Épisode §27. Faillite de l'État bonapartiste. Et si les Gilets jaunes avaient raison ?
"Quand le sage désigne la lune, l'imbécile regarde le doigt.". Adage chinois
En ce moment même, tout ce que la France compte d'imbéciles et de crétins, voire de politologues et autres politocrates, pense que le mouvement dit des Gilets Jaunes est passé de mode et est tombé en obsolescence, le tout en raison d'effectifs de plus en plus squelettiques lors de ces déambulations du samedi qui firent la réputation du mouvement.
Ceux et celles qui ont suivi le présent feuilleton depuis le début savent que je n'ai jamais été un adepte desdites déambulations hebdomadaires, compte tenu des traumatismes musculaires et articulaires qu'elles ne peuvent pas manquer de provoquer. C'est ainsi que je me suis longtemps interrogé sur la pertinence de marches forcées sur un secteur pavé comme les Champs-Elysées, peu indiqué pour des marcheurs âgés, trop jeunes ou handicapés, de même que je me suis interrogé sur l'opportunité d'un défilé allant de la Gare parisienne de l'Est jusqu'au Trocadéro, soit une traversée de plus de la moitié de la largeur de Paris !
Autant dire que je ne mesure pas la réussite ou l'échec des Gilets Jaunes à l'aune des effectifs proclamés par la Préfecture de police !
By the way, par parenthèse, y a-t-il jugement plus objectif sur les G.J. que celui de ce touriste étranger passablement navré de son dernier périple parisien ?
"Je m'exprime en tant que touriste, un touriste dont le train pour Paris a été supprimé, un touriste dans l'impossibilité d'emprunter la plupart des lignes de métro durant les vacances ; et malgré cela, les mérites des Gilets Jaunes sont admirables. Contre M., ...". (Source)
L'avant-dernier épisode de cette série s'intitulait 'L'âge de raison'. Entre temps, les Gilets Jaunes ont manifesté pour la cinquante-neuvième fois à travers les villes de France. Et après plus d'un an de manifestations hebdomadaires, que voyons-nous ? Un pays en panne, comme perclus des rhumatismes de la grève des services publics, une spécialité tellement française au sein de l'Union Européenne.
Et moi de me demander ce qu'il adviendrait de la France, là maintenant, si, d'aventure, le Referendum d'Initiative Citoyenne, le fameux RIC tant vanté par les Gilets Jaunes, avait été adopté par le pays, ce qui aurait permis aux électeurs français de se prononcer, sur leur propre initiative, au sujet de l'adaptation éventuelle des retraites aux évolutions démographiques en cours.
Voilà un État autocratique, sorti tout droit du cerveau embrumé d'un général de brigade né au dix-neuvième siècle, et dont les détenteurs du pouvoir préfèrent braver l'impopularité et les jacqueries d'une partie de la population, plutôt que de rétrocéder la parole au peuple, pour reprendre la formule du sociologue suisse Jean Ziegler.
Rétrocéder la parole au peuple, est-ce si difficile ? Il faut croire que oui !
Offrons-nous un petit survol de la planète sujette à des ébullitions sociales : Algérie, Hong-Kong, Venezuela, Liban, Chili, Bolivie, Nicaragua, Iraq, Soudan, Yémen, Iran, Haïti..., France.
Hé oui, il faut ajouter la France à ce groupe funeste de démocratures !
Hé oui, il faut ajouter la France à ce groupe funeste de démocratures !
Le point commun de tous ces régimes ? Aucun d'eux n'est une république parlementaire (1) ; rien que des régimes autocratiques. Autant dire des démocraties de façade, et ce, quels que soient les agendas avoués ou inavoués motivant toutes ces jacqueries et tous ces soulèvements populaires.
Le fait est que l'histoire des soulèvements populaires nous montre que ces derniers se produisent, voire se reproduisent de façon récurrente dans des États infra-démocratiques, la Suisse en étant le plus parfait contre-exemple : dans ce pays, probablement le plus démocratique du monde, avec son recours massif à la votation, à savoir au referendum d'initiative populaire, les grèves et tensions sociales violentes se comptent, chaque année, sur les doigts d'une main.
Tandis qu'en France, pays limitrophe de la Suisse !
Par parenthèse, on nous parle beaucoup des manifestants "pro-démocratie" de Hong-Kong. Et là, on rapproche les statistiques : voyez le nombre de Gilets Jaunes mutilés ou estropiés en France, et le nombre de militants "pro-démocratie" estropiés à Hongkong, et concluez !
Par parenthèse, on nous parle beaucoup des manifestants "pro-démocratie" de Hong-Kong. Et là, on rapproche les statistiques : voyez le nombre de Gilets Jaunes mutilés ou estropiés en France, et le nombre de militants "pro-démocratie" estropiés à Hongkong, et concluez !
Memento : 1958-1962 : instauration de la constitution autocratique de ladite Cinquième République par De Gaulle. Une décennie plus tard, l'autocrate doit faire face aux événements de Mai 68 ; par la suite, on aura les grandes grèves des transports publics en 1986, 1995, des jacqueries paysannes récurrentes illustrées par les saccages du Marché de Rungis, les déversements de produits agricoles devant des préfectures, des scènes de guérilla urbaine dans les banlieues de Paris, Lyon, Toulouse, en passant par l'incendie du Parlement de Bretagne (Rennes, février 1994), jusqu'aux bonnets rouges, destructeurs de péages sur les routes, avant les Gilets Jaunes. La France façonnée par De Gaulle et ses épigones cumule plus de grèves, de révoltes populaires et de jacqueries que la totalité des autres pays de l'Union Européenne réunis !
Et dire que les Gilets Jaunes avaient sonné l'alarme : en mettant l'accent sur le RIC, ils avaient montré qu'eux au moins avaient perçu le mal profond minant les institutions de ce pays : l'autocratie, qui fait qu'un homme seul décide de tout, tout en faisant peser la responsabilité sur d'autres (le gouvernement), dès lors que lui-même n'est responsable de rien !
Extrait des vœux que le monarque élu a adressés aux Français dans la soirée du 31 décembre 2019 : "Avec
les organisations syndicales qui le veulent, j'attends d'Édouard Philippe qu'il trouve
la voie d'un compromis rapide".
Vous avez compris que, dans un régime autocratique, il y a quelqu'un (le monarque élu) qui fait des discours et impose ses vues à quelqu'un (le premier ministre) qui n'a d'autre issue que d'appliquer des réformes dont il n'est pas l'initiateur ?
Problème : le militaire initiateur de la Cinquième République, en dictateur refoulé, rêvait de faire de la France une démocrature, ce à quoi il a en partie réussi, le tout à l'aide d'un artifice électoral - le scrutin uninominal à deux tours - consistant à transformer une ultra-minorité en ultra-majorité, à l'exemple de Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002, passant d'à peine 20 % des suffrages exprimés au premier tour, à un mirobolant 82 % au second.
Il va sans dire que la seule mesure fiable du niveau de l'adhésion des électeurs au programme du monarque élu est celle des résultats du premier tour.
Le fait est que le monarque élu par les Français en mai 2017 a obtenu moins d'un quart des suffrages exprimés au premier tour, ce qui revient à dire que trois quarts des Français n'ont pas été spontanément séduits par son programme.
Et pourtant, depuis lors, ne voilà-t-il pas que les Français n'ont plus droit qu'à des "mon programme", "mes réformes", "j'irai au bout de ceci", "j'irai au bout de cela"...
Une ultra-minorité convertie en ultra-majorité par un tour de passe-passe électoral, voilà qui incite le monarque élu à se croire amplement majoritaire, face à des détracteurs (les 76 % du premier tour) rendus amplement minoritaires !
Et quid des trois-quarts des citoyens qui n'ont pas plébiscité le programme du monarque élu, et qui se rappellent, depuis, à son bon souvenir ?
"... les protestations sont une partie minoritaire du pays..."
Et dire que les Gilets Jaunes avaient sonné l'alarme, ce à quoi on leur a répondu par de simples mesures comptables, comme si la démocratie pouvait s'entretenir uniquement à l'aide de milliards d'euros !
Après moi, il n'y aura plus que des comptables aurait prophétisé François Mitterrand.
Et, pendant ce temps, du côté des politologues et autres politocrates...
Vous avez compris qu'on ne pouvait pas reprocher à un candidat à la monarchie élective de s'asseoir sur les remontrances des trois quarts de la population d'un pays non convaincus par son programme au premier tour d'une élection présidentielle ? À moins que l'on ne tente de nous faire le coup de la multiplication des pains, chose à laquelle nous sommes quelques-uns à ne pas croire du tout !
Pour dire les choses simplement : en un mot comme en cent, s'il y avait eu deux tiers des électeurs pour plébisciter le programme de l'actuel monarque français, ils auraient voté pour lui dès le premier tour de la présidentielle, mais ça n'a pas été le cas et le scrutin uninominal à deux tours reste une escroquerie.
Cela étant, peut-être le monarque élu en mai 2017 va-t-il finir par saisir le peuple par referendum sur la réforme des retraites, ainsi que la Constitution le lui permet. Il a eu l'opportunité de l'annoncer lors des vœux du 31 décembre dernier. Il n'en a rien été.
Il faut croire qu'aux yeux de certains, rétrocéder la parole au peuple constitue un véritable supplice !
Attendez-vous, donc, à voir en 2020 les mêmes soulèvements populaires et autres jacqueries se maintenir en Algérie, Chili, Soudan, Bolivie, Venezuela, Nicaragua, Hong-Kong, Yémen, Haïti..., France !
(1) Extrait du cours de droit constitutionnel de première année de Fac : un régime parlementaire se caractérise par le contrôle strict de l'exécutif par le Parlement. De fait, c'est le parti majoritaire (rare) ou (plus souvent) la coalition détenant la majorité absolue à l'Assemblée Nationale qui verra l'un de ses membres désigné pour former le gouvernement en qualité de premier ministre (un peu partout), chancelier (Allemagne), président du gouvernement (Espagne), etc.
Lectures : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06
Problème : le militaire initiateur de la Cinquième République, en dictateur refoulé, rêvait de faire de la France une démocrature, ce à quoi il a en partie réussi, le tout à l'aide d'un artifice électoral - le scrutin uninominal à deux tours - consistant à transformer une ultra-minorité en ultra-majorité, à l'exemple de Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002, passant d'à peine 20 % des suffrages exprimés au premier tour, à un mirobolant 82 % au second.
Il va sans dire que la seule mesure fiable du niveau de l'adhésion des électeurs au programme du monarque élu est celle des résultats du premier tour.
Le fait est que le monarque élu par les Français en mai 2017 a obtenu moins d'un quart des suffrages exprimés au premier tour, ce qui revient à dire que trois quarts des Français n'ont pas été spontanément séduits par son programme.
Et pourtant, depuis lors, ne voilà-t-il pas que les Français n'ont plus droit qu'à des "mon programme", "mes réformes", "j'irai au bout de ceci", "j'irai au bout de cela"...
Une ultra-minorité convertie en ultra-majorité par un tour de passe-passe électoral, voilà qui incite le monarque élu à se croire amplement majoritaire, face à des détracteurs (les 76 % du premier tour) rendus amplement minoritaires !
Source |
Et quid des trois-quarts des citoyens qui n'ont pas plébiscité le programme du monarque élu, et qui se rappellent, depuis, à son bon souvenir ?
"... les protestations sont une partie minoritaire du pays..."
Et dire que les Gilets Jaunes avaient sonné l'alarme, ce à quoi on leur a répondu par de simples mesures comptables, comme si la démocratie pouvait s'entretenir uniquement à l'aide de milliards d'euros !
Après moi, il n'y aura plus que des comptables aurait prophétisé François Mitterrand.
Et, pendant ce temps, du côté des politologues et autres politocrates...
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Pour dire les choses simplement : en un mot comme en cent, s'il y avait eu deux tiers des électeurs pour plébisciter le programme de l'actuel monarque français, ils auraient voté pour lui dès le premier tour de la présidentielle, mais ça n'a pas été le cas et le scrutin uninominal à deux tours reste une escroquerie.
Cela étant, peut-être le monarque élu en mai 2017 va-t-il finir par saisir le peuple par referendum sur la réforme des retraites, ainsi que la Constitution le lui permet. Il a eu l'opportunité de l'annoncer lors des vœux du 31 décembre dernier. Il n'en a rien été.
Il faut croire qu'aux yeux de certains, rétrocéder la parole au peuple constitue un véritable supplice !
Attendez-vous, donc, à voir en 2020 les mêmes soulèvements populaires et autres jacqueries se maintenir en Algérie, Chili, Soudan, Bolivie, Venezuela, Nicaragua, Hong-Kong, Yémen, Haïti..., France !
(1) Extrait du cours de droit constitutionnel de première année de Fac : un régime parlementaire se caractérise par le contrôle strict de l'exécutif par le Parlement. De fait, c'est le parti majoritaire (rare) ou (plus souvent) la coalition détenant la majorité absolue à l'Assemblée Nationale qui verra l'un de ses membres désigné pour former le gouvernement en qualité de premier ministre (un peu partout), chancelier (Allemagne), président du gouvernement (Espagne), etc.
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Par ailleurs, les prix, ça monte et ça descend ; il s'agit de données conjoncturelles. Que feraient les Gilets Jaunes si les prix de toutes les marchandises étaient divisés par deux par une opération du Saint-Esprit ? Ils s'arrêteraient ? Est-ce que la simple division par deux des prix à la consommation signifierait plus de démocratie ? Il me semble que non !
Parce qu'au-delà des questions de vie chère et de pouvoir d'achat, il y a des considérations relevant de la structure même de l'organisation sociale, et c'est cela qui m'importait en observant le mouvement, et en le replaçant dans la longue durée de bien des mouvements protestataires qui, dans leur quasi-totalité, ont échoué (Poujade, le Cidunati), quand ils n'ont pas débouché sur une 'reconquista' par les forces qu'ils auraient voulu abattre (cf. la victoire du gaullisme à la suite des émeutes de Mai 68).
On a un peu oublié que les élections ayant suivi la "grande" révolte de Mai 68 ont sacré le clan gaulliste, permettant au régime bonapartiste initié en 1958 d'en reprendre pour un demi-siècle, tout ça parce que les insurgés de Mai 68 n'ont été obnubilés que par des questions conjoncturelles et subalternes comme le fait de savoir si, dans les résidences universitaires, les garçons allaient pouvoir accéder aux chambres des filles !!!!!
J'aime bien le message reproduit ci-dessus : "En mettant l'accent sur ce qui nous rassemble et pas sur ce qui nous divise on perd sans doute en cohérence, mais on gagne en efficacité."
Les retraites ? Elles concernent les retraités. Les impôts ? Ils concernent ceux qui paient (payaient !) l'ISF, l'impôt sur le revenu, la CSG. Les prix à la pompe ? Ils concernent les automobilistes. Les charges sur les entreprises ? Elles concernent les employeurs, etc.
On voit bien que tout le monde ne pense pas la même chose des impôts et des taxes, ni de l'ISF. Mais connaissez-vous quelqu'un qui souhaite voir réduire les libertés publiques et la démocratie ?
En clair : en se focalisant sur l'essentiel, sur lequel tout le monde peut se mettre d'accord, et non sur des considérations accessoires, qui n'intéressent que telle ou telle catégorie de la population, on gagne en efficacité car, du coup, tout le monde se sent concerné.
En mettant l'accent sur ce qui rassemble, les Gilets Jaunes montrent qu'ils ont compris que certains acquis nécessitaient l'accès préalable à des passages obligés, comme le fait d'emprunter un col ou une passe pour aller d'une vallée à une autre sur une route de montagne.
En clair, l'accès à l'ensemble des poupées est conditionné par l'ouverture de la plus grande poupée, laquelle constitue un passage obligé vers la poupée suivante, et ainsi de suite.
Petit supplément illustré
Lectures : 01 - 02 - 03 (en anglais on dit "a must see") - 04