après le retrait de la
partie russe, ces bombardements auraient dû provenir des troupes ukrainiennes.
Cependant, les éclats d'obus dans la rue manquent, et les blessures visibles et
brutales causées par l'explosion des obus manquent aussi. Personne n'a eu une
jambe ou un bras arraché. Les taches de sang sont également maintenues dans des
limites modestes.
La
prochaine possibilité serait qu'ils aient été victimes de tireurs d'élite. Ce
serait plus conforme à ce que l'on peut deviner au niveau des blessures. Ici
aussi, il serait plus probable que le feu provienne du côté ukrainien. Quoi
qu'il en soit, cela n'a aucun sens de laisser des tireurs isolés derrière quand
les troupes (russes) dégagent. Leur tâche est de fournir une couverture
militaire aux troupes contre les tireurs d'élite ennemis. Même en supposant
qu'ils aient été chargés de terroriser les civils comme ceux d'Azov l'ont fait
à Marioupol, ils restent généralement à quelques kilomètres au maximum de la
force principale, et non à des dizaines. L'activité constante des tireurs
d'élite fournirait également une raison pour laquelle personne ne se serait
occupé des morts, mais il s’agirait là d’un crime de guerre ukrainien, pas russe.
La
dernière option concerne les troupes aux brassards bleus. Depuis les lieux du
Donbass occupés par les troupes ukrainiennes à l'été 2014, on sait que les
troupes à vocation idéologique, comme le bataillon Azov, y traquaient carrément
toute personne considérée comme pro-russe. Et si cela arrivait aussi à Bucha ?
C'est le mort dans les égouts qui met en jeu cette pensée. Et si cela se
répétait ? Après tout, les troupes russes étaient dans la région depuis
longtemps. D'ailleurs, certains des morts portent des bandages blancs sur les
bras ; certaines des troupes russes sont marquées de la même manière, et ces
bandes auraient été utilisées pour signaler des gens de leur "propre camp",
qui seraient alors, bien sûr, les "autres" pour la partie
ukrainienne.
Le
journaliste de guerre russe Alexander Koz, qui écrit pour Komsomolskaya Pravda
et a suivi la guerre dans le Donbass depuis le début, arrive exactement à cette
conclusion. Selon ses propres déclarations, il était également à Bucha, au
moins pour une courte période, mais écrit : "Pendant ce mois et demi, les
troupes russes n'ont pas pu complètement contrôler cet endroit durant une seule
journée. Et la situation n'y était pas favorable pour une communication
"continue" avec les habitants. Combats constants, bombardements,
affrontements directs." Et il poursuit en écrivant : "En vérité, les
troupes russes ont quitté Bucha et se sont regroupées quelques jours avant la
découverte des 'victimes de l'occupation'. Les forces armées ukrainiennes ne
s'en sont pas aperçues au début et ont couvert la ville d'artillerie pendant
trois autres jours, les civils ont peut-être été victimes de ces bombardements.
Et lorsqu'ils ont repris leurs esprits, ils ont commencé, comme d'habitude, une
«chasse aux sorcières» à la recherche de ceux qu'ils croyaient avoir coopéré
avec les forces «d'occupation»." Il note également que la condition des morts ne
correspond pas à celle de ceux qui sont morts il y a quelques jours. Et il
nomme même une option envisageable pour clarifier objectivement la
responsabilité : « Il suffit de mener une enquête qui détermine l'heure de la
mort de ces malheureux. Et de comparer cela avec les données objectives de
l'OTAN (par lesquelles il entend la surveillance par satellite, etc.), qui
déterminent quand les troupes russes se sont retirées. Mais, ajoute-t-il avec
scepticisme, c'est ce que vous faites quand vous cherchez la vérité. Et qui en
a besoin en Occident ?"
Bien
sûr, il y a aussi des appels à une "enquête indépendante" dans les
médias locaux. Le problème avec cela, cependant, est que des organisations
telles que Human Rights Watch, qui sont tout sauf "indépendantes", sont
ainsi labellisées, car dans ce cas, "indépendant" signifierait la
mise en place d'une autorité qui serait reconnue par les deux parties
belligérantes. Une telle autorité n'existe plus ; ces dernières années,
pratiquement toutes les organisations internationales ont été tellement
instrumentalisées par l'Occident d'une manière ou d'une autre qu'elles ont
perdu leur crédibilité, du moins en dehors de cette petite bulle occidentale
qui aime à s'appeler la "communauté internationale". Publier les
informations dont dispose l'OTAN pour clarifier qui a réellement tué des civils
à Bucha ? Les informations de l'OTAN sur le MH17 restent classifiées à ce
jour. Koz devrait avoir raison avec son hypothèse.
Mais
même en mettant de côté tous ces points qui soulèvent des doutes quant à
l'interprétation hâtive et commode de l'Occident, et en supposant que, pour
l'une des raisons énumérées au tout début, il s'agissait en fait de troupes
russes, ce n'est pas une raison pour justifier les réactions actuelles. Car il
faudrait parfaitement préciser qu'il ne s'agissait ni d'un accident ni d'un
oubli ou d'une erreur humaine. Un crime de guerre nécessite une intention. Et
les criminels de guerre vraiment dangereux, comme les troupes de l'Empire nazi,
ont autre chose qui les distingue : ils sont fiers de leurs actes. Ils s'en
vantent. Comme ceux qui ont filmé la maltraitance des prisonniers de guerre. Ou
le massacre d'Odessa en 2014.
Et
d'abord, ce serait l'action d'une entité spécifique. En aucun cas celle de tout
un peuple. Le maire de Dnepropetrovsk, Boris Filatow, voit les choses
différemment. Il écrit sur sa page Facebook : "Maintenant, nous avons le
droit moral de tuer tranquillement et avec bonne conscience ces non-humains à
travers le monde, indéfiniment et dans la plus grande quantité possible."
Il veut dire "les Russes". Tous les Russes. "Non-humains" ?
Ce genre de déclaration doit sembler bien familière à certains.