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dimanche 25 août 2019

Paris martyrisée, Paris outragée, mais Paris libérée !


Retour sur un 25 août...

Même si vous ne vivez pas en France, vous avez dû entendre parler de Charles de Gaulle, cet admirateur de Franco et de Perón élu président de la République en 1958 puis en 1965.

Dois-je vous avouer que je n'ai jamais été un admirateur de De Gaulle, ni de celui dudit Appel du 18 juin (1940), et encore moins de celui d'après, simili dictateur, inventeur de la Françafrique, et qui se serait bien vu dans la peau du Général Tapioca d'une célèbre bande dessinée, à moins qu'il n'eût préféré œuvrer en lieu et place du général Alcazar !

Pour mémoire, après la Seconde Guerre Mondiale, une poignée de pays européens non communistes vont être dirigés par des militaires : l'Espagne, le Portugal, la Grèce et la France.

Mais restons en France. Les millions de touristes qui déambulent chaque année sur les Champs-Élysées connaissent forcément cette statue d'un militaire solitaire (celle de Churchill n'est pas loin de là), plantée devant le Grand-Palais, sur un socle de près de quatre mètres de haut.


Pourquoi ne pas le dire ? J'ai toujours un haut-le-cœur à chaque fois que j'aperçois cette statue incongrue sur la place.

Et qu'y aurait-il d'incongru à cette statue ?, allez-vous me demander.

L'incommensurable stupidité des adorateurs du "grand" général, prêts à commettre les pires contresens dans le seul but d'entretenir un mythe bien fade.

J'entends d'ici les hurlements des "gaullo-hystériques" : comment peut-on impunément s'en prendre à cette grande figure de l'histoire récente de la France ! 

Je reconnais que De Gaulle fut de ceux qui récusèrent la capitulation de la France en 1940 et son alignement obséquieux sur les dictats de l'occupant nazi entre 1940 et 1944.

Maintenant, qu'aurait-il fait, notre grand général, s'il avait été présent sur le sol français, à la place de Pétain, à la tête du gouvernement d'un pays défait et occupé ? Parce qu'une chose est de déclarer, depuis Londres, que la guerre n'est pas finie, une autre est de devoir expédier les affaires courantes dans un pays que vous ne dirigez plus, ni de jure ni de facto !

Rappelons que la libération de la France du nazisme s'est inscrite dans un long processus (on était quand même dans une guerre qualifiée de "mondiale" !) ayant impliqué des dizaines de pays alliés contre les forces de l'Axe, le premier événement décisif de la défaite nazie s'étant déroulé sur le territoire soviétique, avec la libération de Stalingrad.

Et c'est là que la suite mérite qu'on s'y arrête. Mais à vrai dire, un petit retour en arrière préalable va s'imposer.

18 juin 1940, De Gaulle fait une déclaration publique (à l'authenticité discutable et discutée, ledit appel ayant été "réenregistré" plus tard, pour les besoins de la "légende" du "grand" homme !) dans une radio britannique, déclaration passée à la postérité sous la formule "Appel du 18 juin". Le voilà s'autoproclamant chef de la France libre, nourri, logé et blanchi par le gouvernement de Sa Gracieuse majesté (à vrai dire le roi George VI).

Un autre événement va concerner un officier français, événement dont on parlera bien moins que de l'appel de l'autre depuis Londres.

Citation :
Le 2 mars 1941, le colonel Leclerc (38 ans) enlève aux Italiens l'oasis de Koufra, au sud de la Libye. Avec ses hommes, qui ont rejoint comme lui le général de Gaulle après l'invasion de la France par la Wehrmacht, il fait le serment de ne plus déposer les armes avant que le drapeau français ne flotte sur Strasbourg. Ce « serment de Koufra » marque le début d'une longue marche glorieuse qui passera par la Libération de Paris. (Source)

La grande différence entre Londres et Koufra tient au fait qu'à Londres, on a quelqu'un qui pense d'abord à communiquer, l'homme du 18 Juin étant surtout un officier français exilé et impuissant, alors même que l'homme de Koufra est un officier présent sur le terrain même d'une bataille qu'il vient de gagner. Le fait est que le Leclerc de Koufra n'est pas dans la proclamation (entre nous, quel médiocre communiquant ! Même pas un petit micro pour immortaliser la déclaration ?!), mais dans l'action, ce qu'il démontrera amplement par la suite.

Nous voilà en Juin 1944. Les forces alliées débarquent en France pour y mettre fin à l'occupation nazie, après que la Wehrmacht a essuyé sur le front soviétique une série de déroutes dont elle ne se relèvera jamais. De fait, le fameux débarquement allié de Normandie n'est rendu possible que par l'affaiblissement des troupes d'Hitler à l'Est.

Autant dire que c'est bien une armée composée de soldats venus de dizaines de pays, y compris des colonies britanniques et françaises, qui va libérer la France depuis la Normandie, la libération de Paris s'inscrivant dans ce vaste processus. Et c'est là que, comme je l'annonçais plus haut, la suite vaut la peine qu'on s'y arrête.

Mais au fait, savez-vous où est le Grand Général chef de la France Libre en Juin 1944 ?

Euh, c'est-à-dire que, à vrai dire, ben il paraît que les généraux alliés n'ont pas voulu qu'il prenne part aux opérations du débarquement. Enfin, bon, c'est ce qu'on dit !

6 Juin-25 Août, soit près de onze longues semaines. Nous sommes à Paris, jour de la reddition du Général Allemand Von Choltiz, et voilà De Gaulle qui pointe le bout de son nez. Vous connaissez forcément la formule légendaire :

Paris, martyrisée, Paris outragée, mais Paris... libérée !

Entre nous, quel talent de communiquant ! Toujours au bon endroit, devant le bon micro, face à la bonne caméra !

Et que fait Leclerc pendant ce temps ? Ben, Leclerc, avec sa Deuxième Division Blindée, après avoir activement participé à la libération d'une partie de la France, après Paris, le voilà parti pour concrétiser le serment fait à Koufra.

Un bonimenteur de foire, d'un côté, un homme d'action de l'autre !

Mais comment peut-on traiter De Gaulle de bonimenteur de foire ? s'étranglent ses plus fervents supporters !

Parce que c'en était bien un ! Voyez la descente des Champs-Élysées !
Les FFI n'ont pas fini de libérer Paris que De Gaulle n'est déjà obnubilé que par l'idée d'aller défiler en tête de cortège sur les Champs-Élysées, histoire de faire croire aux gogos qu'il était le maître des horloges ! Toujours placé au bon endroit, face à la bonne caméra, levant les bras pour saluer la foule, tantôt vers la gauche, puis vers la droite, le tout sans qu'à aucun moment n'apparaisse un des principaux acteurs de la libération de Paris, le chef des FFI, j'ai nommé le Colonel Henri Rol-Tanguy.

Il faut dire qu'à l'instar de Leclerc de Hauteclocque, l'homme d'action qu'était Rol-Tanguy avait d'autres chats à fouetter que de se donner le beau rôle au milieu des Champs-Élysées !

Donc, pas de Leclerc sur les Champs, pas de Rol-Tanguy non plus, et pas le moindre G.I. ou troufion américain, canadien, néo-zélandais, britannique, et encore moins le moindre tirailleur malien, sénégalais, vietnamien, algérien, marocain, tunisien, antillais, guyanais... 

Et voilà comment une clique de guignols sans vergogne a eu l'idée saugrenue d'installer cette grotesque statue, seule, en plein Champs-Elysées.

Car, même à reconnaître les mérites de De Gaulle dans le fait de ne pas vouloir se résigner à voir la France indéfiniment occupée, cette statue, qui laisse à penser que l'homme de Colombey-les-Deux-Églises a tout fait tout seul, frise l'indécence.

Par parenthèse, le 25 août 1944, le Général von Choltitz remet sa reddition à un comité composé de représentants des forces de libération. 

Citation
Le 25 août 1944, quand von Choltitz capitule sous les coups conjugués des FFI, de la 2e DB du général Leclerc et de la 4e division américaine du général Barton, il est conduit par le général Billotte à la salle de billard de la préfecture de police libérée, où se trouvent Leclerc et Chaban (Jacques Chaban-Delmas), délégué militaire national du général de Gaulle. Rol (Henri Rol-Tanguy), chef régional FFI, qui a dirigé l'insurrection de Paris, est dans une salle voisine avec Valrimont (Maurice Kriegel-Valrimont), membre du Comité d'action militaire (Comac) du Conseil national de la Résistance, qui a été affecté auprès de Rol pendant l'insurrection et qui demande que lui-même et Rol soient présents lors de l'acte de capitulation. Chaban et Leclerc acceptent volontiers. L'acte a été rédigé sur les instructions de Leclerc par son état-major. Choltitz obtient de légers amendements, après quoi les deux généraux en signent chacun un exemplaire. Valrimont demande alors que Rol le signe également, comme chef des FFI - contrairement à ce qui fut abondamment raconté par la suite, celui-ci n'exigea rien. Leclerc fit remarquer que comme « commandant des Forces françaises de Paris », formule figurant dans l'acte de capitulation, Rol était de fait représenté par sa signature, ce qui n'était pas faux. Leclerc précisa aussi qu'il fallait aller au plus vite à son PC, gare Montparnasse, où toutes dispositions pourraient être prises pour transmettre rapidement les ordres de cessez-le-feu.

C'est ainsi que prennent place, dans le scout-car de Leclerc, Chaban, Valrimont, Rol et Choltitz, en route pour le PC de la gare Montparnasse. Alors que Choltitz signe les ordres de reddition pour les secteurs où les combats continuent, Valrimont réitère sa demande : chef FFI, Rol doit signer l'acte. Soutien sans réserve de Chaban, accord immédiat de Leclerc qui fait modifier sous sa dictée par une surcharge manuscrite l'en-tête de son exemplaire afin qu'il reçoive la signature de Rol, faite dans la foulée. (Source)
Bon, entre nous, le nom de De Gaulle figure-t-il parmi les protagonistes de la reddition du généralissime allemand ? Oui ? Non ?

C'est non !

Dans ce cas, qu'on m'explique ce qu'il faisait sur les Champs-Élysées à se faire acclamer par la foule ! Vous avez compris que notre général n'avait déjà en tête que la suite de sa petite carrière politique ?

Et comme, de surcroît, l'homme ne manquait pas de bagout, voilà qu'il se retrouve très vite sur le rebord d'une fenêtre de l'Hôtel de Ville de Paris, devant micros et caméras, forcément (ça, on l'avait compris !), pour nous livrer cette impérissable litanie de participes passés (en linguistique, ça s'appelle une anaphore) : Paris martyrisée, Paris outragée...

Mais vous savez combien j'ai mauvais esprit ! Le fait est que tout le monde se remémore ces participes passés, du moins les premiers, en oubliant l'essentiel : la fin de la déclaration.

Et que déclare De Gaulle tout à la fin de sa litanie ?

Ceci :
Paris ! Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée ! libérée par elle-même, libérée par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle.
"Libérée par son peuple..., les armées de la France..., la France tout entière..., la France qui se bat..., la seule France..., la vraie France..., la France éternelle." Rien que ça !

Pour mémoire : 

Source

Au total, selon les estimations, environ 17 877 000 de militaires sont morts sur les champs de bataille européens, dont 10 774 000 du côté des alliés et 7 103 000 du côté des forces de l'Axe. Les tués de l’Armée rouge constituent 53 % du total des pertes militaires connues en Europe, ceux de l'Allemagne 31 %, ceux du Royaume-Uni 1,8 %, ceux de la France 1,4 % et ceux de l’armée américaine 1,3 %. Les pertes militaires de l’Union soviétique représentent 88 % du total des pertes alliées en Europe (Royaume-Uni 3 %, France 2,3 % et États-Unis 2,2 %). Le total des pertes militaires seules de l'Allemagne et de l'Union soviétique réunies représentent 84 % du total de toutes les pertes militaires subies en Europe. Les pertes militaires du conflit germano-soviétique seul sont de 13 876 400 soit 78 % du total des pertes militaires subies en Europe. (Source)
Vous avez compris pourquoi notre démagogue en treillis militaire insiste à ce point pour mettre la France en avant, oubliant avec morgue et grossièreté le sacrifice de tant de soldats des troupes alliées - et je n'oublie pas les résistants, les maquisards, ni les civils ! - ? En fait, c'est très simple : compte tenu de sa faible participation aux événements les plus chauds de la Libération, notre communiquant comprend très vite que, pour faire date, il lui faut discourir ; il sait si bien le faire. Or ne s'était-il pas autoproclamé "chef de la France libre" ?

Conscient de sa faible participation aux événements de la Libération, De Gaulle va, donc, s'appliquer à mettre en avant la France, la France, la France..., de manière à se mettre lui-même en avant et de tirer la couverture à lui, puisque le chef (autoproclamé) de cette FRANCE, c'est lui et personne d'autre !

Du grand art ! 

Charles de Gaulle ou l'art de passer par pertes et profits le sacrifice de dizaines de millions de morts de tous pays, sans lesquels il n'y a pas de libération de Paris en août 1944.

Vous comprenez maintenant pourquoi j'en parle comme d'un bonimenteur de foire ? Pour employer une litote !


Lectures : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07 - 08 - 09 - 10 - 11 - 12 - 13


jeudi 6 juin 2019

6 juin 2019 : à propos d'un soixante-quinzième anniversaire


Dans notre rubrique "Memento"...

En ce 6 juin 2019, jour anniversaire du fameux D-Day (6 juin 1944), il va sans dire que nous allons avoir droit à la cohorte des cérémonies commémoratives officielles, où l'on fera profusion de déclarations enflammées du genre "plus jamais ça !", déclarations dont on se doute bien que leurs auteurs n'y croient pas trop eux-mêmes... Voyez les ventes d'armes et les guerres qu'on entretient ici ou là. Car la guerre, c'est bon pour le business !

Ajoutez à cela cette attitude particulièrement cynique consistant à passer sous silence le rôle décisif de l'Armée Rouge dans la défaite d'Hitler, et vous aurez une idée du sérieux à accorder aux cérémonies commémoratives évoquées plus haut.

Le fait est que - et je me surprends à radoter - la bataille qui a enclenché l'écroulement du nazisme n'a pas eu lieu sur les plages normandes en juin 1944 mais bien plus tôt (1941-1943), en territoire soviétique, notamment à Stalingrad.

Et, comme je l'ai déjà évoqué ici même (mais la pédagogie, c'est aussi une affaire de répétition, n'est-ce pas ?), les premières colonnes de soldats de la Wehrmacht, faits prisonniers, sont apparues en Union Soviétique et nulle part ailleurs.

Autre détail essentiel, généralement occulté par les (mauvais) historiens : la déroute d'Hitler sur le front russe n'est pas seulement militaire, mais essentiellement (géo)stratégique. En effet, l'Allemagne (privée de colonies, donc de matières premières essentielles) était à court de carburant, et c'est précisément pour mettre la main sur les champs pétrolifères du Caucase qu'Hitler viole le pacte signé avec Staline. Dès lors, la déroute sur le front russe fait que l'appareil militaro-industriel nazi en est réduit à produire du carburant de synthèse tiré du charbon (mais aussi du caoutchouc artificiel ; cf. le complexe industriel de IG-Farben à Auschwitz), ce dernier ne lui permettant que de couvrir la moitié de ses énormes besoins. C'est ainsi que, faute de carburant, les troupes nazies se sont retrouvées littéralement "encalminées" un peu partout, avec des chars et des camions plantés en rase campagne, sans parler des navires, des sous-marins et des avions ! 

Déjà cité sur ce blog, le grand-père d'une copine allemande, qui m'avouait, un jour, mezza voce : "Hätten wir nur genug Benzin gehabt, so hätte wohl der Krieg weitere zehn Jahre gedauert!" (Si seulement nous avions eu assez de carburant, la guerre aurait duré dix bonnes années de plus !)

Stalingrad, février 1943 - Reddition du Generalfeldmarschall Friedrich Paulus

Stalingrad - Soldats de la Wehrmacht faits prisonniers

Fantassin de l'Armée Rouge tenant en respect deux soldats de la Wehrmacht
  


Kaum zu glauben! Just incredible! À peine croyable ! Les Etats-Unis n'auraient eu aucun scrupule à soutenir le camp (quel qu'il fût) en position de perdre la guerre (... and that way let them kill as many as possible!).
Soit dit en passant, le problème, avec certains "historiens", c'est qu'ils ne travaillent pas toujours avec professionnalisme, ou alors manquent-ils simplement de courage. Le fait est que l'opinion que j'exprime plus haut se retrouve amplement partagée au sein même des Etats-Unis. Voyez ce qu'en pense le Moon of Alabama... 



D-Day And The Myth Of A U.S. Victory
Each D-Day anniversary the same question comes up. Who defeated Germany and its allies? The answer is, without any doubt, the Soviet Union. 
But after decades of western propaganda the claims that the U.S. defeated the Reich has taken over many minds. Polls show that such propaganda works. More than half of the French people now believe that the U.S. contributed the most to the defeat of Germany. (...) 
The U.S. lost 411.000 people due to World war II, Great Britain lost 450,000, Germany some 7 million and the Soviet Union more than 20 million.  
Many people think that the Soviet Union, now "the Russians", were always the bad guys and that Germany was a loyal ally during that war…

Le Jour J et le mythe d’une victoire américaine
À chaque anniversaire du jour J, la même question se pose. Qui a vaincu l'Allemagne et ses alliés ? La réponse est sans aucun doute l'Union soviétique. 
Mais après des décennies de propagande occidentale, l’affirmation selon laquelle ce sont les États-Unis qui ont vaincu le Reich a envahi de nombreux esprits. Les sondages montrent que cette propagande fonctionne toujours. Plus de la moitié des Français croient maintenant que ce sont les États-Unis qui ont le plus contribué à la défaite de l'Allemagne (nazie). (...)

Les États-Unis ont perdu 411 000 personnes lors de la Seconde Guerre mondiale ; la Grande-Bretagne en a perdues 450 000, l’Allemagne environ 7 millions et l’Union soviétique plus de 20 millions. 
Beaucoup de gens pensent que l'Union soviétique, on dit maintenant "les Russes", ont toujours été les méchants et que l'Allemagne a été un allié fidèle pendant cette guerre. 

Lectures : 01 - 02 - (Nota bene : même si je trouve B.V. souvent agaçant, je tiens à rester honnête, donc, je le cite volontiers...) - 03 - 04 - 05 - 06 - 07 - 08


jeudi 24 mai 2018

Cogitations vespérales à propos d'un pseudo-philosophe français


Je vais être franc : je n'avais pas prévu de pondre ce texte aujourd'hui. Il faut vous dire que j'ai là, juste derrière moi, un piano auquel je n'ai pas touché depuis..., une semaine, plus ? Quelle honte ! Quand je pense que vers mes huit ans, je déchiffrais - sans avoir reçu la moindre leçon de solfège - des chorals luthériens que je jouais sur un harmonium - du même modèle que celui d'Albert Schweitzer à Lambaréné - que mon père avait rapporté d'un séjour en Suisse !

Le fait est qu'à dix ans, j'étais un parfait autodidacte en matière de solfège et de musique d'église (cf. le fameux "tube" Eine feste Burg). C'est dire si, aujourd'hui, j'ai un peu honte...

Mais je suis bien décidé à jouer du piano ce soir ; sauf que mon attention a été provisoirement accaparée par un article paru sur un site en ligne, et dont j'extrais ce qui suit :

Citation :
Question : Dans Civilisation, Régis Debray convoque un géopoliticien inattendu en la personne de Paul Valéry qui en 1927 écrivait: “L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine. Toute sa politique s’y dirige.” Qu’en pensez-vous, Alain Finkielkraut?
Alain Finkielkraut. Du point de vue géopolitique, ce qui s’impose d’abord à nous, c’est de ne pas tomber dans l’ingratitude et de reconnaître notre dette. J’ai appris en lisant Régis Debray qu’à la question “Quelle est selon vous la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne?”, 55% des Français répondaient “l’URSS” en 1945, et seulement 15% les Etats-Unis; en 2004, le même sondage donnait le résultat exactement inverse. Le soldat Ryan est passé par là, dit Régis Debray, ajoutant que le triomphe de Hollywood entretient l’amnésie.
Mais c’est une autre forme d’amnésie que de faire l’impasse sur le Débarquement, ce moment inouï où des soldats américains sont morts, à 10000 kilomètres de chez eux, pour libérer la France de l’occupation allemande. Et puis, chance inimaginable, nous avons bénéficié du plan Marshall. Tandis que, comme l’a écrit Gombrowicz, “la fin de la guerre n’a pas apporté la libération aux Polonais; dans cette triste Europe centrale, elle signifiait seulement l’échange d’une nuit contre une autre, des bourreaux de Hitler contre ceux de Staline”. (Source)
Fin de citation
Je me dois de signaler à ceux de mes lecteurs qui ne connaissent pas la France, que monsieur A. Finkielkraut y jouit d'un prestige considérable, enfin, auprès d'une certaine clique médiatique qui le prend pour un philosophe, la France comptant certainement plus de "philosophes" que le reste de la planète ! Le prestige de Finkielkraut l'a même amené à s'installer, il y a peu, dans un fauteuil de ce club du 3ème âge baptisé 'Académie Française'.

Et comme preuve que n'importe quel pseudo-intellectuel peut accéder à l'Académie Française, nous avons cette déclaration intempestive (cf. quelqu'un me pose une question et je réponds 'in petto', sans même prendre le temps de la réflexion...) sur les véritables artisans de la défaite nazie de 1945.

Reprenons : un sondage nous apprend que 55 % des sondés considèrent l'URSS comme principal acteur de la défaite des nazis (et non pas de l'Allemagne comme stupidement suggéré par la question, dès lors que de nombreux Allemands furent des adversaires acharnés du nazisme, à l'instar du futur chancellier Willy Brandt, qui n'a pas hésité à endosser l'uniforme norvégien pour faire la guerre aux armées de son propre pays.).

Et voilà que notre pseudo-philosophe, sans même prendre le temps de la réflexion, nous sort cette stupidité : "... c'est une autre forme d'amnésie que de faire l'impasse sur le débarquement...".

Mais où a-t-il vu que les Français faisaient l'impasse sur le débarquement normand ?

Où y a-t-il "amnésie" lorsque les sondés mentionnent (en 1945) les Etats-Unis, derrière l'URSS, certes, et néanmoins présents parmi les responsables de la défaite nazie ?

Il paraît, à en croire un autre sondage, plus récent, que les choses se seraient inversées, les Etats-Unis passant en tête des responsables de la défaite nazie...

Pour ma part, je ne carbure pas aux sondages. Cela étant, sondages ou pas, en quoi le rôle des Etats-Unis peut-il être réduit au seul débarquement normand, dès lors que 1) ledit débarquement a impliqué une multitude de pays (Canada, Australie...) et 2) la France n'a été qu'un des pays européens occupés par Hitler, une victoire sur Hitler en France ne supposant pas nécessairement la victoire sur le nazisme dans toute l'Europe occupée !

Le fait est que, longtemps avant ce débarquement de juin 1944, ceux qui infligèrent à Hitler sa première déroute d'envergure furent les Soviétiques, si l'on s'en tient à la simple chronologie, chose que n'importe quel collégien peut découvrir en se documentant un peu.

Par parenthèse, j'ai vingt ans et je me trouve en Allemagne, lorsque je croise la route d'une certaine Annette H., dont le grand-père m'apprend qu'il a servi comme jeune sous-officier dans la Wehrmacht, sous le commandement de Manfred Rommel. À la fin d'un week-end passé dans la Forêt Noire, je prends congé de la famille et c'est le grand-père qui me ramène en voiture à la gare. Et il en profite pour me livrer cette confidence qui me laisse pantois : "Hätten wir nur genug Benzin gehabt, so hätte der Krieg weitere zehn Jahre gedauert." (Si seulement nous avions eu assez de carburant, la guerre aurait duré une bonne décennie de plus.).

Vous avez compris ? Non ? Alors je vous explique : c'est en violant le pacte germano-soviétique qu'Hitler a signé son arrêt de mort.

Mais pourquoi diable Hitler viole-t-il le pacte de non-agression concocté avec Staline ? Tout simplement pour étendre le Reich sur ces immenses territoires slaves, dont Himmler a dit, un jour, que leur germanisation ne se ferait pas par la culture mais par le sang. Mais, avant toute chose, Hitler avait impérativement besoin de faire voler ses avions, circuler ses chars, ses navires de guerre..., et pour ça, il lui fallait du pétrole, matière première peu présente dans le sous-sol européen (sous occupation nazie, ne parlons pas des colonies, inaccessibles à cause du blocus maritime), sauf chez l'allié roumain ainsi que dans... les champs pétrolifères du Causase (soviétique).

Les ingénieurs nazis ont bien essayé - avec un certain succès - de produire du carburant synthétique tiré du charbon (une des missions assignées  au complexe industriel bâti par IG-Farben à Auschwitz, avec la production de caoutchouc artificiel), mais cette essence de synthèse ne pouvait couvrir que la moitié des énormes besoins de la machine militaire nazie. Il fallait, donc, trouver dare-dare d'autres approvisionnements en pétrole.

D'où l'invasion de l'URSS et les déroutes subséquentes, notamment à Stalingrad (1942-1943), soit plus d'un an avant le fameux débarquement normand.





Demandez à n'importe quel historien ou officier supérieur ce qui se serait passé si, d'aventure, Hitler était venu à bout de l'Armée Rouge et avait assis sa domination sur l'URSS : il n'y aurait jamais eu de débarquement allié en juin 44, ni en Normandie, ni ailleurs ! 

Vous voulez que je vous dise ? J'ai l'impression d'avoir perdu mon temps avec ce guignol inculte de Finkielkraut ; finalement, je crois que je ferais bien de me remettre au piano (en fait un synthétiseur fort versatile car capable de "singer" une multitude d'instruments) !



Vidé0 1   Vidéo 2   Vidéo 3   Vidéo 4   Vidéo 5   Vidéo 6 (et dire que E. G. ne lisait pas la musique, Django Reinhardt et Count Basie... non plus, d'ailleurs !)

À propos du titre "Cogitations vespérales" : le texte a été rédigé en toute fin d'après-midi, soit, chez les Catholiques et visiblement aussi les Orthodoxes, l'heure des vêpres. Et à ce sujet, comment résister à ce chef-d'oeuvre absolu de Sergueï Rachmaninov ? Nul besoin d'être croyant(e) pour avoir la chair de poule... Il faut dire que les choeurs 'a capella' de la liturgie orthodoxe, c'est quelque chose ! Mais je n'oublie pas la version 'catholique' de Claudio Monteverdi, avec ce grandiose... Ave Maris Stella !