Épisode §22. Pourquoi le RIC est inéluctable !
On prête à François Mitterrand cet oracle : "Après moi, il n'y aura plus que des comptables !".
À votre avis, que sous-entendait Mitterrand sous le vocable "comptable" ?
On pense à "technocrate", sans vision politique, mais avec du bagout, dans le genre de celui ou celle qui vous aligne des chiffres et des statistiques, histoire d'épater son auditoire. Le problème est que les chiffres, à eux seuls, ça ne fait pas une politique, sinon comment expliquer le crash de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002, alors même que, cinq années durant, le premier ministre socialiste avait aligné les bonnes statistiques et tous les voyants dans le vert, sans oublier les bons sondages ?
Et puis arrive le premier tour de la présidentielle, qui voit le comptable Jospin échouer à la troisième place, derrière Jean-Marie Le Pen.
Je suis à peu près certain qu'à ce jour, Jospin ne s'en est toujours pas remis de cette débâcle, sans pouvoir se l'expliquer vraiment autrement que par la ficelle un peu grosse du "c'est la faute d'Untel !", ce Untel étant pluriel : J.P. Chevènement, Christiane Taubira pour le Parti Radical de Gauche, l'écologiste Noël Mamère, le communiste Robert Hue...
Autant dire que c'est l'ensemble des alliés du Parti socialiste au sein de ladite "Gauche Plurielle" qui font faux bond à Jospin au premier tour de cette présidentielle. Bien évidemment, tout le monde a compris qu'en se coalisant dès le premier tour, la gauche aurait permis à Jospin de se qualifier pour le second. (Lien)
Mais qu'a-t-il bien pu se passer pour que les choses tournent à ce point au vinaigre pour Jospin ?
La prédiction de Mitterrand, pardi ! Tant il est vrai que le premier ministre de cohabitation que fut Jospin s'est contenté de jouer les comptables, grisé qu'il a été par les bons sondages mais, surtout, intoxiqué par le venin de l'autocratie et du bonapartisme, lui qui fut qualifié de "Président Bis".
Et pourtant, dit l'adage, un homme averti en vaut deux. Et c'est là que Jospin aurait dû méditer le sort de Jacques Chirac en 1988, premier ministre de cohabitation sortant, battu par celui-là même qu'il s'était évertué à humilier durant deux ans. Mais il faut croire que le personnel politique n'a pas de mémoire.
C'est ainsi que Jospin, le 'président bis', a passé les cinq années de son mandat de premier ministre à rabaisser ses partenaires de la Gauche Plurielle, à commencer par l'écologiste Dominique Voynet. Au total, cette cohabitation aura vu les Verts passer cinq longues années à avaler les couleuvres.
Citation :
« Cela fait longtemps que je bride ma nature. J'ai enduré ce qu'il coûte d'être ministre écologiste de l'Environnement dans un gouvernement qui ne l'est pas. Au bout du compte, les Verts ont appris à participer au gouvernement. Définir un objectif lointain ne suffit pas, nous avons appris à dire comment on y va », martèle, depuis des semaines, la responsable des Verts, affichant une combativité toujours à la limite de la brutalité. Malgré quelques spectaculaires ratés _ comme cette absence totale de compassion en décembre 1999 à l'égard des victimes de la marée noire _, Dominique Voynet peut effectivement se prévaloir d'avoir fait exister les Verts, numériquement très faibles au Parlement, mais électoralement en pleine ascension. Si son bilan politique est incontestable, son bilan écologique est, lui, nettement plus mitigé. (source)
Aux abords de la présidentielle de 2002, mon attention a été attirée par deux interventions. Ce fut d'abord le pianiste antillais Mario Canonge, qui annonça dans Le Figaro qu'au premier tour, il voterait Taubira et irait à la pêche au second.
Étonnant non ?, venant d'un homme de gauche ! En fait, pas vraiment, si l'on prend en compte la deuxième intervention, venant de la part d'un enfant interrogé par la radio RTL en marge de la campagne présidentielle (cf. une série d'émissions intitulées "J'ai douze ans et je suis président"), ce qui nous a valu cette injonction :
Il faudrait peut-être arrêter (sic) qu'il n'y ait que des ministres blancs !
Ce gamin (ou cette gamine s'agissant d'une voix d'enfant) fort perspicace avait constaté que, durant toute cette cohabitation et au gré des remaniements, l'équipe Jospin n'aura intégré aucune personnalité "de couleur" ! (Lien)
Et dire que ce nigaud de Jospin en veut toujours à Christiane Taubira et aux écologistes de lui avoir savonné la planche, alors même qu'il se l'est bien savonnée tout seul !
J'entends d'ici les objections : "Mais, mon bon monsieur, qu'est-ce que tout ça a à voir avec les Gilets Jaunes ?".
Je vois qu'il y en a qui ont du mal à suivre les déambulations intellectuelles un peu trop analytiques ! Souvenez-vous du "Après moi, il n'y aura plus que des comptables
!".
Il se trouve que j'ai consulté les commentaires ayant suivi la dernière prise de parole solennelle du président français ; vous savez ? Celui qui a créé un parti politique à ses initiales (E. M.) !
Les retraites par-ci, les niches fiscales par-là, augmentation de ci, diminution de ça... Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à l'oracle François Mitterrand.
Le problème c'est qu'il y a toujours du monde dans la rue, notamment les samedis, ce qui va finir par faire jaser à travers le monde, les grands média internationaux, presse écrite, en ligne, audio-visuelle, notamment les télévisions (ABC, ARD, BBC, CBS, CNN..., NBC, NHK, ORF, RT, RTE..., ZDF) ne se privant pas d'en rajouter une couche, voire plusieurs. (source)
Pour ma part, il me semble avoir écrit ici que le problème, avec certaines personnes, était leur incapacité à faire la part de l'essentiel et de l'accessoire. Voyez les chapitres précédents. Et j'estime que la fin prochaine du régime bonapartiste français est de plus en plus désirée par un contingent de plus en plus important de la population. Je sais qu'à ce propos, les "comptables" vont m'opposer leur sempiternels sondages, dont je me contrefiche !
Il y a une décision essentielle à prendre, là, maintenant, pour restaurer un commencement de paix sociale dans ce pays, et elle passe par l'instauration de plus de démocratie, j'allais dire "directe", mais ce serait un pléonasme.
Vous voulez un pronostic ? Les Gilets Jaunes ont déjà gagné sur le plan institutionnel. Le reste n'est plus qu'une question de mois, soit 3 x 12 = trente-six mois tout au plus, tant je suis absolument persuadé que les deux candidats qui s'affronteront pour le second tour de la présidentielle de 2022 auront inscrit le R.I.C. (C pour Citoyenne) ou R.I.P. (P pour Populaire) tout en haut de leur programme.
Observons simplement que c'est parce qu'elle a fini par "piger"... que Marine Le Pen a sérieusement revu sa copie entre 2012 et 2017... Comme par hasard, là voilà qui se qualifie sans trop de mal pour le second tour en 2017. Chats échaudés craignant l'eau froide, gageons qu'à la suite de Le Pen, pas mal d'autres candidats (= bonapartistes patentés) vont tenter de s'engouffrer dans la brèche, voire l'ont déjà fait (Dupont-Aignan, Mélenchon...) en se convertissant à la démocratie directe ! Autant dire qu'à la prochaine présidentielle, l'adhésion à la démocratie 'directe' sera une condition sine qua non de la qualification pour le second tour.
On parie ?
En tout cas, que ceux qui sont prêts à parier le contraire prennent le temps de consulter les archives de ce modeste blog. Le fait est que mes analyses concernant Sarkozy (2007), Juppé (printemps 2011), le non départ de Fillon de Matignon (cf. le président de la République n'a pas le pouvoir de changer de premier ministre si ce dernier ne veut pas démissionner !), les tares de Mélenchon (favorable à l'agression de l'Otan sur la Libye) et Hollande (inactif, par calcul, après avoir été informé de la tentative de viol dont fut victime Tristane Banon)..., la duplicité de Hillary Clinton (automne 2016), le coup de pouce des occidentaux au profit d'Al Qaeda en Afrique du Nord..., voire le jeu plus que flou de Florian Philippot apparaissant comme intrus au sein du Front National (avant la présidentielle de 2017) se sont avérées pas trop fausses. Et, pour ce faire, moi, je n'ai eu besoin d'aucun sondage !
Petit supplément illustré
Un tableau de bord affiche régulièrement des liens de messageries ou autres sites via lesquels des visiteurs se sont connectés sur ce blog. J'ai cliqué sur l'un d'eux et ai atterri sur ce qui suit. Ce n'est pas le Pérou, mais apparaître sur la première page d'un moteur de recherche, même à la dernière place, ça ne fait que confirmer ce que je savais déjà. Toutes mes félicitations aux futés et futées qui prennent le temps de consulter régulièrement ma prose... Ce qui vous confirme, en passant, la raison de mon allergie pour les soi-disant réseaux sociaux, où la pensée est réduite à sa plus simple expression, les fautes d'orthographe et de syntaxe en plus !
Épisode 7, un des plus consultés récemment : 'Biscotos versus ciboulots' |
Par ailleurs, les prix, ça monte et ça descend ; il s'agit de données conjoncturelles. Que feraient les Gilets Jaunes si les prix de toutes les marchandises étaient divisés par deux par une opération du Saint-Esprit ? Ils s'arrêteraient ? Est-ce que la simple division par deux des prix à la consommation signifierait plus de démocratie ? Il me semble que non !
Parce qu'au-delà des questions de vie chère et de pouvoir d'achat, il y a des considérations relevant de la structure même de l'organisation sociale, et c'est cela qui m'importait en observant le mouvement, et en le replaçant dans la longue durée de bien des mouvements protestataires qui, dans leur quasi-totalité, ont échoué (Poujade, le Cidunati), quand ils n'ont pas débouché sur une 'reconquista' par les forces qu'ils auraient voulu abattre (cf. la victoire du gaullisme à la suite des émeutes de Mai 68).
On a un peu oublié que les élections ayant suivi la "grande" révolte de Mai 68 ont sacré le clan gaulliste, permettant au régime bonapartiste initié en 1958 d'en reprendre pour un demi-siècle, tout ça parce que les insurgés de Mai 68 n'ont été obnubilés que par des questions conjoncturelles et subalternes comme le fait de savoir si, dans les résidences universitaires, les garçons allaient pouvoir accéder aux chambres des filles !!!!!
J'aime bien le message reproduit ci-dessus : "En mettant l'accent sur ce qui nous rassemble et pas sur ce qui nous divise on perd sans doute en cohérence, mais on gagne en efficacité."
Les retraites ? Elles concernent les retraités. Les impôts ? Ils concernent ceux qui paient (payaient !) l'ISF, l'impôt sur le revenu, la CSG. Les prix à la pompe ? Ils concernent les automobilistes. Les charges sur les entreprises ? Elles concernent les employeurs, etc.
On voit bien que tout le monde ne pense pas la même chose des impôts et des taxes, ni de l'ISF. Mais connaissez-vous quelqu'un qui souhaite voir réduire les libertés publiques et la démocratie ?
En clair : en se focalisant sur l'essentiel, sur lequel tout le monde peut se mettre d'accord, et non sur des considérations accessoires, qui n'intéressent que telle ou telle catégorie de la population, on gagne en efficacité car, du coup, tout le monde se sent concerné.
En mettant l'accent sur ce qui rassemble, les Gilets Jaunes montrent qu'ils ont compris que certains acquis nécessitaient l'accès préalable à des passages obligés, comme le fait d'emprunter un col ou une passe pour aller d'une vallée à une autre sur une route de montagne.
En clair, l'accès à l'ensemble des poupées est conditionné par l'ouverture de la plus grande poupée, laquelle constitue un passage obligé vers la poupée suivante, et ainsi de suite.
Petit supplément illustré
Lectures : 01 - 02 - 03 (en anglais on dit "a must see") - 04